Es-tu sûr de le vouloir vraiment ?
Fiction en quatre chapitres, terminée.
Takano a prévu une surprise pour l'anniversaire d'Onodera. Un week end de trois jours où Ritsu ne sera qu'à lui. Mais comment le convaincre de l'accompagner ? De leur côté, ses parents ont l'intention de faire une petite soirée d'anniversaire où, ils l'espèrent leur fils annoncera enfin ses fiançailles avec An. Cependant tout ne sera pas aussi simple…
Takano / Onodera
Romance, lemon, amitié.
Rating : + 18 ans
L'univers et les personnages appartiennent à Shungiku Nakamura.
Es-tu sûr de le vouloir vraiment ?
Shiroitora-lili
Chapitre 1
27 mars
C’était, pour lui, une journée tout à fait ordinaire. Il s’était levé et s’apprêtait à partir au travail lorsque son portable sonna. Il était tôt, Takano lui avait demandé de venir de très bonne heure mais il en ignorait encore la raison. Son téléphone sonnait encore, il ne voulait pas répondre. C’était sa mère et savait pourquoi elle appelait. Il répondit tout de même tout en quittant son appartement. Pendant de longues minutes, elle lui parla de sa fiancée qu’il négligeait puis en vint à la raison de son appel : son anniversaire. Il soupira longuement et n’écoutait pas vraiment. Il ne savait plus comment lui expliquer qu’il n’épouserait pas cette fille et qu’il ne voulait pas qu’on lui fasse une fête pour son anniversaire car il rentrerait tard ce soir aussi. Du moins, il ne voulait pas de fête, c’est pourquoi il lui donna une excuse bateau. Sa mère fut bouleversée d’entendre ces paroles de la bouche de son fils adoré et lui de savoir qu’elle ne l’écoutait pas. Onodera venait d’arriver dans le métro et pour ne pas gêner les autres passagers coupa la conversation pour le plus grand désespoir de sa mère.
Assis dans le métro, il fixait droit devant lui. Son esprit divaguait s’interrogeant une fois encore sur le pourquoi il n’avait pas remplit les documents pour demander son transfert. Après tout, l’édition de shôjo manga n’était pas ce qu’il souhaitait faire en rentrant dans cette compagnie. Non ! Lui était un littéraire. Cependant, il devait bien s’avouer que ce travail commençait à lui plaire, et ce bien qu’il soit épuisant. Devait-il ajouter que c’en était que plus dur à cause de son chef : Takano Masamune. Chef qui, dix ans auparavant, était celui dont il était éperdument amoureux. Et aujourd’hui, qu’en était-il ? Certes, Takano lui disait au moins une fois par jour qu’il l’aimait et ils avaient couchés ensemble mais lui n’arrivait pas à exprimer ses sentiments. Mais quels étaient-ils ?
Ritsu soupira lourdement et laissa des grimaces prendre possession de son visage. Les autres voyageurs le voyaient se tordre dans tous les sens et arborer une face digne d’un film d’horreur. Le métro s’arrêta enfin et Onodera descendit. Il marcha quelques minutes pour rejoindre son bureau. Cela faisait un moment qu’il n’avait pu faire ce trajet seul. Takano se débrouillait toujours pour être avec lui. Sauf aujourd’hui. Comment comprendre cela ? C’est pourtant lui qui avait insisté pour qu’il aille au bureau plus tôt aujourd’hui. Une fois encore, ses sentiments se bousculaient tellement en lui qu’il n’arrivait pas à savoir s’il en était heureux ou déçu… Takano devait savoir qu’aujourd’hui c’était son anniversaire, alors pourquoi ne l’accompagnait-il pas ? Le jeune éditeur se rabroua et pénétra dans le bâtiment où il travaillait puis monta à l’étage afin de rejoindre les éditions Emerald.
