Réveillon, obstination et amour…
Fiction en six chapitres, Terminée.
Les fêtes de fin d'année approchaient, mais Xavier les détestait depuis qu'il avait annoncé son homosexualité à ses parents le jour de Noël, quelques années auparavant. Cela ne c'était malheureusement pas passé comme il l'avait espéré. De peur de perdre ses amis, il leur avait caché cette vérité, même à son meilleur ami : Vincent. Il n'avait cependant jamais oser aborder un autre homme…
Romance Boy's Love
Rating : +15 ans
L'univers et les personnages m'appartiennent.
Bonjour à tous,
J'ai écrit cette fiction originale pour ma troisième participation au calendrier de l'avent du site du Village d'Otsu : http://otsu.forumactif.com/h7-calendrier-de-l-avent.
Je remercie Nyxiera, ma béta pour cette fiction.
J'espère qu'elle vous plaira… Bonne lecture et bonnes fêtes de fin d'années à tous.
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Réveillon, obstination et amour…
Shiroitora-lili
Chapitre 1
Noël. Il détestait cette période de l’année. Tout le monde ne parlait que d’amour. Mais lui était seul comme tous les ans depuis ses vingt ans. Dehors, il faisait froid. Sans doute que la neige ne tarderait pas à recouvrir de son manteau toutes les rues de la ville. Il ne faisait pas de sapin. Ne décorait pas son appartement. Ne faisait jamais rien pour le réveillon, même si ses amis l’invitaient toujours. Il refusait car il ne voulait pas s’imposer dans une fête familiale. Il restait seul, devant la télévision. Pour le repas, il prévoyait toujours un bol de chocolat chaud et des tartines. Rien de bien réjouissant, mais c’était ce qu’il voulait pour ce jour le plus triste de l’année … pour lui.
Le réveillon arrivait à grand pas. Deux mois. « Vivement que ce moment passe vite », c’était ce qu’il pensait chaque année depuis cinq ans. Cette année là, il avait eu le malheur d’avouer à sa famille qu’il était gay. Il se souvenait de l’ambiance que cela avait mis. Son père s’était levé, l’avait toisé et froidement lui avait demandé de partir et de ne jamais revenir dans sa maison. Sa mère n’avait rien dit mais il avait su, rien qu’en la regardant, qu’elle pensait comme son époux. En l’espace de dix minutes, il était devenu orphelin. Ses parents venaient de le bannir à jamais de leur vie. Au début cela avait été dur pour lui, mais plus le temps passait et plus c’était facile sauf pour les fêtes de Noël. Un fête familiale où il se retrouvait seul.
Et dire qu’il avait avoué son homosexualité alors qu’il n’avait personne dans sa vie. Il le savait car jamais il ne regardait les filles comme il regardait les garçons. Son coeur s’emballait plus et plus vite à la vue d’un homme séduisant mais il n’avait jamais osé passer le cap. Il ne savait pas à qui en parler, car ses amis ignoraient ce fait. Il avait bien trop peur de les perdre, eux aussi. Il ne connaissait personne comme lui, ce n’était donc pas facile de s’initier dans ce monde. Souvent il soupirait. Souvent il s’interrogeait. Mais il était toujours seul. Seul dans cette vie. Seul dans cet appartement. Seul dans son lit. Seul dans son coeur…
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Xavier était derrière le volant de sa voiture. Il ne prenait jamais de congés pendant cette période – ni avant, ni après – il préférait travailler que de déprimer dans son appartement. Il était électricien et heureux d’être dans cette branche professionnelle. En contact avec la clientèle, il ne pensait pas trop à ses propres soucis. Il tenait le coup grâce à ça, surtout lorsque les maisons se paraient de fiers sapins, de guirlandes, et autres ornementations.
Ce matin, il devait dépanner un nouveau client. Ou plutôt pour remettre aux normes toute l’installation électrique de l’habitation. Xavier se rendait à une trentaine de kilomètres de l’entreprise qui l’employait. Il avait tous ses outils et du matériel pour les remplacements de câbles, interrupteurs ou autres…
Il était déjà presque neuf heures lorsqu’il gara son véhicule utilitaire dans l’allée de la maison dans laquelle il devait travailler toute la journée. C’était une belle maison de plein-pied. Dans le garage ouvert, il vit une berline moderne et chic ainsi qu’une moto de grosses cylindrées. L’électricien lorgna sur le deux-roues, il aimait cela aussi. Il pourra peut-être parler moto avec l’occupant, enfin si toutefois il était enclin à discuter avec un artisan.
