Satané destin
fanfiction en trois chapitres, terminée
Se situe à la fin de l'arc Poséidon et jusqu'à l'arc Hadès (chapitre Inferno)
Qu'arrive-t-il à Kanon après la défaite de Poséidon, et sa défaite… jusqu'à son arrivée au Sanctuaire ?
Rhadamanthe / Kanon
Romance, drame
Rating : + 18 ans
L'univers et les personnages appartiennent à Masami Kurumada.
Cette histoire est pour Nyxiera, une amie.
Je l'ai écrite pour son anniversaire, et elle m'a donnée son accord pour la publier.
Merci à toi Nyx, et encore bon anniv ;)
Satané Destin…
Shiroitora-lili
Chapitre 1
Les différents piliers du Sanctuaire Sous-Marin ainsi que le Main Bladewinner avaient cédé sous les coups des Bronze. Athéna était sauve. Poséidon retrouva sa place dans l’urne, scellée par la Déesse de la Sagesse. Des blessures plus ou moins graves recouvraient les corps des Chevaliers de Bronze. Dans le camp adverse, les pertes étaient plus lourdes.
Les pluies diluviennes, les raz-de-marées, les tsunamis cessèrent aussi vite qu’ils étaient apparus. Le soleil retrouvait sa place. La population terrestre était soulagée. Tout rentrait dans l’ordre. Une fois encore, personne n’imaginait ce qu’il venait de se passer, ni même qui les avait sauvés.
Le Domaine Sous-Marin était dévasté. L’eau s’infiltrait partout où elle le pouvait. Bientôt, il ne restera que ruines et désolation.
Julian Solo s’apprêtait à faire le tour du monde en compagnie de l’ex-Général de la Sirène Maléfique. Thétis la Sirène avait, elle, été rendue à l’océan. Une longue et délicate nageoire remplaçait à présent ses jambes fines. Après un dernier regard sur la surface de l’étendue bleue et sur la réincarnation de Poséidon, à contre cœur, elle plongea dans les méandres des fonds marins. Ne sachant où aller, elle décida de retourner dans le Sanctuaire Sous-Marin. Son royaume. Sa maison. Elle en sera la gardienne, ne tolérera aucune intrusion. Telle était la mission qu’elle se confiait, pour garder un sens à sa vie.
Elle nageait entre les ruines. Découvrant au pied de chaque pilier son gardien, mort et souvent dont le corps se trouvait sous des tonnes de gravats produit par la destruction du pilier. Prenant son courage à deux mains, elle s’occupa de les « enterrer ». Elle chercha un lieu calme et serein qui leur servirait de lieu de sépulture. Une fois l’endroit décidé, elle y déplaça les corps sans vie de ses amis. Elle se servit des gravats qui jonchaient le sol du Sanctuaire pour recouvrir les Marinas, dont elle devait prendre soin. Sur chacune des tombes elle inscrivit le nom de l’homme qui se trouvait là.
Le plus difficile pour elle, ce fut lorsqu’elle s’occupa de la sépulture de son amour secret. Baian de l’Hippocampe. Elle n’avait jamais pu lui avouer son amour. Leur mission, leur Dieu étaient les plus importants. Il n’y avait pas de place pour l’amour dans une guerre. Les larmes recouvraient son visage fin et meurtri par la peine, mais elle alla au bout de sa besogne. Son amour reposera désormais en paix auprès d’elle et de ses frères d’armes. Sa lourde tâche terminée, l’âme en peine, elle erra dans ce qui était le Palais de Poséidon. Elle s’arrêta face au Main Bladewinner, elle ne put s’empêcher de pleurer à chaudes larmes. Tant de vie gâchées à cause de la cupidité d’un homme. D’un imposteur. D’un manipulateur. Kanon, le faux Général Dragon des Mers méritait de mourir pour tout le mal qu’il avait fait. Thétis lui en voulait et serait prête à l’affronter, si ses jambes et son écaille ne lui avaient pas été reprises. Et puis, il devait être mort…
Nageant sans but dans le Domaine Sous-Marin, elle vit une chose étrange. Il y avait comme un dôme lumineux devant elle. De cet endroit, émanait une puissante cosmo-énergie. Comme celle de Poséidon mais bien plus apaisante. Elle reconnut le cosmos d’Athéna. Bienveillant et puissant. Sous le dôme, pas une once d’eau ne s’était infiltrée. Athéna protégeait les rescapés. Ils étaient près d’une vingtaine à se trouver là, dont un qu’elle ne pensait plus revoir. Kanon, le traître…
— Merci, Déesse Athéna d’avoir protégé tous ces hommes. Vous êtes d’une infinie bonté alors même que vous avez risqué votre vie…, remercia Thétis.