Les bureaux étaient vides et calmes. Il était rare de rencontrer des collègues aussi tôt dans la matinée, bien qu’il soit huit heures. En s’approchant de sa table de travail, il entendit quelqu’un pianoter sur un clavier d’ordinateur. Son coeur s’emballa, son visage s’empourpra. Cela ne pouvait être que son supérieur hiérarchique mais depuis quelle heure était-il là ?
— ONODERA ! hurla le responsable de l’édition. Je t’ai dit d’être là plus tôt aujourd’hui, ajouta t-il en tapant du point sur la table.
— Ta… Takano ! bafouilla le concerné.
— Mets toi au travail !
— Je sais ce que j’ai à faire ! Tu n’as pas à me le dire ! reprit Ritsu en haussant le ton et tout en s’installant derrière son bureau. Il est huit heures, je te signale que c’est tôt…
— Je suis là depuis sept heures, le toisa l’ainé.
Le jeune éditeur ouvrit son ordinateur portable et se mit à travailler dans le calme mais hors de lui. Ce silence était pesant. Seule la vibration d’un téléphone brisa cette ambiance, plusieurs heures plus tard. C’était celui d’Onodera.
— Désolé, je sors un moment, baragouina le cadet.
— ONODERA ! Je t’ai déjà dit de réduire le nombre de tes appels personnels !
Mais l’interpellé quittait déjà la salle. Takano le regarda partir. Ce gars l’agaçait mais il avait ce petit quelque chose qui l’attirait, qui l’avait toujours attiré et qui faisait qu’il l’aimait comme un fou. Il songea qu’il ne lui avait pas donné la raison pour laquelle il lui avait demandé de venir plus tôt aujourd’hui, lui-même étant arrivé près d’une heure avant son subordonné. Il avait prévu de l’emmener dans la maison de campagne de sa mère. Elle n’y allait plus depuis longtemps et lui avait laissé les clefs et un accès libre.
Il n’y allait quasiment jamais, juste ce qu’il fallait pour que la bâtisse ne tombe pas en ruine. Parfois, il s’y rendait pour ses vacances. Mais l’anniversaire de Ritsu était une occasion pour y aller. Loin des autres. Loin du travail. Là bas, il n’y avait ni téléphone fixe, ni internet et le réseau pour les téléphones portables était quasiment inexistant.
Il ne restait plus qu’à emmener Onodera là bas. Masamune savait qu’il refuserait, tant pis il fera comme toujours : il le forcera à le suivre. Tout le temps que dura sa réflexion, son regard resta figé vers l’endroit où avait disparu son ex-amant.
———
Dans le couloir vide d’âmes, Onodera soupira en voyant le nom affiché sur l’écran de son portable. Il entendait son patron lui hurler dessus et il savait pertinemment que cela n’avait rien à voir avec le travail. Takano semblait jaloux et pour la première fois Ritsu s’en voulait de répondre. Il appuya pourtant sur la touche permettant de décrocher.
— Allo !
— Rit’, c’est toi ?
— An’ ?! Je suis au travail, je vais devoir raccrocher…
— Je voulais juste…. juste de souhaiter un joyeux anniversaire.
— Merci, mais tu n’aurais pas dû.
— Rit’, j’ai un cadeau pour toi, je peux passer chez toi ce soir ?
Ritsu ne voulait pas qu’An passe chez lui. Il ne voulait plus lui donner de faux espoirs. D’ailleurs il se promit qu’il devait mettre ça au clair avec ses parents. An ne méritait pas de souffrir autant et méritait de rencontrer un homme qui saura prendre soin d’elle.
— Je vais rentrer tard…
— C’est pas grave, je peux attendre.
Onodera avait la sensation d’avoir déjà vécu cette scène. Il se rabroua et reprit sa conversation.
— Ecoute, An’… Je ne veux pas que tu viennes ce soir, ni aucun autre jour. Je t’apprécie énormément. Comme une soeur, pas comme tu le souhaiterais. Je te promets de mettre ça au clair avec mes parents. Mais s’il te plait ne m’attends pas.
La dernière phrase du jeune éditeur était à double sens. Double sens que la jeune femme comprit.
