Forêt noire

OS, terminé.

Une rencontre fortuite dans un restaurant et c'est le coup de foudre pour Kôtarô. Comment faire pour l'approcher ? Pour lui avouer ses sentiments ? Une seconde ! Et s'il n'était pas gay ? Et si cette rencontre changeait sa vie ?

 

Romance, amitié.

Rating : + 16 ans

 

L'univers et les personnages m'appartiennent. 


 

Texte écrit pour le calendrier de l’avent 2015 du site "le village otsu".

 

Forêt noire  

Shiroitora-lili

 

 

 

    La nuit était fraiche, juste comme il le fallait. La voix lactée éclairait la voûte céleste et le disque lunaire apparaissait dans son plus beau costume. La vue qui s’offrait à lui devrait lui faire pétiller les pupilles, néanmoins il n’en était rien. Accoudé à la rambarde de la terrasse de son appartement, les mains jointes Hoshihito NAKAMURA observait sans vraiment la voir la ville illuminée. Il semblait las. Rien ni personne ne l’intéressait. Pourtant, il y avait ce type. Banal. Un peu trop joyeux. Pourquoi devait-il penser à lui maintenant ? Non, en fait il avait pensé à lui toute la journée. 

 

    C’est arrivé il y a deux jours, peut-être trois. Il ne se souvenait plus à vrai dire et puis il s’en fichait comme de sa première dent. Alors pourquoi ce type le hantait de la sorte ? Toujours est-il que ce jour-là il était dans ce restaurant qu’il appréciait. Dans le quartier de Shibuya. Il y était seul, comme à son habitude. Ce type était arrivé plus tard avec des amis, du moins c’est ce qu’il avait pensé. L’inconnu portait un jean noir assez moulant, un t-shirt blanc et une veste noire. Cela lui allait plutôt bien. Il avait une taille moyenne, un mètre soixante-dix environ, il avait un visage et un corps fin sans pour autant être trop maigrichon. Ses cheveux bruns et court cachaient cependant une partie de son visage et ses yeux qu’Hoshihito ne pouvait voir. Le brun devait avoir une vingtaine d’années et arborait un large sourire alors qu’il discutait avec les deux hommes qui l’accompagnaient.

 

    De toute la soirée, Nakamura n’avait pu détacher ses iris émeraudes de ce type. Il se surprit même à envier ses accompagnants. Qui étaient-ils ? Des collègues, des amis ? L’un d’eux était-il son petit-ami ? Mais il ne vit rien en ce sens et puis cela ne le regardait pas. Lorsque, plus tard il quitta le restaurant, il passa près du groupe de trois hommes. Il ne put s’empêcher de lorgner sur le brun qui, à sa grande surprise, lui fit un magnifique sourire, le mettant mal à l’aise. Et depuis quand regardait-il les hommes ? 

 

    Le fond de l’air se refroidissait au fur et à mesure que les heures avançaient. Hoshihito commençait à frissonner. Il délaissa son point d’observation pour rejoindre l’intérieur de son appartement. Il se rendit dans la salle de bain, se déshabilla et se glissa sous le jet de la douche. Quelques minutes plus tard, il rejoignit son lit pour tenter enfin de fermer l’oeil.

 

———

 

    Nakamura Hoshihito éteignit son ordinateur, attrapa son manteau et quitta son bureau. Il était vingt heures passés et il n’avait rien dans son réfrigérateur. Il hésita entre aller prendre un bento à la supérette du coin ou aller au restaurant. C’était un jeune homme de vingt-cinq ans, il mesurait un mètre quatre-vingt. Ses cheveux étaient couleur ébène et lui descendaient dans la nuque. Ses iris émeraudes semblaient éteintes, comme son âme.

 

    Il vivait seul et avait peu d’amis. Il ne souriait quasiment jamais et personne ne lui connaissait de petite-amie. C’était ce que l’on appelait un solitaire. Enfin, il sortit de l’immeuble où se trouvait son bureau, seul évidemment. Il est vrai que les jeunes femmes se retournaient facilement sur son passage, et que les femmes avec qui il travaillait, tentaient souvent d’obtenir ses faveurs, mais en vain… Depuis quand ne regardait-il plus les femmes ?

 

    Il se décida à aller dîner au restaurant, le même qu’habituellement. C’était l’un des rares endroits où il se sentait bien et puis ce n’était pas loin de chez lui. Il monta dans le train, et resta debout près de la porte. Il n’aimait pas être assis, il trouvait les sièges inconfortables. Son regard se perdait dans la vitre de la porte. Les images y défilaient tel un film. Cela l’hypnotisait, presque. Il se surprit à se demander si ce type de l’autre jour serait au restaurant. Il eut un semblant de sourire, ce qui pour lui était déjà beaucoup.

 

——————————

 

    Un serveur l’installa à une table, un peu à l’écart de la salle principale. En réalité, il était un habitué dans ce lieu et cette table avait été installé pour lui. Le jeune serveur lui apporta la carte et lui demanda ce qu’il voulait boire en apéritif. Il répondit qu’il prendrait la même chose que d’habitude, ce qui n’étonna pas le serveur. Lorsqu’il revint plusieurs minutes plus tard, il vit son client détailler la carte. Hoshihito avait cet air inabordable. Un coude posé sur la table, sa joue reposait sur son poing. 

 

    L’endroit était pittoresque, presque irréel. Ce n’était ni trop grand ni trop petit. L’éclairage n’était pas agressif pour les yeux, pourtant il y avait suffisamment de clarté pour voir le fond des assiettes. Il ne saurait expliquer pourquoi il aimait cet endroit, il l’aimait c’est tout. 

 

    Son assiette était vide depuis quelques minutes, quand le jeune serveur  - dont il ignorait le nom - revint vers lui pour le desservir. 

 

    — Souhaitez-vous autre chose ? interrogea t-il.

 

    Au moment où Nakamura allait répondre qu’il ne souhaitait que la note, la porte du restaurant s’ouvrit. Une serveuse accueillit ce client retardataire. Dans un mouvement lent, il tourna la tête vers le nouvel arrivant. Leurs regards s’accrochèrent un instant puis dévièrent. Sans vraiment savoir pourquoi, Nakamura décida de rester encore un peu. 

 

    — Je vais prendre un dessert et un café, répondit-il enfin.

 

    Le jeune serveur lui laissa la carte des douceurs et alla s’occuper d’une autre table en attendant que son client fasse son choix. La carte placée à hauteur de son visage lui servait de rempart. Il se cachait derrière afin d’observer à loisir ce type qui hantait ses pensées depuis plusieurs jours. Pourquoi cet homme aussi banal infestait-il son cerveau ? Un HOMME ? 

 

    Il ne pouvait se détacher de lui, il se sentait comme un adolescent face à son premier émoi. Pourtant, c’était d’un homme dont il s’agissait. En principe, il ne regardait que les femmes et il n’y avait qu’elles qu’il mettait dans son lit. Alors pourquoi lui ? Des palpitations lui chatouillaient les entrailles, une douce chaleur s’emparait de son corps…

 

    Le jeune serveur revient pour prendre la commande mais Nakamura n’avait pas regardé une seule seconde la carte, alors il improvisa en laissant libre choix au serveur qui récupéra malheureusement la carte. Plus rien ne le cachait dorénavant mais ses émeraudes se perdaient toujours sur le brun. 

 

    Son dessert arriva enfin, le jeune serveur lui avait servi une pâtisserie, une forêt noire. Le client observa son assiette puis le serveur. Il n’avait jamais pensé à prendre ça.