Le cosmos bienveillant de la Déesse de la Sagesse entoura l’ex-Néréïde. Elle semblait s’apaiser. Un autre cosmos se fit ressentir par tous. Puissant. Presque écrasant. Celui du Maître des lieux. Poséidon, lui-même…
— Merci Athéna d’avoir protégé mes sujets. Thétis, je vais ouvrir un passage vers la surface. Guide-les. Ce sera ta dernière mission.
— Majesté, fit la sirène en se courbant, je serais ravie de vous servir une fois encore.
— Fais vite ! Le sceau d’Athéna m’affaiblit de plus en plus … Kanon ! reprit Poséidon. Tu ne bénéficieras pas de ma clémence et Athéna ne pourra ni me faire changer d’avis ni intervenir. Si tu veux vivre et expier des fautes, tu devras remonter seul à la surface.
Kanon pesta contre le Dieu, la Déesse et surtout contre lui-même. Il avait échoué dans sa prise de pouvoir. Il souffla. Il ne valait finalement pas plus que son jumeau.
— Je n’ai besoin de personne pour sortir d’ici. Et je n’ai rien à expier ! grogna-t-il.
Le Dieu des Océans se tut, mais son aura était toujours présente. Les eaux s’écartèrent devant Thétis. Le dôme formé par Athéna disparut, sauf autour de l’ex-Dragon des Mers. La queue de sirène disparue du corps de Thétis qui retrouva ses jambes humaines pour le temps que durerait sa courte mission. Mais qu’importe…
Elle guida les rescapés jusqu’à une plage. Son éphémère mission se terminait ici. Elle regarda les hommes s’éloigner de l’océan puis, un pincement au cœur, se retourna et replongea vers les siens. Sa queue de sirène réapparut et elle se douta que plus jamais elle n’aurait des jambes. Elle soupira tout en retournant vers ce qui restait du Sanctuaire Sous-Marin. Il n’y avait plus rien là-bas, hormis les sépultures de ses compagnons d’armes et celle de son aimé – elle regrettait ne lui avoir jamais avoué ses sentiments, mais ainsi va la vie… – et Kanon. Le traître. L’imposteur. Poséidon ne lui avait pas permis de le guider avec les autres. Il devait sans doute être encore au Sanctuaire, pensa la sirène.
Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle s’aperçut que le faux Dragon des Mers n’était plus là. Elle regarda autour d’elle, mais ne le vit nulle part. Elle suivit alors le courant marin, pensant le retrouver presque mort accroché à du corail, ou coincé par des rochers. Mais rien. Elle ne trouva le corps de Kanon dans aucun endroit qu’elle fouilla.
— Il doit être mort, ricana-t-elle. Si j’avais pu, je l’aurai éliminé moi-même, grogna-t-elle.
—————
Le soleil frappait le sable de plein fouet avec ses rayons brûlants. Les vagues s’échouaient doucement sur la plage, mais butaient sur un corps étendu. A moitié dans l’eau salée, ses plaies le piquaient. A moitié sur le sable, sa peau le brûlait. Parfois, une vague légèrement plus virulente que les autres venait lui rafraîchir le visage. Ne pouvant ouvrir les yeux, il ne pouvait que ressentir. Il sut qu’il était à la surface de l’océan. Les odeurs étaient différentes. Les sons semblaient moins étouffés. La chaleur paraissait plus importante. Il avait bien quitté le Domaine de Poséidon.
Il ressentait également un doux cosmos l’entourer de sa bienveillance. Un cosmos qu’il reconnut. Puissant. Aimant. Celui de la Déesse Athéna. Elle venait, une nouvelle fois, de lui sauver la vie. Pourquoi ? Pourquoi le sauver alors qu’il engendrait le mal ? Kanon sombra de nouveau dans l’inconscience, bercé par les remous des vagues qui cognaient sur son corps, un brin de remord dans l’âme.
—————
Une délicieuse odeur de café lui chatouillait l’odorat. Depuis quand n’en avait-il pas bu ? Trop longtemps à son goût. Lentement, il ouvrit un œil, puis l’autre. Il les referma, puis les rouvrit. Il fit cela deux ou trois fois. Les yeux maintenant bien ouverts, il se rendit compte qu’il ne reconnaissait pas l’endroit où il se trouvait.