— Comment peux-tu aller à l’encontre de tes parents ? Ritsu, tu n’es qu’un goujat ! J’avais raison l’autre jour, n’est-ce pas ? Tu es encore amoureux de cette personne, celle que tu aimais déjà au lycée.
An était en colère, Onodera le comprenait mais il n’arrivait pas à vraiment s’en vouloir. Ce n’était pas la première fois qu’il a repoussait.
— Ecoute An’, je comprends que tu sois fâchée mais je n’ai jamais rien promis. Je suis désolé mais je dois te laisser…
Ritsu coupa la conversation, à contre-coeur, mais il le devait. An devait comprendre qu’il n’irait jamais vers elle même si pour cela, pour une fois, il devait se montrer dur. Il soupira et sut que sa mère ne tarderait pas à l’appeler, alors pour éviter d’être déranger il éteignit son téléphone et rejoignit sa table de travail sous le regard désapprobateur de Takano. Le chef des éditions Emerald avait eu une furieuse envie d’aller épier cette conversation téléphonique mais ne le fit pas. Il n’en connaissait pas la raison mais pour une fois, il ne voulait pas s’interposer. Après tout, Onodera serait à lui pour la soirée et les deux prochains jours et il savait qu’il était normal de recevoir des appels le jour de son anniversaire. Après quelques minutes de silence, Takano se leva et se dirigea vers son subalterne.
— Arrange-toi pour avoir terminé ton travail pour quatorze heures. Je t’emmène quelque part.
— Hein ! Quoi ? Non pas question d’aller où que ce soit avec toi ! s’offusqua Onodera.
— C’est un ordre !
— Pas question !
— Tu n’as pas le choix, c’est ton cadeau d’anniversaire…, avoua Takano en laissant un baiser sur la joue de son aimé.
Ritsu sentit son trouble augmenter, ses pommettes se teintèrent de pourpre et les sons se mouraient au fond de sa gorge. Qu’avait en tête Takano ?
— On aura juste à passer à nos appartements pour prendre quelques affaires et ensuite on prend ma voiture pour une destination surprise, reprit l’ainé en enlaçant son amour.
— Ta… kano, on est au bureau. J’aimerais que tu arrêtes ça ! En plus, nous avons du travail et les autres ne vont pas tarder…
— Pour le moment, il n’y a que nous. Mais tu as raison, nous avons du travail.
Masamune le délaissa, à contre-coeur, et reprit lui aussi son travail. Plus tard, les autres arrivèrent un à un. L’ambiance s’était alléger d’un coup, rassurant le pauvre Onodera. De son côté, Takano expliquait à Hatori qu’Onodera et lui partirait tôt dans l’après midi et qu’ils seraient absents les deux prochains jours et totalement injoignables. Le second éditeur en chef acquiesça sans poser de question et tous deux se remirent au travail. Ritsu observait les deux hommes. Décidément son ex-amant n’en faisait qu’à sa tête. De quels droits lui ordonnait-il de le suivre vers un endroit inconnu. Pour son anniversaire ? Il n’avait pourtant rien demandé, juste qu’on lui fiche la paix.
———
Sans vraiment comprendre comment, Onodera marchait vers son appartement en compagnie de Takano. Le silence régnait encore entre eux. Une fois de plus, Ritsu se demanda pourquoi son premier amour ne le laissait pas en paix. A l’évidence, ils n’avaient rien à se dire en dehors du travail. Chacun d’eux pénétra chez lui. Masamune prit son sac qu’il avait préparé la veille et alla chercher Ritsu. Il frappa longuement à la porte avant que l’occupant ne se décide de l’ouvrir.
— Tsss ! Qu’est-ce que tu fous, Onodera ? s’énerva presque l’aîné.
— Je ne viens pas, j’ai des choses de prévues, bafouilla le brun sans même regarder son supérieur dans les yeux.