 

    — Si mon choix ne vous convient pas, je peux le remplacer, s’empressa de dire le jeune homme.

    — Non, non. En fait, je me disais que je n’avais jamais pensé à goûter ce gâteau.

    — Pardonnez mon audace. Je vous ai vu observé à la dérobé ce client là-bas. Mr AOKI Kôtarô. Et ce client prend toujours une forêt noire en dessert. Très peu de client en commande, j’ai pensé que ça vous donnerait l’occasion de vous connaitre, enfin s’il voit qu’un autre client en a commandé une.

    — Mais enfin, de quoi vous mêlez vous ? s’insurgea Nakamura.

    — Je suis désolé, je pensais bien faire. Voulez-vous que je remplace le dessert ? 

 

    Mais avant que Hoshihito ne réponde, ce type, qu’il ne cessait d’épier, s’approcha de sa table. Le laissant sans voix.

 

    — Si je puis me permettre, vous avez eu raison de commander cette pâtisserie, dit ce AOKI Kôtarô en s’installant en face de lui.

 

    Sans aucune gêne, il avisa le serveur qu’il dînerait ici, à cette table, devant l’air ébahit de Nakamura.

 

    — Je ne vous permets pas de m’envahir. Retournez à votre table ! tenta t-il de l’inciter.

    — Je vous ai vu m’observer, vous devriez être plutôt content, reprit-il tout sourire. Je m’appelle AOKI Kôtarô et je suis ravi de pouvoir dîner avec vous. Enfin vous, vous avez presque terminé. Mais que diriez-vous de m’attendre avant de déguster ce gâteau ? sourit-il avec malice.

    — Je n’ai pas que ça à faire !

    

    Le jeune serveur revint avec l’assiette d’Aoki et la posa, mal à l’aise par rapport à son client, sur la table. Hoshihito soupira. Au moins maintenant il connaissait son nom.

 

    — Je m’appelle NAKAMURA Hoshihito, dit-il tout de même agacé. 

    — Enchanté Nakamura, alors vous attendez que je vous rattrape ? ironisa t-il.

    — Pfff ! Hors de question !

 

    Hoshihito prit la petite cuillère et entama la pâtisserie devant l’oeil malicieux de son compagnon de table. Il prenait soin de ne pas poser ses iris sur son vis-à-vis, bien qu’il en ait atrocement envie. Il ingurgita le gâteau, qu’il trouva délicieux, et son café en peu de temps puis se leva.

 

    — Alors comme ça, vous me laissez terminer seul ? interrogea Kôtarô en arborant une mine de chien battu.

    — Je ne vous dois rien, et c’est vous qui vous vous êtes invité ! 

    — Mais c’est vous qui m’observez chaque fois que vous me voyez, sourit le brun.

 

    Sans un mot de plus Nakamura tourna les talons, se dirigea vers le comptoir, régla sa note et quitta l’établissement. Toujours assis à la table, Kôtarô le regarda partir. Un sourire se dessina sur son visage. Tout en le suivant de ses iris azur, il se remémora la première fois qu’il avait remarqué son « admirateur ».

 

    Quelques jours auparavant, il était entré ici, dans ce petit restaurant, en compagnie de KONDÔ Ken et de ITÔ Masaki, ses amis d’enfance. Ils avaient décidé de dîner ensemble car cela faisait un moment qu’ils ne s’étaient pas retrouvé ainsi entre eux. Itô allait bientôt se marier et Kondô draguait une jeune femme tout à fait charmante. Quant à lui, il était célibataire depuis près d’un an. Son ex-petit ami l’avait quitté sans un mot, sans une explication. Ses amis de toujours l’avaient soutenu dans cette épreuve. Ils avaient été là chaque fois qu’il en avait éprouvé le besoin. Ken et Masaki ne l’avaient jamais jugé par rapport à son homosexualité et leur amitié était forte et sincère. Toujours était-il qu’ils voulaient passer une soirée ensemble. En entrant dans l’établissement, il avait scruté toute la salle et son regard s’était arrêté sur un homme qui semblait être un peu plus grand et plus âgé que lui. L’inconnu portait un costume comme ceux que les employés de bureau portent. Cela lui allait plutôt bien, se rappela t-il avoir pensé. Il avait imaginé toutes sortes d’emplois qu’il aurait pu avoir. Patron, commercial, employé de bureau, truand…… Il sourit devant ses élucubrations.

 

    Kôtarô s’était rendu compte assez vite que le bel inconnu l’épiait. Etant avec ses amis, il n’avait pas souhaité les laisser pour aller à la rencontre de cet homme qui l’intriguait. C’est pourquoi, depuis ce soir-là il venait tous les jours pour avoir enfin l’opportunité de lui parler. Le physique d’Hoshihito lui plaisait. Ses cheveux mi-long d’un noir intense. Sa carrure, qui montrait un homme sportif. Son visage, même s’il ne souriait pas. Enfin, tout…

 

    Et ce soir, lorsqu’enfin il le revit, Hoshihito était seul. Enfin, à ce moment là il ignorait encore son nom. Il n’avait pu s’empêcher d’aller le rejoindre et de s’installer à sa table pour faire connaissance. Et maintenant, il se retrouvait seul. Il s’était précipité et il l’avait fait fuir. Comment allait-il s’y prendre pour l’approcher de nouveau ? Il termina de dîner, sans oublier de prendre son dessert favori du moment, paya sa note et quitta à son tour le petit restaurant. 

 

    Sur le chemin qui le mena à son appartement, Kôtarô ne se lassait pas de penser à Nakamura. C’était le premier homme qu’il regardait vraiment depuis sa rupture avec Jôichi un an plus tôt. Il n’était pourtant pas dans ses habitudes de draguer, mais là il sentait que s’il ne faisait pas le premier pas, rien ne se passerait. Néanmoins, il l’avait fait fuir et s’en voulait. Que ferait-il si Hoshihito ne revenait plus dans ce restaurant ? Il le chercherait, c’est sûr car il n’avait encore jamais ressenti autant de sensations qu’en sa présence. Il avait montré une certaine assurance en s’invitant à sa table mais il n’en était rien, au contraire même. Ses jambes eurent du mal à le conduire près de lui. Les sons eurent un mal fou à sortir de sa gorge. Son coeur battit tellement fort qu’il eut peur que Nakamura ne l’entende. 

 

    Hoshihito venait d’arriver dans son appartement qui se situait non loin du restaurant. Lui aussi repensait à ce qui venait de se passer, sans vraiment comprendre d’ailleurs. Il est vrai qu’il l’avait observé quelques jours plus tôt mais pour qui l’avait-il pris ce type, ce Aoki ? Il se rendit directement dans la salle de bain. Il voulait se détendre avant d’aller se coucher. Ce type hantait encore ses pensées, mais pourquoi ?

 

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    Tous les soirs de la semaine, sans exceptions, Kôtarô s’était rendu dans le petit restaurant. Tous les soirs, il attendait Hoshihito mais celui-ci ne s’y montrait pas. Pourtant, Aoki se débrouillait pour quitter son travail plus tôt afin d’arriver de bonne heure et il restait à sa table jusqu’à la fermeture. Il ne voulait pas risquer de le manquer. De jour en jour son enthousiasme semblait pourtant le quitter. Nakamura lui manquait alors qu’il ne le connaissait pas ou si peu. Juste lui faire des excuses pour l’avoir envahi, c’est tout ce qu’il voulait. Il décida de venir le temps qu’il faudrait pour le revoir juste une fois. 

