Cœur de pirate et cœur à prendre
Fiction en 6 chapitres, TERMINÉE
Un pirate redoutable sévit dans l’Univers. Zero est missionné par la Terre pour l’éliminer. En chemin, il croise son vieil ami Harlock qui est, lui aussi, à la poursuite de cet ennemi. Pourtant revoir son ami chamboule Zero plus qu’il ne le souhaiterait ; il ne pense qu’à lui depuis des mois…
Harlock / Zero
Aventure / Romance / Yaoi / Lemon
Raiting : + 18 ans
Les personnages et l'univers appatiennent à Leiji MATSUMOTO
Merci à Nyxiera pour sa bêta lecture sur ce texte et à lolo et à lulu pour leur soutien durant son écriture :)
Coeur de Pirate et coeur à prendre…
Shiroitora-lili
Chapitre 1
Le Karyu était en mauvaise posture. Zero et son équipage étaient aux prises avec des pirates ne regardant pas qui ils attaquaient. Ils pillaient et détruisaient tous les vaisseaux qu’ils croisaient. Humains et humanoïdes tombaient sous leurs feux. Un seul vaisseau. Il n’y avait qu’un seul vaisseau, pourtant Zero ne réussissait pas à l’arrêter. Cela faisait maintenant près de trois mois que le Karyu était à la poursuite du Genzou [1]. Gigantesque vaisseau, bien plus grand que le Karyu et toute la Flotte de l’Union Terrestre réunis. Certains disaient que le Genzou était cinquante fois plus imposant que le vaisseau du Capitaine Zero, alors que d’autres doutaient de son existence. Pourtant, il était bel et bien réel.
Le Genzou possédait plusieurs cordes à son arc. Il passait inaperçu aux radars, pouvait se rendre invisible comme n’importe lequel des vaisseaux qu’il croisait, et possédait un écran de protection quasi infranchissable, tout en se mouvant aussi facilement qu’un spectre. Son armement, plus sophistiqué et plus garni que les vaisseaux les plus modernes, assurait à son capitaine des victoires écrasantes. Le Genzou était un fantastique vaisseau, d’ailleurs Toshirô – le meilleur ami du Capitaine Harlock – ne souhaitait que rencontrer celui qui l’avait conçu et construit. Il était pourtant le meilleur de la galaxie, mais tout aussi bon soit-on, on trouve toujours meilleur…
Ce vaisseau était apparu un beau jour. Personne n’en avait jamais entendu parler. Pas une rumeur n’avait couru. Rien. Absolument rien. Depuis ces premiers méfaits, Zero avait récolté quelques informations. Il savait à présent que l’équipage se composait d’humains mais aussi d’humanoïdes, tout comme le Karyu, et qu’ils avaient tous reniés leur patrie. A son commandement, un certain « Capitaine Kobayashi », plutôt doué puisque Zero ne réussissait pas à l’arrêter.
Zero et son équipage donnaient tout ce qu’ils avaient pour vaincre Kobayashi, mais le Karyu était sévèrement endommagé. La salle des machines était en feu ; les circuits électriques coupés ; le bouclier n’allait pas tarder à céder ; les sirènes d’alarmes retentissaient dans tout le vaisseau. Même le feu de Saint-Elme n’était pas assez puissant pour l’abattre. Le Commandant Zero se devait de protéger ses hommes, il prit une décision, pas la plus simple…
— MANOEUVRE DE REPLI ! hurla Zero.
— COMMANDANT ! s’écrièrent ensemble tous les officiers de la passerelle.
— Le Karyu ne tiendra plus longtemps. Mon devoir est de vous protéger et de préserver notre vaisseau, répondit le Commandant.
— C’est la fuite que nous prenons, Commandant ! intervient le lieutenant Ishikura.
— Nous allons réparer le vaisseau, et nous reviendrons l’affronter.
— Mais…
— C’est un ordre !
Il était rare que Zero se replie, mais il savait que les dommages subis par le Karyu ne lui permettraient pas de vaincre son terrible adversaire.
