Réveillon, obstination et amour…

Fiction en six chapitres, Terminée.

Les fêtes de fin d'année approchaient, mais Xavier les détestait depuis qu'il avait annoncé son homosexualité à ses parents le jour de Noël, quelques années auparavant. Cela ne c'était malheureusement pas passé comme il l'avait espéré. De peur de perdre ses amis, il leur avait caché cette vérité, même à son meilleur ami : Vincent. Il n'avait cependant jamais oser aborder un autre homme…

 

Romance Boy's Love

Rating : +15 ans

 

L'univers et les personnages m'appartiennent.

 


Bonjour à tous,

J'ai écrit cette fiction originale pour ma troisième participation au calendrier de l'avent du site du Village d'Otsu : http://otsu.forumactif.com/h7-calendrier-de-l-avent

Je remercie Nyxiera, ma béta pour cette fiction.

J'espère qu'elle vous plaira… Bonne lecture et bonnes fêtes de fin d'années à tous.

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Réveillon, obstination et amour…

Shiroitora-lili

 

Chapitre 1

         

    Noël. Il détestait cette période de l’année. Tout le monde ne parlait que d’amour. Mais lui était seul comme tous les ans depuis ses vingt ans. Dehors, il faisait froid. Sans doute que la neige ne tarderait pas à recouvrir de son manteau toutes les rues de la ville. Il ne faisait pas de sapin. Ne décorait pas son appartement. Ne faisait jamais rien pour le réveillon, même si ses amis l’invitaient toujours. Il refusait car il ne voulait pas s’imposer dans une fête familiale. Il restait seul, devant la télévision. Pour le repas, il prévoyait toujours un bol de chocolat chaud et des tartines. Rien de bien réjouissant, mais c’était ce qu’il voulait pour ce jour le plus triste de l’année … pour lui.

 

    Le réveillon arrivait à grand pas. Deux mois. « Vivement que ce moment passe vite », c’était ce qu’il pensait chaque année depuis cinq ans. Cette année là, il avait eu le malheur d’avouer à sa famille qu’il était gay. Il se souvenait de l’ambiance que cela avait mis. Son père s’était levé, l’avait toisé et froidement lui avait demandé de partir et de ne jamais revenir dans sa maison. Sa mère n’avait rien dit mais il avait su, rien qu’en la regardant, qu’elle pensait comme son époux. En l’espace de dix minutes, il était devenu orphelin. Ses parents venaient de le bannir à jamais de leur vie. Au début cela avait été dur pour lui, mais plus le temps passait et plus c’était facile sauf pour les fêtes de Noël. Un fête familiale où il se retrouvait seul. 

 

    Et dire qu’il avait avoué son homosexualité alors qu’il n’avait personne dans sa vie. Il le savait car jamais il ne regardait les filles comme il regardait les garçons. Son coeur s’emballait plus et plus vite à la vue d’un homme séduisant mais il n’avait jamais osé passer le cap. Il ne savait pas à qui en parler, car ses amis ignoraient ce fait. Il avait bien trop peur de les perdre, eux aussi. Il ne connaissait personne comme lui, ce n’était donc pas facile de s’initier dans ce monde. Souvent il soupirait. Souvent il s’interrogeait. Mais il était toujours seul. Seul dans cette vie. Seul dans cet appartement. Seul dans son lit. Seul dans son coeur…

 

———

 

    Xavier était derrière le volant de sa voiture. Il ne prenait jamais de congés pendant cette période – ni avant, ni après – il préférait travailler que de déprimer dans son appartement. Il était électricien et heureux d’être dans cette branche professionnelle. En contact avec la clientèle, il ne pensait pas trop à ses propres soucis. Il tenait le coup grâce à ça, surtout lorsque les maisons se paraient de fiers sapins, de guirlandes, et autres ornementations.

 

    Ce matin, il devait dépanner un nouveau client. Ou plutôt pour remettre aux normes toute l’installation électrique de l’habitation. Xavier se rendait à une trentaine de kilomètres de l’entreprise qui l’employait. Il avait tous ses outils et du matériel pour les remplacements de câbles, interrupteurs ou autres…

 

    Il était déjà presque neuf heures lorsqu’il gara son véhicule utilitaire dans l’allée de la maison dans laquelle il devait travailler toute la journée. C’était une belle maison de plein-pied. Dans le garage ouvert, il vit une berline moderne et chic ainsi qu’une moto de grosses cylindrées. L’électricien lorgna sur le deux-roues, il aimait cela aussi. Il pourra peut-être parler moto avec l’occupant, enfin si toutefois il était enclin à discuter avec un artisan.

 

    Xavier sonna et attendit que quelqu’un vienne lui ouvrir. Une bonne minute plus tard, le panneau de bois pivota. 

 

    — Bonjour, je suis l’électricien, s’annonça Xavier.

    — Bonjour. Entrez, fit l’occupant de la maison. 

 

    Xavier s’essuya les pieds et attendit que son client lui montre le travail qu’il aurait à effectuer. C’était son patron qui était venu pour établir le devis et répertorier les matériaux nécessaires à ce chantier. Lui, il n’était jamais venu et découvrait les lieux. La maison semblait spacieuse. La pièce à vivre était ouverte sur la cuisine, pour le moment c’est tout ce qu’il voyait. La décoration était sobre et légère. Il aimait ça. 

 

    Le client lui expliqua où se trouvaient le disjoncteur et tout ce dont il avait besoin pour faire la mise aux normes de l’installation. Pendant que l’occupant de la maison lui parlait, Xavier le scrutait. L’homme qui se tenait face à lui était grand, un peu plus que lui. Ses yeux étaient d’un vert intense et semblaient l’attirer sans le vouloir. Sa musculature montrait qu’il était sportif. Xavier était subjugué par cet homme. Il se rabroua pour reprendre le fil de la conversation. Alors qu’ils se dirigeaient vers le garage, l’électricien vit que son client portait une alliance. Cela fini par le ramener totalement à la réalité. Sa réalité…

 

    — Je viens de penser que je ne me suis pas présenté. Jérome Tardieuve, fit le client en tendant sa main droite. 

 

    Xavier le regarda et maladroitement tendit à son tour sa main droite. Jérome lui sourit. 

 

    — Xavier Leconte, répondit-il plusieurs secondes plus tard. 

    — Enchanté. 

 

    L’électricien acquiesça. Mais il lui fallait commencer les travaux s’il ne voulait pas se mettre en retard et se faire remonter les bretelles par son patron. Il avait tout ce dont il avait besoin pour commencer alors il se mit à la tâche. 

 

    Une fois pris dans son travail, Xavier ne pensa plus aux fêtes de fin d’année, à son client séduisant, à rien. Concentré, il ne fit pas attention à l’heure. Seule sa faim lui rappela qu’il était l’heure du déjeuner. En à peine trente minutes, il ingurgita son repas. En fait, un simple sandwich acheté le matin même à la boulangerie du village où il habitait. Rapidement, il se remit au travail. Durant la matinée, il n’avait pas revu monsieur Tardieuve et il en fut ravi. Il n’aimait pas que les clients soient sur son dos. Là, il était tranquille. Le reste de la journée se déroula de la même manière que le matin. 

 

    L’électricien avait bien avancé dans les travaux mais il en aurait tout de même pour la semaine. Avant de partir, il rangea ses outils dans sa caisse, il mit les matériaux dans un coin pour ne pas que cela gêne et balaya le sol de la pièce où il avait travaillé. 

 

    — Vous n’avez pas faire ça, dit le maître des lieux. 

 

    Xavier se retourna vivement, Tardieuve l’avait surpris. 

 

    — Désolé, je vous ai fait peur. 

    — Ce n’est rien. C’est tellement calme que j’ai presque oublié que vous étiez là. 

    — Ha oui, c’est vrai. En fait, j’ai travaillé toute la journée dans mon bureau. 

    — J’espère ne pas vous avoir dérangé alors, reprit l’artisan en continuant de balayer. 

    — Ne vous inquiétez pas. Et je vous l’ai dit, vous n’avez pas à faire ça, dit le client en montrant le balai. 

    — Cela fait parti de mon boulot, j’ai l’habitude. 

    — Bon très bien pour ce soir, mais pour les jours suivants, ne le faîtes pas. Pour moi, vous en faîtes déjà assez, alors je me chargerais du ménage. 

    

    Xavier fixa son client. Jamais encore l’un d’eux ne lui avait dit une telle chose. En général, ils râlaient car il ne nettoyait pas assez bien. 

 

    — Ce n’est pas au client de passer derrière nous, dit-il. C’est nous qui salissons, argumenta-t-il.

    — Certes, mais vous en faîtes déjà assez en journée, alors que je passe mes journées derrière mon ordinateur. Alors laissez-moi le ménage, sourit monsieur Tardieuve.

 

    Devant l’insistance de ce type, Xavier dut se résoudre à laisser tomber le ménage dès le lendemain. Jérome lui sourit alors qu’il finissait de ramasser les saletés qui jonchaient le sol, puis il prit congé.

 

———

 

    Le temps était maussade et le froid s’installait de plus en plus. Xavier roulait vers la demeure de monsieur Tardieuve, le client de la petite entreprise pour laquelle il travaillait comme électricien. Les travaux avançaient bien et le client avait l’air content du résultat. L’artisan se demandait toutefois ce que pouvait bien faire madame Tardieuve comme travail. Il ne l’avait jamais vue ! Elle avait sans doute un poste important dans une quelconque entreprise. Et puis, tout compte fait il s’en fichait. Il chassa tout cela de son esprit et se concentra sur la route. Mais une fois de plus il divagua. 

 

    — Jérome…, murmura-t-il. 

 

    Trois jours. Trois jours que ce type hantait ses pensées. Parfois, quand il travaillait et que monsieur Tardieuve venait lui proposer un café, il sentait ses jambes se dérober et ses mains se mettaient à trembler. Comme maintenant, alors qu’il conduisait. Xavier savait exactement ce qu’il lui arrivait : il tombait amoureux. Il soupira. Il ne devait pas s’attarder sur cet homme marié. Ce n’était pas son truc de briser les ménages, ni même de forcer un hétéro à l’aimer. Mais Jérome était son idéal, alors il ne serait pas aisé de passer à autre chose. 

 

    Xavier se gara pour la quatrième fois devant la maison dans laquelle il travaillait depuis le début de la semaine, à une différence près. Il y avait une voiture qu’il n’avait encore jamais vue et celle de monsieur Tardieuve n’était pas là. 

 

    — Sa femme…, pensa-t-il un peu dépité. 

 

    Il s’attendait à ne jamais la rencontrer, et cela lui allait bien. Qu’elle soit là le gênait car parfois, lorsqu’il en avait la possibilité, il lorgnait discrètement sur Jérôme et ce, bien qu’il n’ait aucunement l’intention de se dévoiler. Mais de là à la rencontrer…

 

    Il sortit son matériel de sa voiture, prit une profonde inspiration et sonna à la porte. C’est bien une jeune femme qui lui ouvrit la porte. Il eut un peu de mal à analyser la sensation qui l’assaillit en cet instant. Une partie de lui se sentit déçue car il sut que définitivement rien ne pourrait arriver avec Jérôme, alors que l’autre se sentit soulagée car il ne se passerait rien. Tout cela était contradictoire, mais c’était surtout plus fort que lui. Il était ainsi depuis le début de la semaine, et il savait que ça durerait le temps de son travail ici.

 

    — Bonjour ! Vous êtes Xavier, c’est ça, fit joyeusement la jeune femme. 

 

    Elle était plus jeune qu’il ne l’aurait pensé. Belle. Brune. Elancée. Souriante. Elle avait tout pour elle. Comment pouvait-il rivaliser avec elle ? Il la fixait intensément, comme on fixe quelque chose qui dérange. Elle ne sembla pas s’en rendre compte, et heureusement pour lui. Comment justifier cela ? Il ne le pouvait pas, en fait. 

 

    Il prit sur lui pour répondre à la femme devant lui.

 

    — Bonjour, oui, répondit-il évasivement. 

    — Entrez ! Jérôme a dû s’absenter, il ne rentrera que dans le week end. Il m’a demandé de l’excuser. 

    

    Il n’allait plus le revoir ! Comment cela était-il possible ? Pourquoi ? S’était-il aperçu de quelque chose ? Impossible ! Enfin, l’espérait-il…

 

    — Très bien ! Le principal c’est que je puisse terminer les travaux. 

 

    En fait, ce n’était pas une si mauvaise chose de ne plus le voir. 

 

———

 

    La fin de la semaine arriva rapidement. Avec Noémie, l’épouse de Jérôme – du moins le pensait-il –, il avait effectué la vérification des travaux commandés. Pour la jeune femme, tout semblait conforme mais Xavier lui avait dit que si monsieur Tardieuve se rendait compte d’un problème qu’il n’hésite pas à recontacter l’entreprise. Mais à vrai dire, il espérait bien ne jamais le revoir. 

 

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    En semaine, Xavier ne sortait pas. En général, il attendait le week-end pour se défouler, voir des amis. Mais cela faisait trois semaines qu’il refusait systématiquement de voir qui que ce soit. Vincent Pirelle, son meilleur ami, ne comprenait pas pourquoi Xavier se renfermait ainsi. Il savait qu’il n’aimait pas les fêtes de fin d’année, mais ignorait pourquoi, pourtant cette fois il se douta qu’il y avait autre chose. Comment aider Xavier s’il ne disait rien ? 

 

    Sans le prévenir, Vincent vint lui rendre une petite visite. Il savait que s’il demandait à Xavier s’il pouvait venir, celui-ci lui dirait simplement non. Il se gara devant l’immeuble où habitait son ami. Ils se connaissaient depuis près de dix ans, et il était rare que Xavier se comporte ainsi. Il monta les marches, qui menaient au premier étage, deux par deux. L’immeuble était récent, deux ou trois ans tout au plus. La cage d’escaliers était propre, montrant un bon entretien. Xavier vivait là depuis moins d’un an. Il était locataire et se plaisait bien dans son petit deux pièces, du moins c’est ce qu’il disait à tout le monde. Mais Vincent n’était pas dupe, il voyait bien que son meilleur ami cachait un mal-être derrière son sourire et à vrai dire, il avait bien une petite idée, mais pas facile d’aborder le sujet. 

 

    Xavier ouvrit la porte. Sa mine blême le choqua. Vincent avait le même âge que Xavier et tout comme lui, il aimait la moto. Souvent, quand les beaux jours le leur permettaient, ils allaient rouler ensemble. Cela leur faisait du bien et leur vidait la tête. Pirelle était grand, un poil plus que son ami et bien bâti. Son métier de coach sportif l’aidait à s’entretenir. Ses cheveux courts châtains faisaient ressortir ses yeux bleus.  

 

    — T’as une tronche à faire peur, dit l’inopportun. 

    — J’t’ai pas demandé de venir ! répondit-il cash en fixant son ami.

 

    Vincent soupira lourdement en rivant lui aussi son regard à celui qui le dévisageait presque. 

 

    — Si je te l’avais demandé, tu aurais refusé. Donc me voilà et tu n’as rien à dire. Paie-moi un jus…

 

    Pirelle entra sans que Xavier ne puisse l’en empêcher et celui-ci dut se résoudre à passer un peu de temps avec lui. Le maître des lieux alla dans la cuisine et revint avec deux tasses remplies du breuvage noir et en tendit une à Vincent.

 

    — Alors ? demanda l'ami dérangeant.

 

    Xavier le fixa intensément.

 

    — Quoi ? fit Vincent.

    — Tu sais bien pourquoi je suis comme ça, alors arrête de me prendre la tête ! s’agaça Xavier. 

 

    Ledit Xavier avait eu le temps de réfléchir tout en préparant les cafés. Son ami connaissait son aversion des fêtes et c’était là une excuse idéale. 

 

    — Ha oui ! Les Fêtes ! marmonna l’inopportun tout en se prenant le menton entre les doigts. 

 

    L’autre le regardait. Il lui semblait qu’il ne le croyait pas. Pourquoi ?

 

    — Bon Xav ! Va falloir que tu arrêtes de me prendre pour un con. Je te connais depuis des années et tu es différent, là ! Je suis certain que ton attitude n’a rien à voir avec Noël ! Alors c’est quoi ?

 

    Le ton de Vincent était dur et franc. Xavier connaissait cette facette de son ami mais il n’en avait pas encore eu le droit. Cela le surprit. Mais ce qui le troubla le plus c’est que Vincent savait. Enfin, qu’il savait que son mal-être n’avait rien à voir avec la fin de l’année, du moins pas entièrement. L’électricien soupira.

 

    — Ecoute Vince ! Je n’ai pas envie de me prendre la tête avec toi. Alors s’il te plait, lâche-moi ! Tu sais bien que ça passera dès que ces fêtes à la con seront terminées…

    — Il n’y a pas que ça ! Merde, dis-moi ! Elle sert à quoi notre amitié sinon ?

    

    Leconte riva son regard à celui de son ami qui le soutenait mais ne répondit rien. 