Kanon observa un peu mieux cet environnement. Du lit, où il se trouvait, il voyait une fenêtre lui permettant de voir l’océan ; un grand placard à portes coulissantes ; une bibliothèque remplie de livres ; un fauteuil douillet près de la fenêtre ; une table de chevet sur laquelle se trouvait une lampe et un livre posé ouvert mais retourné, pour retrouver la page où le lecteur s’était arrêté. Il pesta. Cela faisait plus de dix ans qu’il n’avait pas eu besoin d’aide. Se retrouver là le perturbait, le déstabilisait. Il laissa dériver ses yeux sur la fenêtre et observa l’extérieur, se demandant comment il avait pu quitter le Sanctuaire Sous-Marin et s’en sortir. Et puis, qui l’avait amené ici, et soigné ? Il se rendit compte qu’il avait son bras gauche en écharpe et bandé et il sentit sur son visage la présence de pansements. Sa remontée vers la surface avait dû être mouvementée.
— Alors ? Enfin réveillé ? résonna une voix dans la chambre.
Kanon tourna la tête vers la porte de la chambre. Un homme blond, grand, élancé se tenait debout devant le panneau de bois ouvert.
— Où suis-je ? interrogea-t-il.
— Chez moi, répondit l’homme.
— Mais encore ? s’agaça l’ex-Dragon des Mers.
Le blondinet s’avança vers le patient, lui tendit une tasse de café et s’installa dans le fauteuil. Il but une gorgé du breuvage noir qu’il avait, lui aussi, dans son mug.
— Très bien. Je m’appelle Rhadamanthe et cette maison m’appartient. Elle se trouve au bord de l’océan et possède une plage privée. C’est là que je t’ai trouvé, inconscient et à moitié dans l’eau. Je t’ai porté jusqu’ici, et donné une douche chaude et je t’ai soigné.
— Depuis combien de temps je suis ici ? poursuivit Kanon sans se présenter.
— Trois jours, répondit Rhadamanthe avant de reprendre une gorgée de café.
Kanon fixa son hôte, il tenait entre ses deux mains la tasse qu’il lui avait donnée, tout en analysant ce qu’il venait d’apprendre. Ce type lui avait donc sauvé la vie ! A lui ! Kanon, frère jumeau de Saga des Gémeaux – l’usurpateur d’identité du Grand Pope –, instigateur de la guerre contre Poséidon et manipulateur d’un Dieu… Il n’avait jamais eu besoin de quiconque et il apprenait que ce blondinet lui avait sauvé la vie ! Il y avait de quoi déprimer…
— Je suppose que tu attends que je te remercie ?
— Je dirais que oui, effectivement. Mais si tu n’en as pas l’intention, je pense que je m’en remettrais.
Ce Rhadamanthe paraissait désagréable dans sa manière de parler. Un peu hautain, sarcastique et sûr de lui. Un peu trop d’ailleurs au goût de Kanon. L’ex-Général de Poséidon soupira. Qu’est-ce que cela lui coûtait d’être un peu sociable pour une fois ? Sans doute rien, pensa-t-il.
— Je te remercie, Rhadamanthe.
— De rien, dit-il sans aucune expression sur le visage. Tu pourrais aussi te présenter, ajouta son hôte.
Kanon ne se sentait étrangement pas menacé en la présence de ce type. Il ne sentait aucun cosmos en lui et il ne paraissait détenir aucune puissance particulière, sans être pour autant faible. Sa musculature montrait qu’il s’entretenait. Il semblait athlétique. Kanon présuma qu’il pouvait se présenter, sans trop lui en dire…
— Kanon, fit-il froidement.
Rhadamanthe l’observait. Il se douta que son « patient » ne lui en dirait pas plus. Après tout, on ne découvre pas tous les jours un homme échoué sur une plage. Il devait avoir une chose à cacher.
— Enchanté, Kanon, répondit le blond en lui tendant une main amicale.
Le bleuté lui tendit la sienne en retour, sans vraiment penser à son geste. Puis, il but le café apporté par son hôte. Cela lui fit un bien fou. Depuis qu’il avait rejoint le Domaine Sous-Marin, il n’avait pu en boire. Il sentit le liquide chaud, glisser le long de sa gorge. Et ce goût… Il redécouvrait cette boisson chaude qu’il aimait tant. Ceci dit, il ne se souvenait pas en avoir bu d’aussi bon.
— Même si cela fait de nombreuses années que je n’en aies pas bu, je peux dire qu’il est excellent. Merci.
— Je le fais venir exprès de Colombie. Ravi de voir que tu es un connaisseur.