— Avec Harlock nous aurions peut-être une chance, la puissance de feu du Death Shadow est impressionnante, songea-t-il tout en soupirant.
Mais Harlock ne s’était pas montré dans les parages depuis bientôt six mois. Il arrivait souvent que Zero peste contre lui. Ne lui avait-il pas dit qu’il se battait pour la Terre et les humains ? Alors, où était-il alors que tous avaient besoin de lui ? Et même si Zero ne voulait pas se mêler à la piraterie, il reconnaissait la grandeur d’âme d’Harlock et de ses compagnons. C’est ce qui l’avait frappé lors du combat contre le Hell Castle.
Le Karyu tentait de s’éloigner du Genzou, mais la force de frappe du vaisseau de Kobayashi était redoutable et venait, une nouvelle fois, de faire mouche. Le Karyu trembla de part en part. L’écran de protection vola en éclats. A présent, le vaisseau de la Flotte Indépendante était à la merci des pirates. De plus, impossible de passer dans l’hyper-espace, le vaisseau était bien trop endommagé pour cela. Zero et son équipage étaient perdus.
— Passez en communication interne, demanda le Commandant.
— Communication interne ok, Commandant, fit l’officier des communications.
Zero prit une profonde inspiration. Il avait déjà donné l’ordre qu’il s’apprêtait à donner, mais tout l’équipage avait refusé de lui obéir. Il espérait qu’aujourd’hui, ce serait différent.
— A tout l’équipage, c’est votre Commandant qui vous parle. Le Karyu a subi beaucoup de dommages et l’ennemi est à nos trousses. Le bouclier de protection est HS, et nous ne pouvons pas entrer en hyper-espace. Quittez le vaisseau immédiatement. C’est un ordre…
Sur la passerelle, un brouhaha sans nom résonna. Tout comme la première fois face au Hell Castle, l’équipage refusa en bloc d’obéir à cet ordre.
— Nous n’avons pas le choix. Le Karyu se désintégrera à la prochaine salve du Genzou.
— Il doit y avoir une solution, Commandant, fit Ishikura.
— Le Commandant a raison. Nous sommes perdus, reprit Phase.
Le silence délogea les murmures pour s’installer sur la passerelle. Ils n’allaient tout de même pas abandonner le Karyu, si ? Mais alors que Zero allait reprendre la parole, un appel extérieur recentra tout l’équipage.
— Zero, tu m’entends ?
— Harlock ? Oui, je t’entends, répondit le Commandant du Karyu.
— Tu as l’air en mauvaise posture.
— Oui ! Le bouclier a lâché, et l’hyper-espace ne fonctionne plus. Le canon de Saint-Elme n’a aucun effet sur lui, et plusieurs incendies se sont déclarés un peu partout sur le vaisseau. Je viens d’ordonner l’abandon du Karyu, expliqua Zero.
— Ok. Nous allons vous remorquer, préparez-vous à recevoir les harpons.
— Très bien… A tout l’équipage, le Death Shadow nous vient en aide. Harlock nous envoie des harpons pour nous tracter. Préparez-vous à l’impact.
Dans tout le vaisseau de la Flotte Indépendante, les alarmes se mirent à retentir. Tous les hommes se préparèrent aux secousses qu’allaient produire les grappins. Mais le Genzou les avait rejoints et se mit en position de tir. La salve de ses canons toucha le Karyu sans défense et de plein fouet. De multiples impacts fragilisèrent encore un peu plus le vaisseau de Zero. L’infirmerie ne savait plus où mettre tous les blessés, humains et humanoïdes. Les hommes encore valides se chargeaient d’éteindre les incendies. C’était la panique à bord. Sur la passerelle, les officiers s’étaient faits brutalement ballotter. Ils étaient tous sonnés mais se relevèrent tous. Tous, sauf l’un d’entre eux.