 

    — Tu pourrais répondre ! s’énerva Vincent. Et puis, tu ne m’as jamais dit pourquoi tu n’aimais plus Noël ni même pourquoi tu es fâché avec tes parents. Tu te souviens que tu m’avais promis de m’en parler ?

 

    Xavier écarquilla ses orbes. Vincent n’avait pas oublié. Que devait-il faire ? Lui dire la vérité, au risque de perdre sa précieuse amitié ou se taire un fois de plus ? Tout se mélangeait dans sa tête. 

 

    Pirelle se leva tout en soupirant lourdement puis se dirigea vers la porte d’entrée sous l’oeil interrogateur de Xavier qui ne le quittait pas des yeux. Son ami allait partir. Mais allait-il seulement revenir un jour, demain ? 

 

    — Vince ? Tu… tu pars ? l’interrogea-t-il presque apeuré.

    — Je ne vois pas pourquoi je resterais dans la mesure où tu ne me parles pas. Je vais donc considérer que tu ne me vois pas comme un ami, répondit-il dépité. 

    

    Leconte était sur le point de perdre son meilleur ami juste parce qu’il refusait de lui dire ce qu’il cachait depuis des années. Au point où il en était, qu’il parle ou pas il le perdrait surement néanmoins, il avait une toute petite chance pour garder l’amitié de Vincent malgré cela. Alors pourquoi continuer à se taire ? Advienne que pourra !

 

    — Très bien ! Je vais t’expliquer, dit enfin l’occupant de l’appartement. Je te sers un autre café ?

 

    Pirelle se retourna. Son visage ne montrait aucune émotion. Il observait son ami. Xavier était un peu plus petit que lui, de cinq à sept centimètres pas plus. Leurs cheveux étaient presque de la même couleur, sauf que ceux de Leconte était plus clairs et plus longs. Souvent on les prenait pour des frères, seuls leurs yeux étaient vraiment différents. Ceux de Xavier étaient marron. Vincent venait de prendre la décision de partir et voilà que son ami lui demandait de rester. Bien sûr qu’il allait rester, Xavier était son ami et il savait qu’il avait besoin de lui. 

 

    — Ok pour un café et une explication. Mais si tu te défiles, je me tire !

 

    Même s’il n’en pensait pas un mot, Pirelle se devait de le stimuler un peu.

 

    — Je comprends, murmura l’électricien.

 

    A présent, il ne pouvait plus se défiler. Tout en revenant de la cuisine, une fois encore, il soupira intérieurement.

 

    — Ce que je vais te dire risque de te surprendre, et je crains que notre amitié en pâtisse, dit enfin Leconte. 

 

    Vincent le regarda, mais ne dit rien. Il laissa son ami prendre le temps dont il avait besoin.

 

    — Et je te demande de garder tout ça pour toi. Ne dit rien aux autres, lui demanda-t-il.

    — Tu as ma parole, répondit simplement Pirelle.

 

    Vincent pouvait voir de là où il se trouvait, les mains tremblantes de son vis-à-vis. Il avait peut-être vu juste alors… Et puis, quoi ? Pour lui cela ne changerait rien. Ils étaient amis ! Il attendit que Xavier poursuive.

 

    — Merci, répondit ledit Xavier. Je ne me suis pas fâché avec mes parents, ce sont eux qui m’ont rejeté. Ce que je leur ai dit il y a cinq ans, je n’ai pu le dire à personne, pas même à toi car j’ai eu peur que vous réagissiez de la même manière. 

 

    Pirelle n’en croyait pas ses oreilles. Comment des parents pouvaient-ils renier leur enfant ? Il serra les dents pour ne pas interrompre son ami qui inspira profondément. 

 

    — Je crois… non je suis sûr… je suis gay, réussit-il à dire la voix décousue. 

 

    Il baissa ses yeux pour regarder le fond de sa tasse de café qu’il tenait encore dans entre ses mains. Il attendait sa sentence. Sa poitrine le serrait comme cinq années auparavant. Tout son corps tremblait. 

 

    — Je le savais, Xav. Et cela ne m’empêchera jamais d’être ton ami, dit enfin Pirelle.

 

    Leconte releva la tête. Son visage blême se posa sur celui de son ami qui souriait tendrement. 

 

    — Comment ?

    — Je te connais depuis longtemps. Tu ne sors jamais avec des filles. Je veux dire que tu ne nous as jamais présenté de nana. Et parfois, je te voyais regarder des mecs. Toujours discrètement mais je te voyais faire. Tu aurais dû me faire plus confiance car pour moi ça ne change rien. On est potes. Point ! Mais je n’aurais pas pensé que tes parents ne l’acceptent pas. Je suis désolé de l’apprendre. 

 

    Xavier ne savait plus quoi dire. Cela ne changeait rien pour Vincent ? Le poids qu’il portait depuis des années sembla disparaître en quelques secondes. Il se sentit léger comme jamais et peu à peu un sourire vint égayer son visage terne. 

 

    — Je pensais que tu ferais comme mes parents. Désolé de t’avoir rien dit.

    — Et maintenant, tu vas me dire pourquoi t’es morose ? Je suis sûr que tu m’as pas tout dit, dit-il en faisant un clin d’oeil. 

 

    Au point où il en était, Xavier pouvait bien dire ce qui le travaillait autant. 

 

    — Il y a trois semaines je bossais chez un type. Je devais refaire toute l’électricité de sa maison. Dès que je l’ai vu, j’ai craqué sur lui.

    — Bah tu attends quoi  ? Va le voir ! 

    — Il porte une alliance et j’ai rencontré sa femme. Les trois derniers jours, il n’était pas là. C’est elle qui me recevait et c’est avec elle que j’ai fait la réception des travaux. Je ne l’ai pas revu. Et puis, ça ne changerait rien…

    — Je comprends mieux. Je suis désolé pour toi. Tu as essayé de lui parler quand il était là ? 

    — On a discuté un peu, mais il s’enfermait dans son bureau toute la journée. Je le voyais peu en fait. Et puis, je ne sais pas comment m’y prendre. C’est totalement inconnu pour moi. J’ai toujours eu peur, avoua Xavier. Et puis, son alliance… ça m’a carrément refroidi mais je ne fais que penser à lui. Ca m’a jamais fait ça. En général, ça passe en un ou deux jours. Mais pas cette fois, souffla-t-il. 

    

    Vincent se leva et s’approcha de son ami. Il s’accroupit face à lui et l’enlaça. Une étreinte de pote à pote. Sans équivoque. 

 

    — Ca doit pas être facile. Tu aurais dû me parler plus tôt. Même si je peux rien faire pour t’aider, tu aurais eu une épaule pour te soutenir. 

    — Merci Vince, dit simplement Xavier en serrant ses bras autour de la taille de son ami. 

 

    Leconte était soulagé. Vincent ne le jugeait pas et le traitait de la même manière qu’avant. Il soupira de bien-être. 

 

    Les deux amis discutèrent le reste de l’après-midi et de la soirée. Visiblement Xavier en avait bien plus besoin qu’il le pensait. 

 

—————

 

    Depuis plusieurs jours Noémie s’inquiétait. Jérôme ne semblait pas aller très bien et ne voulait rien lui dire. Il n’écrivait plus alors que c’était une grande passion pour lui. Jérome tardieuve n’était pas vraiment ce qu’on appelle un écrivain en vogue mais il avait ses lecteurs et cela lui permettait de vivre de ses livres. Quelques semaines auparavant, il avait terminé son dernier roman et en avait fait la promotion avec sa maison d’édition, mais depuis il déprimait. Noémie venait le voir souvent pour prendre de ses nouvelles.

 

    — Jérôme ? l’appela-t-elle depuis la porte d’entrée de la maison.

 

    Aucune réponse ne lui parvint. Elle décida alors d’aller voir directement dans le bureau, là où Jérôme s’enfermait pour écrire mais aussi depuis quelques temps. Elle frappa doucement à la porte.

 

    — Jérome, c’est moi Noémie. J’entre ! dit-elle.

 

    Elle vit son frère, car Jérôme était son frère, assis devant son ordinateur allumé. Sans expression. 

 

    — Tu ne peux pas rester comme ça. Dis-moi ce qui se passe, lui demanda-t-elle.

    — Tu ne peux rien pour moi, No, soupira-t-il.

    — Peut-être mais parler te soulagera peut-être. La promo de ton dernier livre ne s’est pas bien passée ? Je vois que tu n’as rien écrit depuis.

    — Non tout c’est bien passé.

    — Alors c’est quoi ? s’inquiéta-t-elle.

 

    Tardieuve soupira lourdement tout en rivant son regard à celui de sa jeune soeur. 

 

    — Bon d’accord, tu ne veux rien me dire, mais tu es un écrivain alors écris. Mets sur papier ce que tu ressens en ce moment et le pourquoi tu te sens comme ça. T’es pas obligé de le publier ni même de le faire lire, mais soulage ton esprit. 

 

    L’idée que venait de lui soumettre Noémie n’étaitpas  si stupide.

 

    — Tu as sans doute raison. Mais je ne sais pas si je pourrais.

    — Fais-toi confiance, lui sourit-elle. Allez ! Mets-toi au boulot, je vais te faire un bon café. Quand je reviens j’aimerais voir des lignes écrites. Ok ?

 

    L’écrivain sourit. Sa soeur savait toujours le conseiller alors que c’était elle la plus jeune. Alors qu’elle quittait la pièce pour rejoindre la cuisine, Jérôme ouvrit une page vierge de son traitement de texte. Il prépara sa mise en page, comme pour ses romans, et fixa la page blanche. Seulement rien ne lui venait. Pourtant, et bien qu’il n’ait rien dit à Noémie, il connaissait la nature de son tourment. Mais comment l’écrire ? Par quoi commencer ? Et puis il n’y avait pas de quoi écrire un livre, quelques pages au plus.

 

    Jérôme ferma les yeux et inspira profondément. Il posa ses doigts sur le clavier de son ordinateur et réfléchit pour de bon à comment écrire sur ce qu’il avait sur le coeur. Puis il eut une idée. Et s’il transférait ses états d’âme sur un personnage fictif ? 

 

    — Oui ! Voilà ! C’est une bonne idée, se dit-il.

 

    Enfin des mots s’écrivirent sur l’écran formant des phrases, des paragraphes… Lorsque Noémie revint près de trente minutes plus tard, elle vit son frère au travail. Elle en fut ravie d’autant plus qu’il semblait aller mieux. Sans lire, elle vit que Jérôme avait entamé son récit. Elle posa la tasse de café noir sur le bureau près de lui et le laissa à son inspiration soudaine. 

 

    L’écrivain ne s’était pas rendu compte que sa soeur était venue lui apporter son café. Machinalement, il prit la tasse en main et but une gorgé du breuvage. Il ne pensait plus qu’à son texte. N’y voyant plus qu’une fiction au lieu de la réalité. Les premières phrases étaient au présent, car il parlait de ce qu’il ressentait en cet instant. Son état d’esprit. La boule qu’il avait dans le ventre depuis plusieurs semaines. Ses pensées toujours orientées vers ce moment. Ou plutôt tout ce que ressentait son personnage. 

 

    Les lignes s’enchainaient. Il vidait son coeur. Mais une part de lui souffrait toujours. Il y avait longtemps que cela ne lui était pas arrivé. Au premier regard, il avait eu le coup de foudre mais très vite il s’était aperçu que cela n’avait pas été réciproque. Il était gay et toute sa famille le savait. Personne ne l’avait rejeté, au contraire. Son ex avait été accueilli les bras ouverts. D’ailleurs, il avait été déboussolé, il n’en avait jamais eu l’habitude. Jérôme l’avait aimé, oui. Très sincèrement. Mais dans son couple il lui manquait quelque chose. Ce petit quelque chose qui faisait toute la différence. 

 

    Lorsqu’il vit Xavier pour la première fois, il sut. Son coeur avait cessé de battre. Il ne pouvait détourner son regard de sa silhouette attirante. De toute façon, tout l’attirait chez l’électricien. Pour éviter de lui tourner autour et de le mettre mal à l’aise, il avait préféré s’enfermer dans son bureau. Il ne faisait rien. Son dernier roman était achevé depuis plusieurs semaines, la couverture avait été choisie ainsi que les couleurs de la reliure. Seule la promotion du livre allait se faire sous peu et il avait espéré que cela n’arrive pas pendant les travaux de sa maison pour profiter un peu plus de la présence de Xavier. Mais le destin s’en était mêlé et Jérôme avait dû s’absenter pour promouvoir son dernier roman. Ce fut à contre coeur qu’il accepta, de toute façon il n’avait pas eu le choix… 

 

    Tardieuve remplissait page après page. Il n’en revenait pas de pouvoir dire autant de choses sur quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Pourtant, tout au long du texte il ne cessait de regretter de pas lui avoir parlé plus. Il se souvint l’avoir vu regarder intensément sa moto. Aimait-il cela aussi ? Possédait-il un deux-roues ? Que faisait-il pendant ses week end ? Qu’aimait-il manger, faire ? C’était presque illogique de tomber amoureux d’une personne totalement inconnue et pourtant c’était ce qu’il se passait pour lui. Depuis leur première rencontre, la silhouette fine et sculptée de Xavier tout comme son regard marron intense ne cessaient de le hanter. Il se rappelait également de sa toison châtain lui tombant sur les épaules. Le physique de l’électricien l’attirait comme un aimant. 

 

    Alors que ses pensées s’égaraient, ses doigts s’activaient sur le clavier presque mécaniquement. A présent, il n’écrivait plus ce qu’il ressentait mais ce qu’il voulait. Et ce qu’il voulait c’était le revoir, effleurer sa peau, sentir son odeur… Devait-il demander à son patron où il pouvait le trouver et l’inviter ? Où devait-il simuler une panne d’électricité quelconque afin qu’il revienne et ainsi pouvoir entamer une conversation ? Son esprit s’embrouillait. 

 

    Jérôme sortit de son bureau afin de s’aérer la tête. Dans le salon, Noémie regardait la télévision. Elle restait souvent avec son frère notamment lorsqu’il écrivait car dans ces cas-là, il avait tendance à oublier son estomac. En entendant un bruit derrière elle, la jeune femme se retourna vers son frère et lui sourit.

 

    — Tu avais l’air inspiré tout à l’heure.

    — Ton idée m’a aidé mais je l’ai un peu modifiée, dit-il.

    — Comment ça ? l’interrogea Noémie.

    — Et bien, disons que j’ai créé un personnage et je transpose sur lui tout ce que je ressens. 

    — Tu veux dire que du coup tu as commencé un nouveau livre ?

    — On peut dire oui, même si je ne pense pas le publier, répondit-il évasivement.

    — As-tu faim ? demanda-t-elle.

    

    L’écrivain acquiesça. Ensemble, ils préparèrent le dîner puis se mirent à table.

 

    — Tu as écrit combien de pages ? demanda la jeune femme.

    — Une petite dizaine. 

    — Est-ce que que je pourrais lire ?

 

    Jérôme riva son regard à celui de sa soeur. 

 

    — Si tu veux.

    — Oh merci, Jérôme, sourit-elle.

 

    Les Tardieuve terminèrent leur repas, s’occupèrent de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle et se préparèrent un café qu’ils burent dans le bureau de l’écrivain. Noémie s’installa au bureau de son frère et commença la lecture du texte. Plusieurs minutes plus tard, elle observa son frère. 

 

    — J’aime beaucoup, dit-elle simplement. Mais je n’aurai jamais pensé que ce gars te plaisait autant. Il semble gentil et il est mignon. 

    — Ce que je ressens, jamais je ne l’ai ressenti. Quand je pense à lui, mon coeur s’emballe. 

    — Avec tes mots, on prend conscience de tes sentiments. Et ils sont forts. 

    — Merci, souffla-t-il.

    — Que vas-tu faire ?

    — Je ne sais pas. J’ai juste envie de le revoir. 

    — Tu ne sais même pas s’il est gay…

    — Oui, c’est vrai. Mais en devenant ami avec lui, je pourrais en savoir plus. 

    — Tu pourrais souffrir davantage aussi. 

    — C’est vrai, mais au moins je serais fixé. 

    — Je ne t’avais encore jamais vu ainsi. Même lorsque tu parlais d’Arnaud, au début de votre relation, tu n’étais pas comme ça. 

    — Je l’ai aimé, oui. Mais la flamme qui me brûle quand je pense à Xavier n’existait pas lorsque j’étais avec Arnaud.

    — Tu peux compter sur moi pour te soutenir, tu sais. 

    — Et sur nos parents, sourit-il.

    — Pourquoi ne téléphonerais-tu pas à son patron pour avoir son numéro ?

    — Je ne voudrais pas le mettre mal à l’aise. 

    — Je comprends, mais comment faire alors ?