— Je redécouvre le goût du café. Il n’y en avait pas dans le Dom…
Kanon se tut. Il ne pouvait ni parler du Domaine Sous-Marin, ni de Poséidon, ni d’Athéna ni de lui. Il voulut se lever mais il ressentait de vives douleurs un peu partout dans son corps. Rhadamanthe le retient par les épaules afin de l’en empêcher.
— Je dois partir. Je ne peux pas rester ici, argumenta le bleuté.
— Tu es encore convalescent, le mieux c’est de rester ici.
Devant le silence de son invité, le blond fronça les sourcils.
— Comme tu veux, mais as-tu un endroit où aller ? lui demanda-t-il.
— Pas vraiment, mais je …
— Ça ne me dérange pas que tu restes pour ta convalescence.
Kanon n’avait plus l’habitude de la gentillesse et se demandait pourquoi Rhadamanthe était si courtois envers quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Attendait-il quelque chose en retour ?
Il accepta, toutefois, la proposition du blond tout en se disant qu’il resterait sur ses gardes.
———
Rhadamanthe préparait le dîner. Son invité s’était rendormi dans l’après midi et, de pour ce qu’il en savait, dormait toujours. Tout en faisant la cuisine, il repensa à sa rencontre avec Kanon.
Il se baladait, seul, sur sa plage privée. Le soleil réchauffait la Terre de ses rayons. Une petite brise soufflait mais l’air était chaud, pas comme ces derniers jours où la tempête et le froid avaient mis la planète à rude épreuve. Il longeait l’Océan plus calme, plus bleu. Il marchait pieds nus, le pantalon relevé un peu plus haut que ses chevilles. Il n’avait pas ses chaussures avec lui, sa maison donnant directement sur le sable fin de la plage.
Alors qu’il marchait sans penser à rien, il vit un peu plus loin un corps se faisant doucement ballotter par les vagues dociles. Il ne voulait pas s’attarder sur ce type, ce n’était pas son problème. Pourtant, plus il s’avançait, plus son regard se figeait sur la silhouette échouée. La longue toison bleue attira immédiatement ses yeux. Puis, au travers ses vêtements mouillés et déchirés, il n’avait pu que constater qu’il avait un corps musculeux et bien dessiné, tel les Dieux de l’Antiquité Grecque. Ses yeux rivés sur ce type, il s’était arrêté de marcher. Il l’avait fixé durant de longues secondes et sans savoir pourquoi, il l’avait chargé sur ses épaules, lui sauvant ainsi la vie.
Le bleuté était encore inconscient lorsqu’il était rentré. Trempé autant que le rescapé, Rhadamanthe s’était glissé avec lui sous une douche bien chaude. Ce qu’il avait vu au travers des vêtements de Kanon ne l’avait pas trompé. Plus il ôtait ses vêtements, plus il avait eu du mal à garder son sang froid. Le blond ne se reconnaissait pas dans ses actes. En général, il était plutôt distant avec les autres, ne montrant jamais aucune considération, ne souriant que très rarement. Pourtant, en la présence de ce type inconscient, il devenait tout l’opposé.
La douche les ayant bien réchauffés, Rhadamanthe l’avait porté jusque dans sa chambre. L’unique chambre de sa maison de vacances. Il l’avait voulu ainsi car jamais il n’avait eu l’intention de venir avec quelqu’un ou même recueillir un naufragé. Avant de mettre au lit son invité, le blond lui avait dégoté un bas de pyjama et le lui avait mis. Et depuis, il dormait dans le salon, sur le canapé, heureusement fort confortable. Rhadamanthe s’occupait de lui depuis lors, sans comprendre pourquoi…
— Ça sent drôlement bon.
Le blond se retourna vivement vers la porte de la cuisine. Il écarquilla les yeux. Devant lui se tenait son invité indésiré. Droit. Le regard méfiant. Le sourire perfide. Torse-nu. Attirant. Attirant ? Comment ça attirant ? pensa Rhadamanthe. Il ravala sa salive lentement, afin que Kanon ne se rende compte de rien. Il se força à détourner ses orbes et à continuer de mélanger doucement la sauce tomate qui accompagnerait les pâtes qui bouillaient gentiment.
— Merci. Tu devrais rester allongé, fit remarquer le blond.
— Je me suis assez reposé, et je vais beaucoup mieux. Je pense que je pourrais partir dans un ou deux jours.
— Comme tu veux.
En vérité, Kanon était quasiment rétabli. Son cosmos l’avait aidé. Cependant, il ne voulait pas partir trop vite. Il voulait savoir pourquoi Rhadamanthe l’avait aidé et surtout, il n’avait aucun endroit où aller.