Dans tout le vaisseau, la voix d’Harlock retentit, annonçant que les harpons venaient d’être lancés. L’impact secoua une nouvelle fois le Karyu. Le Capitaine Kobayashi comprit la manœuvre du Death Shadow et orienta ses canons vers lui. Le bouclier du vaisseau d’Harlock résista tant bien que mal. Le Capitaine fit faire feu sur l’ennemi, sans résultat. L’attaque qu’il venait de subir toucha non sans gravité les moteurs auxiliaires. Les grappins du Death Shadow tenaient fermement le Karyu, et rapidement les deux vaisseaux disparurent dans l’hyper-espace.
Bien que l’équipage du Death Shadow ait agi rapidement, l’avarie au niveau des moteurs auxiliaires ralentirait le vaisseau une fois sorti de l’hyper-espace. Il fallait réparer et vite, mais il fallait surtout s’occuper du Karyu, qui était en bien piteux état.
— Zero ! Zero ! Tu m’entends ? fit Harlock dans la radio.
— Capitaine Harlock, le Commandant Zero est grièvement blessé. Il a perdu beaucoup de sang et il a besoin d’une transfusion, répondit Ishikura.
— QUOI ! … Et pour l’équipage ?
— Nous avons beaucoup de blessés. Humains et humanoïdes. L’infirmerie est saturée et le docteur ne s’en sort plus.
— Dès que nous sortirons de l’hyperespace, je vous envoie notre docteur et du matériel.
— Merci Capitaine ! Nous manquons aussi de sang, ajouta le lieutenant.
— Nous avons des réserves, intervint le docteur du Death Shadow qui suivait la conversation depuis l’infirmerie.
Quelques minutes plus tard, les deux vaisseaux sortirent de l’hyperespace. Immédiatement après, le docteur et quelques hommes d’équipage du Death Shadow se ruèrent sur le Karyu. Les blessés furent tous pris en charge, ainsi que Zero. De leur côté, Toshirô et Harlock se rendirent sur la passerelle.
— Merci pour votre aide Capitaine, fit Ishikura. J’espère que le Commandant ne m’en voudra pas trop d’avoir accepté.
— Ne vous en faites pas ! répondit Toshirô. Il comprendra…
Harlock restait silencieux. Il n’avait que hoché la tête lorsque le Lieutenant l’avait remercié. Bras croisés sur la poitrine, le Capitaine pirate semblait songeur, presque absent.
— Je vais inspecter le Karyu et dresser la liste des avaries, annonça l’ami fidèle d’Harlock.
— Ce ne sera pas nécessaire. Nous allons appeler la Flotte Indépendante et demander à ce qu’on nous envoie un vaisseau remorqueur. Vous en avez fait suffisamment, fit remarquer Ishikura.
— Vous avez pris du galon, on dirait, reprit Toshirô.
— En effet, je ne suis plus Lieutenant, mais Commandant en second.
— Félicitations, mais où est donc passée la jolie fille ? le questionna le petit homme.
— Elle… elle nous a quittés…
Devant l’air blême du Commandant en second, Toshirô n’insista pas. Harlock, lui, tiqua. Pourquoi la Capitaine aurait-elle voulu quitter le Karyu ? Selon les dires de Zero, lors d’une de leurs conversations, elle avait demandé ce poste. De plus, Zero et Marina semblaient être attirés l’un par l’autre. Harlock soupira. Etrange !
Alors que le Capitaine du Death Shadow s’égarait dans ses pensées, Toshirô ne perdit pas une minute et se mit en chasse des avaries du Karyu.
— Toshirô, non ! Le Karyu sera réparé par les mécaniciens de la Flotte indépendante. Mais arrêtez de courir partout, lui demanda Ishikura qui le suivait.
Mais rien à faire ! L’ingénieur n’écoutait pas le jeunot. Une vingtaine de minutes plus tard, il rejoignit Harlock qui n’avait pas bougé.
— Le Karyu est salement amoché, Captain. Je ne pourrai rien faire ici. Je vais avoir besoin de beaucoup de matériel.
— Comment tu veux faire ? répondit le balafré.
— Je vais faire venir ma station, sourit le petit homme.
— Elle a été détruite, Toshirô ! reprit surpris Harlock.