 

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    Hoshihito se sentait de plus en mal vis-à-vis de son comportement envers Aoki. Après tout, ce type était juste venu lui parler et c’était vrai que c’était lui qui l’avait dévisagé en premier. Cependant, il n’arrivait pas à se résoudre à retourner dans ce petit restaurant. Du moins à y entrer. Il passait là tous les jours depuis trois semaines, trois longues semaines. Il s’arrêtait devant la vitrine de manière à n’être vu par personne mais lui voyait parfaitement l’intérieur. Nakamura observait, ou plutôt épiait Aoki qui semblait déprimer de jour en jour. Tous les jours Kôtarô était présent, à la même table. Il restait là jusqu’à la fermeture et semblait attendre quelqu’un. Hoshihito le savait car il regardait jusqu’à la fin. Il ignorait pourquoi il faisait ça mais ce qu’il savait c’est qu’Aoki parasitait son esprit à longueur de temps. Comment l’ôter de sa tête ? Une fois encore, il se cacha afin de ne pas être vu lorsque Kôtarô sortit de l’établissement. Son coeur se mit à battre la chamade comme jamais et pour la première fois il eut envie d’aller lui parler, mais ne le fit pas…

 

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    Les jours passaient et rien ne changeait. Hoshihito se sentait de plus en plus mal, se rendant compte qu’Aoki le hantait de plus en plus. Quant à Kôtarô, lui restait fidèle au petit restaurant où il avait croisé celui dont il était tombé fou amoureux au premier regard. 

 

    Un mois. Un mois venait de passer. Le serveur s’inquiétait de voir Kôtarô manger de moins en moins. Un soir, ses amis étaient même venus le rejoindre, l’avaient forcé à manger mais rien à faire. Il ne souriait plus et ne peignait plus. Oui, Aoki Kôtarô était artiste peintre et commençait à faire se faire un nom. Mais depuis le début de cette histoire il avait perdu l’inspiration. Du moins depuis que Nakamura avait déserté les lieux. Alors que le jeune serveur lui portait la carte, la porte de l’établissement s’ouvrit presque timidement. Un « bonjour » tout aussi timide fut lancé. Aoki ne se retourna pas, cela faisait des jours qu’il se fichait de qui pouvait franchir le seuil du restaurant. 

 

    Le jeune serveur accueilli comme il se devait ce client tardif. En levant son regard vers l’arrivant, il écarquilla ses orbes et les rua sur Aoki près duquel il se tenait.

 

    — Monsieur Aoki ! Vous devriez regarder, conseilla t-il.

    — A quoi bon ! souffla Kôtarô.

 

    Alors qu’Aoki se plongeait dans la carte, qu’il connaissait pourtant par coeur, une ombre vint lui cacher la lumière. Il releva son visage vers la source de l’opacité c’est alors que ses iris azur s’ouvrirent en grand. 

 

    — Naka… mura !?

 

    Kôtarô était si surpris qu’il n’arrivait plus à articuler. Il ne clignait pas des yeux de peur de le perdre de vue, et de s’apercevoir que c’était un mirage. Pourtant après tout ce temps, Hoshihito se tenait là, devant lui et semblait quelque peu … gêné.

 

    — Je peux m’assoir ? demanda Hoshihito.

    — Ou… oui ! répondit difficilement le brun.

    — Dois-je apporter une autre carte ? interrogea le serveur.

    — Oui, merci ! répondit le nouvel arrivant.

 

    Le jeune serveur alla chercher un autre menu et le présenta à Nakamura, puis laissa les deux hommes. L’ambiance était assez tendue entre eux et le jeune homme ne savait pas à quel moment il devait revenir pour prendre la commande.

 

    — Désolé, dit uniquement Hoshihito en regardant son vis-à-vis dans les yeux ne sachant pas vraiment comment s’y prendre.

 

    Aoki fut plus étonné encore en entendant ce mot de la bouche de son « ami », mais ne trouva pas la force de dire quoique que ce soit.

 

    — Je n’ai pas l’habitude des gens, mon comportement de l’autre jour a été excessif. Et je ne sais pas vraiment pourquoi mais je m’en suis voulu, expliqua t-il en laissant légèrement son visage s’empourprer.

    — Je suis venu tous les jours depuis, pour m’excuser de t’avoir … heu, pardon… de vous avoir envahi mais vous n’êtes pas revenu…, avoua Kôtarô.

    — Je sais, soupira Hoshihito. Je suis venu moi aussi tous les jours. Je ne savais pas quoi dire alors je suis resté dehors pour t’observer, jusqu’à la fermeture. 

    — Hein ! Vous êtes venu tous les jours ? Sans entrer et vous m’avez observé ?

 

    Nakamura acquiesça d’un signe de tête, un peu honteux d’avouer une telle chose, alors que Kôtarô ne savait plus quoi penser de tout cela.

 

    — Mais aujourd’hui, tu avais tellement l’air … éteint…

    

    Kôtarô n’en croyait pas ses oreilles. Se pourrait-il qu’Hoshihito se soit inquiété pour lui ? C’est à ce moment que le serveur réapparu à la table pour prendre la commande.

 

    — Puis-je prendre votre commande ? interrogea t-il.

    

    Les deux hommes acquiescèrent et passèrent commande. Puis Aoki pensa à ce qu’avait dit son vis-à-vis avant que le serveur ne viennent.

 

    — Eteint ? l’interrogea t-il.

    — Hein ! Nakamura avait perdu le fil de la conversation. 

    — Tu as dit que j’avais l’air éteint, reprit l’artiste.

    — Oui, c’est vrai. Tu es différent de …

    — Je pensais jamais te revoir et je me suis promis de m’excuser de mon comportement si j’en avais la chance. Alors, je suis désolé de t’avoir envahi la dernière fois.

 

    Même s’ils ne se connaissaient pas plus que cela, Hoshihito se rendit compte que la voix de son « ami » tremblait. Pourquoi ? Ca, il l’ignorait, lui-même n’étant pas dans son état normal. Sans savoir vraiment pourquoi, il eut lui aussi envie de s’excuser de son comportement. 

 

    — Je crois que je t’en dois aussi. Je suis du genre solitaire et je n’ai pas l’habitude d’être avec des gens. Alors lorsque tu m’as rejoint à ma table l’autre jour, je me suis mis sur la défensive.

 

    Les deux hommes s’entre-regardèrent sans savoir quoi ajouter. Ils se sentirent gênés lorsque leurs regards s’accrochèrent et dans un mouvement synchronisé détournèrent leurs orbes pour les plonger dans leurs assiettes encore vides. Il furent sauvés par le serveur qui arriva avec leur commande. Aoki n’avait pas mangé autant depuis des semaines. Il trouva les plats succulents. De son côté, Hoshihito avait l’estomac noué. Il ne se l’expliquait pas. D’ailleurs, il ne s’expliquait pas pourquoi il avait épié durant des semaines le type qui se trouvait devait lui, ni même pourquoi il ne faisait que penser à lui.

 

    C’est dans un silence presque monacal qu’ils dînèrent ce soir là. En dessert, ils prirent une forêt noire puis un café et ce fut bientôt le moment de se quitter. Chacun d’eux paya sa propre note et ensemble quittèrent le petit restaurant. 

 

    — Et bien, je pense qu’il est temps de se dire au revoir, lâcha Kôtarô.

    — Il semble, en effet.