    — Je ne sais pas…

 

    Jérôme soupira fortement. Oui ! Comment faire pour le contacter ? Il pouvait se rendre à l’endroit où Xavier travaillait mais il se ravisa. C’était une démarche bien trop risquée. Xavier pourrait penser qu’il était un pervers, un harceleur et ne plus lui adresser la parole. Il lui fallait trouver autre chose…

 

A suivre…

 

 

Réveillon, obstination et amour…

  par Shiroitora-lili

 

Chapitre 2   

 

    Les décorations de la ville et du marché de Noël embellissaient cette soirée. Une ambiance festive s’était emparée des rues. Les gens se promenaient au rythme qui leur convenait. Les couples se tenaient la main et se rapprochaient le plus possible. Les enfants écarquillaient les yeux, pensant ainsi voir plus de choses. A tous les coins de rues résonnaient des chants de Noël interprétés par différentes chorales. Les passants s’y arrêtaient. Tous prenaient le temps. 

 

    Il faisait froid et sec. Manteaux, gants, écharpes, bonnets ou chapeaux enveloppaient tous les promeneurs. Les étals étaient animés. Tantôt, il y avait de la nourriture, des décorations de Noël, des vêtements. Tantôt, les petites maisonnettes en bois se transformaient en palais de la gourmandise : bonbons de toutes les couleurs, crêpes, gaufres, pâtisseries… Les odeurs se mélangeaient et envahissaient les allées qui séparaient les cabanes illuminées. 

 

    C’était aussi l’époque du vin chaud. Plusieurs étales en vendaient, mais pas seulement. Les bars alentours également et la plupart étaient bondés. Les passants s’y réfugiaient pour s’y réchauffer. Vin chaud et chocolat chaud étaient les boissons les plus demandées. 

 

———

 

    Comme chaque année, Jérôme Tardieuve se rendait dans ce marché de Noël avec sa soeur et leurs parents. C’était une coutume familiale. Seulement cette année, Jérôme avait comme un goût amer dans la bouche. Une personne lui manquait terriblement. Une personne qu’il connaissait à peine. Une personne qu’il voulait aimer. Xavier. 

 

    Seule, Noémie savait que son frère avait eu le coup de foudre pour un homme. L’écrivain n’en avait pas parlé à ses parents pour ne pas les inquiéter et sa soeur avait accepté de ne rien dire. 

 

    Noémie tenait son frère par le bras, tout comme sa mère tenait son époux. Ils étaient proches et cela se ressentait bien. Une famille unie comme celle-ci se faisait rare. 

 

    — Jérôme, Noémie ! Avec votre mère nous allons nous poser un peu dans le bar juste là, fit le paternel en désignant le lieu. 

    — Très bien, on revient vous chercher dans combien de temps ? demanda la cadette.

    — Revenez quand vous le voulez, on vous attendra. Sinon je vous appellerai, répondit le père.

 

    Enfants et parents se séparèrent. Monsieur et madame Tardieuve entrèrent dans le petit bar qu’ils avaient repéré pour s’y reposer un peu et surtout pour que madame puisse s’y réchauffer. Ils commandèrent du vin chaud. Dehors, frère et soeur poursuivaient leur exploration.  

 

    Alors qu’ils parlaient de tout et de rien, Jérôme s’immobilisa. 

 

    — Qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta Noémie.

    

    Mais son frère ne semblait pas avoir entendu. Elle tenta une seconde fois de l’interpeller mais sans résultat. Elle le vit fixer quelque chose devant eux. Elle regarda à son tour mais ne voyait rien de spécial. 

 

    — Hey ! Jérôme ! l’appela-t-elle une fois de plus en le secouant un peu. 

 

    Cela fonctionna. Son frère riva son regard au sien. 

 

    — Désolé, tu me parlais ?

    — Oui. tu t’es arrêté d’un coup de marcher et tu ne disais rien.

    — Désolé.

    — Qu’est-ce que tu as ? redemanda-t-elle.

    — Il … il est là, répondit-il difficilement.

    — Qui ? 

    — Xavier, dit-il en montrant du doigt celui qui hantait ses pensées.

 

    Noémie regarda dans la direction indiquée par son frère. Elle vit une silhouette mais il lui était difficile de reconnaître l’électricien. 

 

    — Tu es sûr ? lui demanda-t-elle.

    — Oui. 

    — Mais il fait nuit, et le type est de dos.

    — C’est lui, j’en suis certain.

    — Alors qu’attends-tu ? sourit Noémie.

 

    Jérôme se retourna vers sa soeur, interrogateur.

 

    — Il n’est pas seul. Je ne veux pas le déranger.

    — Ca fait des semaines que tu penses à lui et là il n’est qu’à quelques mètres de toi et tu n’oses pas aller le voir ? 

    — Oui je sais. En temps normal cela ne me poserait aucun problème…

 

    Noémie ne le laissa pas terminer sa phrase et le tira par le bras. 

 

    — Mais qu’est-ce que tu fabriques ? lui demanda-t-il.

    

    Mais sa cadette ne lui répondit pas. En revanche, dangereusement elle le rapprochait de Xavier. Il voulu résister mais son corps ne lui obéissait plus. Son coeur et sa raison étaient en totale opposition. Son corps tremblait. Pourquoi ? Plus que quelques mètres. 

 

    — Non, attends ! dit enfin Jérôme. 

    

    La jeune femme s’arrêta.

 

    — Ne voulais-tu pas le revoir ?

    — Si bien sûr. 

    — Alors vas-y ! fit Noémie en lâchant son frère. 

 

    L’écrivain soupira tout en regardant sa soeur. Il savait qu’elle avait entièrement raison. Mais maintenant qu’il était si proche de Xavier, il fut pris d’une appréhension. Mais alors qu’il fixait Xavier celui-ci se retourna dans sa direction. L’angoisse qui venait de s’emparer de lui était nouvelle cependant, et sans même s’en rendre compte, il se mit en mouvement. Jérôme ne maitrisait pas ses pas mais il pouvait encore contrôler son esprit. Intérieurement, il soupira puis il prit une profonde inspiration. Il essaya de montrer bonne figure afin de me pas laisser paraître son trouble. 

 

—————

 

Quelques heures plus tôt.

    Vincent voulait faire sortir son meilleur ami de son appartement. Depuis que Xavier lui avait parlé, il avait tout fait pour l’aider à rencontrer du monde. Il l’avait même poussé à se rendre dans un club gay et l’y avait accompagné. Mise à part une bonne crise de rigolade – Vincent s’étant fait draguer – la soirée avait été un échec. Les deux amis s’étaient sentis mal à l’aise. Avec l’idée qu’il avait en tête, Vincent savait que Xavier refuserait mais il était têtu et saurait le convaincre.

 

    Son idée : le marché de Noël. Il savait que Xavier n’aimait pas Noël, mais peut-être changera-t-il d’avis… Pirelle avait donc pris la décision mais n’avait pas vraiment dit à son ami où ils se rendraient ce vendredi soir. Alors lorsqu’il se gara devant chez Xavier, il inspira profondément. Il ne fallait pas qu’il lui montre qu’il était en train de lui jouer un sale coup. Il monta.

 

    — Bon ! T’es prêt ? demanda Vincent.

    — Tu ne m’as pas dit où on allait ! 

    — Et ça t’empêche d’être prêt ? ironisa Pirelle.

 

    Leconte bougonna tout en attrapant son blouson.

 

    — Où va-t-on ? redemanda Xavier.

    — C’est une surprise, sourit son ami.

    — Si c’est une ruse pour me faire aller dans un marché de Noël à la con, je risque de très mal le prendre, grogna l’électricien.

 

    Vincent pâlit une seconde mais il se reprit rapidement. Leur amitié risquerait d’en pâtir mais cela en valait aussi la peine.

 

———

 

    A la vue du nombre de véhicules stationnés dans les rues et sur les parkings, Xavier grimaça. 

 

    — Je t’ai dit que je n’aimais ni Noël ni ces marchés à la noix ! s’énerva Leconte.

    — Je sais, oui. Voir du monde te fera du bien et puis on ne sait jamais. Tu pourrais tomber sur un gars cool et qui te plaise. C’est ça la magie de Noël !

    — Pas moyen ! 

    — D’ailleurs, il me semble que lorsque nous étions gosses tu aimais ce moment de l’année. Tu m’as jamais dit pourquoi maintenant tu détestais ça autant.

 

    C’est vrai, Xavier ne lui avait pas dit. Pourtant, il lui avait fait confiance quand il lui avait parlé plusieurs jours auparavant. Il pouvait bien en dire plus.

 

    — Il y a cinq, à Noël chez mes parents, je leur ai annoncé que j’étais homo, avoua-t-il.

 

    Alors c’était ça ! Sa famille l’avait renié à cette période de l’année. Vincent comprenait mieux. 

 

    — Désolé, Xav, dit-il penaud. Je comprends mieux maintenant.

    — C’est rien. Je ne sais pas pourquoi je t’ai rien dit l’autre jour.

    — T’inquiète pas ! Si tu veux, on peut partir, lui proposa-t-il.

 

    Xavier allait dire oui, mais il voyait bien que Vincent n’avait fait ça que dans le seul but de le sortir, voir du monde. De plus, Vincent aimait Noël. Il se fit violence pour accepter. 

 

    — Ca te tient à coeur, alors on reste.

    — T’es sûr ? fit Pirelle surpris.

    — Oui mais à une condition, sourit Leconte.

    — Hein ! Quoi ?

    — Laisse-moi faire la gueule quand j’en aurais besoin, ironisa Xavier.

    — Pas problème, tout ce que tu veux, fit Vincent heureux.

 

    C’est ainsi que les amis d’enfance se faufilèrent dans les artères bouchées du marché de Noël. Xavier ne pouvait pas s’empêcher de râler, de grogner ou de bougonner mais son ami faisait tout ce qu’il pouvait pour l’aider alors il prit sur lui et tenta de moins ronchonner. Il lui devait bien ça. Bien sûr, à l’intérieur, c’était une autre histoire. Toutes les étales ne faisaient que lui rappeler qu’il n’avait plus de famille, et qu’il était seul. Heureusement qu’il avait des amis et surtout Vincent. 

 

    Voilà près d’une heure qu’ils crapahutaient dans la foule. L’électricien n’en pouvait plus. Il avait atteint sa limite. Mais il avait promis à son ami. 

 

    — Tout va bien Xav ?

    — Mouais, répondit évasivement l’intéressé.

    — Tu veux rentrer, c’est ça ?

    — Oui c’est vrai, avoua-t-il. Mais je peux bien rester encore un peu. 

    — Tu es sûr ?

    — Oui, profite. Je vois que tu t’amuses. Mais on pourrait peut-être rentrer dans un rade et boire un truc chaud pour se réchauffer ?

    — Ok ! Je regarde juste un truc ici et on va boire un coup.

 

    Xavier soupira doucement. Il ne voulait pas presser son ami. En fait si mais … Il ne s’intéressait pas à toutes les babioles qu’il y avait dans les petites maisons de bois, ni aux chants de Noël qui lui cassaient les oreilles, et encore moins aux gens qu’il croisait. Il n’était là que pour faire plaisir à Vincent, à son ami de toujours. 

 

    Alors qu’il leva les yeux de ses chaussures, il fut pris d’une envie de regarder ce qui se passait autour de lui. Les gens qui marchaient semblaient avoir froid mais ils étaient heureux. Du moins c’est ce qu’il pensa en les observant. 

 

    — C’est bon, j’ai vu ce que je voulais. On va boire un verre ? demanda enfin Pirelle.

 

    Mais étrangement son ami ne lui répondit pas. Vincent se tourna pour le regarder et le vit les yeux grand ouverts en direction d’un groupe de passants.

    

    — Hey ! Tu m’entends ? insista Vincent.

    — Hein ! Désolé.

    — Qu’est-ce qu’il y a ?

    — J’ai cru le voir…

    — Qui ? Le gars chez qui tu as bossé ?

 

    Xavier acquiesça mais cela ne pouvait pas être lui. Se revoir là serait vraiment un miracle. Il détourna son regard puis le replaça à l’endroit même où il avait cru voir Jérôme. Il n’y avait personne. Bizarre. Voilà maintenant qu’il hallucinait. Leconte et Pirelle se dirigeaient vers un petit bar non loin d’eux. Xavier se fit bousculer par un jeune qui courait et cela le fit pivoter. Son regard s’arrêta dans une paire d’yeux qui le fixait. Jérôme. Il n’avait pas rêvé. Il était là. Il l’observait et avançait. Xavier déglutit péniblement et tout son corps se mit à trembler. Pourquoi fallait-il que Jérôme avance vers lui ?

 

    — Xav ? Ca va ? demanda Pirelle. 

    — Pas vraiment, non. 

 

    Vincent n’avait encore jamais vu Xavier dans un  tel état. Il regarda autour d’eux et vit un homme et une jeune femme s’approcher d’eux. 

 

    — Bonjour monsieur Leconte, si ma mémoire ne me fait pas défaut, fit l’écrivain en tendant sa main droite vers Xavier.

    — Non, non c’est bien ça monsieur Tardieuve, répondit-il timidement en répondant au geste de courtoisie.

    — C’est étrange de se revoir ici, fit Jérôme pour alimenter la discussion. 

 

    Tardieuve semblait plus détendu d’un coup. Sans doute parce qu’il ne souhaitait pas faire fuir celui qu’il voulait apprendre à connaitre. Vincent, lui, ne disait plus rien. Il n’avait d’yeux que pour la jeune femme qui accompagnait ce type élégamment habillé.

 

    — Oui, c’est vrai. 

 

    Xavier ressemblait à un morceau de papier complètement trempé. Il était « liquide » et livide. Pour passer à autre chose, il décida de présenter son ami.

 

    — Je vous présente mon meilleur ami, Vincent Pirelle. Vincent, je te présente monsieur et madame Tardieuve. 

 

    L’espoir de draguer la belle et jolie femme qui accompagnait ce Tardieuve venait de tomber à l’eau pour Pirelle. 

 

    Noémie regarda son frère presque froidement. 

 

    — Je t’ai déjà dit que cette alliance prête à confusion, gronda-t-elle. Bonjour, dit-elle en regardant Xavier et Vincent. Je ne suis pas sa femme mais sa soeur, sourit-elle.

    — Ha oui ! Désolé ! Noémie est bien ma soeur et elle déteste qu’on la prenne pour une femme mariée. Enchanté monsieur Pirelle. 

 

    La mine déconfite de l’électricien fit sourire la jeune femme, en revanche elle fronça les sourcils quand il vit ce Vincent la regarder comme si elle était une gourmandise. 

 

    — Je suis désolé, mademoiselle. Vraiment, s’excusa platement Xavier. 

    — Ce n’est pas votre faute mais celle de mon idiot de frère. 

 

    Jérôme râla contre sa soeur, enfin si l’on pouvait dire cela. Il l’avait chahutée un peu comme un frère pouvait le faire avec un cadet. Il avait le sourire aux lèvres. Sans s’en rendre compte, Xavier le dévisageait et se mit à sourire à son tour. Tardieuve était bien plus séduisant que dans son souvenir, et la gaieté qu’il lisait sur son visage le fit fondre un peu plus. Pourquoi avait-il fallu qu’il tombe sur lui, ici ?

 

    Quant à l'écrivain, il n’était pas loin de penser la même chose que Xavier. Le revoir ainsi de manière fortuite lui confirma qu’il était bien tombé amoureux de lui dès le premier jour. Il ressentait également un fort sentiment de jalousie envers le type qui accompagnait Xavier. Il l’avait présenté comme son ami mais il aurait très bien pu être son petit-ami et cela, il avait beaucoup de mal à l’envisager. 

 

    Noémie n’aimait pas la manière dont Vincent la regardait mais après avoir pris une profonde inspiration elle décida de l’entrainer avec elle dans le dédale des allées bruyantes et décorées de milles feux. Elle faisait cela pour son frère. Ainsi, il serait seul avec son électricien et pourrait peut-être discuter avec lui. 

 

    Sans réfléchir plus, elle se saisit du bras de Pirelle et le traîna de force dans la foule. Jérôme avait eu beau l’appeler, rien ni fit. Vincent se demanda ce qu’il lui arrivait. Il avait bien vu qu’elle le toisait alors pourquoi agir ainsi ? Plus loin, il s’arrêta de marcher. 

 

    — Tu peux me dire à quoi tu joues ? lui demanda presque froidement Vincent.

    — Tu sors avec lui ? demanda-t-elle.

    — Avec Xav ? Ca va pas ! On est potes d’enfance, c’est tout ! Pourquoi tu me demandes ça ? reprit Pirelle sur un ton plus doux. Tu veux sortir avec lui ?

    — Pas du tout ! Je demandais ça comme ça, répondit-elle. 

 

    Noémie ne voulait pas en dire trop. Comment Vincent réagirait-il si elle lui disait que son frère était amoureux de son meilleur ami ? Pirelle ne dit rien mais la réaction de la jeune femme le fit tiquer. Noémie se remit en route, la mine boudeuse. Pirelle la suivit, les poings enfoncés dans ses poches. Il l’observait. La scrutait. Il la trouvait vraiment mignonne mais il avait du mal à la cerner. 

 

    — Où m’emmènes-tu ? demanda-t-il un moment plus tard.