Xavier sonna et attendit que quelqu’un vienne lui ouvrir. Une bonne minute plus tard, le panneau de bois pivota.
— Bonjour, je suis l’électricien, s’annonça Xavier.
— Bonjour. Entrez, fit l’occupant de la maison.
Xavier s’essuya les pieds et attendit que son client lui montre le travail qu’il aurait à effectuer. C’était son patron qui était venu pour établir le devis et répertorier les matériaux nécessaires à ce chantier. Lui, il n’était jamais venu et découvrait les lieux. La maison semblait spacieuse. La pièce à vivre était ouverte sur la cuisine, pour le moment c’est tout ce qu’il voyait. La décoration était sobre et légère. Il aimait ça.
Le client lui expliqua où se trouvaient le disjoncteur et tout ce dont il avait besoin pour faire la mise aux normes de l’installation. Pendant que l’occupant de la maison lui parlait, Xavier le scrutait. L’homme qui se tenait face à lui était grand, un peu plus que lui. Ses yeux étaient d’un vert intense et semblaient l’attirer sans le vouloir. Sa musculature montrait qu’il était sportif. Xavier était subjugué par cet homme. Il se rabroua pour reprendre le fil de la conversation. Alors qu’ils se dirigeaient vers le garage, l’électricien vit que son client portait une alliance. Cela fini par le ramener totalement à la réalité. Sa réalité…
— Je viens de penser que je ne me suis pas présenté. Jérome Tardieuve, fit le client en tendant sa main droite.
Xavier le regarda et maladroitement tendit à son tour sa main droite. Jérome lui sourit.
— Xavier Leconte, répondit-il plusieurs secondes plus tard.
— Enchanté.
L’électricien acquiesça. Mais il lui fallait commencer les travaux s’il ne voulait pas se mettre en retard et se faire remonter les bretelles par son patron. Il avait tout ce dont il avait besoin pour commencer alors il se mit à la tâche.
Une fois pris dans son travail, Xavier ne pensa plus aux fêtes de fin d’année, à son client séduisant, à rien. Concentré, il ne fit pas attention à l’heure. Seule sa faim lui rappela qu’il était l’heure du déjeuner. En à peine trente minutes, il ingurgita son repas. En fait, un simple sandwich acheté le matin même à la boulangerie du village où il habitait. Rapidement, il se remit au travail. Durant la matinée, il n’avait pas revu monsieur Tardieuve et il en fut ravi. Il n’aimait pas que les clients soient sur son dos. Là, il était tranquille. Le reste de la journée se déroula de la même manière que le matin.
L’électricien avait bien avancé dans les travaux mais il en aurait tout de même pour la semaine. Avant de partir, il rangea ses outils dans sa caisse, il mit les matériaux dans un coin pour ne pas que cela gêne et balaya le sol de la pièce où il avait travaillé.
— Vous n’avez pas faire ça, dit le maître des lieux.
Xavier se retourna vivement, Tardieuve l’avait surpris.
— Désolé, je vous ai fait peur.
— Ce n’est rien. C’est tellement calme que j’ai presque oublié que vous étiez là.
— Ha oui, c’est vrai. En fait, j’ai travaillé toute la journée dans mon bureau.
— J’espère ne pas vous avoir dérangé alors, reprit l’artisan en continuant de balayer.
— Ne vous inquiétez pas. Et je vous l’ai dit, vous n’avez pas à faire ça, dit le client en montrant le balai.
— Cela fait parti de mon boulot, j’ai l’habitude.
— Bon très bien pour ce soir, mais pour les jours suivants, ne le faîtes pas. Pour moi, vous en faîtes déjà assez, alors je me chargerais du ménage.
Xavier fixa son client. Jamais encore l’un d’eux ne lui avait dit une telle chose. En général, ils râlaient car il ne nettoyait pas assez bien.
— Ce n’est pas au client de passer derrière nous, dit-il. C’est nous qui salissons, argumenta-t-il.
— Certes, mais vous en faîtes déjà assez en journée, alors que je passe mes journées derrière mon ordinateur. Alors laissez-moi le ménage, sourit monsieur Tardieuve.
Devant l’insistance de ce type, Xavier dut se résoudre à laisser tomber le ménage dès le lendemain. Jérome lui sourit alors qu’il finissait de ramasser les saletés qui jonchaient le sol, puis il prit congé.