Lors du dîner, Kanon félicita son hôte pour ses talents de cuisinier. Ils avaient peu parlé, chacun d’eux n’étant pas habitué à se livrer aux autres.
— Où vas-tu ? demanda Rhadamanthe à un bleuté sur le point de sortir de la maison.
— Faire une balade, répondit-il sans se retourner.
— Je ne sais pas qui tu es, ni d’où tu viens ni même ce qu’il t’est arrivé. Tu ne souhaites pas en parler, je respecte ton choix et à vrai dire, je m’en contre-fiche. Maintenant, tu es chez moi. Je ne sais pas comment c’était avant pour toi, mais je ne suis pas ton serviteur. Alors, tu vas m’aider à débarrasser la table et à faire la vaisselle, avant d’aller faire ta petite balade digestive !
Kanon se retourna vivement vers son interlocuteur. Pour qui se prenait-il ? Comment osait-il lui parler ainsi ? Rhadamanthe ignorait qui il était, mais il allait vite le savoir…
— Je n’ai pas pour habitude d’obéir aux ordres. C’est toi qui as voulu m’aider, c’est ton problème. Et en tant qu’invité, tu te dois te tout faire seul !
L’ex-Général de Poséidon quitta la maison, sans un mot de plus, laissant Rhadamanthe resté coi devant tant d’insolence. Le blond pesta contre lui. Pourquoi l’avait-il aidé ? En tant normal, il se fichait de ce qui pouvait se passer autour de lui. Il n’aimait pas particulièrement les gens, alors il faisait tout pour les éviter. Pourtant, il avait aidé Kanon et il devait bien reconnaître que cela ne lui déplaisait pas, même si ce type était imbu de lui-même, désagréable et mystérieux.
Rhadamanthe soupira profondément. Il débarrassa la table et fit la vaisselle. Lorsqu’il s’installa dans l’un des fauteuils du salon avec un livre, près de trente minutes s’étaient écoulées. Son invité n’était toujours pas rentré.
— Qu’il fasse ce qu’il veut, je ne suis pas sa mère, marmonna le blond pour lui-même.
Il poursuivit sa lecture. Etrangement, il ne réussissait pas à rester concentré sur ce qu’il lisait. Il ne cessait de penser à Kanon. A son attitude. A sa façon de dire les choses. A son regard lorsqu’il lui avait demandé de l’aider. Regard froid, impétueux et calculateur. Tout dans son comportement l’agaçait. Kanon semblait fort physiquement mais également mentalement. Il donnait l’impression d’être un sur-homme. Pourtant cela n’impressionnait pas Rhadamanthe.
— Tu aurais dû venir avec moi, ça fait du bien de sortir un peu et de respirer l’air frais.
— Je n’ai pas que ça à faire, répondit froidement le blond.
— Soit ! Qu’est-ce qu’on fait ?
Rhadamanthe releva la tête de son livre et riva son regard à celui de son interlocuteur.
— Comment ça ? l’interrogea-t-il.
— Il est à peine vingt et une heures et je ne suis pas fatigué. En général, tu fais quoi le soir ?
— Je lis.
— Ah ! Et tu ne veux pas discuter un peu ? lui demanda Kanon.
— Discuter de quoi ? Tu ne me diras rien sur toi, je me trompe ? Et je n’ai rien à te dire sur moi…
Bon là au moins c’était clair. Rhadamanthe était comme lui, plus ou moins en tout cas.
— T’as raison, fit le bleuté.
Kanon s’installa dans l’un des fauteuils restés libres. Il n’avait pas pris de livre. Le silence régnait en maître. Le dos calé dans le dossier, il inclina sa tête en arrière pour la poser sur le fauteuil. Il ferma les yeux, et soupira. Il se sentait bien. Depuis quand ne s’était-il pas senti comme ça ? Il repensa à ces dernières années. Le Cap Sounion. Le Sanctuaire Sous-Marin. Athéna. Saga. Tout y passa.
Il profita de ce moment pour se souvenir de l’aura qui l’avait tant aidé au Cap. Douce et bienfaitrice, tout comme celle qu’il avait ressentie dès l’arrivée d’Athéna dans le Domaine sous-Marin. Lorsqu’il eut appris que le cosmos qui l’avait aidé autrefois n’était autre que celui de la Déesse, il n’y crut pas de suite. Ce ne fut que plus tard qu’il comprit.