— L’îlot de l’ombre morte, oui ! Mais j’en ai construit une autre. J’ai pensé que ça servirait un jour, ricana le petit homme.
— Quand as-tu pu faire cela ? lui demanda Harlock.
— Ah ça…
Toshirô et Harlock quittèrent le Karyu. A bord, les deux médecins faisaient un travail remarquable. Les blessés légers étaient soignés par de simples hommes d’équipage aidés par Miimé et Kei, qui étaient montées à bord, après le Capitaine et Toshirô.
De retour sur le Death Shadow, Toshirô calcula la trajectoire de sa station pour déterminer sa position actuelle. Une chance ! Elle ne se trouvait pas loin de la leur. Sans rien dire, le meilleur ami du Capitaine avait propulsé les deux vaisseaux sur l’orbite infinie. Celle-là même où circulait la nouvelle station de Toshirô. Pour le moment, le Genzou n’apparaissait pas sur les radars du vaisseau du Pirate. Ils étaient, du moins pour un temps, en sécurité.
Il ne restait plus qu’à attendre qu’elle les rejoigne. En attendant, sur le Karyu tous s’activaient à tenter de remettre au moins les moteurs en route bien que Toshirô leur ait dit que le propulseur était trop endommagé pour être réparé. Cependant, il les laissait faire pensant qu’ils faisaient cela pour s’occuper. D’autant qu’ils s’inquiétaient tous pour leur Commandant qui ne s’était pas encore réveillé. Cela faisait près d’une heure qu’il avait été transfusé, mais aucun changement de son état n’avait été annoncé.
———
Harlock s’était enfermé dans sa cabine. Debout, il regardait l’infini par la fenêtre un verre de vin à la main. Il se perdait dans les méandres de ses pensées les plus intimes, les plus profondes. Avant d’ingurgiter une gorgée du liquide bordeaux, qu’il faisait tournoyer dans le verre, il soupirait. Ce n’étaient ni des soupirs de désarroi, ni des soupirs de bien-être. Il était las. Il était seul. Seul. Oui, il avait choisi cette vie. Oui, il ne souhaitait plus aimer, de peur de perdre l’être cher, comme cela lui était déjà arrivé. Non, il ne souhaitait pas cesser de se battre pour cette Terre qu’il chérissait tant. Mais qui se battait pour lui ? Son équipage ! Ses amis ! Oui bien sûr, mais parfois, comme en cet instant, il souhaiterait qu’il n’y ait qu’une seule personne prête à se battre pour lui, avec lui… Impossible cependant…, puisqu’il refusait de se laisser aller à la tentation de l’amour…
Un appel dans la radio le fit sortir de ses pensées. Toshirô l’appelait. Harlock posa son verre encore à moitié plein et se rendit en courant sur la passerelle du Death Shadow. Ses éperons résonnaient dans les couloirs du vaisseau, et évidemment le chemin était parsemé d’objets en tout genre et d’hommes d’équipage saouls et endormis. De temps à autre, il sautait pour éviter de se prendre les pieds dedans.
— Ah ! Captain, s’écria presque Toshirô. Ma station est là, fit-il en la montrant du doigt au travers l’écran géant du vaisseau.
— Et le Genzou ?
— Il n’a pas dû nous suivre, répondit Tadashi qui surveillait les radars.
— Reste vigilant, ordonna simplement le Capitaine balafré.
— Oui, Capitaine !
La station de Toshirô ressemblait à l’îlot de la mort, sans les deux petits satellites. Elle était bien plus volumineuse aussi.
— Wouah ! Elle est énorme, intervint Tadashi.
— Oui, ricana Toshirô.
— Mais si le Genzou nous retrouve ? demanda le jeune homme.
— Pas de soucis. Ma station nous protégera.
Toshirô ne souhaitait pas révéler tous les petits secrets de la station. Pas encore, en tout cas. L’astéroïde, créé de toutes pièces par Toshirô, s’ouvrit sur un hangar pouvant accueillir trois vaisseaux de la taille du Death Shadow. Après avoir pianoté sur le clavier de l’ordinateur, Toshirô appela le Karyu.