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Le temps était maussade et le froid s’installait de plus en plus. Xavier roulait vers la demeure de monsieur Tardieuve, le client de la petite entreprise pour laquelle il travaillait comme électricien. Les travaux avançaient bien et le client avait l’air content du résultat. L’artisan se demandait toutefois ce que pouvait bien faire madame Tardieuve comme travail. Il ne l’avait jamais vue ! Elle avait sans doute un poste important dans une quelconque entreprise. Et puis, tout compte fait il s’en fichait. Il chassa tout cela de son esprit et se concentra sur la route. Mais une fois de plus il divagua.
— Jérome…, murmura-t-il.
Trois jours. Trois jours que ce type hantait ses pensées. Parfois, quand il travaillait et que monsieur Tardieuve venait lui proposer un café, il sentait ses jambes se dérober et ses mains se mettaient à trembler. Comme maintenant, alors qu’il conduisait. Xavier savait exactement ce qu’il lui arrivait : il tombait amoureux. Il soupira. Il ne devait pas s’attarder sur cet homme marié. Ce n’était pas son truc de briser les ménages, ni même de forcer un hétéro à l’aimer. Mais Jérome était son idéal, alors il ne serait pas aisé de passer à autre chose.
Xavier se gara pour la quatrième fois devant la maison dans laquelle il travaillait depuis le début de la semaine, à une différence près. Il y avait une voiture qu’il n’avait encore jamais vue et celle de monsieur Tardieuve n’était pas là.
— Sa femme…, pensa-t-il un peu dépité.
Il s’attendait à ne jamais la rencontrer, et cela lui allait bien. Qu’elle soit là le gênait car parfois, lorsqu’il en avait la possibilité, il lorgnait discrètement sur Jérôme et ce, bien qu’il n’ait aucunement l’intention de se dévoiler. Mais de là à la rencontrer…
Il sortit son matériel de sa voiture, prit une profonde inspiration et sonna à la porte. C’est bien une jeune femme qui lui ouvrit la porte. Il eut un peu de mal à analyser la sensation qui l’assaillit en cet instant. Une partie de lui se sentit déçue car il sut que définitivement rien ne pourrait arriver avec Jérôme, alors que l’autre se sentit soulagée car il ne se passerait rien. Tout cela était contradictoire, mais c’était surtout plus fort que lui. Il était ainsi depuis le début de la semaine, et il savait que ça durerait le temps de son travail ici.
— Bonjour ! Vous êtes Xavier, c’est ça, fit joyeusement la jeune femme.
Elle était plus jeune qu’il ne l’aurait pensé. Belle. Brune. Elancée. Souriante. Elle avait tout pour elle. Comment pouvait-il rivaliser avec elle ? Il la fixait intensément, comme on fixe quelque chose qui dérange. Elle ne sembla pas s’en rendre compte, et heureusement pour lui. Comment justifier cela ? Il ne le pouvait pas, en fait.
Il prit sur lui pour répondre à la femme devant lui.
— Bonjour, oui, répondit-il évasivement.
— Entrez ! Jérôme a dû s’absenter, il ne rentrera que dans le week end. Il m’a demandé de l’excuser.
Il n’allait plus le revoir ! Comment cela était-il possible ? Pourquoi ? S’était-il aperçu de quelque chose ? Impossible ! Enfin, l’espérait-il…
— Très bien ! Le principal c’est que je puisse terminer les travaux.
En fait, ce n’était pas une si mauvaise chose de ne plus le voir.
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La fin de la semaine arriva rapidement. Avec Noémie, l’épouse de Jérôme – du moins le pensait-il –, il avait effectué la vérification des travaux commandés. Pour la jeune femme, tout semblait conforme mais Xavier lui avait dit que si monsieur Tardieuve se rendait compte d’un problème qu’il n’hésite pas à recontacter l’entreprise. Mais à vrai dire, il espérait bien ne jamais le revoir.
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En semaine, Xavier ne sortait pas. En général, il attendait le week-end pour se défouler, voir des amis. Mais cela faisait trois semaines qu’il refusait systématiquement de voir qui que ce soit. Vincent Pirelle, son meilleur ami, ne comprenait pas pourquoi Xavier se renfermait ainsi. Il savait qu’il n’aimait pas les fêtes de fin d’année, mais ignorait pourquoi, pourtant cette fois il se douta qu’il y avait autre chose. Comment aider Xavier s’il ne disait rien ?