Takano bloqua la porte qui allait se refermer et entra chez son voisin. Il l’attrapa par le poignet afin de le retenir et l’attira à lui. Onodera sentit sa gêne augmenter d’un cran. Pourquoi fallait-il que sa peau le brûle aux endroits où son ex-amant le touchait ?
— Lâche-moi ! somma le cadet alors que son visage s’empourprait.
— Pas question, le timbre de voix de Takano était si sensuel qu’Onodera en eu le souffle coupé.
L’éditeur en chef profita de ce moment pour embrasser tendrement son bel adonis qui, à sa grande surprise, ne se débattit pas.
— Ritsu, je t’aime…
Encore ! Pourquoi lui disait-il encore qu’il l’aimait ? N’en avait-il pas marre ? Pourtant, Onodera devait admettre que son coeur s’emballait en la présence de Takano. Ne lui avait-il pas également avoué l’aimer, certes sa voix fut couverte par l’averse soudaine et Masamune n’avait rien put entendre mais il l’avait pourtant fait. Alors de quoi avait-il si peur ? De souffrir comme dix ans plus tôt ? Non ! En fait, il l’ignorait surement lui-même…
———
La voiture de Takano roulait depuis plusieurs heures, Onodera s’était assoupi. Finalement, il avait accepté de suivre son ainé. Il ignorait où ils se rendaient, sauf qu’il y avait un peu de route à faire. C’est pourquoi il s’était laissé sombrer dans les limbes. Masamune était heureux d’avoir Ritsu pour lui, rien que pour lui et pour les deux prochains jours. Le jour déclinait et leur destination approchait. Onodera ouvrit doucement les yeux.
— Alors, bien dormi ? s’inquiéta l’aîné.
— Hmm ! Oui, répondit l’intéressé en se frottant les yeux.
— Nous sommes arrivés. Veux-tu passer à la maison avant d’aller dîner ?
— Non, ça ira. Merci, baragouina le cadet.
— Si tu es fatigué, je peux annuler le resto. On pourra prendre un truc à la supérette.
Takano ne le montrait pas mais il espérait au plus profond de son être que Ritsu accepte de sortir ce soir. Le cadet réfléchissait, ou plutôt se torturait les méninges. Que devait-il faire ? A la fois, il voulait sortir diner avec Takano et la fois… Des sentiments contradictoires l’envahissaient, comme toujours. Masamune l’observait. Masamune le scrutait. Mais ne disait rien. Patiemment il attendait que son amant - c’est ainsi qu’il le voyait- se décide à s’exprimer.
— Heu… Je… peut-être…, bégaya Ritsu.
Cette situation agaçait fortement l’éditeur en chef, mais il prenait garde à ne pas le montrer. Il souhaitait qu’Onodera prenne enfin une décision sur ce qu’il voulait ou non.
— Ok… pour aller au restaurant, murmura timidement l’intéressé.
Takano sourit, il était heureux. Enfin, son amour acceptait une invitation. Quelques instants plus tard, ils arrivèrent dans le petit établissement où l’aîné avait réservé une table pour l’anniversaire de l'élu de son cœur.
Installés à une table un peu à l’écart de la grande salle du restaurant, les deux collègues de travail restaient silencieux. Le petit établissement ne comportait qu’une dizaine de tables assez bien espacées. L’atmosphère y était serein grâce à l’intimité qu’il y avait entre chaque emplacement. Les murs étaient peints dans les tons taupe, les nappes étaient en tissus chocolat, tandis que les meubles étaient en bois clair. C’était un endroit chaleureux et cosy. Le garçon leur apporta la carte et les laissa choisir. Onodera ne savait pas quoi prendre, il y avait bien trop de choix. Le visage empourpré, il parcourait le menu sans pouvoir se décider. De plus, les prix étaient exorbitant et ne souhaitait pas ruiner son patron.
Takano savait ce qu’il voulait. Aussi, il se concentra sur l’objet de son désir. Il vit qu’il se torturait les méninges rien que pour choisir.
— Un problème ? murmura l’aîné.