    — Je peux te poser une question ? 

    — Oui, répondit Hoshihito.

    — Pourquoi m’avoir épié tous les soirs ?

 

    La question qu’il avait pu éluder plus tôt revenait sur le tapis. Mais Nakamura n’avait pas la réponse.

 

    — Je ne sais pas. Le premier soir, j’ai voulu venir dîner mais quand je t’ai vu, j’ai pensé immédiatement que tu allais encore t’incruster à ma table. J’ai hésité à entrer et j’ai commencé à t’observer. Sans raison particulière, avoua Hoshihito.

    — Tu es étrange, sourit Aoki. Je vais par là, fit-il en pointant du doigt une direction opposé à la station de train.

     — Moi aussi, dit d’un air surprit Nakamura.

 

    Sans un mot de plus, les deux hommes avancèrent dans la nuit. En cette période d’automne, les nuits se faisaient de plus en fraiches. L’hivers arrivait. Heureusement, Kôtarô et Hoshihito étaient habillés pour cette température basse. Près d’une dizaine de minutes venaient de s’écouler. Le calme régnait dans les rues. Le silence s’était emparé d’eux. 

 

    — Je bifurque ici, dit tout à coup Kôtarô.

 

    Le son haut et clair qui s’échappa de la bouche de son vis-à-vis fit sortir Hoshihito de ses pensées. Il sursauta, se demandant même où et avec qui il se trouvait. Puis, il se souvint. 

 

    — Tu disais ? demanda t-il innocent.

    — Tout vas bien ? s’inquiéta Aoki.

    — Oui ! 

    — Très bien. Je te disais que c’était là que nos chemins se séparaient. 

 

    Aoki n’avait cessé d’épier Nakamura du coin de l’oeil durant le trajet qui les conduisirent à ce croisement. Son coeur martelait sa cage thoracique comme un força. Ses mains et ses jambes tremblaient. D’ailleurs, il gardait précautionneusement ses mains au fond de ses poches afin que son accompagnant ne les voient pas. Kôtarô ne souhaitait pas qu’Hoshihito et lui se quittent ainsi, mais que pouvait-il faire ? Juste espérer qu’ils se revoient rapidement.

 

    Jusqu’à aujourd’hui, il souhaitait le revoir afin de s’excuser de son comportement passé, mais maintenant que c’était fait il voulait plus. Nakamura lui plaisait et ce depuis le début. Pourtant il n’était pas dans ses habitudes d’approcher les autres hommes, en temps normal il se laissait draguer mais le sentiment qui l’avait poussé à l’approcher ne le quittait pas. Cette sensation que s’il ne faisait pas le premier pas, il le perdrait avant même d’avoir pu l’avoir.

 

    — Souhaites-tu venir boire un dernier verre, chez moi, lui demanda t-il en réunissant tout son courage une fois encore.

 

    Hoshihito dévisagea son « ami ». Depuis qu’il avait pénétré dans le restaurant ce soir, son organe de vie ne l’avait pas laissé en paix une seconde. Souvent, il eut même peur que Kôtarô ne l’entende. Marcher près de lui semblait plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Ils étaient si proche que parfois leurs bras se heurtaient. Leurs mains s’effleuraient. Une drôle de chaleur s’emparait de lui et lui remuait les entrailles. Il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait agit ainsi. Depuis la première fois qu’il avait croisé le regard de Kôtarô, il ne se reconnaissait plus. Son corps et son esprit lui jouaient un bien étrange tour. 

 

    Il n’avait jamais regardé d’autres hommes, bien qu’en y pensant cette éventualité ne le rebutait pas spécialement. Cependant il aimait les courbes fines des femmes. Leurs peaux délicates et douces. Leurs odeurs, mélange de savon et de parfum. En fait, tout ce qu’un homme n’avait pas forcément. Mais Aoki semblait différent de l’idée qu’il se faisait d’un autre homme. Et pour la première fois, il se demanda ce que cela faisait de sortir avec quelqu’un du même sexe que lui.

 

    — Merci, mais je vais devoir refuser. Je dois être tôt au travail pour une réunion importante. 

   — Je comprends. Nous n’avons jamais parlé de nos emplois. Que fais-tu ? demanda Kôtarô, qui espérait le retenir.

    — Je travaille pour une maison d’édition, au service des ventes.

    — Eh bien ! Félicitations car cela ne doit pas être facile tous les jours.

    — Merci, mais généralement tout se passe bien. Et toi ? lui demanda t-il.

    — Je suis artiste peintre et je commence à percer dans le milieu, avoua t-il.

    — Il faudra que tu me montres ça, dit sans vraiment réfléchir Nakamura.

 

    Aoki écarquilla ses orbes. Hoshihito voulait voir ses oeuvres, cela voulait donc dire qu’il souhaitait le revoir, lui. Son coeur s’emplit d’une joie immense.

 

    — Ce sera avec plaisir, mais pour cela il nous faudra nous revoir mais je ne sais pas comment te …, Aoki ne termina pas sa phrase.

    — Ma carte, dit simplement le commercial.

    — Mer…merci. 

 

    A son tour, le jeune peintre tendit une petite carte à son interlocuteur qui la glissa dans l’une des poches de sa veste sans même l’observer, ce qui dérouta un peu Kôtarô. Après les salutations d’usage, les deux connaissances se quittèrent. Quelques mètres plus loin, Aoki se retourna. Il aurait espérer apercevoir encore la silhouette de celui qui faisait battre son coeur, mais Nakamura n’était déjà plus dans son champ visuel. Il enfouit ses mains au fond de ses poches, baissa la tête et reprit la direction de son appartement. En ce remémorant sa soirée, il dut admettre qu’elle était plutôt bonne, puisque l’élu de son coeur s’était enfin montré. 

 

    Hoshihito avait avancé de quelques pas, suffisamment pour ne plus avoir de visibilité sur la rue qu’avait emprunté son accompagnant. Il fit demi-tour, sans bouger il fixait l’endroit où Aoki avait « disparu ». Que lui arrivait-il ? Il y a un mois, il s’était mis en colère car Kôtarô s’était installé à sa table sans lui demander son avis. Tous les jours durant ces trente jours, il l’avais observé depuis la rue. Et ce soir, enfin, il avait pénétré dans le petit restaurant pour lui parler. Cette sensation de vide qu’il ressentait en cet instant était nouvelle. Ses entrailles le serraient comme jamais. Il reprit sa route vers son domicile, tout en se posant des dizaines de question. Chez lui, il se vautra dans son canapé. Il n’avait pas envie de dormir, son cerveau bouillonnait bien trop pour cela. 

 

———

 

    Aoki vivait dans un loft dans lequel il avait également installé son atelier de peinture. Toutes les pièces étaient ouvertes sauf la salle de bain et sa chambre. Quelque soit l’endroit d’où on regardait, on avait vu sur son atelier et ses toiles. Une flopée de coulures de peintures recouvrait sol, murs et plafond. De la toile de jute recouvrait certain endroit, et un tableau. 

 

    L’artiste commençait à se faire un nom dans le milieu. Il peignait un peu de tout : du classique japonais, quelques nus, un peu d’art abstrait, il touchait à tout. Un galériste l’avait découvert par hasard et exposait à présent ses toiles. Néanmoins, cela faisait un bon mois qu’il n’avait pas touché à ses tubes de peinture. Il regardait sa toile en cours, sans pour autant trouver l’inspiration pour la reprendre et lorsqu’il essayait de mettre une toile blanche sur son chevalet, c’était pire.