Sans le prévenir, Vincent vint lui rendre une petite visite. Il savait que s’il demandait à Xavier s’il pouvait venir, celui-ci lui dirait simplement non. Il se gara devant l’immeuble où habitait son ami. Ils se connaissaient depuis près de dix ans, et il était rare que Xavier se comporte ainsi. Il monta les marches, qui menaient au premier étage, deux par deux. L’immeuble était récent, deux ou trois ans tout au plus. La cage d’escaliers était propre, montrant un bon entretien. Xavier vivait là depuis moins d’un an. Il était locataire et se plaisait bien dans son petit deux pièces, du moins c’est ce qu’il disait à tout le monde. Mais Vincent n’était pas dupe, il voyait bien que son meilleur ami cachait un mal-être derrière son sourire et à vrai dire, il avait bien une petite idée, mais pas facile d’aborder le sujet.
Xavier ouvrit la porte. Sa mine blême le choqua. Vincent avait le même âge que Xavier et tout comme lui, il aimait la moto. Souvent, quand les beaux jours le leur permettaient, ils allaient rouler ensemble. Cela leur faisait du bien et leur vidait la tête. Pirelle était grand, un poil plus que son ami et bien bâti. Son métier de coach sportif l’aidait à s’entretenir. Ses cheveux courts châtains faisaient ressortir ses yeux bleus.
— T’as une tronche à faire peur, dit l’inopportun.
— J’t’ai pas demandé de venir ! répondit-il cash en fixant son ami.
Vincent soupira lourdement en rivant lui aussi son regard à celui qui le dévisageait presque.
— Si je te l’avais demandé, tu aurais refusé. Donc me voilà et tu n’as rien à dire. Paie-moi un jus…
Pirelle entra sans que Xavier ne puisse l’en empêcher et celui-ci dut se résoudre à passer un peu de temps avec lui. Le maître des lieux alla dans la cuisine et revint avec deux tasses remplies du breuvage noir et en tendit une à Vincent.
— Alors ? demanda l'ami dérangeant.
Xavier le fixa intensément.
— Quoi ? fit Vincent.
— Tu sais bien pourquoi je suis comme ça, alors arrête de me prendre la tête ! s’agaça Xavier.
Ledit Xavier avait eu le temps de réfléchir tout en préparant les cafés. Son ami connaissait son aversion des fêtes et c’était là une excuse idéale.
— Ha oui ! Les Fêtes ! marmonna l’inopportun tout en se prenant le menton entre les doigts.
L’autre le regardait. Il lui semblait qu’il ne le croyait pas. Pourquoi ?
— Bon Xav ! Va falloir que tu arrêtes de me prendre pour un con. Je te connais depuis des années et tu es différent, là ! Je suis certain que ton attitude n’a rien à voir avec Noël ! Alors c’est quoi ?
Le ton de Vincent était dur et franc. Xavier connaissait cette facette de son ami mais il n’en avait pas encore eu le droit. Cela le surprit. Mais ce qui le troubla le plus c’est que Vincent savait. Enfin, qu’il savait que son mal-être n’avait rien à voir avec la fin de l’année, du moins pas entièrement. L’électricien soupira.
— Ecoute Vince ! Je n’ai pas envie de me prendre la tête avec toi. Alors s’il te plait, lâche-moi ! Tu sais bien que ça passera dès que ces fêtes à la con seront terminées…
— Il n’y a pas que ça ! Merde, dis-moi ! Elle sert à quoi notre amitié sinon ?
Leconte riva son regard à celui de son ami qui le soutenait mais ne répondit rien.
— Tu pourrais répondre ! s’énerva Vincent. Et puis, tu ne m’as jamais dit pourquoi tu n’aimais plus Noël ni même pourquoi tu es fâché avec tes parents. Tu te souviens que tu m’avais promis de m’en parler ?
Xavier écarquilla ses orbes. Vincent n’avait pas oublié. Que devait-il faire ? Lui dire la vérité, au risque de perdre sa précieuse amitié ou se taire un fois de plus ? Tout se mélangeait dans sa tête.
Pirelle se leva tout en soupirant lourdement puis se dirigea vers la porte d’entrée sous l’oeil interrogateur de Xavier qui ne le quittait pas des yeux. Son ami allait partir. Mais allait-il seulement revenir un jour, demain ?
— Vince ? Tu… tu pars ? l’interrogea-t-il presque apeuré.
— Je ne vois pas pourquoi je resterais dans la mesure où tu ne me parles pas. Je vais donc considérer que tu ne me vois pas comme un ami, répondit-il dépité.
Leconte était sur le point de perdre son meilleur ami juste parce qu’il refusait de lui dire ce qu’il cachait depuis des années. Au point où il en était, qu’il parle ou pas il le perdrait surement néanmoins, il avait une toute petite chance pour garder l’amitié de Vincent malgré cela. Alors pourquoi continuer à se taire ? Advienne que pourra !