— Ishikura, tu m’entends ? demanda l’ingénieur.
— Oui, Toshirô, répondit-il.
— Très bien, lance la séquence que je viens de t’envoyer. Ma station va prendre le contrôle du Karyu et vous guider jusqu’à l’arrimage. Vous n’avez rien à faire, expliqua le petit homme.
— Très bien ! Nous lançons la séquence.
A bord du Karyu, l’officier chargé de l’ordinateur entra les données envoyées par Toshirô. Comme prévu, la station prit le contrôle du vaisseau de la Flotte Indépendante et le guida vers l’intérieur, tout comme elle le fit pour le vaisseau pirate.
Les deux vaisseaux se trouvaient côte à côte. Amarrés, ils ne pouvaient plus bouger. Les robots de l’atelier de réparation se mirent au travail dès que Toshirô leur en donna l’ordre depuis l’ordinateur central du Death Shadow.
Les deux équipages quittèrent les vaisseaux. En suivant les plans de la station, Miimé et Kei indiquèrent le chemin de l’infirmerie afin que les blessés du Karyu puissent y être soignés. Le Commandant Zero, toujours inconscient, fut transporté vers une chambre individuelle de l’infirmerie.
Les autres, Harlock compris, suivirent Toshirô qui leur faisait visiter fièrement sa création. Des centaines de chambres pour les hommes d’équipage. Des cuisines équipées et prêtes à être utilisées. Des salles à manger. Des salles de repos. Une plage. Une piscine. Et encore plein d’autres choses… Pour Harlock et ses hommes, cette station était comme l’îlot de l’ombre morte, mais en bien plus gigantesque. Pour les hommes du Karyu, c’était extraordinaire. Un havre de paix dans l’espace, ressemblant trait pour trait à la Terre. Même les Humanoïdes n’en revenaient pas. Tous félicitèrent le travail incroyable de l’ingénieur et ami d’Harlock.
Après la visite, chacun tenta de s’occuper comme il le pouvait en attendant que le Karyu soit de nouveau opérationnel. Toshirô supervisait lui-même les réparations du vaisseau ; depuis le temps qu’il souhaitait apporter quelques modifications… Il trépignait rien qu’à l’idée de pouvoir enfin déposer sa griffe sur le Karyu. Il ne l’aurait pas fait pour beaucoup de personnes, mais il appréciait Zero et plus important, Harlock l’appréciait également. Depuis plusieurs années maintenant, les deux hommes n’étaient plus ennemis. Même s’ils faisaient semblant, pour les autres…
Dans ses quartiers, Harlock s’était allongé sur le lit. Il avait jeté négligemment sa cape sur le fauteuil qui trônait non loin de lui. Les mains sous sa tête, une jambe pliée, l’autre tendue sur le lit, il se laissa aller à la détente. Chose rare pour lui, mais il se savait en sécurité sur cette base. Après tout, Toshirô en était l’inventeur et l’ingénieur. Il pouvait dormir sur ses deux oreilles, pourtant une chose le tracassait. A rythme régulier, il soupirait. Depuis quand était-il dans cet état ? Depuis quand n’avait-il pas dormi ? Depuis quand…
Le capitaine du Death Shadow s’autorisa à fermer les yeux, mais comme souvent depuis plusieurs mois maintenant, le sommeil le fuyait. Harlock resta ainsi plusieurs heures. A défaut de dormir, il pouvait au moins se reposer. Mais ses pensées l’agaçaient, le dérangeaient, le submergeaient, le hantaient. Un bruit à la porte le fit ouvrir les yeux.
— Entrez ! dit-il un peu las.
— Harlock, ça n’a pas l’air d’aller fort, lui fit remarquer Miimé.
Miimé était devenue au fil du temps sa meilleure amie et surtout sa confidente. Elle le comprenait si bien qu’entre eux les mots devenaient souvent inutiles. Elle savait le conseiller, mais savait également être juste présente. Harlock se redressa et s’assit au bord du lit. Il observa son amie avancer avec un plateau repas entre les mains. Cela le surprenait toujours de voir qu’elle le connaissait si bien, alors qu’il faisait tout pour ne rien laisser paraître.