 

    Que répondre à cette question ? Noémie ne le savait pas elle-même. Devant le mutisme de la jeune femme, Vincent intervint de nouveau.

 

    — Si c’était là une ruse pour être seule avec moi, il suffisait de le demander, tu sais, ironisa-t-il.

 

    Elle s’arrêta de marcher et se retourna violemment.

 

    — Tu prends tes rêves pour la réalité, là ! grogna-t-elle.

    — Alors si ce n’était pas pour être avec moi, ça ne peut être que pour laisser ton frère et Xav ensemble ! fit-il tout en se frottant le menton.

 

    Noémie baissa la tête, ce qui confirma à Pirelle qu’il avait raison. 

 

    — Je sais que mon frère souhaitait lui parler, affirma-t-elle. 

    — Lui parler de quoi ? 

 

    Là, elle signait son arrêt de mort… 

 

    — Je l’ignore, dit-elle.

    — A d’autres ! Je suis sûr du contraire.

    — Je n’en sais rien, soupira Noémie. 

 

    Vincent ne la croyait pas plus maintenant que cinq minutes plus tôt. Mais si elle ne souhaitait pas parler alors soit. 

 

    — Ok, je n’insiste pas. Tu veux faire quelque chose ? Comme aller boire un verre ? lui proposa Vincent. 

    — Pourquoi pas, répondit-elle après avoir hésité un moment. 

 

———

 

    Jérôme regardait sa soeur partir en courant avec l’ami de Xavier. Il n’avait pas mis longtemps à comprendre où elle voulait en venir. Il sourit tout en pensant qu’il devrait la remercier pour le temps qu’elle lui offrait avec Xavier.

 

    — Je suis désolé, ma soeur fait parfois des choses étranges. J’espère que nous n’avons pas interrompu une conversation importante entre vous ? demanda Jérôme.

 

    Xavier n’en croyait toujours pas ses yeux. Cette femme n’était pas la femme de Tardieuve mais sa soeur, et elle venait de s’enfuir avec Vincent. Pourquoi avait-elle fait cela ? Et puis, il se rendit compte qu’il était seul avec Jérôme. Sa respiration s’accéléra. Ses entrailles le broyèrent. Ses jambes tremblaient. Tardieuve lui avait demandé quelque chose mais quoi ? Perdu dans dans ses pensées, il l’avait à peine entendu parler. 

 

    — Pas de problème, réussit-il à dire.

    

    La conversation avait du mal à débuter entre les deux hommes. Sans comprendre pourquoi, une gêne s’était installée entre eux. Xavier n’arrivait pas à se reprendre. Ce n’était pas le genre de situation qu’il savait gérer.

 

    — Nous devrions attendre votre ami et ma soeur dans le coin. Que diriez-vous d’aller prendre un verre ou un café pour nous réchauffer ? proposa-t-il.

    — Pourquoi pas, oui ! répondit sans réfléchir Leconte.

 

    Jérôme avait repéré un café non loin de l’endroit où ils se trouvaient. Plus ils avançaient, plus ils constataient que l’endroit était bondé. Tardieuve aurait voulu un lieu un peu moins fréquenté mais ils devraient faire avec. 

 

    — Il y a beaucoup de monde, ici, fit Xavier. Je connais un autre bar, juste un peu plus loin. Il devrait être moins rempli. 

    — Ok, je te suis.

 

    Xavier releva la tête. Jérôme venait de le tutoyer et cela le surprit.

 

    — Désolé, c’est sorti tout seul. Je vous suis, se reprit l’écrivain.

 

    Tardieuve essayait de détendre au mieux l’atmosphère. Mais ce n’était pas si simple, lui-même étant aux prises avec ses sentiments. Employer le tutoiement lui avait semblé pourtant une bonne idée, mais lorsqu’il vit Xavier se raidir un peu plus, il s’était ravisé. 

 

    Leconte avait-il bien entendu ? Celui qui hantait ses pensées depuis leur première rencontre devenait plus familier. Que cherchait Jérôme ?

 

    A l’angle de la rue principale, les deux s’engouffrèrent dans une rue plus calme, plus petite. A quelques pas d’eux, l’établissement qu’avait proposé Xavier se dessinait. Cet endroit semblait récent. La décoration était neuve et sobre. La lumière tamisée offrait de l’intimité aux clients. Une douce musique effleurait l’air. L’ambiance était légère. 

 

    — C’est un superbe endroit. Je m’y sens bien, c’est presque reposant, fit remarquer Jérôme.

    

    Xavier ne put qu’acquiescer, gêné d’avoir choisi ce lieu qu’il aimait lui aussi et pour les mêmes raisons que son vis-à-vis. Ils s’installèrent à une table, au fond de la salle. C’était l’idée de l’écrivain qui voulait profiter pleinement de la situation. Il n’allait pas lui sauter dessus, non ! Bien sûr que non ! Mais pour discuter, faire connaissance c’était mieux ainsi. 

 

    Le serveur arriva à peine quelques minutes plus tard pour prendre la commande puis revint un moment plus tard avec les deux cafés que les deux hommes avaient demandés. 

 

    — Ai-je dit ou fait quelque chose qu’il ne fallait pas ? s’inquiéta Tardieuve voyant que Xavier ne disait plus un mot.

    — Non, non… Je ne parle pas beaucoup c’est tout.

 

    C’était faux, mais ce fut la seule chose à peu près cohérente qu’il trouva à dire. 

 

    — Pardon de vous ennuyer, alors, reprit l’écrivain presque déçu.

 

    Leconte n’arrivait pas à se reprendre. Il ne se reconnaissait pas. En temps normal, entamer une discussion ne lui faisait pas peur mais là… c’était une autre histoire. Il se trouvait bête même. Jérôme réfléchissait à vitesse grand V pour dénouer la conversation. Il ne souhaitait que faire connaissance avec l’homme dont il était tombé amoureux mais comment ? A moins que…

 

    — Ne pourrait-on pas se tutoyer ? A moins que cela ne vous dérange vraiment ? demanda l’écrivain.

    

    Le coeur de Xavier se mit à battre plus fort encore. Il craignait même que Jérôme ne l’entende. Il sentit ses joues s’échauffer mais il se rassura en voyant qu’autour d’eux la lumière ne permettait pas à Tardieuve de le voir. 

 

    — Pourquoi …pas, répondit-il hésitant.

    — Super, le vouvoiement c’est trop formel, sourit-il. 

 

    Ce sourire fit fondre un peu plus l’électricien. A ce rythme, il serait complètement accro à  lui dans trente minutes, même s’il était déjà tombé amoureux. 

 

    — Dis-moi, est-ce que par hasard tu serais motard ? lança Tardieuve.

 

    Il se souvint l’avoir vu scruter sa moto sous toutes les coutures. Oui bon ! Il admettait qu’il en avait fait de même avec Xavier et ce le plus discrètement possible. Leconte le regarda enfin dans les yeux. 

 

    — Oui, j’adore ça. C’est pour moi une passion depuis que je suis gosse. 

    — Je m’en suis douté à la façon dont tu regardais ma machine. 

 

    Xavier l’interrogea du regard. Comment avait-il pu le voir observer sa grosse cylindrée alors qu’il ne le voyait pas de la journée. 

 

    — Désolé ! Il m’est arrivé de venir voir comment se passait les travaux mais tu étais tellement concentré que je n’ai jamais osé te déranger. 

 

    En fait, ce n’était pas tout à fait cela. Tardieuve le trouvait tellement séduisant qu’il voulait le scruter à loisir. Détailler son corps, parfois dans l’effort du travail parfois lorsqu’il se posait cinq minutes. Mais il ne pouvait pas lui dire, pas encore. 

 

    — Vous… tu aurais pu. J’ai l’habitude qu’on vienne me déranger. En général, les clients ne me laissent jamais seul très longtemps. 

    — Comment ça ?

    — Ils ont peur que je leur vole des trucs, je suppose. Tu es l’un des rares qui étaient là mais que j’ai rarement vu pendant que je bossais. 

    — Je n’aime pas quand on m’oppresse dans mon travail, alors je ne le fais pas aux autres. 

 

    L’ambiance changeait. Et les deux hommes se sentaient de mieux en mieux.

 

    — Tu étais en vacances ?

    — Non, mais j’ai la chance de pouvoir travailler chez moi et à mon rythme, expliqua l’écrivain. 

 

    Xavier riva ses iris à ceux de Jérôme qui put y lire une forme d’interrogation.

 

    — Je suis écrivain. J’écris de la romance hétéro. 

    — Tu es auteur de romance ? Et bien, je ne m’attendais pas à ça ! Et tu arrives à en vivre ?

    — Oui, ça va. Mon dernier roman va battre tous les records si l’on en croit les statistiques.

    — Félicitations. Mais je n’avais jamais entendu ton nom avant. 

    — Je suis surtout connu auprès des femmes, ce n’est donc pas étonnant. Et merci, sourit Jérôme. 

    — Je ne lis pas. Ce n’est pas mon truc à vrai dire, avoua Xavier. 

    — Je lis très peu moi-même, rit l’écrivain. Je laisse cela aux autres. 

 

    Le rire presque cristallin de Jérôme remua les tripes de Leconte. Plus il passait du temps avec lui, plus il s’attachait à lui. Et dire qu’il n’était pas supposé le revoir !

 

    Les deux nouveaux amis recommandèrent un café tout en poursuivant leur discussion qui était revenue sur la moto. Ils étaient sur la même longueur d’onde, cette fois. Ce thème les intéressait tous deux. Xavier était intarissable sur le sujet et Tardieuve semblait boire ses paroles. L’électricien avait une telle passion pour ces machines qu’il lui était impossible de décrocher son regard de celui de son vis-à-vis. Chacun d’eux y allait de ses anecdotes, de ses frayeurs ou même de ses exploits. Ils restèrent là, à discuter bien plus longtemps qu’ils ne l’auraient pensé et lorsque Jérôme sortit son téléphone de sa poche pour regarder l’heure, il vit qu’il avait un message de sa soeur et qu’il était bien plus tard qu’il l’aurait cru. 

 

    — Oh ! Il est déjà presque dix-neuf heures. J’ai même oublié ma soeur et mes parents, avoua-t-il. 

    — Mince et moi Vincent, fit Xavier en prenant lui aussi son téléphone.

    

    Ils écoutèrent leur message. Et alors que Jérôme souriait de plus en plus, Xavier lui, blêmissait de seconde en seconde.

 

    — Bon apparemment ton ami a raccompagné ma famille et il me charge de te ramener chez toi. 

    — Apparemment, oui !

 

    Le ton de l’électricien n’était plus aussi serein qu’il y avait quelques minutes. 

 

    — Dans ce cas, puisque tout va bien pour eux, accepterais-tu de dîner avec moi ? 

 

    Jérôme n’avait plus envie de laisser celui qu’il aimait. Il voulait encore passer du temps avec lui. Mais la mine que lui montrait son amour, fit redescendre son enthousiasme.

 

    — Ne devrais-tu pas retrouver ta famille ? 

    — Ma soeur dîne avec ton ami, si j’ai bien compris et mes parents avaient prévu quelque chose. 

    — Je… je ne sais pas.

    — Te revoilà timide, sourit l’écrivain. Très bien, je te raccompagne chez toi alors. 

 

    Bien que Tardieuve affichait un large sourire, il était déçu. Que faire à présent pour convaincre Xavier ? Il soupira tout en se levant, bien sûr cela n’échappa pas à son soupirant. Leconte ne savait toujours pas gérer les émotions qui s’emparaient de lui dès qu’il posait les yeux sur Jérôme. Il avait de plus en plus envie d’être près de lui, de sentir son odeur, de se caler dans ses bras mais cela n’arrivera jamais. Il écrivait de la romance hétéro, c’est qu’il devait l’être. De plus, il portait cette alliance…

 

    La voiture de Jérôme n’était pas ce genre de voiture voyante et très sportive comme il l’avait cru, mais plutôt le genre familiale et pratique. Il avait dit être écrivain, pouvant vivre de ses oeuvres mais rien en lui ne montrait un quelconque signe de richesse. Jérôme n’avait pas de goût de luxe et cela plaisait à Xavier qui n’était qu’un simple artisan. 

 

    L’automobile s’arrêta au pied de l’immeuble où vivait Xavier. Jérôme n’avait pas roulé vite pour ne pas arriver trop tôt. Le reverrait-il ? En cet instant, l’écrivain n’y croyait absolument pas. Il devait se résigner.

 

    — Merci de m’avoir raccompagné, fit l’électricien. 

    — De rien, sourit Tardieuve. Es-tu sûr de ne pas vouloir dîner avec moi ? redemanda-t-il.

 

    Jérôme espérait que cette fois son amour accepte mais Xavier refusa même s’il le souhaitait plus que n’importe quoi. Il ne savait pas comment s’y prendre et n’arrivait pas à imaginer Tardieuve comme un ami. C’était trop dur. 

 

    — J’ai été ravi de te revoir. Accepteras-tu que je t’invite prochainement faire un tour de moto, si le temps le permet, bien sûr ? 

 

    L’écrivain tentait là sa dernière chance. Son organe de vie battait à tout rompre et ne semblait pas vouloir s’arrêter.

 

    — C’est … c’est d’accord, dit Xavier hésitant.

 

    Tardieuve accrocha son regard. Il ne put lui exprimer la joie qu’il ressentait en cet instant mais il lui sourit. Ils s’échangèrent leur numéro de téléphone avant que Jérôme ne rentre chez lui, à son tour.

 

A suivre…

 

 

Réveillon, obstination et amour…

par Shiroitora-lili

 

Chapitre 3

 

    Depuis leur rencontre, Vincent et Noémie s’étaient revus quelques fois. La jeune femme, au début réticente à l’idée de faire connaissance avec lui, s’était finalement ouverte et avait découvert le côté prévenant de Pirelle. Cependant, il n’était pas que cela. Il était amusant, intéressant, cultivé et se donnait toujours à fond pour ses amis, et surtout pour Xavier. Tous deux avaient fini par assez bien s’entendre et passaient de bons moments l’un avec l’autre. En toute amitié, même si Vincent était tombé sous le charme de la douce Noémie. 

 

    Ils avaient parlé de Xavier et de Jérôme, n’omettant rien. Ils se promirent néanmoins de ne rien divulguer de tout cela aux deux concernés, partant du principe qu’ils ne devaient pas intervenir dans les histoires d’amour des autres. Vincent avait eu un peu de mal à accepter de mentir à son ami, mais Noémie avait raison : si c’était là son tout premier vrai amour, alors il devait apprendre à avancer seul. Cela dit, ils avaient convenu de faire un petit quelque chose pour les aider si cela n’avançait pas entre eux.

 

—————

 

    Le temps était maussade depuis plusieurs jours. Jérôme désespérait de pouvoir faire un tour de moto avec son amour. Du soleil. C’était tout ce qu’il désirait. Même s’il faisait froid, ce n’était pas grave. Mais il voulait un soleil radieux, juste pour avoir une excuse pour revoir son bel adonis. 

 

    Tardieuve restait des heures entières debout derrière la baie vitrée de son salon à observer le ciel gris. Il soupirait régulièrement. Sa mine triste désolait sa soeur, qui ne pouvait rien malheureusement ni rien dire, ni faire quoique ce soit. Il n’écrivait plus, grignotait plus qu’il ne mangeait, dormait peu. Il voulait tant l’appeler. Mais pour lui dire quoi ? Désolé, il pleut mais j’ai tellement envie de te voir que je veux aller faire un tour de moto quand même… Non ! Impossible. 

 

    Noémie savait que Xavier était dans le même état que son frère. Ces deux-là lui faisaient mal au coeur, tout comme à Vincent d’ailleurs. Mais ils s’étaient promis d’attendre avant d’intervenir.

 

    — Pourquoi ne l’appelles-tu pas ? demanda tristement Noémie.

    — Pour lui dire quoi ? S’il faisait beau ne serait-ce qu’une heure…

    — Invite-le à boire un café, ou à dîner. Insiste ! Mais ne reste pas comme ça.

 

    Jérôme se tourna pour regarder sa soeur. Il put lire facilement son inquiétude sur son visage. Il n’aimait pas la voir comme cela. 

 

    — L’autre jour, il a refusé. Je doute qu’il ait changé d’avis. 

    — Tu ne sais pas pourquoi il a refusé. Peut-être est-il impressionné par ton travail, ou par toi, tout simplement.

 

    Noémie ne pouvait en dire trop, mais elle pouvait le mettre sur la voie. 

 

    — Je pense plus qu’il ne me voit que comme un client. Il ne me veut pas comme ami, je le sens, souffla l’écrivain.

    — Tu ne pourras le savoir que si tu retentes ta chance, sourit la jeune femme.

    — Je ne sais pas. Il semblait plus intéressé par une balade en moto que par un dîner.

    — Essaye et tu verras. Je dois aller en cours. Je repasserais te voir demain. 

    — Très bien. Merci pour ton soutien. 

    — C’est normal, fit Noémie en lui laissant un baiser sur la joue. 