— Très bien ! Je vais t’expliquer, dit enfin l’occupant de l’appartement. Je te sers un autre café ?
Pirelle se retourna. Son visage ne montrait aucune émotion. Il observait son ami. Xavier était un peu plus petit que lui, de cinq à sept centimètres pas plus. Leurs cheveux étaient presque de la même couleur, sauf que ceux de Leconte était plus clairs et plus longs. Souvent on les prenait pour des frères, seuls leurs yeux étaient vraiment différents. Ceux de Xavier étaient marron. Vincent venait de prendre la décision de partir et voilà que son ami lui demandait de rester. Bien sûr qu’il allait rester, Xavier était son ami et il savait qu’il avait besoin de lui.
— Ok pour un café et une explication. Mais si tu te défiles, je me tire !
Même s’il n’en pensait pas un mot, Pirelle se devait de le stimuler un peu.
— Je comprends, murmura l’électricien.
A présent, il ne pouvait plus se défiler. Tout en revenant de la cuisine, une fois encore, il soupira intérieurement.
— Ce que je vais te dire risque de te surprendre, et je crains que notre amitié en pâtisse, dit enfin Leconte.
Vincent le regarda, mais ne dit rien. Il laissa son ami prendre le temps dont il avait besoin.
— Et je te demande de garder tout ça pour toi. Ne dit rien aux autres, lui demanda-t-il.
— Tu as ma parole, répondit simplement Pirelle.
Vincent pouvait voir de là où il se trouvait, les mains tremblantes de son vis-à-vis. Il avait peut-être vu juste alors… Et puis, quoi ? Pour lui cela ne changerait rien. Ils étaient amis ! Il attendit que Xavier poursuive.
— Merci, répondit ledit Xavier. Je ne me suis pas fâché avec mes parents, ce sont eux qui m’ont rejeté. Ce que je leur ai dit il y a cinq ans, je n’ai pu le dire à personne, pas même à toi car j’ai eu peur que vous réagissiez de la même manière.
Pirelle n’en croyait pas ses oreilles. Comment des parents pouvaient-ils renier leur enfant ? Il serra les dents pour ne pas interrompre son ami qui inspira profondément.
— Je crois… non je suis sûr… je suis gay, réussit-il à dire la voix décousue.
Il baissa ses yeux pour regarder le fond de sa tasse de café qu’il tenait encore dans entre ses mains. Il attendait sa sentence. Sa poitrine le serrait comme cinq années auparavant. Tout son corps tremblait.
— Je le savais, Xav. Et cela ne m’empêchera jamais d’être ton ami, dit enfin Pirelle.
Leconte releva la tête. Son visage blême se posa sur celui de son ami qui souriait tendrement.
— Comment ?
— Je te connais depuis longtemps. Tu ne sors jamais avec des filles. Je veux dire que tu ne nous as jamais présenté de nana. Et parfois, je te voyais regarder des mecs. Toujours discrètement mais je te voyais faire. Tu aurais dû me faire plus confiance car pour moi ça ne change rien. On est potes. Point ! Mais je n’aurais pas pensé que tes parents ne l’acceptent pas. Je suis désolé de l’apprendre.
Xavier ne savait plus quoi dire. Cela ne changeait rien pour Vincent ? Le poids qu’il portait depuis des années sembla disparaître en quelques secondes. Il se sentit léger comme jamais et peu à peu un sourire vint égayer son visage terne.
— Je pensais que tu ferais comme mes parents. Désolé de t’avoir rien dit.
— Et maintenant, tu vas me dire pourquoi t’es morose ? Je suis sûr que tu m’as pas tout dit, dit-il en faisant un clin d’oeil.
Au point où il en était, Xavier pouvait bien dire ce qui le travaillait autant.
— Il y a trois semaines je bossais chez un type. Je devais refaire toute l’électricité de sa maison. Dès que je l’ai vu, j’ai craqué sur lui.
— Bah tu attends quoi ? Va le voir !
— Il porte une alliance et j’ai rencontré sa femme. Les trois derniers jours, il n’était pas là. C’est elle qui me recevait et c’est avec elle que j’ai fait la réception des travaux. Je ne l’ai pas revu. Et puis, ça ne changerait rien…
— Je comprends mieux. Je suis désolé pour toi. Tu as essayé de lui parler quand il était là ?
— On a discuté un peu, mais il s’enfermait dans son bureau toute la journée. Je le voyais peu en fait. Et puis, je ne sais pas comment m’y prendre. C’est totalement inconnu pour moi. J’ai toujours eu peur, avoua Xavier. Et puis, son alliance… ça m’a carrément refroidi mais je ne fais que penser à lui. Ca m’a jamais fait ça. En général, ça passe en un ou deux jours. Mais pas cette fois, souffla-t-il.