— Ton dîner, fit-elle en continuant de s’approcher de son ami.
— Je n’ai pas faim, Miimé.
— Je m’en doute, Harlock. Mais, tu vas quand même manger quelque chose. Ce n’est pas en agissant ainsi que tu te sentiras mieux, lui dit-elle doucement.
Au fond de lui, le Capitaine savait qu’elle avait raison. Seulement, rien ne voulait entrer dans son estomac, et aujourd’hui plus que les jours précédents. Miimé posa le plateau sur la petite table près de la fenêtre, et se dirigea vers le fond de la pièce. Toshirô avait bien fait les choses. Il avait pensé à mettre une splendide harpe. Elle adorait en jouer, surtout pour apaiser son meilleur ami.
Les notes résonnèrent dans toute la chambre. Harlock aimait ce son à la fois vivant et heureux et à la fois terne et triste. La mélodie que jouait Miimé était une ode à l’amour, elle lui en avait parlé un jour. Sur sa planète, elle était jouée par les amoureux lors de leur déclaration d’amour. C’était beau…
Le temps s’écoula. Harlock se trouvait debout face à la fenêtre, les bras croisés sur sa poitrine, il se laissait porter par la mélodie.
— Tu es inquiet à cause du Genzou, n’est-ce-pas ? demanda-t-elle.
— Hmm.
La fin de la douce musique approcha. Harlock se rallongea sur son lit, les mains croisées sous sa nuque. Il soupirait doucement. Miimé délaissa son instrument, avança vers son ami et le regarda tristement.
— Tu devrais lui parler, lui conseilla-t-elle.
Elle quitta les quartiers du Capitaine, sans un mot de plus, sans en attendre en retour. Elle avait laissé le plateau, se doutant pourtant que son vieil ami n’y toucherait pas. Le Capitaine la regarda partir, sans plus se soucier du repas qui l’attendait sur la table.
— Lui parler ?…
———
— Comment va le Capitaine ? demanda Tadashi à Miimé qui arrivait sur la plage.
— Toujours pareil, répondit-elle.
— Que pouvons-nous faire ? intervint Kei.
— Rien ni personne ne peut faire quoi que ce soit, fit une voix derrière eux.
— Toshirô ! dirent ensemble les trois amis.
— Tu sais ce qui le mine à ce point ? osa demander Tadashi.
— Non. Tu le connais, il ne dit jamais rien, sourit l’ingénieur.
Les trois amis durent se rendre à l’évidence : Toshirô avait raison…
— Je ne l’ai jamais vu comme ça, reprit Kei inquiète. N’y a-t-il rien que nous ne puissions faire ?
— Personne ne l’a déjà vu ainsi, fit Tadashi en enlaçant Kei. Sauf peut-être toi, Toshirô…
— Possible… répondit le petit homme en quittant ses amis.
— Mais où vas-tu ? lui demanda Mimé.
— Sur le Karyu, mon travail là-bas n’est pas terminé.
Kei se cala un peu plus contre le torse de celui qui était devenu son petit ami, il y avait plusieurs mois maintenant. La jeune femme, au début éprise du Capitaine du Death Shadow, avait finalement compris qu’il n’y avait pas de place dans le cœur d’Harlock, un peu comme s’il y avait quelqu’un d’autre à l’intérieur. Elle en avait beaucoup souffert. Elle avait même songé à quitter le vaisseau et sa famille que formait l’équipage. Finalement, elle était restée. Et peu à peu, elle mit de côté les sentiments qu’elle éprouvait pour Harlock. Et puis, elle vit enfin Tadashi. Kei se rendit compte que son ami la fixait souvent et qu’il tournait la tête dès qu’il s’apercevait qu’elle le regardait. Au fur et à mesure, Kei sentait son cœur battre de plus en plus fort lorsque que Tadashi était proche d’elle. Un jour, le jeune homme tenta sa chance… Depuis, ils ne se quittaient plus, pour ainsi dire.