 

    Jérôme resta planté devant la baie vitrée. Il soupirait régulièrement. Sa soeur avait raison. Il ne pouvait pas rester là à attendre que le temps change. A ce rythme, il ne pourrait le revoir qu’au printemps. Il saisit son smartphone et chercha Xavier dans ses contacts. Alors qu’il appuyait sur le bouton d’appel, son organe de vie rata plusieurs battements. D’un coup, il se demanda s’il avait une petite amie puis se ravisa. Lorsqu’il l’avait rencontré sur le marché de Noël, il n’était qu’avec son ami. Se pourrait-il qu’ils soient ensemble ? Jérôme raccrocha avant que l’appel ne soit lancé. 

 

    — Je suis vraiment con. Noémie a plusieurs fois revu Vincent, ça ne se peut pas, murmura-t-il.

    

    Tardieuve prit une profonde inspiration et appuya de nouveau sur le bouton d’appel de son téléphone. La sonnerie retentit. Son coeur se serra. Puis, il entendit sa voix retentir au bout du fil. 

 

    — Désolé de ne pouvoir répondre mais je suis sûrement occupé. Laissez un message, promis je rappellerai. 

    Machinalement, Jérôme laissa un message, espérant que Xavier le rappelle.

 

    — Bonjour Xavier. Désolé de te déranger mais compte tenu du temps depuis plusieurs jours, je pense que notre sortie en moto tombe à l’eau. Mais je me demandais si tu accepterais de venir boire un café, ou même dîner avec moi ? Nous pourrions continuer notre discussion sur notre passion. Je suis toujours dispo, tu peux me joindre quand tu veux.

 

    Puis, il raccrocha. 

 

—————

 

    La semaine avait été chargée pour Xavier. Beaucoup de personnes avaient pris des rendez-vous pour des travaux mineurs avant les fêtes de fin d’année. Les clients ne voulaient pas avoir de soucis pour les réveillons. 

 

    Leconte était exténué. Il ne pensait qu’à rester tranquille devant un film, pénard et seul. Mais c’était sans compter sur Vincent qui arriva comme un cheveu sur la soupe au moment même où il sortait de sa voiture. 

 

    — Salut Xav ! 

    — ‘lut !

    — Ca n’a pas l’air d’aller ? s’inquiéta Pirelle.

    — Je suis crevé, alors ne compte pas sur moi pour sortir. 

    — Ok. Mais je peux quand même rester ?

 

    L’électricien soupira tout en regardant son ami. Il voulait être seul mais comment le faire  comprendre à Vincent sans le vexer ? Il opta cependant pour une réponse franche.

 

    — Si ça t’embête pas, je préfère rester seul. Et puis, je suis pas d’humeur. Désolé.

 

    Vincent souhaitait aider son ami, mais il comprenait que parfois rester seul faisait du bien. Il soupira. 

 

    — Très bien. Mais appelle-moi si ça va pas, ok ?

    — D’accord…

 

    A contre-coeur, Pirelle laissa Xavier, en espérant toutefois qu’il lui téléphonerait en cas de problème. Il remonta en voiture et prit la route en direction du centre ville pour rejoindre des amis. C’était son plan de secours.

 

    Leconte, quant à lui, monta à son appartement. Sans se poser de question, il posa ses affaires de travail et alla prendre une douche puis il mit des vêtements décontractés pour rester à la maison. Ne sachant pas quoi dîner, il se fit livrer une pizza. Une calzone, sa préférée. Installé dans son canapé, il lança un film d’action. 

 

    Près de deux heures s’étaient écoulées quand il se souvint que dans l’après-midi son téléphone personnel avait sonné. Il n’avait pu répondre et pris dans son travail, ne s’en était plus souvenu, jusqu’à maintenant. 

 

    Il prit la télécommande de son lecteur DVD et appuya sur le bouton « pause » puis se leva pour aller prendre son téléphone dans sa veste. Il revint s’installer devant la télévision tout en appelant sa boite vocale pour écouter le message. Il blêmit lorsqu’il entendit le son de la voix de Jérôme. Mais en même temps, son organe de vie se mit à battre la chamade et son corps se mit à trembler. A la fin du message, il raccrocha mais ne pouvait cesser de regarder son téléphone. Il lui fallut plusieurs minutes pour reprendre ses esprits. Il voulut appeler Vincent, alors il chercha son numéro dans sa liste d’appel mais au moment où il allait lancer la communication, il se ravisa. Il n’allait tout de même pas téléphoner à son meilleur ami pour lui demander ce qu’il devait faire ? Si ?

 

    Xavier se ravisa. Non, il n’allait pas déranger son ami pour si peu ! Cependant, il devait rappeler Jérôme mais pour lui dire quoi ? Vraiment, il était complètement perdu. Pourquoi se faire du mal en acceptant cette invitation ? Lui ne voulait pas de Jérôme comme ami. Il le voulait comme petit-ami. L’aimer. L’amitié que Tardieuve semblait lui proposer n’était pas suffisante. 

 

    Pourtant, il réécouta le message. Une fois. Deux fois. Et chaque fois, son coeur se serra dans sa poitrine. Néanmoins, il ne se sentait pas de l’appeler et surtout pas à cette heure tardive, il opta pour un texto. 

 

    « Désolé de te répondre et de te déranger si tard, mais je viens juste d’avoir ton message. Le temps est bien pourri, oui et je pense que pour faire de la moto, il faudra attendre le printemps. »

 

    Xavier fit une pause dans la rédaction de son SMS, se demandant s’il devait écrire tout cela ou pas. Il hésita à tout effacer. Mais finalement, il laissa tel quel et poursuivit en tremblotant. 

 

    « Je serai ravi de poursuivre notre conversation. Dis-moi quand et où. Bonne soirée. Xavier ».

 

    Une fois le message terminé, il le relut plusieurs fois. Il n’osait pas appuyer sur le bouton permettant l’envoi. Une fois encore, il faillit tout effacer mais s’il faisait cela il ne pourrait sans doute jamais revoir celui qui faisait battre son coeur. Bien sûr il savait que cela le ferait souffrir, cependant ne plus le voir serait un crève-coeur. Tout en inspirant profondément, il envoya le message. Une boule d’angoisse naquit dans son ventre et peu à peu elle s’empara de tout son être. 

 

    Le téléphone était posé sur sa table de salon, près du carton à pizza encore à moitié plein. Le lecteur DVD était encore sur « pause ». Le silence était maître des lieux. Lui, faisait les cents pas dans la pièce. Trop souvent, il se disait qu’il avait eu tort. Trop souvent, il pensait avoir raison. Son esprit s’embrouillait comme jamais auparavant. A vrai dire, chaque fois qu’il avait craqué sur un homme, il ne l’avait jamais approché. Ce n’était que physique et de loin. Avec Jérôme, c’était différent. Différent parce qu’il lui avait parlé. Différent parce qu’il l’avait vu dans son quotidien. Différent parce que cela n’était plus une simple attirance physique. 

 

    Xavier se perdait dans les méandres de ses pensées lorsque son smartphone retentit, brisant le silence. Il stoppa ses pas. Etait-ce déjà Jérôme qui lui répondait ? Il s’approcha de la table base et tendit le bras pour s’emparer de l’appareil. C’était bien Tardieuve. Il inspira profondément, une fois encore, et lut le message. 

 

    « Je suis ravi que tu aies répondu aujourd’hui. J’étais en ville pour un rendez-vous mais j’en ai terminé avec ça. Si tu le souhaites on peut se voir maintenant. Dis-moi où te retrouver, et j’arrive. »

 

    Quoi ? Là, maintenant ? Non ! Impossible. 

    

    Xavier ne réussissait plus à reprendre ni son souffle ni ses esprits. Il pensait qu’ils pourraient se voir dans le week-end, cependant Jérôme avait l’air de tenir à cette discussion autour de la moto. Que faire ? 

 

    Mécaniquement, il pianota un message puis l’envoya. 

 

———

 

    La réunion à laquelle il assistait fut interrompu par la sonnerie de son portable. Tardieuve s’excusa et sortit une minute de la salle de conférence afin de lire tranquillement le message qu’il venait de recevoir. Lorsqu’il vit qu’il venait de Xavier, il s’empressa de le lire. Un large sourire égaya son visage. Rapidement, il prit la décision de lui répondre. Après avoir envoyé le texto, il  regagna la salle de conférence.

 

    — Je pense que nous en avons terminé, n’est-ce pas ? demanda l’écrivain. 

    — Et bien, je pense que oui, répondit l’éditeur. Une ou deux choses, encore cependant avant de clore la réunion. 

    — Désolé, mais j’ai un autre rendez-vous. Alors le reste attendra. Flo, je te laisse le soin de prendre un autre rendez-vous, fit-il en s’adressant à son agent.

    — Très bien.

 

    Tardieuve quitta la salle et rejoignit sa voiture, garée dans le parking souterrain de l’hôtel où il se trouvait. Alors qu’il prenait l’ascenseur, la sonnerie de téléphone retentit. Une réponse. 

 

    « Je suis désolé, je suis chez moi et pas habillé pour sortir. Je ne suis pas très en forme, en fait ».

 

    Serait-il malade ? Soucieux ? Sans se poser davantage de questions, il monta en voiture et démarra rapidement. En une dizaine de minutes, il était arrivé au pied de l’immeuble où vivait Xavier et moins de cinq minutes plus tard, il l’appelait à l’interphone. Ce n’est qu’en cet instant, qu’il se demanda si cela était une bonne idée.

 

    — Oui ? Qui est-ce ? demanda Xavier à l’interphone. 

    — C’est Jérôme. Désolé de venir sans ta permission mais tu n’avais pas l’air dans ton assiette et j’ai pensé que tu … avais besoin d’en parler, ou  de te changer les idées.

 

    Plusieurs secondes s’écoulèrent avant que Tardieuve n’entende la porte du hall s’ouvrir. Il en fut soulagé. 

 

    — Premier étage. La porte sera ouverte.

    Sans un mot de plus, Jérôme monta à l’étage indiqué. Il avait pris les escaliers, bien plus rapides que l’ascenseur. Avant d’ouvrir la porte qui séparait les marches du palier, il prit un moment pour reprendre son souffle et se recentrer. 

 

    De son côté, Xavier ne savait pas comment réagir à cela. Pourquoi Jérôme était-il là ? Il regarda autour de lui, et vit que la pièce principale était vraiment dans un sale état. En attendant que Jérôme arrive, il décida de mettre un peu d’ordre rapidement et d’aller au moins mettre un jeans. Son bas de jogging était vraiment trop usé  pour recevoir quelqu’un. Quand il revient dans le salon Jérôme était là et lui faisait face.

 

    — Tu as l’air bien plus mal que je ne le pensais. Bien plus que la semaine dernière. Serais-tu malade ? s’inquiéta vivement l’écrivain.

 

    Et comment pourrait-il aller ? Plus il voyait Jérôme, plus il déprimait. Pourquoi avait-il envoyé ce texto ? Pourquoi l’avoir laissé entrer ?

 

    — C’est rien ça ira mieux d’ici quelques semaines, répondit Xavier sans enthousiasme.

    — Tu n’as pas l’air d’y croire. Tu es sûr ?

 

    Xavier riva son regard à celui de son invité surprise. Il s’étonna de voir l’insistance de Jérôme qui semblait vraiment très inquiet. Mais pourquoi réagissait-il ainsi ? Ils se connaissaient à peine !

 

    Tardieuve comprit rapidement qu’il devait faire attention à sa façon d’agir. Le regard que Xavier posait sur lui, lui fit comprendre qu’il s’immisçait un peu trop dans sa vie personnelle, d'autant qu'il le connaissait peu, voire pas du tout. Intérieurement, il pesta contre lui-même. Il ne souhaitait pas apeurer Xavier et le faire fuir, il voulait doucement l’approcher et pourquoi pas lui avouer ses sentiments. Mais pas maintenant. Plus tard, lorsque Xavier aura confiance en lui. Lorsqu’ils se connaîtront bien. Mais pas maintenant. Il devait se ressaisir afin de na pas laisser paraître son trouble. 

 

    — Je n’ai pas grand chose à t’offrir à boire, un café ça te va ? demanda l’électricien pour changer de conversation.

    — Parfait ! Et cela me fera du bien. 

    — Installe-toi. Je reviens.

 

    Seul dans la cuisine, les mains de Leconte se mirent à trembler. Il ne pouvait plus les contrôler. Savoir qu’à côté, se trouvait l’être de ses fantasmes le perturbait. Son rythme cardiaque augmentait peu à peu sans qu’il ne puisse y faire quoique ce soit. En plus, il venait de découvrir une autre facette de son invité. La prévenance. Une raison de plus pour l’aimer…

 

    Cependant dans le salon, l’homme assis n’était guère mieux. Il semblait posé mais son corps bouillonnait comme celui d’un jouvenceau. Tout ce dont il avait envie c’était de le prendre dans ses bras. Xavier semblait être au plus mal, et il voulait le réconforter. Mais voilà ! Il ignorait tout de son mal-être et surtout sa réaction face à un geste aussi amical qu’ambigu ?

 

    Il n’avait fallu que quelques minutes à Xavier pour faire deux tasses de café grâce à sa machine à dosettes. Sur un plateau, qu’il dénicha au fin fond d’un placard, il posa les deux tasses remplies, du sucre en poudre qu’il avait versé en petite quantité dans une autre tasse – il n’avait plus de sucre en morceau – et une bouteille de lait. Lui, buvait son café noir et sans sucre mais il ne se souvenait plus comment le prenait son invité. A vrai dire, le jour de leur rencontre sur le marché de Noël, son esprit était ailleurs…

 

    Leconte posa son plateau sur la table du salon, tout en poussant le carton de sa pizza à moitié entamée. Il avait peu d’appétit. 

 

    — Désolé, je n’ai plus de sucre en morceau, dit-il.

    — Le sucre en poudre c’est pareil, tu sais, sourit l’écrivain. Merci mais je prends mon café noir et sans sucre. 

    — Moi aussi. Je vais ranger le lait et le sucre. Je reviens. 

 

    Au même moment, ils s’accrochèrent du regard. Ils venaient de découvrir leur second point commun. Xavier étant distant, bien plus qu’à leur dernière rencontre, Jérôme lança une discussion sur le thème de la moto. Pensant, à juste titre, que Xavier se détendrait tout en parlant un peu plus. C’était un sujet qui les passionnait tous les deux. Une question taraudait néanmoins l’écrivain : pourquoi Xavier était-il aussi mal à l’aise en sa présence ?

 

    Leur conversation dévia sur d’autres sujets au bout de quelques heures. L’un et l’autre avaient presque oublié leur attirance réciproque mais inconnue de l’autre. En fait, ils passaient vraiment un bon moment. 

 

    — Je suis content, fit Jérôme. Tu as meilleure mine, sourit-il. 

    — C’est vrai, merci. En fait, je déteste Noël et tout ce qui va avec. En cette période, je ne suis jamais bien, avoua-t-il. 

    — Pourquoi n’aimes-tu pas cette fête ? demanda l’écrivain.

 

    Pouvait-il lui vraiment lui expliquer ? Comprendrait-il ? Supporterait-il de perdre cette amitié naissante ? Mais s’il devait la perdre, ne valait-il mieux pas que ce soit justement maintenant, avant de trop s’attacher ? En même temps, il se sentait en confiance avec Jérôme. Et sans s’en apercevoir, il commença à lui expliquer ce qu’il s’était passé cinq ans auparavant. 

 

    — Il y a cinq ans, le jour de Noël et pensant que cela m’aiderait, j’ai avoué à ma famille une chose qui m’a valut des reproches et ça c’est le plus sympa. Ils m’ont rejeté. Depuis ce jour, je suis orphelin et je ne veux plus fêter Noël. Cette fête soi-disant familiale, où les coeurs et les esprits sont ouverts. Mon oeil ! s’énerva Xavier. 

 

    Tardieuve l’écoutait sans l’interrompre, pensant que cela lui ferait sans doute un bien fou de se confier, même s’il savait qu’il avait des amis bien plus proches que lui pour cela. Toutefois, un étranger pouvait s’avérer être une bonne écoute. Lorsque Xavier se leva brusquement, Jérôme le suivit du regard. 

 

    — Comment des parents peuvent-ils en arriver à renier leur enfant ? intervint-il.

    — Je ne sais pas ! Mais eux l’ont fait ! Jamais je n’aurais dû leur dire…

    — Tu peux m’en parler tu sais, enfin si tu le veux.

    — Si je t’en parle, je suis sûr que tu partiras et que plus jamais tu ne voudras me voir, murmura Leconte. 

    — Vincent sait-il ?

    — Oui !

    — Est-il parti ?

    — Non, souffla-t-il.

    — Quoique ce soit, tout le monde ne t’abandonnera pas, tu sais. Je serais là. 

    — Pas sûr.

 

    Tardieuve se leva et rejoignit son ami qui se trouvait devant la fenêtre du salon. Il posa une main rassurante sur l’épaule de Xavier qui sursauta à ce contact. La main de Jérôme était chaude. Il s’apaisa doucement. 