Vincent se leva et s’approcha de son ami. Il s’accroupit face à lui et l’enlaça. Une étreinte de pote à pote. Sans équivoque.
— Ca doit pas être facile. Tu aurais dû me parler plus tôt. Même si je peux rien faire pour t’aider, tu aurais eu une épaule pour te soutenir.
— Merci Vince, dit simplement Xavier en serrant ses bras autour de la taille de son ami.
Leconte était soulagé. Vincent ne le jugeait pas et le traitait de la même manière qu’avant. Il soupira de bien-être.
Les deux amis discutèrent le reste de l’après-midi et de la soirée. Visiblement Xavier en avait bien plus besoin qu’il le pensait.
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Depuis plusieurs jours Noémie s’inquiétait. Jérôme ne semblait pas aller très bien et ne voulait rien lui dire. Il n’écrivait plus alors que c’était une grande passion pour lui. Jérome tardieuve n’était pas vraiment ce qu’on appelle un écrivain en vogue mais il avait ses lecteurs et cela lui permettait de vivre de ses livres. Quelques semaines auparavant, il avait terminé son dernier roman et en avait fait la promotion avec sa maison d’édition, mais depuis il déprimait. Noémie venait le voir souvent pour prendre de ses nouvelles.
— Jérôme ? l’appela-t-elle depuis la porte d’entrée de la maison.
Aucune réponse ne lui parvint. Elle décida alors d’aller voir directement dans le bureau, là où Jérôme s’enfermait pour écrire mais aussi depuis quelques temps. Elle frappa doucement à la porte.
— Jérome, c’est moi Noémie. J’entre ! dit-elle.
Elle vit son frère, car Jérôme était son frère, assis devant son ordinateur allumé. Sans expression.
— Tu ne peux pas rester comme ça. Dis-moi ce qui se passe, lui demanda-t-elle.
— Tu ne peux rien pour moi, No, soupira-t-il.
— Peut-être mais parler te soulagera peut-être. La promo de ton dernier livre ne s’est pas bien passée ? Je vois que tu n’as rien écrit depuis.
— Non tout c’est bien passé.
— Alors c’est quoi ? s’inquiéta-t-elle.
Tardieuve soupira lourdement tout en rivant son regard à celui de sa jeune soeur.
— Bon d’accord, tu ne veux rien me dire, mais tu es un écrivain alors écris. Mets sur papier ce que tu ressens en ce moment et le pourquoi tu te sens comme ça. T’es pas obligé de le publier ni même de le faire lire, mais soulage ton esprit.
L’idée que venait de lui soumettre Noémie n’étaitpas si stupide.
— Tu as sans doute raison. Mais je ne sais pas si je pourrais.
— Fais-toi confiance, lui sourit-elle. Allez ! Mets-toi au boulot, je vais te faire un bon café. Quand je reviens j’aimerais voir des lignes écrites. Ok ?
L’écrivain sourit. Sa soeur savait toujours le conseiller alors que c’était elle la plus jeune. Alors qu’elle quittait la pièce pour rejoindre la cuisine, Jérôme ouvrit une page vierge de son traitement de texte. Il prépara sa mise en page, comme pour ses romans, et fixa la page blanche. Seulement rien ne lui venait. Pourtant, et bien qu’il n’ait rien dit à Noémie, il connaissait la nature de son tourment. Mais comment l’écrire ? Par quoi commencer ? Et puis il n’y avait pas de quoi écrire un livre, quelques pages au plus.
Jérôme ferma les yeux et inspira profondément. Il posa ses doigts sur le clavier de son ordinateur et réfléchit pour de bon à comment écrire sur ce qu’il avait sur le coeur. Puis il eut une idée. Et s’il transférait ses états d’âme sur un personnage fictif ?
— Oui ! Voilà ! C’est une bonne idée, se dit-il.
Enfin des mots s’écrivirent sur l’écran formant des phrases, des paragraphes… Lorsque Noémie revint près de trente minutes plus tard, elle vit son frère au travail. Elle en fut ravie d’autant plus qu’il semblait aller mieux. Sans lire, elle vit que Jérôme avait entamé son récit. Elle posa la tasse de café noir sur le bureau près de lui et le laissa à son inspiration soudaine.