—————
L’équipage du Karyu se rendait utile. Certains s’occupaient d’aider Toshirô à la remise en état de leur vaisseau. D’autres aidaient en cuisine ; c’est qu’il y avait du monde à nourrir. D’autres, encore, s’improvisaient infirmiers en suivant les instructions des médecins de bord. Quelques uns se doraient sous le soleil artificiel, sur la plage.
Zero se trouvait dans un coma léger. Son état était stable, mais pour autant il ne semblait pas qu’il soit tiré d’affaire ; des poussées de fièvre rendaient sa guérison plus difficile. L’inquiétude se lisait dans les yeux des docteurs. Il y avait toujours quelqu’un près de lui.
Cette nuit, c’était au tour d’Ishikura de veiller sur son Commandant. Régulièrement, il lui passait de l’eau fraîche sur le visage, mais cela semblait inutile, tant la fièvre était forte. Ce n’est qu’au bout de plusieurs heures, qu’elle finit enfin par tomber. Le Commandant en second, épuisé, s’endormit sur la chaise.
Le calme régnait dans cette chambre. La fenêtre donnait sur un jardin paisible, fleuri et coloré. Il faisait nuit. Le Commandant Zero ne parvenait pas à comprendre où il était. Il semblait être sur Terre, or il savait que c’était impossible. Alors mort, peut-être ? Improbable, s’il se fiait à toutes les douleurs qu’il ressentait. Il se souvint alors qu’Harlock devait le harponner pour le sortir d’un mauvais pas contre le Genzou. Il devait sans doute se trouver à bord du Death Shadow. Il se redressa doucement et vit Ishikura endormi sur une chaise. Il observa un peu plus autour de lui. Il n’avait pas rêvé lorsqu’il s’était cru sur Terre. Ce qu’il voyait de la fenêtre, pouvait le faire croire.
Difficilement, il se leva et tout en tenant ses côtes douloureuses, avança vers la fenêtre. Il traînait plus les pieds qu’il ne marchait, d’ailleurs. Ce qu’il voyait était splendide.
— Etonnant, murmura-t-il.
Lentement et sans bruit, afin de ne pas réveiller son second, Zero quitta la chambre. Il se retrouva dans un grand corridor finement décoré, digne des hôtels les plus chics qu’il y avait sur Terre. Des tableaux, des guéridons sur lesquels étaient déposés des fleurs dans des vases, des appliques murales, des dorures … Il regarda à droite et à gauche. Sans savoir où il atterrirait, il opta pour partir à gauche. Tout en s’appuyant sur le mur de gauche et en traînant toujours les pieds, il avançait et découvrait ce lieu.
Zero passa devant les cuisines, l’immense salle à manger et devant de nombreuses portes qu’il supposa être des chambres. Plus loin, il vit une grande porte vitrée. Il s’avança, toujours avec difficulté, et l’ouvrit. Il se retrouva dehors.
— Une plage ? Des bruits de vagues ? Mais où suis-je ? se demanda-t-il.
Il voulait en avoir le cœur net. Il referma la porte et tenta de trouver quelqu’un qui pourrait le renseigner. Il continuait de déambuler dans les longs couloirs de cet étrange endroit. Pas encore remis de ses blessures, il avait de plus en plus de mal à marcher. Il haletait, et la fièvre semblait l’avoir rattrapé. Sa vue se troublait à mesure qu’il avançait. C’est alors que, par inadvertance, il ouvrit une porte. Plus grande que les autres, et plus richement décorée.
— Par…pardon, dit-il difficilement. Pouvez-vous…
— Zero !
Le Commandant du Karyu releva la tête. Il était entré dans la chambre de son ami. Harlock.
— Harlock… Je suis… heureux de … te voir, affirma Zero.
— Ne devrais-tu pas être couché ? l’interrogea le balafré.