— Hein ,… heu… c’est que…, bafouilla l’autre.
— Quoi ? Mince tu pourrais articuler ! s’énerva presque Masamune.
— C’est que c’est bien trop …. cher, hésita à dire Ritsu.
— Si tu arrêtais de regarder les prix et que tu choisissais. Après tout c’est ton cadeau d’anniversaire, sourit Takano.
Onodera plongea ses iris dans ceux de son vis-à-vis, les pommettes toujours rougies par la gêne. Oui ! C’était pour son anniversaire mais il n’avait rien demandé. Et après, qu’avait prévu son pervers de chef ? Une virée dans son lit ? A présent, ce n’était plus de la confusion qu’il ressentait mais un mélange de dégout et de colère.
Le jeune homme qui les avait accueilli avait laissé sa place à l’une de ces collègues. C’est elle qui revint à leur table afin de prendre la commande. Pour le plus grand soulagement de Takano, son invité avait fini par trancher. Alors qu’ils attendaient les plats, le silence s’invita de nouveau entre eux. N’avaient-ils rien à se dire ? C’est ce que Ritsu ne cessait de penser depuis de longs mois. Cette situation était forte déplaisante pour lui. Mais il devait bien admettre que depuis le début de leur escapade, Takano n’avait rien tenté. Quoi faire ? Le jeune éditeur se posait, comme toujours, une multitudes de questions. Pourtant pour une fois, il voulait faire quelque chose. Il prit une profonde inspiration et tenta d’ouvrir la bouche.
— Tout va bien ? Tu n’es pas trop fatigué ? s’inquiéta l’aîné.
L’éditeur en chef venait de le coiffer au poteau !
— Non, tout va bien, balbutia le brun.
— La maison n’est plus très loin. Dès que nous aurons dîner, nous nous y rendrons directement et tu pourras aller dormir.
Masamune parlait doucement et semblait vraiment s’intéresser à lui. D’un coup, Ritsu sentit son corps le brûler, presque le consumer de l’intérieur. Le regard noisette de son vis-à-vis accrocha ses émeraudes. Cela le troubla davantage qu’à l’accoutumé, mais il en ignorait la raison. Enfin si, il savait mais ne voulait toujours pas l’admettre. C’était comme se trahir, rejeter les dix dernières années où il s’était juré de ne jamais retomber amoureux. Pourtant, en sa présence - celle de son ex amant - il lui arrivait de se laisser aller. Dans ces cas, une part de lui regrettait amèrement alors que l’autre partie de lui en était heureux … Vraiment cette situation le désarçonnait.
— Tu ne m’as toujours pas dit où nous étions, demanda timidement Onodera.
— Oui, c’est vrai, répondit Takano.
Masamune appuya sa joue sur poing fermé, son coude était posé sur la table. Dans cette position, sa tête était légèrement inclinée. Il fixait toujours son amant. Il lui expliqua qu’ils se trouvaient près de Nagahama dans la préfecture Shiga, que la maison dans laquelle ils se rendaient appartenait à sa mère mais que celle-ci n’y allait plus. La demeure se situait au bord du lac Biwa, sans voisin dans les trois cents mètres à la ronde.
Onodera s’étonnait d’entendre autant le son de la voix son patron. D’ordinaire, le silence s’emparait d’eux. Pourtant là, Takano semblait ne plus vouloir s’arrêter de parler.
— Dans cet endroit, le réseau cellulaire est inexistant. Dans la maison, il n’y a pas de téléphone fixe ni internet. Cet endroit est parfait pour se reposer, ajouta l’aîné sans quitter du regard son amour.
Ritsu, lui, fouilla dans sa poche afin de vérifier le réseau de son portable. Mais les dires de son hôte s’avéraient exacts. Il ne lui restait plus qu’à l’éteindre. La jeune serveuse revint dans cet entre-fait pour leur apporter leurs commandes. Les deux hommes la remercièrent et entamèrent leur assiette. Le silence revint, mais il était moins pesant. Parfois, ils s’observèrent. Parfois, ils parlèrent … un peu.