L’écrivain ne s’était pas rendu compte que sa soeur était venue lui apporter son café. Machinalement, il prit la tasse en main et but une gorgé du breuvage. Il ne pensait plus qu’à son texte. N’y voyant plus qu’une fiction au lieu de la réalité. Les premières phrases étaient au présent, car il parlait de ce qu’il ressentait en cet instant. Son état d’esprit. La boule qu’il avait dans le ventre depuis plusieurs semaines. Ses pensées toujours orientées vers ce moment. Ou plutôt tout ce que ressentait son personnage.
Les lignes s’enchainaient. Il vidait son coeur. Mais une part de lui souffrait toujours. Il y avait longtemps que cela ne lui était pas arrivé. Au premier regard, il avait eu le coup de foudre mais très vite il s’était aperçu que cela n’avait pas été réciproque. Il était gay et toute sa famille le savait. Personne ne l’avait rejeté, au contraire. Son ex avait été accueilli les bras ouverts. D’ailleurs, il avait été déboussolé, il n’en avait jamais eu l’habitude. Jérôme l’avait aimé, oui. Très sincèrement. Mais dans son couple il lui manquait quelque chose. Ce petit quelque chose qui faisait toute la différence.
Lorsqu’il vit Xavier pour la première fois, il sut. Son coeur avait cessé de battre. Il ne pouvait détourner son regard de sa silhouette attirante. De toute façon, tout l’attirait chez l’électricien. Pour éviter de lui tourner autour et de le mettre mal à l’aise, il avait préféré s’enfermer dans son bureau. Il ne faisait rien. Son dernier roman était achevé depuis plusieurs semaines, la couverture avait été choisie ainsi que les couleurs de la reliure. Seule la promotion du livre allait se faire sous peu et il avait espéré que cela n’arrive pas pendant les travaux de sa maison pour profiter un peu plus de la présence de Xavier. Mais le destin s’en était mêlé et Jérôme avait dû s’absenter pour promouvoir son dernier roman. Ce fut à contre coeur qu’il accepta, de toute façon il n’avait pas eu le choix…
Tardieuve remplissait page après page. Il n’en revenait pas de pouvoir dire autant de choses sur quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Pourtant, tout au long du texte il ne cessait de regretter de pas lui avoir parlé plus. Il se souvint l’avoir vu regarder intensément sa moto. Aimait-il cela aussi ? Possédait-il un deux-roues ? Que faisait-il pendant ses week end ? Qu’aimait-il manger, faire ? C’était presque illogique de tomber amoureux d’une personne totalement inconnue et pourtant c’était ce qu’il se passait pour lui. Depuis leur première rencontre, la silhouette fine et sculptée de Xavier tout comme son regard marron intense ne cessaient de le hanter. Il se rappelait également de sa toison châtain lui tombant sur les épaules. Le physique de l’électricien l’attirait comme un aimant.
Alors que ses pensées s’égaraient, ses doigts s’activaient sur le clavier presque mécaniquement. A présent, il n’écrivait plus ce qu’il ressentait mais ce qu’il voulait. Et ce qu’il voulait c’était le revoir, effleurer sa peau, sentir son odeur… Devait-il demander à son patron où il pouvait le trouver et l’inviter ? Où devait-il simuler une panne d’électricité quelconque afin qu’il revienne et ainsi pouvoir entamer une conversation ? Son esprit s’embrouillait.
Jérôme sortit de son bureau afin de s’aérer la tête. Dans le salon, Noémie regardait la télévision. Elle restait souvent avec son frère notamment lorsqu’il écrivait car dans ces cas-là, il avait tendance à oublier son estomac. En entendant un bruit derrière elle, la jeune femme se retourna vers son frère et lui sourit.
— Tu avais l’air inspiré tout à l’heure.
— Ton idée m’a aidé mais je l’ai un peu modifiée, dit-il.
— Comment ça ? l’interrogea Noémie.
— Et bien, disons que j’ai créé un personnage et je transpose sur lui tout ce que je ressens.
— Tu veux dire que du coup tu as commencé un nouveau livre ?
— On peut dire oui, même si je ne pense pas le publier, répondit-il évasivement.
— As-tu faim ? demanda-t-elle.
L’écrivain acquiesça. Ensemble, ils préparèrent le dîner puis se mirent à table.
— Tu as écrit combien de pages ? demanda la jeune femme.
— Une petite dizaine.
— Est-ce que que je pourrais lire ?
Jérôme riva son regard à celui de sa soeur.
— Si tu veux.
— Oh merci, Jérôme, sourit-elle.
Les Tardieuve terminèrent leur repas, s’occupèrent de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle et se préparèrent un café qu’ils burent dans le bureau de l’écrivain. Noémie s’installa au bureau de son frère et commença la lecture du texte. Plusieurs minutes plus tard, elle observa son frère.