 

    Avec cette toile inachevée, il essayait un style encore plus différent et moins répandu. Il n’en avait parlé à personne. Peut-être même qu’il ne la montrera jamais. Mais il aimerait la terminer pour lui-même.

 

    Après avoir laissé Hoshihito, il était rentré directement et avait tenté d’aller dormir. En vain. Après avoir lutté, près de deux heures, contre son insomnie il s’était résigné à se lever. Comme chaque fois, vêtu uniquement d’un boxer il se dirigea vers son atelier. Il avait découvert une fois de plus sa dernière oeuvre et l’observait, la fixait. Puis, il s’assit sur son tabouret haut et comme chaque fois ne trouva pas la force de le reprendre. Durant de longues heures il resta là, à scruter sa croute. Il ne se rendit même pas compte que le soleil pointait déjà. Une sonnerie le sortit de sa léthargie. Celle de son téléphone.

 

    — Allo ! fit-il après avoir cherché où il l’avait laissé.

    — Hey, Kôtarô ! Ca te dirait de venir déjeuner avec moi ? l’interrogea Ken, son  ami.

    — Ken ! Merci, mais non. Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit, je pense que je vais aller dormir. Du moins, essayer ! 

    — Oh ! Tu as peint toute la nuit ? Génial ! 

    — Non, je suis toujours bloqué…

    — Tu ne devrais pas trop ressasser. Cela fait un an maintenant, passes à autre chose.

    — Ce n’est pas à cause de Jôichi.

    — Hein ! Tu es sûr ?

    — Oui. Je te le promet. Et je te promet de t’expliquer mais plus tard, ok !

    — Ok, très bien. Mais ne reste pas dans ton coin et sort un peu. Mais d’abord, tu vas dormir !

    — J’y vais maintenant, sourit Aoki.

 

    Kondô avait l’air était inquiet pour son ami, mais le laissa aller se reposer. Kôtarô s’endormit rapidement, cette fois, certainement à cause de sa nuit blanche. Un bruit le tira pourtant des bras de Morphée. Il n’arrivait pas à analyser ce qu’il entendait. Des pas. Une voix. 

 

    — Oï ! Aoki ! 

    — Hmmm, encore un peu, bafouilla le peintre sans même ouvrir les yeux.

    — Il y a un de tes amis qui attendait devant la porte quand je suis arrivé. 

    — J’attends personne, reprit l’endormi sur le même ton.

    — Je repasserais plus tard, ce n’est pas grave. Je suis venu à l’improviste, dit une voix depuis le milieu du loft.

 

    Cette fois les yeux de Kôtarô s’ouvrirent en grand. Il fit un bon pour se lever, surprenant SASAKI Shunsuke, le galériste qui venait régulièrement le voir et voir son avancement dans son travail. C’était un homme d’une cinquantaine d’année, élégant. Il mesurait dans les un mettre soixante-dix et avait encore un corps d’athlète. Ses iris grises se mariaient à la perfection avec ses courts cheveux  poivre et sel.

 

    — Aoki ? Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Sasaki. 

    — Ca ne peut pas être …

    — Je n’aurais pas dû le faire rentrer ? 

 

    Mais Kôtarô n’écoutait plus Shunsuke. Oubliant sa tenue légère, il courut vers la pièce principale, là où se trouvait celui qu’il ne s’attendait pas à voir, pas maintenant…

 

    — Hoshi…hito ! bégaya le brun.

    — Désolé, je ne savais pas que tu dormais si tard, j’aurai dû appeler avant. Je vais te laisser, fit Nakamura.

    — Je suis content que tu sois là. Je ne m’y attendais pas.

    — J’ai pensé que … que peut-être … qu’enfin tu accepterais de me montrer des tableaux, réussit-il à dire en bafouillant.

    — J’impression de déranger là, fit remarquer Sasaki. Je repasserais plus tard, Aoki.

 

    Seulement Kôtarô ne se rendit même pas compte que son ami s’était éclipsé. Il était resté figé sur Hoshihito qui le scrutait sans vergogne. Fallait dire qu’Aoki ne portait qu’un boxer. L’invité surprise déglutit péniblement devant la vue qui s’offrait à lui. Pourquoi cet homme devait lui faire autant d’effet ? Ses muscles se tendirent. Son coeur s’emballa et lui dicta de s’approcher mais sa raison le retint. Des frissons parcouraient tout son être. Plus de doute pour lui : il avait succombé au charme de Kôtarô.

 

    A la vue de Nakamura, Aoki se figea. Il entendit son organe de vie raisonner dans sa poitrine, menaçant même de sortir de sa prison de chair. Que pensait son invité en cet instant ? Après tout, il était près de quinze heures et il venait de sortir de son lit. Du moins, on venait de l’en sortir. Il contemplait celui qui hantait ses pensées depuis un mois. Cherchant la moindre trace, le moindre indice qui lui permettrait de savoir pourquoi Hoshihito était vraiment là. Etait-ce vraiment pour ses toiles ? Ou était-il là pour autre chose ? 

 

    Le silence avait envahi tout l’espace de vie du loft. Aucun des deux hommes n’avaient bougé. Chacun se perdait dans ses propres pensées, fantasmes. Puis, Aoki se souvint de la question de son nouvel ami.

 

    — Oui, enfin si tu veux mais … toutes mes toiles ne sont pas ici, se reprit le brun.

    — Dommage, sourit enfin Nakamura. Et où sont-elles ?

    — Elles sont à la galerie de Shunsuke. Tiens d’ailleurs où est-il passé ? se demanda à haute voix l’artiste.

    — Je crois qu’il est parti, depuis un moment.

 

    Kôtarô se sentit étrangement bête d’un coup. Il n’avait même pas vu Sasaki partir ! Mais ce qui le gêna le plus c’est qu’Hoshihito ne le quittait pas des yeux. Puis, une chose fit tilt dans sa tête : sa tenue.

 

    — Je suis désolé, je vais m’habiller. J’ai oublié que je sortais du lit, dit rougissant Aoki avant de retourner dans sa chambre.

 

    Nakamura s’en voulu presque de n’avoir pas pu être plus discret pour détailler le corps de Kôtarô. Il soupira. Il fallait qu’il reprenne le dessus sur ses émotions nouvelles. Qu’aurait-il fait s’il s’agissait d’une femme ? Il se serait très certainement approché pour l’embrasser, voire même plus. Alors pourquoi restait-il presque pétrifié ? La porte de la chambre était ouverte, il n’avait qu’à avancer et pénétrer à l’intérieur sans un bruit ; enlacer Kôtarô, comme il l’aurait fait avec une femme ; l’embrasser ; le caresser. Pourquoi ne bougeait-il pas alors ? Mettant ses réflexions de côté, il réussit à faire un pas en avant, mais trop tard. L’être qu’il désirait revenait déjà. Habillé. Hoshihito soupira intérieurement. Pourquoi était-il aussi hésitant ? Parce qu’Aoki était un homme ? Ou simplement parce qu’il n’avait encore jamais ressenti ses émotions avant ? Encore fallait-il que le brun soit attiré par lui !

 

    — Veux-tu boire quelque chose ? lui demanda l’artiste.