Parfois Onodera surprenait un sourire sur le lèvre de son patron. Chose rare, du moins en sa présence. Cela lui arrivait plus lorsqu’il était en compagnie de Yokozawa, ce qui rendait jaloux le jeune éditeur. Mais là, ils étaient seuls et c’était grâce à lui que Masamune semblait heureux.
Après avoir réglée la note, ils quittèrent le petit établissement et regagnèrent la voiture. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant un portail qui s’ouvrit grâce à une télécommande placée dans le véhicule. Takano se gara dans l’allée alors que le portail se referma. Ritsu descendit de la voiture et observa les lieux. Tout semblait si calme si paisible. Il pouvait entendre le léger remous de l’eau du lac non loin de là. La bâtisse était assez vieille mais en bon état. Elle paraissait entretenue alors que son hôte lui avait expliqué que personne ne venait là souvent. L’aîné ouvrit la porte d’entrée et invita son amant à franchir le seuil de cette maison. L’endroit était spacieux et accueillant. Les deux hommes ôtèrent leurs chaussures et enfilèrent des chaussons qui étaient à disposition dans un petit placard à droite de la porte d’entrée.
L’invité suivit son hôte dans toutes les pièces de l’habitation. Il avait le droit à une visite en bonne et due forme. Onodera se sentait gêné de pénétrer ainsi dans l’intimité de son supérieur hiérarchique et se demandait, une fois de plus, pourquoi il avait fini par accepter de le suivre. La décoration des pièces du bas était assez simple, mais chaleureuse et avec tout le confort. Tout y était parfaitement rangé et propre. On pourrait presque penser que quelqu’un vivait ici, pourtant il n’y avait personne. La cuisine était ouverte sur le séjour / salle à manger. Les murs blancs tranchaient avec les portes et les fenêtres en chêne foncé. Les meubles de la cuisine aménagée ainsi que ceux du reste de la pièce étaient en bois clair. Quelques reproductions de toiles de Maître, aquarelles et photos trônaient sur les murs.
La visite se poursuivit à l’étage où se trouvait la salle de bain et deux chambres. Celle du maître des lieux et celle pour les invités. La première était élégante et ne ressemblait pas à Takano. Cela devait surement être la chambre de sa mère. Onodera déglutit difficilement. Cela voulait dire que la chambre d’amis était celle que Masamune occupait lorsqu’il était plus jeune. Lorsque la porte s’ouvrit le jeune éditeur sut qu’il avait vu juste. Il y avait une montagne de livres en tout genre, un bureau bien rangé - comme celui de son appartement - près de la fenêtre, et un lit simple. Ritsu hésita à pénétrer dans cet antre.
— Quelque chose ne va pas ? s’inquiéta l’aîné en voyant son hésitation.
— Hein ! Heu ! … Non… Ca va ! bafouilla Ritsu.
— Si ça ne te convient pas, je peux partager mon lit, sourit Takano.
— HEIN ! Non, c’est parfait ! s’empressa de dire l’intéressé en agitant les mains devant lui.
Masamune soupira. Il avait essayé mais pour une fois il voulait que ce soit Ritsu qui prenne les devants. Mais autant dire qu’il avait plus de chance de voir de la neige en été…
— Veux-tu boire quelque chose ? Un café, un thé ? demanda l’éditeur en chef.
— Non merci.
— Si tu as besoin de quoique que ce soit, je suis en bas.
Ritsu remercia son ex petit ami qui le laissa prendre possession des lieux. Alors que Takano s’affairait dans la cuisine à se faire un bon café, Onodera posa son sac sur la commode de la chambre. Il hésitait à y ranger ses vêtements. Il laissa cela de côté en s’approchant de la fenêtre. Le peu qu’il pouvait distinguer le subjugua presque. Il y avait peu d’éclairage public et cela rendait bien plus visible qu’en ville le ciel étoilé. Cela faisait des années qu’il n’avait vu pareil spectacle et pour le coup, c’est son ex amant qu’il devait remercier.