 

    — Autant tout dire qu’on en finisse, grogna-t-il toutefois. Je suis … je suis gay, c’est ça que j’ai avoué à mes parents. 

 

    La main que Tardieuve avait posé sur son épaule glissa lentement. Xavier avait eu raison de se méfier. Tout le monde, sauf Vincent, le laisserait tomber. Comme ses parents. Comme Jérôme…

 

    — C’est pour ça qu’ils t’ont renié ? Quels parents indignes ! s’insurgea-t-il. Les miens sont bien plus tolérants et je suis encore plus heureux de les avoir. 

    — Tu n’as pas eu à leur avouer un truc pareil ! 

    — Quand je leur ai avoué mon homosexualité, j’étais sûr qu’ils allaient mal le prendre. Je me suis trompé. Ils ont accueilli mon ex à bras ouverts, reprit-il.

 

    Devant l’aveu de Jérôme, Xavier s’était retourné pour lui faire face. Son visage affichait tant de questions, tant de surprises…

 

    — Tu es surpris, sourit l’écrivain. Mais c’est la vérité. Attends, j’ai une photo. 

 

    Jérôme alla fouiller dans son manteau qu’il avait laissé sur le canapé. Il cherchait son mobile, quand il eut trouvé, il farfouilla dans ses photos afin de prouver ses dires. Xavier n’avait pas bougé. Dans sa tête, tournait en boucle l’aveu de Jérôme. Il ne pouvait y croire. Qui pouvait dire ces choses aussi facilement ? Il devait forcément se moquer de lui ! Il pensa même que Jérôme ne retrouverait pas la photo car elle ne devait très certainement pas exister. La colère lui monta mais avant même qu’il puisse dire quoique ce soit, Tardieuve revenait vers lui.

 

    — Je l’ai trouvée, fit-il.

 

    Leconte resta coi. Comment ça, il avait trouvé ? Cela voudrait donc dire qu’il disait la vérité ? Vraiment Xavier ne réalisait pas. Enfin si ! Mais il n’arrivait pas à le croire. Jérôme était gay, lui aussi et il avait l’air de plutôt bien le vivre. 

 

    — Regarde ! fit-il en lui tendant son portable. 

 

    Xavier prit le mobile et observa la photo. Dessus il y avait bien Jérôme et trois autres personnes. Un couple qui effectivement pouvait être ses parents et un homme d’environ son âge. La manière dont l’homme serrait Jérôme était sans ambiguïté. Tardieuve et lui semblaient vraiment amants. Ses parents, s’ils l’étaient vraiment, paraissaient sereins, voire heureux. Des larmes lui montèrent aux yeux. N’y avait-il donc que ses parents pour renier leur fils uniquement parce qu’il était gay ?

 

    — Que t’arrive-t-il ? l’interrogea Jérôme en voyant le trouble de Xavier. 

    — Peux-tu… peux-tu me laisser ?

 

    Tardieuve s’en voulut d’avoir blessé celui qu’il aimait. Sans doute voir ses parents heureux avec lui et son ex l’avait plus bouleversé qu’il ne l’aurait cru. Il ne souhaitait pas laisser Xavier seul. 

 

    — Je suis désolé de t’avoir blessé, s’excusa l’écrivain. Tu ne devrais pas rester seul. 

    — S’il te plait, laisse moi ! redemanda Xavier.

    — Très bien, murmura l’écrivain. Mais promets-moi de m’appeler. 

    

    L’électricien ne répondit pas. L’angoisse qu’il ressentait en cet instant le paralysait totalement. Pourquoi ne pouvait-il pas être heureux avec ses parents, lui aussi ?

 

    Jérôme prit son manteau mais il ne voulait pas partir comme ça. 

 

    — Tu sais toutes les familles ne sont pas comme la tienne. Même si ce n'est pas exactement pareil, tu pourras retrouver une famille aimante, celle de ta future belle-famille. 

    — Pour ça il faudrait déjà que quelqu'un veuille de moi, souffla Xavier pour lui même.

 

    Pourtant les mots de Leconte, Jérôme les avait entendus. Etait-ce, pour lui, le moment de lui parler franchement ? Non ! Il en douta. Xavier ne le croirait sans doute pas. 

 

    — Ne doute pas de toi. Je te laisse, mais si ça va pas, appelle-moi, demanda l'invité. 

    

    Une fois encore, l'électricien ne répondit rien. Tardieuve sentit son organe de vie se serrer. En cet instant, il avait peur de ne plus jamais revoir celui qui le hantait jour et nuit depuis leur première rencontre. A contre-coeur, l'écrivain quitta l'appartement.

 

    Xavier se sentait mal mais ne savait pas si c'était en lien avec la photo que Jérôme lui avait montrée ou si c'était de le voir partir si inquiet pour lui. En y réfléchissant, c'était peut-être à cause de ces deux raisons. 

 

—————

 

    Jérôme n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. Il avait été stupide de lui montrer cette photo mais comment aurait-il fait pour lui prouver ses dires ? Toute la nuit, il s'était posé cette question. De plus, laisser Xavier seul dans cet état ne l'avait pas rassuré et d'ailleurs, il s'inquiétait encore. Devait-il lui téléphoner ? Attendre ?

 

    — Merde ! J'ai l'impression d'avoir seize ans ! bougonna-t-il contre lui-même.

 

    Et puis son mobile sonna. Il cessa de respirer. C'était peut-être Xavier ! Il s'empara de l'appareil qui se trouvait sur la table et sur l'écran il put lire : Parents maison. Il répondit, déçu.

 

    — Bonjour maman, fit-il après avoir entendu la voix au bout du fil.

    — Et bien Jérôme, ça n'a pas l'air d'aller. Tu veux en parler ? 

    — Pas vraiment en effet. Tu es toujours aussi forte pour détecter ce genre de chose.

    — Normal, je suis ta mère. On en parle ? Ca te soulagera et peut-être même trouverons-nous une solution, dit-elle pour l'encourager.

    Sa mère avait raison, et il le savait. Il prit une profonde inspiration et lui raconta tout depuis le moment de sa rencontre avec Xavier jusqu'à ce qui s'était passé la veille. Pendant plus d'une heure, mère et fils discutèrent et cela fit un bien fou à Jérôme. Sa mère savait toujours le réconforter. 

 

    — Retourne le voir maintenant. Parle-lui, dis-lui ce que tu ressens. Plus tu attendras plus ce sera difficile. Plus vite tu seras fixé, plus vite tu pourras passer à autre chose. Enfin, si tes sentiments ne sont pas partagés. 

    — Facile à dire. Les sentiments que je ressens sont vraiment différents que ceux que j'avais pour Flo. 

    — Pourtant, tu l'as aimé, n'est-ce-pas ?

    — Oui, beaucoup. Mais ce n'est pas non plus pour rien que nous sommes séparés. 

    — Certes. Tu penses donc être plus épris de Xavier ?

    — Je te l'ai dit, j'ai eu le coup de foudre, soupira l'écrivain.

    — Je ne t'ai jamais vu dans cet état. Suis mon conseil, va le voir et si tu le peux, déclare-toi. Tu seras fixé. 

    — Je sais que tu as raison mais …

    — Si tu ne le fais pas, je le ferais moi ! sourit-elle.

    — Tu ignores tout de lui, comment ?

    — Noémie m'a un peu parlé de lui. Il paraît qu'il est ami avec Vincent ? Alors, je saurais le trouver.

    Mme Tardieuve connaissait son fils et savait que si elle ne le stimulait pas, il ne ferait rien d'autre que d'attendre. 

 

    — Ok. J'irais, soupira-t-il. 

    — Et pas demain, aujourd'hui !

    — Oui, maman, répondit-il ironiquement.

 

    Jérôme se doutait que s'il n'allait pas voir Xavier aujourd'hui, elle n'hésiterait pas une seconde à aller à sa rencontre. Et ça, il ne le souhaitait pas. Cette conversation terminée, ils parlèrent d'autre chose et il dialogua un moment avec son père, de Xavier évidemment car il avait suivi la discussion entre son épouse et son fils.

 

—————

 

    De son côté, Xavier avait lui aussi peu dormi. La photo que Jérôme lui avait montrée tournait en boucle dans son esprit. Et étrangement, ce n'était pas ses parents qu'il voyait le plus. Non ! C'était son amant, ou son ex. Peu lui importait en fait. Lui ne voyait qu'un type être là où lui souhaitait être : dans les bras de l'écrivain. Chaque fois qu'il visualisait cette image, une envie de cogner l'intrus le prenait. Il ne lui avait pas fallu très longtemps pour comprendre qu'il était jaloux de ce type, mais que pouvait-il y faire ? Une question le taraudait : étaient-ils vraiment séparés ? S'ils l'étaient vraiment, pourquoi garder cette photo ?

 

    Lui aussi reçut un appel. De Vincent. Celui-ci se rendit compte que son meilleur ami n'avait pas la forme. 

 

    — Je t'avais dit de m'appeler en cas de besoin. Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

    — Je ne voulais pas te déranger. Et puis cela aurait changé quoi ?

    — Sans doute rien, mais on aurait pu en parler ! Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda Pirelle.

    — J'ai pas envie d'en parler.

    — Tu sais que tu es pénible ? Raconte !

    Lorsque Vincent insistait de la sorte, Leconte savait que son ami était franchement inquiet. Résigné, il expliqua le déroulement de sa soirée de la veille. Vincent était heureux de voir que Jérôme faisait de son mieux pour se lier d'amitié avec Xavier, mais il savait que cela ne serait pas aisé. Xavier pouvant se montrer particulièrement têtu. 

 

    — Il t'a demandé de l'appeler, fais-le !

    — Pour lui dire quoi ?

    — Dis lui ce que tu ressens ou ce que tu as ressenti. Parle-lui du temps, m'en fiche mais appelle-le !

    — Je ne veux pas lui parler de mes sentiments. Il n'en aura rien à faire de toute façon, souffla-t-il.

    — Tu es désespérant, Xav. Si tu ne trouves le courage de dire à quelqu'un ce que tu ressens, tu finiras vieux garçon, le taquina-t-il.

    — Très drôle ! Facile à dire…

    — Appelle-le et avise en allant. Sinon je le fais pour toi !

    — Le pire c'est que je sais que tu en es capable. Je verrai, mais pas aujourd'hui. 

 

    Vincent lui demanda s'il pouvait le rejoindre mais Xavier refusa. Il voulait rester seul et pour une fois, Pirelle sembla comprendre.

    

———

 

    Au milieu de l'après-midi et alors qu'il se pensait tranquille, Xavier entendit un bruit derrière la porte d'entrée de son appartement. Quelqu'un frappait doucement alors qu'il n'attendait personne, à moins que Vincent n'ai décidé de venir s'incruster alors qu'il lui avait clairement dit qu'il souhaitait être seul. 

 

    Dépité, il se leva et alla ouvrir la porte en bougonnant. 

 

    — Merde, Vince ! Je t'ai dit que je voulais voir personne ! fit-il en repartant dans le salon.

 

    Il laissa la porte ouverte, invitant l'inopportun à entrer.

 

    — Café ? fit-il toujours sans porter son regard sur Vincent.

    — Oui, merci, fit une voix derrière lui. 

 

    A suivre…

 

Réveillon, obstination et amour…

    par Shiroitora-lili

 

Chapitre 4

 

    Leconte se retourna et constata que ce n'était pas son ami qui était là. 

 

    — Désolé de m'imposer. Mais je voulais savoir comment tu allais. Je n'aurais pas dû venir, fit remarquer Jérôme. 

 

    Xavier le fixait depuis qu'il avait tourné la tête. Il se sentait étrangement bien d'un coup. Un peu comme si la présence de Tardieuve l'apaisait, alors que la veille c'était bien à cause de lui et de la photo que son moral avait changé subitement. Il fit volte-face et avança de quelques pas puis s'arrêta.

 

    — Je vais faire le café, annonça-t-il avant de se rendre dans la cuisine.

 

    Jérôme resta là sans bouger, enfin presque. Il ferma la porte d'entrée puis attendit dans le couloir. Après tout Xavier ne l'avait pas invité à entrer plus. Il eut le temps de remarquer les cernes sous les yeux marron, démontrant qu'il n'était pas le seul à avoir mal dormi.

 

    Dans la cuisine, Xavier prenait son temps. Le café était coulé depuis une quinzaine de minutes – bien avant l'arrivée de Jérôme – il n'avait qu'à remplir les tasses et à les apporter dans le salon. Mais il attendait. Il se préparait. Préparait à quoi, d'ailleurs ? Il avait un mal fou à reprendre contenance. Sa respiration s'accéléra. Une boule d'angoisse se forma dans son bas ventre. D'ailleurs, chaque fois qu'il voyait Tardieuve, il ressentait toujours la même chose. L'amour était difficile à gérer, surtout quand on ne sait pas s'y prendre. Il inspira profondément, prit les deux tasses remplies du breuvage noir et retourna dans la pièce principale. 

 

    Leconte ne voyait son invité nulle part. Sa mine ternit, pensant qu'il était parti. Puis, il vit une silhouette dans le couloir.

 

    — Tu … tu pouvais entrer, dit-il soulagé.

    — Tu ne me l'avais pas clairement dit, alors j'ai préféré rester ici. Je ne veux surtout pas te déranger. 

    — Entre ! fit-il en lui tendant l'une des tasses.

    — Merci. 

 

    Les deux hommes s'installèrent dans le salon. Chacun d'eux avait choisi un fauteuil et se faisait face. Sans doute afin de ne pas trop se laisser aller contre l'autre, ou simplement pour mieux se voir…

 

    — Tu n'as pas l'air d'avoir dormi, je ne vais pas t'embêter…

 

    Xavier lui coupa la parole.

 

    — Tu ne me déranges pas. Et en effet, je n'ai pas très bien dormi mais si j'en crois ta tête, toi non plus, constata-t-il.

    — Très bien. Tu as raison. Je m'en veux pour hier soir. J'ai tout gâché, murmura-t-il. 

 

    Seulement Leconte avait entendu. 

 

    — Gâché quoi ? demanda-t-il.

 

    Surpris que Xavier ait entendu, l'écrivain réagit vite.

 

    — La soirée avait bien commencé, et avec cette photo j'ai gâché ta soirée et ta nuit. Je suis vraiment désolé.

 

    La manière dont Tardieuve avait parlé fit frissonner Leconte qui se détendit néanmoins. Il voyait bien que son nouvel ami était sincère dans ses mots et cela le toucha.

 

    — Ce n'est pas ta faute. Juste la mienne. Ou plutôt celle de ma famille, souffla-t-il. 

    — J'ai tout de même manqué de tact en te montrant la photo. 

   — J'ai eu comme un choc, oui. Mais en même temps cela m'a prouvé que la tolérance pouvait exister au sein d'une famille. 

    — As-tu tenté de renouer le contact avec tes parents ?

    — Oui. Une fois. Il y a trois ans.

 

    La voix de Xavier avait changé. Elle était moins assurée, plus tremblante.

 

    — Tu veux en parler ?

    — Merci, mais non. 

 

    Voyant que Leconte commençait à se renfermer, Tardieuve chercha un autre sujet de conversation. Pendant quelques secondes, aucun d'eux ne dit quoique ce soit. Xavier semblait perdu dans ses pensées. Jérôme le fixait. Sur quoi rebondir pour lui changer les idées ? Il décrocha son regard de l'électricien et scruta la pièce où ils se trouvaient. Ses yeux s'arrêtèrent sur quelque chose. Comment avait-il pu oublier ? 

 

    — Et si tu me montrais ta moto ?

 

    Xavier releva ses orbes vers son invité. Jérôme venait de le sortir de sa stupeur, juste avec une seule phrase. 

 

    — Si tu veux, répondit-il presque hésitant.

    — Super ! Allons-y, sourit l'écrivain.

    — Je ne peux pas sortir habillé comme ça. 

    — Très bien, je t'attends. 

 

    Xavier se leva et se dirigea vers le fond de son appartement. De là où il se trouvait, Jérôme ne pouvait voir ce qu'il faisait. Puis, il entendit de l'eau couler. Son amour prenait une douche. Il s'imaginait l'eau recouvrir le corps dénudé de Leconte. Les gouttes glisser sur son dos, se frayant un chemin entre ses muscles. Tardieuve se rabroua. Toutes ces images envahissaient son esprit. Son corps ne pouvait rester insensible. Il prit une profonde inspiration tout en prenant son mobile. Il surfa sur le net pour se changer les idées. Il regardait tout et rien, mais rien ne lui fit vraiment oublier que Xavier se trouvait sous la douche. 

 

    Leconte refit son apparition plusieurs minutes plus tard. Ses cheveux mi-longs étaient encore mouillés. Des sillons d'eau coulaient dans son dos, trempant légèrement son t-shirt moulant. Jérôme ravala difficilement sa salive. Le charme que dégageait Xavier en cet instant était troublant. 

 

    — Quoi ? fit d'un coup Xavier.

 

    Le regard que Jérôme lui lançait le fit frissonner. 