 

    Kôtarô avait profité de sa « fuite » pour remettre ses idées à plat. En le voyant, debout, au milieu de son loft il avait perdu pieds. Il crut qu’il allait défaillir. Ils s’étaient vus la veille, et avaient échangé leurs cartes mais il ne s’attendait pas à le revoir aujourd’hui. Il fut surpris aussi par sa tenue vestimentaire. Nakamura portait un jean et un pull fin. Cela lui allait à ravir et ça changeait de son costume. Comment se remettre d’un choc pareil ? Ces quelques minutes passées à se vêtir lui permirent de se ressaisir. Il avait plusieurs fois inspiré profondément pour reprendre contenance, espérant que cela suffise.

 

    — Un café, si tu as.

    — Oui, installe-toi. je vais le préparer.

 

    Tout le corps de Kôtarô se mit à trembler, s’il s’écoutait il irait s’installer sur les genoux d’Hoshihito mais que dirait-il ? Il le repousserait très certainement. Alors, il ne fit rien, juste le café qu’il apporta un moment plus tard.

 

    — Je ne m’attendais pas à te revoir si tôt. Tu ne travailles pas aujourd’hui ? fit Kôtarô pour briser le silence.

    — On est Samedi, je ne travaille pas et je voulais voir tes toiles et toi, répondit Hoshihito en amenuisant sa voix sur la fin de sa phrase. 

    — Désolé, je n’ai pas entendu la fin de ta phrase.

    — Non rien ! Ce n’est rien.

    — Viens, dit d’un coup le peintre.

 

    Nakamura se laissa entrainer par son hôte vers l’endroit du loft où il avait fait son atelier. Il put voir une multitude de coulure de peinture s’écouler de toute part. Il n’osait pas avancer de peur de marcher sur de la peinture fraîche. 

 

    — Tu peux venir, tu sais, lui sourit le brun.

    — Je risque de marcher…

    — Ha ! Non ne t’inquiète pas. Je n’ai pas touché à mes tubes depuis près d’un mois.

    — Tu veux dire que tu n’as pas d’inspiration ? 

    — Oui c’est ça. Mais je pense que cette période est bientôt terminée, le rassura Aoki.

    — Comment peux-tu savoir ça à l’avance ?

    — Je le sens, c’est tout.

 

    Kôtarô avait un large sourire aux lèvres. Hoshihito ne pouvait de nouveau plus détacher ses orbes de ceux de son vis-à-vis. Son coeur se remit à battre comme jamais. Une fois encore il voulut s’approcher de lui pour le serrer dans ses bras, mais une fois de plus il ne fit rien.

 

    Aoki montra toutes ses toiles, du moins celles qui étaient chez lui. Nakamura semblait apprécier. 

 

    — Je pensais que les artistes peintres n’avaient qu’un style, mais toi tu as plusieurs cordes à ton arc. Je suis surpris.

    — Oui tu as raison. Mais je n’aime pas faire toujours les mêmes choses, du coup je suis sur plusieurs fronts. Tu aimes ?

    — Oui, beaucoup. Surtout celle-ci, avoua t-il en montrant un tableau classique japonais.

    — Merci, je suis flatté.

 

    Hoshihito ne lâchait pas la toile des yeux. Il était comme hypnotisé. Voyant cela, Aoki fut attendri.

 

    — Elle est à toi, si tu la veux, dit le plus sérieusement du monde le peintre.

    — Non, je ne peux pas accepter. C’est ton gagne pain ! 

    — Ne t’inquiète pas. Et puis cela me fait plaisir de te l’offrir.

    — Mais….

    — Non, pas de mais ! Prends ça comme un cadeau d’excuse, argumenta le brun.

    — Je ne comprends pas ?!

    — Je te l’offre pour m’excuser de ce que j’ai fait lors de notre première rencontre.

    — Tu t’es excusé. C’est suffisant pour moi.

    — Alors, accepte tout simplement un cadeau de ma part.

 

    Nakamura riva une nouvelle fois ses iris sur l’oeuvre. Au bout d’une minute, il se retourna vers son hôte et accepta ce cadeau. De plus, il savait parfaitement où l’accrocher : au dessus du Daish? [1] qui trônait dans son salon.

 

    — Merci, dit enfin l’invité. On ne se connait pourtant pas. Pourquoi vouloir me l’offrir ? demanda tout de même Hoshihito.

    — J’en ai juste envie, fit le brun rougissant.

 

    Nakamura vit la gêne sur le visage de son nouvel ami. Il fut surpris de cette réaction et se demanda pourquoi Aoki éprouvait ce sentiment. Et puis leurs regards s’accrochèrent. Un sentiment nouveau s’empara de leurs êtres. Une sorte de silence s’initia entre eux. Un silence pesant. Sourd. Plus rien ne semblait les intéresser à part l’autre. Kôtarô ne pouvait plus respirer alors que son vis-à-vis déglutissait péniblement. Hoshihito dut se mettre une claque mentale pour revenir à la réalité. 

 

    — Je dois… partir, réussit à dire difficilement l’invité.

    — Déjà ? Ne voulais-tu pas aller à la galerie pour voir mes autres toiles ? Aoki ne voulait pas le laisser partir de peur de ne plus le revoir.

    — Ce sera pour une prochaine fois, fit tout sourire Nakamura.

 

    Ce n’est pas qu’il voulait partir mais rester là, seul avec Kôtarô n’était pas bon. Pas bon du tout même. Tout son corps le trahissait et il ne voulait surtout pas que son nouvel ami se rende compte de son « problème ». Et puis, que penserait Aoki de tout cela ? 

 

    Le brun ne savait pas quoi faire pour retenir Hoshihito qui prenait déjà la direction de la porte d’entrée de son loft. Que faire ? Il y avait bien une chose qu’il pouvait faire, mais il risquait de faire fuir celui qu’il désirait. Mais en ne faisant rien, cela pouvait arriver aussi ! Il prit une profonde inspiration, son courage à deux mains et l’interpella avant qu’il ne franchisse le seuil de son appartement.

 

    — Oui ! dit -il en se retournant vers le peintre. 

    

    Mais Aoki ne répondit rien. Il s’approcha, gauche, de celui qui faisait battre son coeur, empoigna son t-shirt pour l’attirer à lui et déposa - un peu brusquement - ses lèvres sur leurs jumelles restées entre-ouvertes. Pendant un instant, le temps sembla s’être arrêté. Aucun d’eux ne bougea. Hoshihito avait les yeux grands ouverts alors que son vis-à-vis les avait clos. La douceur de ce contact laissa pantois les deux hommes. 

 

    Les sentiments qu’ils ressentirent chacun de leur côté furent similaires. Leurs organes de vie martelaient dans leur poitrine. Leurs corps frissonnaient de désir. Aucun d’eux ne souhaitait se trouver ailleurs. Quelques instants plus tard, ce baiser prit fin. Silence. Kôtarô avait les joues rougies et cela lui donnait un charme qu’Hoshihito ne soupçonnait pas. La chaleur qu’il avait ressenti et qu’il ressentait encore était nouvelle pour lui. 

 

    Devant le silence et le manque de réaction de son aimé, Aoki regretta son geste. Une peur incommensurable s’empara de lui. 

 

    — Je … je … suis désolé, s’excusa l’artiste. 

 

    Nakamura resta figé, fixant les iris du peintre. Que dire ? Lui même en avait tellement envie. Néanmoins, il ne se doutait pas qu’il en était de même pour son hôte. Pourquoi Kôtarô s’excusait-il ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Pendant qu’Hoshihito se perdait dans ses pensées, Aoki, lui, avait détourné son regard et avait reculé d’un pas. Il ne pouvait plus soutenir celui de son amour.