Depuis tout ce temps, Athéna était à ses côtés. Depuis tout ce temps, Athéna lui pardonnait ses écarts de conduite. Pourtant, depuis tout ce temps, il ne cessait de lui en vouloir. Il n’était que le second Gémeaux. Celui qui n’existait pas. Personne ne le connaissait. Toute sa vie, il avait été mis à part. Même Saga – son frère, son jumeau – l’avait abandonné. Il avait tant de rancœur contre tous, tant de colère et d’amertume dans le cœur que son côté maléfique s’était emparé de tout son être. Il l’avait senti prendre possession de lui. Le pire : c’est qu’il avait aimé cela et qu’il aimait encore.
La Déesse de la sagesse venait de lui sauver la vie. Encore… Pourquoi ? Alors que lui ne pensait qu’à prendre le contrôle du monde en manipulant les Dieux. Il se voulait Dieu à la place des Dieux. Rien que de penser à cela, il jubilait intérieurement. Il sentit son cosmos s’enflammer. Heureusement que Rhadamanthe ne pouvait pas le ressentir… quoique… Le blond choisit pile ce moment pour relever sa tête du roman qu’il lisait. Il avait eu une drôle d’impression. Une sensation de puissance. Autour de lui, il ne vit rien, sauf Kanon qui semblait être dans un état second. Rhadamanthe posa son livre et se leva pour aller secouer son naufragé. Le bleuté ne réagit pas à la présence aussi proche de son hôte, ni même lorsque le blond posa une main sur son front pour contrôler sa température.
— Pssss ! Quel crétin !
Quand il avait découvert son corps sur la plage, il avait très vite constaté, en plus des blessures, que Kanon avait une forte fièvre. Il avait mis plusieurs jours à s’en débarrasser et là elle revenait au galop. Rhadamanthe s’empara du blessé et le porta jusqu’à la chambre. Là, il lui ôta ses vêtements, avant de le coucher. Il récupéra une bassine qu’il remplit d’eau froide. Il y trempa une petite serviette, l’essora de façon à ce que l’eau ne coule plus et la plaça sur le front de Kanon. Il répéta cette opération plusieurs fois dans l’heure qui suivit, mais la fièvre ne descendait pas.
Le blond finit par s’endormir, sur le fauteuil placé près du lit, après plusieurs heures de veille. Il avait croisé les bras sur sa poitrine, et sa tête reposait presque sur son épaule gauche. L’état de santé de Kanon ne semblait pas vouloir s’améliorer. Au milieu de la nuit, ses gémissements eurent raison du sommeil déjà léger de Rhadamanthe. Le blond se leva et alla poser sa main sur le front du rescapé. Il était encore bien trop chaud. Délicatement, il y déposa de nouveau la petite serviette mouillée à l’eau froide. Kanon délirait et parlait. Rhadamanthe écoutait, il pensait en apprendre un peu plus sur son « invité ». Cette idée le surprit. Habituellement, il se contre-fichait des autres et d’ailleurs, il ne s’expliquait toujours pas pourquoi il aidait ce type arrogant et agaçant.
— Athé…na…, murmura le malade.
Le blond s’étonna. Qui pouvait-être cette femme ? Il avait pourtant cru comprendre que Kanon était seul depuis longtemps. Seul, dans tous les sens du terme d’ailleurs…
— Pour avoir le prénom d’une déesse, cette femme doit être très belle, pensa Rhadamanthe.
En y regardant de plus près, il admit que l’homme allongé dans son lit était attirant. Bien proportionné. Musclé et athlétique. Perfide et sans doute manipulateur. Cela lui plaisait. Il détailla toutes les courbes de son corps. Il gava son regard jusqu’au moment où Kanon prononça de nouveau le prénom d’Athéna suivi d’un « pardon » qui lui parut étrangement sincère. Quelques minutes plus tard, Kanon sembla s’apaiser. Assis sur le bord du lit, Rhadamanthe humidifia le visage du bleuté à de nombreuses reprises jusqu’au petit matin où la température de Kanon tomba enfin, puis il finit par s’endormir paisiblement. Par acquis de conscience, le blond resta près de lui encore quelques heures.
Durant sa veille, Rhadamanthe ne pouvait s’empêcher de penser à cette femme, à l’envier d’avoir prise dans ses filets un homme de la stature de Kanon. Serait-ce une pointe de jalousie qu’il ressentait au fond de lui ? Sans doute ! Pas du tout ! Et puis, quoi ?
— Qu’est-ce que je fous ? murmura-t-il pour lui. Je ne suis qu’un idiot… Pourquoi ce type me hante-t-il à ce point ? Pssss…
Voyant que Kanon se reposait, Rhadamanthe le laissa. Il s’installa dans le canapé du salon et tenta en vain de dormir un peu. Plus, il s’acharnait à dévier ses pensées du naufragé, plus elles allaient vers lui.