Il était fatigué mais ne put réprimer la pulsion qu’il le conduisit dehors. Il fit le tour de la maison pour se retrouver face au lac et face à une vue totalement dégagée. Il s’assit à terre, les jambes repliées vers son torse et les enlaça de ses deux bras. Il observait ce plafond étincelant, cherchant à reconnaitre les constellations. Le brun se laissait envahir par la sérénité du lieu. Cet endroit l’apaisait bien plus qu’il ne l’aurait cru.
Dans la maison, Takano était debout face à la baie vitré tenant dans une main une tasse pleine d’un café fumant et de l’autre une cigarette qu’il venait de s’allumer. Lorsqu’il entendit la porte d’entrée se refermer, il posa sa tasse et éteignit sa tige de tabac tout juste consumée et se rendit dehors à son tour. Il chercha son hôte et le trouva assit à même le sol, le nez orienté vers le ciel. L’espion déglutit péniblement. En cet instant, Ritsu dégageait tant de confiance en soi, tant de charme que Masamune ne put retenir un frisson de désir. Il ne voulait pas le déranger mais la température descendait rapidement et son amour risquait d’avoir froid. Il alla chercher une large et chaude couverture dans sa chambre et rejoignit son bel adonis qui semblait n’attendre que lui.
— Tu risques d’avoir froid si tu restes là, s’inquiéta l’aîné.
Alors que Ritsu se retourna, Takano s’installa derrière lui et les enroula dans la couverture. L’étreinte était possessive mais douce, ce qui surpris fortement l’otage. Fidèle à son habitude, Onodera était crispé pourtant au bout de quelques minutes, et voyant que son hôte ne tentait rien, il réussit à se détendre légèrement. Les minutes s’égrenaient tranquillement. Tous deux observaient la voûte céleste.
Takano souriait, il était heureux. Cette proximité délicate et sensuelle lui plaisait. Il est vrai que d’ordinaire, il préférait l’attaque de front afin d’éviter que son amant ne lui fasse faux-bond. Mais là, en cet instant, il reconnu aisément que la douceur avait également ses bons côtés d’autant que Ritsu ne cherchait pas à s’enfuir, et cela était rare. Son coeur tambourinait dans sa poitrine à lui en faire mal, en écoutant attentivement il entendit celui de son amour battre à tout rompre lui aussi. Quand Ritsu allait-il accepter ses sentiments ? C’était la question qui brûlait les lèvres de Takano mais qui le consumait également de l’intérieur.
Ils n’échangèrent aucun mot lors de ce moment privilégié. Puis, contre toute attente Onodera vint s’appuyer contre le torse chaud de son ex-amant et posa sa tête, légèrement inclinée, sur son épaule accueillante. Takano déglutit péniblement en sentant le poids de Ritsu sur lui cependant il ne bougea pas et ne dit rien. Il avait bien trop peur que son bel adonis ne s’éloigne. Enfin, Onodera décida d’un rapprochement et cela était loin de déplaire à notre éditeur en chef. Leurs poitrines étaient au bord de l’implosion. Tant de sensations les submergèrent. D’un coup, ils ne voyaient plus le verre à moitié vide mais à moitié plein…
La température extérieure continuait sa chute, et malgré l’épaisse couverture qui les recouvrait le froid commençait à les engourdir. A contre-coeur, Takano suggéra l’idée de rentrer. Ritsu acquiesça, même s’il devait s’avouer qu’il était bien dans l’étau dans lequel il se trouvait. Il était néanmoins temps d’aller se coucher.
— Bonne nuit, Ritsu…, susurra Masamune en s’approchant dangereusement de lui.
— Bonne… nuit…, répondit-il tout rougissant, une fois encore.