 

    Hoshihito reprit pieds. Cette fois, c’est lui qui avança vers son bel adonis. La distance qui les séparait fut vite comblée. Il posa délicatement une main sur la joue chaude de Kôtarô puis la fit glisser sur sa nuque. Le coeur d’Aoki cessa de battre lorsqu’il vit son amour se pencher vers lui. Il sentit une douce caresse sur ses lèvres. Nakamura en redessinait les contours avec les siennes. Un frisson le prit le long de sa colonne vertébrale. 

 

    Le brun ne bougea pas mais Hoshihito sentit son corps tressaillir lorsqu’il força doucement  de sa langue la barrière de ses dents afin d’aller à la recherche de sa jumelle. Nakamura ne se reconnaissait pas. Il n’avait aucun apriori sur l’homosexualité mais il n’avait jamais pensé à un homme de la sorte. Son corps le trahissait encore. Des frissons parcouraient tout son être. Sa main posée sur la nuque de Kôtarô exerçait une pression de plus en plus forte pour les rapprocher toujours plus. Et puis, leurs langues se rencontrèrent. Timides. Envieuses. Une danse sensuelle débuta, les enivrants toujours un peu plus. 

 

    A court de souffle, les deux hommes s’éloignèrent, un peu. Le rythme saccadé de leurs respirations montrait une certaine excitation mais ce n’était pas le moment pour aller plus loin. Hoshihito ne voulait pas aller trop vite. Tout cela était si nouveau pour lui.

 

    — Aoki…, dit simplement Hoshihito en enlaçant son bel adonis. Je vais te laisser. 

    — Pourquoi ne restes-tu pas ? murmura Kôtarô.

    — Je n’ai jamais été attiré par un autre homme avant. Je ne veux pas faire l’erreur d’aller trop vite. 

    — Tu veux dire que tu regrettes ? s’inquiéta le brun.

    — Oh non… Au contraire même. Pourquoi crois-tu que je t’ai observé durant un mois ? Je ne sais juste pas comment m’y prendre. Laisses-moi un peu de temps avant de me demander de rester. Tu veux bien ? demanda tendrement Nakamura. 

    — Oui, pardon, Aoki se sentit si stupide d’un coup qu’il ne sut quoi dire d’autre. 

    — T’en fais pas. J’ai mis du temps à comprendre mes sentiments, et ce qui vient de se passer m’a confirmé ce que je savais déjà. Je ne sais pas pour toi mais pour moi c’est une première, sourit Hoshihito.

    — A vrai dire, je suis… je suis gay, avoua difficilement Aoki.

 

    Nakamura plongea ses iris dans le regard fuyant de son vis-à-vis. Au début, il fut surpris par cet aveu mais très vite il se reprit. De toute façon, cela n’avait pas d’importance. Kôtarô l’attirait et c’était réciproque. Ils restèrent un moment enlacés. Les mots semblaient être devenus de trop. Quelques caresses réciproques les faisaient frissonner de temps à autre. Hoshihito voulait rester mais il savait que cela n’était pas une bonne idée. Sa raison et son envie se battaient à la loyale. Et puis, pourquoi ne pas rester ? 

 

    Au moment, où il allait ouvrir la bouche pour dire qu’il avait finalement décidé de rester, la sonnette de la porte retentit. Tout deux sursautèrent et se tournèrent vers l’endroit d’où venait le bruit. Le son strident retentit encore une fois encore, mais cette fois une voix se fit entendre également. Une voix qui fit se figer Aoki. Il devint blanc en une fraction.

 

    — Que t’arrive t-il ? lui demanda Nakamura inquiet. 

    — C’est… c’est mon … ex …, dit difficilement le brun.

    — Ton ex ?

    — Ca fait un an qu’il est parti sans rien dire, expliqua t-il.

    — Kô ! Je suis sûr que tu es là ! Ouvre la porte, ma clef ne fonctionne plus ! 

 

    Aoki semblait perdu. Désemparé. Il ne voulait pas ouvrir cette porte et pour deux raisons. La première était qu’il ne voulait pas imposer ça à Hoshihito. La deuxième était qu’il ne voulait pas revoir Jôichi. 

 

    — Tu devrais ouvrir, Aoki, lui dit son aimé.

    — Je sais, mais je n’ai pas envie que tu sois pris dans cette histoire.

    — Va lui ouvrir, je suis là, le rassura l’invité.

    — Tu es sûr ?

    — Tu ne peux pas commencer une nouvelle histoire avec moi, si tu n’en as pas terminé avec l’ancienne, lui sourit Hoshihito.

    — Tu as sans doute raison, soupira le brun pas convaincu.

 

    Nakamura vola un baiser aérien à son bel adonis avant de relâcher son étreinte afin que Kôtarô puisse aller ouvrir la porte. Aoki hésitait à laisser entrer Jôichi, mais Hoshihito l’encouragea.

 

    — Ha ! Kô ! Tu en as mis du temps ! Qu’est-ce que tu foutais ? Et puis pourquoi tu as changé la serrure ? 

    — Salut ! fit le peintre.

    — Ouais, salut ! Viens là, lui intima le nouvel arrivant qui n’avait pas remarqué qu’ils n’étaient pas seuls.

    — Je suis bien où je suis ! Qu’est-ce que tu me veux après tout ce temps ? demanda froidement le maître des lieux.

    — J’habite ici, il me semble et je te rappelle que je suis ton mec ! grogna l’ex.

 

    Jôichi SATO était un jeune homme de vingt six ans. Châtain clair. Plutôt mignon mais il prenait des airs supérieurs qui déplaisaient à Nakamura. Sato avait un peu près la même taille que lui mais il semblait plus fort. 

 

    — Tu n’es plus ici le bien venu depuis que tu es parti sans rien me dire, et avec tes affaires en plus ! Alors dis-moi ce que tu veux et repars ! s’énerva Kôtarô.

    — Du calme, Kô… 

    — Non, je ne me calmerais pas ! 

 

    Jôichi s’approcha, nonchalant, d’Aoki qui instinctivement recula de plusieurs pas. C’est là que l’indésirable vit Nakamura. De la surprise se lut sur son visage et un sourire perfide y prit place.

 

    — Oh ! Tu te tapes un autre mec en mon absence ? C’est quoi ce bordel, grogna le châtain en agrippant le bras du peintre.

    — Lâche moi ! intima Aoki. Tu m’a laissé il y a un an, je ne te considère plus comme mon petit ami.     

    

    Hoshihito n’avait encore rien dit. Il estimait que, vu la situation, il valait mieux qu’il reste en retrait. D’ailleurs ça commençait à agacer furieusement le nouvel arrivant.

 

    — Toi dégage ! fit Jôichi à l’attention de Nakamura. Maintenant je suis là, et Kô est à moi ! 

    — Ne lui parle pas ainsi ! cria Kôtarô. Et je n’appartiens à personne ! 

    — Qui t’a mis ça en tête ? Lui ?

    — Je vous conseille de lâcher Kôtarô et de partir, dit enfin le silencieux.

    — Oh ! C’est qu’il parle en plus ! C’est à toi de partir, je suis chez moi ici ! 

    — Je ne pense pas que Kôtarô soit d’accord avec ça, le ton de Nakamura était étrangement calme.

    

    Sato lâcha sa prise et se dirigea vers celui qui semblait le menacer et il n’aimait pas cela. Il posa son index sur la poitrine d’Hoshihito et le regarda droit dans les yeux pensant fièrement qu’il baisserait le regard ou mieux qu’il déguerpirait. Mais Nakamura n’était pas homme à avoir peur de quelqu’un et il ne bougea pas d’un millimètre. Jôichi fronça les sourcils. 