 

    — Rien, désolé. On y va ?

    — Oui. Mais pourquoi tu me regardes comme ça ? J'ai un truc qui cloche ? s'inquiéta Leconte.

    — Non. Bien sûr que non. Tu as du charme, murmura l'écrivain. 

 

    Xavier ouvrit grand ses yeux alors qu'il se dirigeait vers la porte d'entrée. Comment ça, il avait du charme ? Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Devait-il relever ou faire comme s'il n'avait rien entendu ? Alors qu'il attrapait son trousseau de clefs, il s'aperçut que ses mains tremblaient. 

 

    — Tout va bien ? lui demanda Jérôme.

 

    L'écrivain avait remarqué que Xavier était gêné. Avait-il pu entendre ? 

 

    — Oui, ça va, bégaya l'électricien.

 

    L'ascenseur, dans lequel ils étaient montés, les menait dans le parking souterrain de la résidence où habitait Xavier. Leconte ne parlait plus. Se retrouver avec celui qui hantait ses jours et ses nuits dans ce petit espace clos mettait ses sens à dure épreuve. Et puis, il y avait cette phrase lâchée par Tardieuve juste avant de quitter l'appartement. 

 

    Xavier se posait des dizaines de questions sur Jérôme. Il avait du mal à le cerner. Pourquoi était-il venu la veille ? Pourquoi était-il là, maintenant ? 

 

    Ses mains tremblaient toujours. En voulant ouvrir la porte du box où il garait sa machine, il fit tomber les clefs. Ce fut Jérôme qui les ramassa.

 

    — Tu n'as pas l'air d'aller bien ? Qu'est-ce qu'il y a ? 

    — Rien, tout va bien, répondit Xavier d'une traite.

    — Tu as entendu ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est ça ? fit Tardieuve en lui tendant ses clefs.

 

    Xavier accrocha son regard à celui de Jérôme. Son visage rosissait doucement. Son organe de vie s'emballa. Jérôme le regarda, attendri.

 

    — Je ne pensais pas que tu avais entendu, mais je pensais vraiment ce que j'ai dit. Tu as beaucoup de charme, lui redit-il.

    

    Leconte ne sut quoi répondre.

 

    — Je ne voulais pas te gêner, pardon.

 

    Pour parler d'autre chose, et comme le garage était enfin ouvert, Jérôme changea de sujet en se focalisant sur la moto de Xavier. En regardant la machine d'un peu plus près, il constata qu'elle était de la même marque que la sienne. Une Kawasaki.

 

    — C'est un Z750 [1], si je ne me trompe pas. 

    — Oui, c'est ça. J'ai fait couper la bavette et j'ai ajouté un lèche roue. 

    — Je vois. Le silencieux n'est pas d'origine non plus, sourit l'écrivain. Elle est très jolie. Les accessoires que tu as ajoutés sont juste ceux qu'il fallait. Et la couleur est chouette.

    — Merci. Je voulais me faire plaisir quand je l'ai achetée… Mais tu as une Kawa[2] toi aussi. 

    — Oui mais elle n'est pas aussi récente que la tienne. C'est un 1000 Tomcat[3].

    — Elle a de la gueule, j'aime bien.

 

    L'ambiance s'allégeait entre les deux amis. Xavier ne pensait plus, du moins c'est ce que croyait Jérôme, au compliment qu'il avait reçu plus tôt. Leur discussion dans le garage dura un long moment. Leurs machines étant au centre du sujet, ils les détaillèrent dans tous les sens. Esthétique. Confort. Performances. Motorisation…

 

    Jérôme était heureux de voir Leconte sous un autre jour. Il était enjoué et parlait avec passion. Cette facette de sa personnalité, il ne l'avait qu'entre- aperçue le jour où ils s'étaient rencontrés au marché de Noël. Le sourire de Xavier l'enchanta. Il n'avait pas que du charme, il avait aussi une petite chose en plus, mais Jérôme ne put dire quoi. Il l'aimait, et tout ce qu'il découvrait sur son amour, le rendait plus amoureux encore. 

 

    L'électricien se sentait léger. Il était bien et cela ne lui était pas arrivé depuis de longs mois malgré la présence de ses amis et surtout celle de Vincent. Discrètement, ses yeux s'égaraient sur la silhouette de Jérôme. Il avait un corps d'athlète alors qu'il ne semblait pas si sportif. Son regard, son visage, son sourire. Tout lui plaisait chez l'écrivain. Et puis, il lui avait dit qu'il avait du charme. Si c'était le cas, pourquoi n'avait-il eu aucun petit-ami ? Jérôme le flattait-il juste pour profiter de lui ? Cela n'avait pourtant pas l'air d'être son genre, mais en même temps ils se connaissaient peu.

 

    Cette conversation passionnante leur avait fait passer l'après-midi. Lorsque Xavier regarda l'heure sur son mobile, celui-ci sembla étonné.

 

    — Qu'y a-t-il ? lui demanda Jérôme.

    — C'est qu'il est dix-neuf heures passées.

    — Mince, il se fait tard oui. Désolé, tu avais peut-être quelque chose à faire ? 

    — Pas grave. Non rien de prévu. 

    — Quand je parle moto, j'ai une tendance à oublier le reste et le temps, sourit l'écrivain.    

    — Pareil. C'est rien. Mais tu avais peut-être autre chose à faire, de ton côté ? Désolé d'avoir autant entretenu la conversation. 

    — Ne t'inquiète pas. Je n'avais rien d'important à faire. Je préférais être avec toi, de toute façon. 

 

    Xavier fixa son invité. Une fois encore, il venait de lui faire un compliment. Pourquoi ? Que se passait-il ? Que lui voulait vraiment Jérôme ?

 

    Voyant la mine blême de Leconte, Tardieuve sut qu'il devait agir. Comment ? Ca c'était la question ! Mais il devait lui avouer ses sentiments, sauf que Xavier n'avait pas l'habitude de ce genre de situation et qu'à chaque compliment qu'il recevait, il montrait une certaine méfiance. Tardieuve prit une profonde inspiration afin de calmer son esprit. 

 

    — Ce que je voulais dire c'est que je préfère parler moto avec toi, que d'être seul ou avec des gens ennuyeux. 

 

    Jérôme détourna la vérité. Il ne voulait surtout pas effrayer son amour, d'autant qu'il avait une idée derrière la tête. L'électricien souffla discrètement, l'écrivain s'en rendit compte mais ne dit rien. 

 

    — Je comprends, fit enfin Leconte.

    — Si tu n'as rien de prévu, et qu'il est tard, accepterais-tu de dîner avec moi ? 

 

    Une invitation ? Xavier déglutit péniblement. Jérôme jouait-il avec lui ? S'était-il aperçu qu'il avait des sentiments pour lui ? Impossible ! Que faire ? Si Vincent avait été là, il l'aurait poussé à accepter mais que voulait-il, lui ? Passer le plus de temps en sa compagnie, bien sûr ! Alors pourquoi hésiter ?

 

    Décidément tout se mélangeait dans sa tête. Mais il n'y avait pas que cela. Tous ses muscles se contractèrent. Sa poitrine le serra. La boule dans son bas ventre refit surface. Pourquoi se faire du mal en acceptant, alors que Jérôme ne souhaitait que se lier d'amitié avec lui ? Pourtant sans vraiment s'en rendre compte, il fit un signe de tête en guise d'acceptation. 

 

    Tardieuve était le plus heureux des hommes en cet instant. Il ne s'attendait pas à ce que Xavier dise oui. Dans sa cage thoracique, son organe de vie battait à tout rompre. Heureusement que Leconte était un peu éloigné, car possible qu'il aurait entendu les battements du coeur de l'écrivain. 

 

    — Super ! Tu as une préférence ?

    — Non, répondit presque timidement Xavier.

 

    Mais pourquoi avait-il accepté ? Pourtant une part de lui était heureuse de passer un peu plus de temps avec Jérôme. 

 

———

 

    Jérôme avait pensé à deux endroits. Le premier, un petit restaurant en ville. Agréable et discret, avec un menu varié et appétissant. Ni trop guindé ni trop familial. Le second, chez lui. Mais il eut peur que Xavier se renferme comme il en avait l'habitude. Une prochaine fois…

 

    L'écrivain stationna sa voiture sur le parking de l'établissement. Les deux hommes descendirent de la voiture et pénétrèrent dans le restaurant. Par précaution avant de partir, Jérôme  avait téléphoné et réservé une table. 

 

    — Monsieur Tardieuve, quelle joie de vous revoir ! s'empressa de dire le maître de salle.

    — Merci, c'est vrai que je n'ai pas eu beaucoup de temps pour venir, répondit l'écrivain. 

    — Un serveur va vous accompagner à votre table, bonne soirée, fit l'homme à l'accueil.

    — Merci.

 

    C'est à ce moment là que Leconte se rendit compte que son nouvel ami était vraiment une personnalité connue. Cela le mit mal à l'aise d'un coup, cependant cela n'échappa pas à Jérôme.

 

    — Un problème ? lui demanda Jérôme à voix basse.

    — C'est juste… que tu es vraiment célèbre…

    — Oui, tu en doutais ? 

    — Non, mais le réaliser… c'est étrange, fit remarquer Xavier toujours à voix basse.

 

    Tardieuve lui sourit tendrement, alors qu'un serveur les accompagnait jusqu'à une table au fond de l'établissement. 

 

    — Nous nous sommes permis de vous installer à votre table habituelle, nous espérons que cela vous conviendra…

    — Merci pour cette attention, c'est parfait.

 

    Après les avoir installés, le serveur alla chercher les menus et prit la commande des apéritifs.

 

    — Tu es mal à l'aise ? Pourquoi ? demanda Jérôme. 

    — Je ne sais pas, hésita à répondre Leconte.

 

    En fait si, il savait ! Il était gêné d'être dans cet endroit en compagnie d'un autre homme. Qu'allaient penser tous ces gens en les voyant ensemble ? Et puis quoi ? Lorsqu'il sortait avec Vincent, il ne se posait pas ce genre de questions. Alors pourquoi s'en posait-il maintenant ? A première vue, personne autour de lui ne se doutait qu'il avait des sentiments pour l'homme qui se trouvait face à lui, alors pourquoi paniquait-il ? 

 

    — C'est à cause de moi ? l'interrogea Tardieuve.

    — Non, non, se défendit-il. 

 

    Néanmoins, Jérôme se doutait que cela avait un lien. 

 

    — Il n'y a que nous qui savons que nous sommes gays. Les autres clients ne peuvent pas s'en douter, d'autant que nous ne sommes pas ensemble. 

 

    L'écrivain se mordit presque la langue sur sa dernière affirmation. Il souhaitait tellement que Xavier et lui deviennent plus que des amis. Mais il était méfiant et se renfermait vite. De la patience, pensa-t-il. 

 

    — Nous sommes des amis, et c'est comme ça qu'ils nous voient également. 

    — Tu as raison. Je suis désolé. Je ne sais pourquoi mais j'agis bizarrement parfois.

 

    Le serveur revenait vers eux avec les apéritifs, Jérôme fit un signe à Xavier pour le lui faire comprendre. En effet, Leconte tournait le dos à la salle et donc au serveur qui arrivait pour prendre leur commande. En agissant ainsi, Tardieuve pensa que Xavier lui ferait davantage confiance. Mais serait-ce suffisant ?

 

    La commande passée, les deux hommes restèrent silencieux. Un long moment, Jérôme tenta de chercher un  sujet de conversation mais pas facile lorsque l'on se connait peu.

 

    — Merci pour cette invitation. Même si je ne sais pas pourquoi tu m'invites, fit Xavier en levant son verre pour trinquer.

    

    Tardieuve riva son regard à celui de son vis-à-vis. Il fut surpris mais terriblement heureux qu'il entame une discussion.

 

    — Mais de rien. Ca me fait plaisir de passer du temps avec toi, sourit l'écrivain.

    — Pourquoi ?

 

    Jérôme posa, cette fois, un regard interrogateur sur son ami. 

 

    — Oui ! Pourquoi ? Pourquoi veux-tu passer autant de temps avec moi ? réitéra Xavier.

 

    Devait-il être honnête ou devait-il attendre pour lui répondre ? L'honnêteté. Oui ! C'était cela. Si Tardieuve voulait que Leconte lui fasse confiance, il devait lui avouer ses sentiments. Plus facile à dire qu'à faire, cela dit ! Même pour lui…

    

    — A t'écouter, on pourrait penser que tu n'es pas une personne intéressante. 

    — Mes parents m'ont rejeté c'est que je ne dois pas être assez bien, marmonna-t-il.

 

    Que répondre à cela ? Jérôme savait que quoiqu'il dise que Xavier ne le croirait pas. Il était peiné pour lui, mais il comprenait.

 

    — Je ne sais pas comment tu vis ce rejet, mais je peux te dire que tu seras toujours quelqu'un de bien à mes yeux. On se connait peu, mais le peu que je connais de toi m'encourage à  approfondir cette amitié naissante. Amitié, qui est très importante pour moi.

 

    Le coeur de Leconte s'emballa dans sa poitrine. La manière dont Tardieuve venait de parler lui avait également donné des frissons. Décidément, Jérôme savait toujours trouver les mots qui lui fallait. L'électricien sentit ses joues s'échauffer, et malheureusement pour lui, L'écrivain s'en rendit compte.

 

    — Tout va bien ? Tu es tout rouge ! Aurais-tu trop chaud, ou de la fièvre ? s'inquiéta-t-il.

    — Non… non, tout… va bien. Vraiment, bégaya Xavier.

    — Tu es sûr ? Nous pouvons partir, si tu veux, fit Jérôme.

    — Merci, mais non. Tout va bien, je t'assure.

 

    Xavier allait bien, il rougissait, c'était tout. Jérôme s'en doutait  mais il préférait que son bel adonis décide de rester ou pas. 

 

    — Très bien, mais si ça ne va pas, on part ! Ok ?

    — Si tu veux…

 

    Non ! Il ne voulait pas partir. Il voulait profiter de ce moment avec Jérôme. Il se sentait bien et cela ne lui était plus arrivé depuis un moment.

 

    Le serveur revint plusieurs minutes plus tard, avec les plats que les deux hommes avaient commandés plus tôt coupant court ainsi à la discussion. Une bonne odeur chatouillait les papilles des amis qui goûtèrent à leur plat avec envie. L'ambiance s'allégea entre eux et enfin Xavier se détendit encore un peu plus.  

 

    Ils trouvèrent des sujets qui les intéressaient tous les deux et la soirée passa rapidement. Ils venaient de terminer leur café. Il était temps de quitter le restaurant, il était près de minuit et il ne restait plus qu'eux. Après que Jérôme ait payé l'intégralité de la note, et ce contre l'avis de Xavier qui voulait payer sa part, ils regagnèrent sa voiture.

 

    L'intimité de l'habitacle du véhicule mettait leurs sens à rudes épreuves. Xavier regardait droit devant lui, alors que Jérôme tentait de l'observer du coin de l'oeil. Pas facile en conduisant. Il ne roulait pas très vite, souhaitant encore rester un peu avec son amour. Pourtant, ils se rapprochaient de l'appartement de Leconte. 

 

    Tardieuve essayait de trouver un moyen pour garder Xavier un peu plus près de lui, néanmoins aucune idée ne lui plaisait. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas qu'il venait de dépasser l'immeuble où vivait son ami. 

 

    — Tu vas où ? lui demanda Xavier.

    — Hein ? fit surpris l'écrivain.

    — Tu viens de dépasser mon apparte.

    — Mince. Désolé. Je vais faire demi-tour au rond-point.

 

    Jérôme blêmit. S'il ne voulait pas encore que Xavier se rende compte qu'il était épris de lui, avec cette erreur, possible qu'il s'en aperçoive. Il soupira, tout en stationnant sa voiture.

 

    — Tu n'as pas l'air d'aller ? s'inquiéta Leconte.

    — J'étais dans mes pensées. Pardon.

    — Tu as eu une idée pour un roman ?

    — Pas vraiment, fit-il en rivant son regard à celui de son vis-à-vis.

 

    Jérôme fixait intensément Xavier, et cela le gêna. Leconte voulut détourner son regard mais  mais une force irrésistible semblait l'en empêcher. 

 

    — Merci pour le resto et de m'avoir raccompagné, fit Xavier en ouvrant enfin sa porte.

    — De rien…

 

    L'électricien baissa enfin ses iris. Attendait-il quelque chose de particulier ? Il n'en savait rien. Sa poitrine le serrait, c'est tout ce qu'il savait. Cependant, il ne voulait pas vraiment quitter celui dont il était tombé amoureux. Au moment où il poussait la portière, il sentit comme une entrave. Aurait-il oublié de retirer sa ceinture de sécurité ? Il se retourna pour vérifier, mais ce n'était pas la ceinture qui l'empêchait de quitter la voiture. 