— J’aime beaucoup, dit-elle simplement. Mais je n’aurai jamais pensé que ce gars te plaisait autant. Il semble gentil et il est mignon.
— Ce que je ressens, jamais je ne l’ai ressenti. Quand je pense à lui, mon coeur s’emballe.
— Avec tes mots, on prend conscience de tes sentiments. Et ils sont forts.
— Merci, souffla-t-il.
— Que vas-tu faire ?
— Je ne sais pas. J’ai juste envie de le revoir.
— Tu ne sais même pas s’il est gay…
— Oui, c’est vrai. Mais en devenant ami avec lui, je pourrais en savoir plus.
— Tu pourrais souffrir davantage aussi.
— C’est vrai, mais au moins je serais fixé.
— Je ne t’avais encore jamais vu ainsi. Même lorsque tu parlais d’Arnaud, au début de votre relation, tu n’étais pas comme ça.
— Je l’ai aimé, oui. Mais la flamme qui me brûle quand je pense à Xavier n’existait pas lorsque j’étais avec Arnaud.
— Tu peux compter sur moi pour te soutenir, tu sais.
— Et sur nos parents, sourit-il.
— Pourquoi ne téléphonerais-tu pas à son patron pour avoir son numéro ?
— Je ne voudrais pas le mettre mal à l’aise.
— Je comprends, mais comment faire alors ?
— Je ne sais pas…
Jérôme soupira fortement. Oui ! Comment faire pour le contacter ? Il pouvait se rendre à l’endroit où Xavier travaillait mais il se ravisa. C’était une démarche bien trop risquée. Xavier pourrait penser qu’il était un pervers, un harceleur et ne plus lui adresser la parole. Il lui fallait trouver autre chose…
A suivre…
Commentaires
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- 1. shiryudm Le 05/02/2017
Coucou!
j'ai lu ton histoire d"une traite ,donc cela veut dire que j'ai aimé^^.
Xavier a énormément souffert du rejet de sa famille. En tout cas heureusement Jérôme est un être patient parce que je me demandais s'il allait réussir à convaincre le têtu Xavier! Quoi que on peut comprendre sa façon d'agir. Vive la neige! Car c'est un peu grâce à elle qu'il se sont retrouvés et qu'ils ont pu enfin s'expliquer.
Bisous-
- shiroitora-liliLe 05/02/2017
Coucou shir', Grand merci à toi d'être passée par ici pour lire cette FO. Oui Xavier est très tétu et à souffert du rejet de ses parents à la con. Mais je pense que dans la vrai vie cela doit arriver malheureusement très souvent :(. Jérôme est patient et heureusement oui car sinon à la saint glin-glin on y était encore ^^… Tu as lu les 6 chap à la suite, et bien ! cela a dû te plaire et j'en suis ravie :3 Plein de bisous et encore merci pour la lecture et le comm Shiro
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- 2. myriam Le 26/01/2017
Je suis là et j'ai tout lu !
Fin du récit d'une rencontre et début d'une histoire d'amour qui commence...
Je ne sais pas si j'en attendais davantage, ça n'aurait pas fait "réaliste". Mais c'est sûr, Xavier est remarquablement obstiné et Jérôme, patient ...
Merci.-
- shiroitora-liliLe 27/01/2017
Bonjour Myriam, Merci de m'avoir suivi sur cette fiction et d'être venue de perdre ici dans mon petit monde :) Effectivement, c'est le début d'une histoire d'amour entre un être très obstiné et un autre heureusement patient et avec Xavier il en faut une bonne dose… de patience. Merci également d'avoir laissé une trace de ton passage. A plaisir de te croiser à nouveau. Bye Shiro
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- 3. myriam Le 20/01/2017
Voilà quelques semaines que je suis Xavier et Jérôme (et Vincent et Noémie), mieux je guette les suites et j'attends le dernier avec impatience...
J'ai rarement vu un personnage aussi obstiné ;-), même la neige doit s'y mettre...:-)
Merci-
- shiroitora-liliLe 26/01/2017
Bonjour Myriam, Tout d'abord, je tiens à m'excuser de ne répondre que maintenant, mais je viens juste de voir que j'avais un message :(. Je te remercie de suivre cette fiction et de passer souvent pour voir si la suite est publiée. Je suis ravie que cela te plaise :) Je ne pensais pas voir quelqu'un par ici à vrai dire alors je suis d'autant plus contente. Merci pour ce petit commentaire et j'espère à bientôt. Bye Shiroitora-lili
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