 

    — Tu vas dégager et vite ! Kô m’appartient et je ne le redirais plus ! fit le châtain en donnant des petits coups de son index sur la poitrine de son adversaire.

    — Pas question ! Je suis invité par Aoki et je ne partirai que lorsqu’il me le demandera ! 

 

    Sato vit rouge. Il leva son poing droit pensant pouvoir le laisser tomber sur le visage de son concurrent. Seulement, Hoshihito ne se laissa pas faire et réussit à attraper le poignet de l’assaillant et fit pivoter l’homme en mettant son bras dans son dos. A présent, Nakamura se trouvait dans le dos de son adversaire. Cette manoeuvre étonna aussi bien Sato qu’Aoki qui connaissait peu son aimé. 

 

    — Je n’aime pas la violence mais si tu m’obliges à utiliser la force pour te convaincre, alors je n’hésiterais pas.

    — Tu crois que je vais abandonner aussi facilement un aussi bon coup que Kô ? ricana le châtain. 

    — Je te conseille de laisser tomber et de partir. Sinon je ne garantis pas ta sécurité, murmura Hoshihito dans l’oreille de l’autre. 

    — Tu me menaces ? Tu ne sais pas à qui tu as affaire, là ! Lâche moi et dégage !

    — Non ! C’est toi qui ne sais pas à qui tu as à faire, alors je te conseille de déguerpir et de ne plus jamais tenter de revoir Kôtarô, continua Nakamura sur un ton ferme et froid.

    

    Pour la première depuis qu’il avait pénétré dans l’appartement de son ex, Jôichi sentit un frisson envahir tout son être. Il eut peur. La manière dont Hoshihito lui avait parlé lui avait plus glacé le sang qu’autre chose. Il comprit qu’il valait mieux laisser tomber. De toute façon, il trouvera rapidement un minet à mettre dans son lit. 

 

    — C’est bon, je pars ! Je savais que c’était un bon coup mais de là à ce qu’un autre se batte pour le garder, il doit avoir amélioré son jeu de rein ! persifla l’indésirable.

 

    Alors que Nakamura tenait encore très fermement son adversaire, Kôtarô s’approcha et décocha une gifle monumentale à son ex qui ne l’avait pas vu venir. Aoki était en colère comme rarement cela lui arrivait. 

 

    — Je t’interdit de parler de moi ainsi ! s’écria le peintre. Je ne veux plus jamais te revoir ! Nakamura ? Peux-tu le mettre dehors, s’il te plait ? 

    — Avec plaisir ! 

 

    Tandis que Kôtarô ouvrait la porte, Hoshihito poussait l’ex de son ami vers la sortie. En espérant que Sato ne revienne jamais ennuyer le jeune peintre. 

 

    — Ca va, Aoki ? s’inquiéta Nakamura.

    — Oui, merci ! Heureusement que tu étais là. Tu es drôlement fort, tu as pu le maîtriser facilement !

    — J’ai été dans l’armée avant de travailler dans l’édition, avoua Hoshihito.

    — Je comprends mieux. Merci.

 

    Nakamura voyait bien que son bel adonis tremblait de tout son saoul. Il s’approcha, l’enlaça et laissa ses lèvres vagabonder sur leurs jumelles. Kôtarô se détendit et se laissa aller dans les bras de son amour. Après cet événement, l’ex-militaire changea d’avis. Il ne pouvait pas laisser Aoki seul. 

 

    — Tu penses qu’il va rester à l’écart ? demanda l’invité.

    — Je pense que tu lui as fait peur, mais je ne sais pas si cela à suffit. 

    — Très bien, alors je reste jusqu’à ce soir, sourit-il tendrement.

    — Non, je ne peux pas t’obliger à faire cela. En plus tu voulais partir !

    — Oui c’est vrai, mais je n’ai pas confiance en lui et je n’ai pas aimé sa façon de te traiter ! Alors, sauf si tu ne veux pas, je reste.

 

    Kôtarô se sentit heureux comme jamais. Jamais on l’avait traité comme Hoshihito venait de le faire. Il se cala dans ses bras puissants et le remercia pour tout. Les deux hommes s’installèrent un instant plus tard dans le canapé. Une tasse de café chacun en main, ils parlèrent d’eux. Ils apprenaient à se connaitre. C’était l’occasion où jamais. Hoshihito n’avait pas parlé autant avec quelqu’un depuis des lustres.

 

    Le nouveau couple parlait de tout, d’eux et s’aperçurent qu’ils avaient de nombreux points communs. Ils passaient un bon moment et Aoki avait presque oublié l’arrivée inopportune de son ex. Le reste de l’après midi se passa dans la douceur. Kôtarô et Hoshihito semblaient s’apprécier de plus en plus. Tout allait trop vite, mais cette histoire avec Jôichi les avait rapproché bien plus qu’ils ne l’auraient pensé. Nakamura, qui ne souhaitait pas rester, voulait le contraire à présent. Passer autant de temps avec cet homme qu’il ne connaissait pas il y a un mois, lui procurait de la joie. Il ressentait des émotions nouvelles. Il ne pensait qu’à le prendre dans ses bras, l’embrasser. 

 

    — Tu as faim ? demanda plus tard Aoki.

    — J’avoue que oui, répondit tendrement Hoshihito.

    — Que dirais-tu de dîner ici ? Je dois avoir ce qu’il faut pour nous préparer quelque chose.

    — Tu sais cuisiner ? 

    — Oui, et toi ?

    — Non pas du tout ! répondit Nakamura.

    — Alors je t’apprendrais, si tu veux, sourit Kôtarô.

    — Auras-tu la patience de m’apprendre ?

    — Oui ! Je suis doué pour ça. 

    

    Aoki vola un tendre baiser à son nouveau petit-ami qui se laissa volontiers surprendre puis ils se dirigèrent tous deux vers la cuisine. Kôtarô s’affairait alors qu’Hoshihito l’observait assit sur une chaise, le coude sur la table et la tête posée sur son poing. Il se sentait vraiment bien ici, avec Aoki et il ne regrettait absolument pas ce qui c’était passé au début de l’après midi. Même si son coeur battait la chamade. Même si tout son être réagissait à la présence de Kôtarô. Il ne souhaitait être nul part ailleurs. Il avait trouvé son âme soeur, du moins, le pensa t-il. 

 

    Il fallut près de trente minutes à Aoki pour préparer le repas. La bonne odeur chatouillait leurs papilles. Ils se mirent à table et dégustèrent ce plat. Le cuisinier reçut à  plusieurs reprises les compliments de son invité. Ils reprirent leur conversation abandonnée plus tôt. Ils semblaient sereins. Hoshihito passa la nuit près de Kôtarô. Une nuit sage, pourtant frustrante, cependant fidèle à sa première idée de leur relation naissante, Nakamura souhaitait y aller doucement. Kôtarô comprenait et acceptait même l’idée avec joie. 

 

    Ainsi commençait une nouvelle vie pour le nouveau couple. Un avenir prometteur et heureux, sans la présence de Sato qui ne remontra pas le bout de son nez.

 

FIN

    

[1]Le daish? (???, littéralement « grand-petit »1) est un terme japonais désignant la paire d'épées traditionnelles portée par les samouraïs de l'ère féodale. ( source Wikipedia)


 


 

 

 

 

 

 

 

 

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