Le blond ne s’aperçut qu’il s’était finalement endormi que lorsqu’il fut réveillé par un vacarme provenant de la cuisine. Kanon étant alité, il se leva d’un coup et se précipita vers l’origine du bruit. Qui pouvait être entré chez lui ? Sèchement, il ouvrit la porte de la cuisine et stoppa net.
— Ka…non !? Mais que fais-tu debout ? s’étonna Rhadamanthe.
Ledit Kanon se retourna tranquillement – il avait senti son hôte arriver – et sourit pour la première fois depuis son arrivée.
— Désolé de t’avoir réveillé. J’ai pas l’habitude d’avoir des gens autour de moi.
Kanon s’excusait ? Lui, qui la veille au soir avait refusé d’aider à faire la vaisselle avant de sortir ? Le maître des lieux ne sut quoi répliquer, tant la surprise fut grande.
— J’ai fait le petit déjeuner. C’est plus l’heure du déjeuner mais j’ai pensé qu’un bon café au réveil serait le bienvenu.
— Oui, parfait. Merci.
Rhadamanthe ne savait plus quoi penser sur son naufragé. Hier, il avait été presque imbuvable et ce matin il était un autre homme. Serait-ce en rapport avec cette femme ? Athéna ? Qui pouvait-elle bien être ?
— Je peux savoir ce qu’il te prend ? demanda enfin le blond.
— Je te l’ai dit, je fais le petit déj.
— Tu es différent. Tu dois encore avoir de la fièvre.
Tout en parlant, Rhadamanthe s’approcha du bleuté et posa brusquement sa main sur son front. Rien ! La fièvre était bien tombée. Alors quoi ? Comment expliquer un tel changement en si peu de temps ? Cet intérêt soudain envers une tierce personne le surprenait. Intérieurement, il soupira, ferma les yeux et décida de laisser tomber. Le petit déjeuner fut pris dans un silence quasi monacal. Et pour le coup, cela leur convenait à tous les deux.
Dans l’après-midi, Kanon alla marcher sur le bord de mer. Pieds nus, il avançait en enfonçant ses orteils dans le sable chaud. Puis il s’arrêta et fit face à la mer. Le regard à l’horizon, il fixait l’étendue bleue. Qu’allait-il devenir ? Où allait-il aller ? Son frère était mort, le Domaine Sous-Marin détruit. Il n’avait plus d’endroit où vivre… Athéna l’autoriserait-elle à revenir au Sanctuaire ? Il s’autorisa à penser que oui puisque la Déesse veillait sur lui depuis si longtemps, cependant ses misérables Chevaliers, eux, ne le permettraient sans doute pas…
— Je refuse d’y retourner ! dit-il à voix haute. Ce n’est pas ma place !
Au même instant, le cosmos puissant et apaisant d’Athéna l’entoura. Il inspira profondément. Il ressentait l’appel de la Déesse. Elle avait besoin de lui.
— Vous n’avez pas besoin de moi ! Vous avez besoin d’un Chevalier d’Or des Gémeaux et comme mon frère est mort vous vous rabattez sur moi ! Je ne suis qu’une doublure pour vous et le Sanctuaire ! Je refuse de revenir…
Athéna ne pouvait communiquer avec lui ni par télépathie ni via son cosmos. Déçue, elle ne pouvait qu’intensifier sa cosmo-énergie pour prouver à Kanon qu’elle le reconnaissait depuis toujours comme un Chevalier d’Or digne de la protéger. Elle espérait de tout son cœur que Kanon revienne à la raison… La Guerre Sainte contre Hadès approchait à grands pas, et elle savait qu’un homme de la trempe de Kanon pourrait être un plus dans ses rangs. Elle l’avait toujours su.
Le doux cosmos de la Déesse s’intensifia autour du bleuté. Il se sentit apaisé comme toujours dans ces moments là. Néanmoins, il n’avait pas envie de reconnaître les autres Gold comme ses alliés.
— Je vais réfléchir…, soupira-t-il.