— Je voulais… savoir où j’étais…
Zero était tellement mal en point qu’il tomba à genoux sur le seuil de la porte. Harlock s’empressa de venir le relever et l’aida à aller s’asseoir dans l’un des fauteuils.
— Tu veux boire quelque chose ? lui demanda le maître des lieux.
— Je ne pense pas que ce soit judicieux dans mon état, sourit Zero.
— Je vais te reconduire, fit Harlock en remettant ses bottes.
— Dis-moi où nous sommes…
— Sur une base secrète construite par Toshirô. Le Karyu avait besoin de grosses réparations et c’était assez urgent.
— L’union de la Flotte Indépendante aurait pu nous récupérer et nous aider pour les réparations.
— Ton second nous a dit la même chose, sourit Harlock. Mais Toshirô a insisté…
— Je vois…
— Ne le blâme pas.
— Jamais, reprit Zero. Il a fait ce qu’il fallait pour protéger le vaisseau et ses occupants.
Harlock s’approcha de son ami blessé, l’aida à se lever et le maintint pour marcher. Mais Zero était encore très faible et sa vue se brouilla à nouveau. Il perdit l’équilibre, entraînant Harlock avec lui. Les deux hommes étaient à genoux. Le blessé s’agrippait aux épaules de son ami, qui tentait de se relever.
Zero riva son regard dans celui d’Harlock. Il tremblait. Il avait chaud, puis froid. Son rythme cardiaque augmentait. Sa respiration était saccadée.
— ZERO ! s’écria le balafré.
— La fièvre…
Le Commandant du Karyu n’avait pas tort. Il était en plein pic de fièvre, mais pas que…
— Har…lock, je … je dois te … t’avouer…
— Tais-toi ! Je vais te ramener dans ta chambre.
— Pas avant que…
— Pas avant …, tenta de demander Harlock.
Harlock ne put terminer sa phrase. D’une part, il resta coi face à son ami. D’autre part, il ne pouvait plus parler. Zero venait de plaquer ses lèvres chaudes sur les siennes. Harlock ne bougeait plus. Son œil, ouvert en grand, accrochait le regard de son ami. Dans sa tête, toutes ses pensées se bousculaient. Jamais, il ne se serait douté que le Commandant du Karyu puisse agir de la sorte.
Zero, quant à lui, se sentait poussé par ses sentiments. Parce que non ! Ce n’était pas la fièvre qui l’avait guidé, mais uniquement ce qu’il ressentait pour son ami. Il était tombé amoureux de lui. Ses sentiments grandissaient à mesure qu’il côtoyait Harlock. Il s’en était aperçu, il y avait plusieurs mois. Chaque fois qu’il fermait les yeux, il ne voyait plus que lui. Une nuit, il avait même rêvé de lui. Et quel rêve…
Et puis, tout s’arrêta et Zero glissa sur le sol. Harlock le retint. Le Commandant du Karyu venait de s’évanouir. Sa fièvre, trop forte, avait eu raison de ses dernières forces. Harlock l’observa, Zero souriait. Le Pirate prit délicatement son ami dans ses bras, et le porta comme une princesse jusqu’à sa chambre. Ishikura dormait toujours. Le balafré posa doucement son fardeau sur le lit et appela le médecin, afin qu’il vienne l’ausculter, puis regagna ses quartiers, ses pensées orientées vers Zero.
La fièvre de Zero baissa. Il s’endormit avec un léger sourire sur ses lèvres…
A suivre…
[1] traduction : spectre, fantôme, apparition, illusion
Je parle aussi d’alcool dans ce chapitre, mais il ne s’agit en aucun cas d’incitation… L’abus d’alcool est mauvais pour la santé… et surtout on ne conduit pas si on a bu…
Commentaires
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- 1. derouelle Le 21/08/2018
Bon, je me regale. Sublimement écrit. Je les adore ces deux là dans cette situation où ils se cherchent finalement.-
- shiroitora-liliLe 22/08/2018
Coucou lulu ^_^ Merci d'avoir pris le temps de faire un comm ici ;) Oui ils se cherchent, c'est presque un jeu… ;) Gros bisous
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