L’aîné, qui se trouvait à présent à quelques centimètres de l’objet de ses désirs, l’attira à lui pour lui voler un énième baiser. Onodera ne tenta pas de se débattre et se laissa, pour une fois, porter par cette douce caresse. Pourtant Takano rompit le contact et laissa son amant aller se coucher, seul…
———
Pour la première fois depuis de longues années, Ritsu se sentit bien seul dans cette chambre si vide et si froide. Il était appuyée contre la porte qu’il venait de refermer derrière lui. La tête posée contre le bois, il soupirait. Son coeur lui faisait mal. Ses mains et ses jambes tremblaient. Tout son être semblait attendre Takano. Ses réflexions furent perturbées lorsqu’il entendit la porte opposée à la sienne s’ouvrir et se refermer. Il semblerait que Masamune ait enfin rejoint sa chambre.
Onodera sentit son visage s’empourprer face à ses pensées. En une fraction de seconde il voulut sortir de cette chambre sans vie pour le rejoindre. Mais sa timidité et son côté blasé de l’amour l’en empêchèrent une fois encore. Il reconnut que cette journée avait été sympathique en sa compagnie. Que pour une fois, son aîné n’avait pas cherché à le mettre dans son lit. Il avait apprécié la douceur de ses mots et de ses gestes. Notamment lorsqu’ils étaient dehors il y avait encore quelques minutes. Ce moment, il l’avait savouré. Presque chéri. Son organe de vie avait raté plusieurs battements au moment où Takano l’avait rejoint et enlacé. Il aurait presque souhaité que cet instant ne s’arrête pas, alors lorsque Masamune lui avait suggéré de rentrer son coeur avait cessé de battre.
Lors de ses dernières réflexions et par automatisme, il ôta ses vêtements pour mettre ses habits de nuit puis se glissa dans le lit froid afin de se laisser enfin emporter par Morphée.
———
Masamune avait du mal à contrôler ses émotions en présence de Ritsu et rompre le baiser avait été pour lui un crève-coeur. Pourtant, il se l’était promis : le laisser venir à lui durant ces quelques jours. Cette journée avait été un supplice pour lui. Etre aussi proche de lui mais en même temps si loin le torturait. Il n’avait cessé de l’épier du coin des yeux afin d’essayer d’entrevoir les émotions de son amour. Mais fidèle à lui-même, Ritsu ne montrait pas grand chose à part les rougeurs sur son si fin visage.
Takano était dans le salon, il fumait une dernière cigarette avant d’aller se coucher. Son esprit divaguait sur Onodera. Il regrettait d’avoir pris cette décision de le laisser venir à lui. Il savait que Ritsu ne ferait pas le premier pas et qu’il se débattrait toujours, refusant d’accepter ses propres sentiments. Néanmoins, il voulait espérer. Il l’aimait tellement fort que cela le consumait de l’intérieur, chaque jour un peu plus. Il se souvint de ce qu’il avait ressenti quand enfin il sut qui était son nouvel éditeur : un mélange de colère, de tristesse et d’amour. Il pensait avoir mis cette histoire de côté mais il n’en était rien. Loin de là ! Et au fur et à mesure que les jours passaient, il retombait amoureux de celui qui l’avait trahit dix ans plus tôt. Mais, l’amour est toujours le plus fort. Takano laissa échapper un lourd soupir.
Il écrasa sa tige fumante dans le cendrier près de lui, éteignit les lumières et monta les escaliers pour rejoindre sa chambre. Un frisson le prit lorsqu’il vit que la lumière de son ancienne chambre était encore allumée. De savoir que son amour, son amant, allait dormir si près de lui, dans son ancienne chambre, dans son ancien lit lui broya le coeur. Il aurait tant voulu le sentir près de lui, sentir son odeur, sentir son corps onduler sous le sien… Mais ce soir rien ne se passera…
Takano s’était dévêtu afin de mettre un vieux pantalon de jogging et un vieux t-shirt en guise de pyjama puis se coucha. Il mit un certain temps pour trouver le sommeil, mais il finit par sombrer en pensant à la journée du lendemain. Alors peut-être que son bel adonis viendra à lui…
A suivre….
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