La cosmo-énergie de la Déesse augmenta encore un peu, pour lui montrer son contentement, avant de disparaître. L’ex-Dragon des Mers soupira une nouvelle fois se demandant pourquoi Athéna avait tant foi en lui…
La mer venait s’échouer sur ses chevilles. La fraîcheur de l’eau le tira de ses réflexions. Une envie de nager le prit. Il ôta ses vêtements, ne gardant absolument rien sur lui. Il se trouvait sur une plage entièrement privée, celle de son hôte, et elle se trouvait à l’abri des regards. Pas que cela le gênait, mais autant ne pas trop attirer l'attention sur lui. Il entra dans l’eau presque froide et plongea. Il remonta à la surface quelques secondes plus tard et nagea vers le large. L’ex-Marina n’avait pas senti la présence de Rhadamanthe sur la plage. Le blond l’observait pourtant depuis plusieurs minutes. Silencieux.
Le futur Juge des Enfers avait remarqué un changement en lui depuis un jour ou deux. La présence de Kanon y était en partie pour quelque chose, pourtant il soupçonnait également autre chose, sans en être vraiment certain. Son comportement changeait peu à peu, devenant de moins en moins tolérant ou même social, bien qu’en temps normal il l’était déjà peu. Le peu de personnes qu’il pouvait croiser, il ne pouvait s’empêcher de les juger sur leurs comportements, par exemple. Ces changements dans son attitude ne le dérangeaient pas plus que cela. Il s’en accommodait…
Rhadamanthe fixait – plus qu’il ne regardait – son « invité » s’éloigner du rivage. Une sorte d’appréhension le gagna. Et si Kanon ne revenait pas ? Et s’il lui arrivait un malheur alors qu’il se trouvait si loin au large ? Et pourquoi son cœur s’emballait-il ainsi ? Pourtant, le jour où il l’avait sauvé, il l’avait bien déshabillé ! Il n’avait pourtant rien ressenti, alors pourquoi maintenant ? Sans quitter Kanon des yeux, le blond comprit qu’il l’attirait. Sans s’en rendre compte, il s’assit sur le sable, le regard toujours vers l’horizon, là où il avait vu Kanon plonger. Il ne l’avait pas vu remonter à la surface. Il attendait. Il s’impatientait de le voir revenir. Et puis une terrible pensée le traversa. Il écarquilla ses orbes jaunes et se releva brusquement. La peur au ventre, il s’approcha de l’eau tout en retirant sa chemise. Et alors qu’il allait plonger, le bleuté refit surface. Il revenait vers la plage mais cessa de nager lorsqu’il vit le blond prêt à se jeter à l’eau. Pourquoi aurait-il fait ça ? Les deux hommes s’observèrent jusqu’au moment où Kanon se remit à nager.
— Tu as eu une envie soudaine ? demanda Kanon à Rhadamanthe.
Le bleuté avançait maintenant vers la plage en marchant. L’eau lui arrivait au dessus de la taille. Le soleil luisait sur les gouttes d’eau qui ruisselaient sur son torse et dans ses cheveux. Rhadamanthe ne bougeait pas. Kanon se jouait de la situation. Il voyait le trouble de son hôte. Aussi, il accéléra son pas afin de sortir de l’eau au plus vite, mais surtout pour bien montrer à Rhadamanthe qu’il ne portait rien sur lui. Kanon incarnait le mal. Tout son être en était imprégné. Pourtant, une toute petite partie de lui refusait de blesser d’une quelconque manière l’homme qui se tenait devant lui. Seulement, ce n’est pas la partie de lui qu’il écouta.
— Tu voulais me rejoindre pour batifoler dans l’eau ? sourit perfidement le bleuté.
Rhadamanthe n’avait pas bougé depuis un moment. Il ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi il ne réussissait pas à détacher son regard de Kanon. Il devait se reprendre. Il ne souhaitait pas montrer cette facette de lui à son invité. Facette, qu’il n’appréciait pas.
— J’ai pensé… j’ai cru que tu voulais te noyer, répondit-il enfin.
— Me suicider ? T’es dingue ! J’ai encore bien trop de choses à réaliser, répliqua Kanon. Et puis, je préfère nettement batifoler que de penser à la mort…
L’expression du visage de l’ex-Marina s’adoucit. Le blond le remarqua instantanément.
— Alors ? demanda suavement Kanon.
Comment ça « alors » ? Le blond déglutit péniblement.
— Tu vas attraper froid. J’en ai marre de te soigner, habille-toi !
Le blond tentait de cacher au mieux ses émotions mais le regard licencieux que lui portait son vis-à-vis ne l’aidait pas.
— Tu n’es pas drôle, mon cher Rhad ! fit remarquer le bleuté.
Après s’être rhabillé, et bien qu’il soit encore trempé, Kanon reprit le chemin de la demeure de Rhadamanthe, en sa compagnie très silencieuse…
A suivre…
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