 

    Jérôme ne pouvait se résoudre à laisser partir son ami. D'autant qu'il n'avait pas encore répondu à sa question. Une pulsion le prit. Il l'attrapa doucement par le bras. Et maintenant ? …

 

    L'écrivain ravala difficilement sa salive alors qu'il s'approchait de Xavier. Plus que quelques centimètres. Son organe de vie s'emballa un peu. Xavier ne bougeait pas. Il ne réagissait pas. Du moins, c'est ce qu'il laissait paraître. A l'intérieur, tous ses sens étaient en alerte. Jamais encore, il ne s'était senti ainsi. 

 

    Plus Jérôme se rapprochait, moins il contrôlait ses émotions. Et puis, il sentit ses lèvres effleurer celles de Xavier. Douces. Humides. Délicieuses. Xavier s'était crispé et ne réagissait pas, pourtant il avait rêvé de ce moment des dizaines de fois. Mais jamais il n'aurait pensé que Jérôme ne l'embrasse un jour. Cependant, Tardieuve ne souhaitait pas s'arrêter là. Ce baiser aérien était bon mais il voulait plus. Bien plus… Il accentua son baiser pour forcer Xavier à ouvrir légèrement sa bouche. 

 

    Leconte ressentit des émotions nouvelles. Il n'avait qu'à se laisser aller pourtant, et alors que tout son être se mit à trembler, la peur s'empara de lui lorsqu'il sentit Jérôme vouloir passer la barrière de ses dents. Bien qu'il attendait ce moment depuis longtemps, il poussa violemment l'écrivain et quitta la voiture en courant. 

 

    — Xav… cria l'écrivain.

 

 

    Mais Xavier ne se retourna pas. Il continua jusqu'à s'engouffrer dans le hall de l'immeuble. Depuis sa voiture, Jérôme ne pouvait que le regarder s'enfuir. Pourquoi avait-il fait cela ? Pourquoi n'avait-il pu être patient ? Il soupira, tout en se maudissant. Ne désirant pas partir ainsi, il prit son mobile et écrivit un texto qu'il envoya à son amour. 

 

    — « Je suis désolé, Xavier. Je n'ai pensé qu'à moi sans me demander si tu serais d'accord avec ce baiser. Il y a une chose que je voulais te dire en face mais je n'ai pas réussi. Tu m'as demandé pourquoi je m'intéressais à toi, et bien la raison c'est que je suis tombé amoureux de toi dès que je t'ai vu. Passer du temps avec toi, m'a permis de me rendre compte que tout en toi me plaisait. Pardon de te dire cela par SMS. S'il te plait rappelle-moi… »

 

    Tardieuve attendit une réponse pendant près de quinze minutes, mais rien. Il se résolut à redémarrer sa voiture et rentra chez lui, dépité. Il s'en voulait et pour le coup, il avait tout gâché…

 

A suivre…

 

 

[1] Z750 cm3 : moto de type roadster

[2] Kawasaki

[3] 1000 TOMCAT ou 1000 ZXR : moto de type Grand Tourisme (GT), fin 1980/ début 1990

 

Réveillon, obstination et amour…

par Shiroitora-lili

 

Chapitre 5

 

    Voilà plusieurs jours que Jérôme n'avait plus eu de nouvelles de Xavier bien qu'il ait tenté à de nombreuses reprises de l'appeler ou même de lui envoyer des textos. Tous restés sans réponses. L'écrivain avait repris l'écriture de son roman gay, celui qu'il avait commencé sous le conseil de Noémie et qu'il avait mis un peu de côté. Le finir, c'était passer encore un peu de temps avec son amour. Même si ce n'était qu'en pensée. Le peu de moments passés en sa compagnie avaient été pour lui les meilleurs de sa vie. 

 

    Dans deux jours, c'était le réveillon de Noël. Jérôme avait espéré que Xavier le passe en sa compagnie et celle de sa famille. Il espérait encore, d'ailleurs. Cependant, il n'avait aucune nouvelle de l'électricien. Noémie et ses parents l'avaient encouragé à insister, mais depuis plusieurs jours il avait totalement abandonné l'idée de le revoir. Son humeur était maussade tout comme le temps. Il ne souriait plus et restait enfermé dans son bureau. 

 

    Pour Xavier c'était à peu près la même chose. Il n'avait cessé de repenser au baiser que Jérôme lui avait donné après leur soirée et à sa fuite. Il avait paniqué. C'était son premier baiser avec un homme et en plus avec celui qui lui faisait perdre ses moyens. Jérôme était le premier avec qui il s'était autant rapproché et il reconnaissait que depuis le premier jour, il était amoureux. Mais il ne pouvait se résoudre à reprendre contact avec Tardieuve. Il s'était senti si idiot après sa fuite, qu'il pensait, bien que Jérôme l'ait appelé à de très nombreuses reprises, que Tardieuve ne lui pardonnerait jamais. 

 

    Vincent ne trouvait plus les mots pour encourager son ami à aller vers Jérôme. Il se désolait de le voir si déprimé et surtout si obstiné mais que pouvait-il y faire ? S'en mêler avec Noémie, comme ils l'avaient prévu ? Ou finalement, laisser faire le destin et ses amis ? 

 

———

 

    — Tu vas rester comme ça encore longtemps ? l'interrogea Vincent.

 

    Xavier ne répondit pas mais fixa son vieil ami.

 

    — Xav, aimes-tu vraiment Jérôme ? 

 

    Sans quitter Pirelle des yeux, Leconte écarquilla ses orbes. Bien sûr qu'il l'aimait, pourquoi lui posait-il cette question ?

 

    — Pourquoi tu me demandes ça ? demanda Xavier.

    — C'est simple ! Il t'a fait une déclaration mais toi tu restes là sans lui répondre alors je me demande si tu l'aimes vraiment. N'était-ce pas ce que tu voulais ? 

    — Il a juste eu pitié de moi, j'en suis sûr, murmura Xavier. Comment un simple électricien pourrait plaire ou intéresser un écrivain tel que lui ?

    — Lui as-tu posé la question avant d'affirmer ce genre de conneries ? 

 

    Non ! En effet, il ne lui avait pas posé la question, mais à quoi bon ? Leconte resta silencieux.

 

    — Tu ne réponds pas ! Et s'il disait la vérité ? S'il t'aimait vraiment ? Tu risques de passer à côté d'une belle histoire, celle dont tu avais envie avec lui. Tu n'es qu'un idiot ! fit remarquer Vincent.

    — Et s'il mentait ? 

    — Tu ne pourras le savoir qu'en lui posant la question, répondit Pirelle. 

 

    Le cerveau de Xavier bouillonnait. Et s'il faisait fausse route ? Et si Vince avait raison ? Leconte détourna sont regard de son ami. Il soupira intérieurement. Que faire ?

 

    — Je dois y aller. Je dîne avec Noémie et Jérôme pour parler du réveillon de Noël. 

    — Tu ne le fêtes pas avec tes parents ?

    — Ils partent demain à la Réunion pour faire un Noël au soleil. Noémie m'a invité. 

    — Tu t'entends bien avec elle, finalement, fit Xavier. 

   — Oui, plus que je ne l'aurais cru. En fait, je ne voulais pas te le dire maintenant mais… On sort ensemble depuis quelques jours.

    — Oh ! Félicitations, sourit Leconte. Mais pourquoi tu ne voulais pas me le dire ?

    — C'est la soeur de Jérôme. Ce même Jérôme qui te plait et qui s'est déclaré. Je ne voulais pas afficher mon bonheur, alors que toi tu déprimes en pensant qu'il se moque de toi…

 

———

 

    Après le départ de Vincent, Xavier se cala dans le canapé. Il ressassait sa conversation avec son ami. Et Vincent avait raison ? Si Jérôme ne se moquait pas de lui et qu'il l'aimait vraiment comme il le lui avait avoué ? Et si c'était lui qui avait raison ? 

 

    Son coeur et sa raison menaient un lourd conflit et Xavier n'arrivait pas à les mettre d'accord. D'un coup, il maudit Pirelle pour lui avoir mis ces informations dans la tête. Il souffrait de son entêtement. Entêtement, peut-être injustifié d'ailleurs. 

 

    Toute la soirée, il resta prostré dans le canapé. Il n'avait pas allumé la télévision. Il n'avait pas faim. Il ne voulait voir personne. Il ne pensait qu'à Jérôme, et ne voulait que lui. Pourtant, prendre son téléphone pour l'appeler ou même lui envoyer un texto lui était impossible. Son ego, son obstination, son appréhension ou tout cela en même temps l'en empêchaient… 

 

———

 

    Vincent avait été chercher sa petite amie, et tout en se rendant chez Jérôme ils discutaient. Vincent raconta à Noémie sa conversation avec Xavier. 

 

    — Tu n'y es pas allé de main morte, fit-elle.

   — C'est vrai mais il m'énerve quand il est comme ça. Il est amoureux de ton frère qui s'est déclaré et lui a tellement peur que Jérôme se moque de lui qu'il préfère rester seul comme un con !

    — Vince, tu es dur avec lui. Je te rappelle que Xavier n'a jamais eu de petit ami et que ça doit lui faire autant peur qu'envie. 

 

    Vincent  riva son regard à celui de sa douce. Elle avait raison, comme souvent. 

 

    — Tu as raison, Noé. Mais ça m'énerve quand même.

    — C'est juste que tu es un bon ami, et que tu t'inquiètes. C'est honorable, tu sais, sourit-elle.

    — Merci. Mais je voudrais l'aider…

    — Et si on parlait à mon frère ?

    — Comment ça ? demanda-t-il.

    — On pourrait lui dire que Xavier l'aime aussi. Je suis inquiète pour Jérôme, il se terre dans son bureau. Il est malheureux. 

    — Ils sont pénibles, dit Vincent ironiquement.

    — Oui ! rit la jeune fille.

   — Je ne pense pas qu'il serait bon de parler de cela à ton frère. C'est lui qui doit prendre sa décision, tout comme c'est à Xav de réagir. On ne peux pas le faire pour eux même si on voulait les aider. 

    — Oui, peut-être…

 

    Le jeune couple se mit d'accord. C'était à Xavier et à Jérôme d'agir, pas à eux. 

 

    Jérôme était venu les accueillir à la porte lorsqu'il avait entendu la voiture de son beau-frère se garer devant la maison. Il était heureux de les voir pourtant son visage était triste et fermé et cela frappa Vincent. 

 

    — Tu n'as pas l'air en forme ? lui demanda Vincent, sachant qu'il en connaissait la raison.

    — Effectivement, mais ça ira, tenta Jérôme de le rassurer.

 

    Tardieuve se reprit, en partie. Ce soir, ils devaient organiser le réveillon de Noël. C'était une première pour lui et sa soeur. Habituellement, c'était leur mère qui se chargeait de tout, mais cette année Jérôme et Noémie voulaient s'en occuper afin de la soulager. Elle n'était plus si jeune et tous ces préparatifs la fatiguaient. 

 

    Même s'il montrait bonne figure, Jérôme n'était pas bien. Il regrettait son geste envers Xavier. De plus, le-dit Xavier ne semblait plus vouloir le revoir alors qu'ils avaient l'air de bien s'entendre. Pourquoi n'avait-il pas pu être plus patient ? Cette question revenait sans cesse tournoyer dans son esprit. 

 

    A la fin du repas, tous les préparatifs pour le réveillon de Noël avaient été prévus. Cependant, Noémie pensait à Xavier. Elle savait qu'il resterait seul car il n'aimait pas les fêtes de fin d'année, mais pour elle c'était la moindre des choses de l'inviter. Après tout, Vincent était son ami et Jérôme l'attirait. 

 

    — Il faut prévoir pour une personne en plus, annonça-t-elle.

 

    Jérôme et Vincent s'entre-regardèrent avant de fixer Noémie. 

 

    — Tu veux inviter qui ? lui demanda son frère.

    — Personne, mentit-elle. C'est le réveillon de Noël, c'est la tradition d'ajouter un couvert juste au cas où…

 

    Tradition ? En fait, elle n'en savait rien mais elle tentait quelque chose. Vincent comprit assez rapidement qu'elle avait une idée derrière la tête et que cela concernait Xavier. Il se promit de lui demander ça plus tard.

 

    — Je ne connais pas cette tradition, mais soit… Si cela te fait plaisir prévoyons donc le tout pour une personne de plus, dit Jérôme sceptique.

 

    Noémie sourit. Il ne lui restait plus qu'à convaincre Xavier de se joindre à eux pour le réveillon.

 

    — Quelqu'un veut un autre café ? demanda-t-elle pour changer de sujet. 

 

    Les deux garçons répondirent par la positive. La jeune femme alla donc dans la cuisine afin de faire trois tasses du breuvage noir. Vincent la rejoignit.

 

    — Tu sais parfaitement que Xav ne viendra pas, dit-il agacé mais pas trop fort. 

 

    Il ne souhaitait pas que son beau-frère l'entende. 

 

    — Je le sais, oui. Mais c'est Noël. La magie de Noël, tu ne connais pas ?

    — Je ne crois pas en toutes ces conneries. Mais je connais Xav. Il ne viendra pas !

   — Sans doute oui. Mais avec ta discussion de ce soir avec lui et le coup de fil que je vais lui passer, peut-être réfléchira-t-il.

 

    Noémie semblait sûre d'elle mais Pirelle connaissait bien son ami et il ne voulait pas voir sa petite-amie attristée car il savait que Xavier ne viendrait pas. 

 

    — Très bien ! Mais ne t'attends pas à ce qu'il vienne. Je ne voudrais pas que tu sois déçue pour cette fête, dit-il en soupirant.

    — Ok ! Tu penses que je peux le joindre maintenant ? 

    — Il est tard, et il bosse demain. 

    — Il ne prend pas de vacances en cette période non plus ?

    — Et non ! Il est obstiné.

    — Bon, je lui téléphone demain.

 

    En arrivant dans la cuisine, Jérôme les interrompit. Surpris mais heureux qu'il n'ait rien entendu, Vincent et Noémie se retournèrent vers lui.

 

    — De quoi parliez-vous ? demanda-t-il.

    — Je lui disais qu'elle était belle et que je ne me lassais pas de la regarder, fit Vincent pour détourner le sujet de conversation. 

 

    La soeur de Jérôme rougit fortement devant ce compliment, même si elle se doutait que ce n'était là qu'une manière de faire diversion. 

 

    — Je suis d'accord avec toi, ma soeur est très belle, fit l'écrivain en donnant un baiser sur le front de Noémie. 

    — Merci, vous êtes adorables, sourit-elle. Les cafés sont prêts. 

 

    Les trois jeunes gens allèrent s'installer dans le salon tout en discutant.

 

—————

 

    Le réveil avait été difficile pour Xavier. Il avait peu dormi. Les mots de son ami, le baiser de Jérôme tournaient en boucle dans son esprit. Plus il y pensait, plus il se trouvait ridicule. Il se pensait dans une impasse, se disant que Jérôme ne lui pardonnerait pas ce silence. La douche qu'il venait de prendre se voulait récupératrice cependant les cernes sous ses yeux étaient toujours là. 

 

    Après avoir pris un petit déjeuner, l'électricien se rendit à l'atelier. Comme chaque année, son patron ne prenait pas de chantier, il n'acceptait que les urgences. Xavier en profitait souvent pour ranger et nettoyer l'atelier avec monsieur Philippe Boges, le patron. C'était un homme d'une quarantaine d'années. Simple, gentil mais ferme lorsque c'était nécessaire, et travailleur. Tout comme ses employés, il travaillait sur des chantiers et laissait la paperasse à sa femme qui travaillait dans l'entreprise en tant que secrétaire de direction et comptable et s'occupait également de la prise de rendez-vous. Monsieur Boges était un patron accessible qui savait écouter. Il était plutôt grand et mince. Ses cheveux bruns commençaient à se parsemer de blanc. Il avait un regard intense, à la limite du vert et du bleu. 

 

    Lorsque Leconte arriva à l'atelier, son patron était déjà là, comme toujours à vrai dire. 

 

    — Bonjour Xavier, dit-il avant de voir la mine blême de son ouvrier. Oh ! Que t'arrive-t-il ?

    — Bonjour Monsieur Boges. Ca ira, ne vous inquiétez pas, répondit l'électricien.

    — Déjà, tu vas me faire plaisir en m'appelant par mon prénom et en me tutoyant, sourit le patron. 

    — Mais vous êtes mon patron !

    — Oui et alors, ce n'est pas parce que tu vas me tutoyer et m'appeler Philippe que tu me manqueras de respect. Moi perso, je trouve cela plus convivial et plus logique puisque je me permets de te tutoyer, sourit Boges.

    — Très bien, mais je ne peux pas promettre d'y arriver, s'inclina Xavier.

    — C'est déjà bien d'essayer, fit Boges. Tu ressembles à un type qui vient de se faire plaquer. Tu veux en parler ?

    — Je ne me suis pas fait larguer, je suis célibataire depuis un moment. 

    — Alors tu es amoureux ? questionna Philippe.

    — Désolé mais j'ai pas très envie d'en parler, répondit Xavier en se mettant au travail.

    — Ha la jeunesse ! Tout paraît si difficile avec vous, soupira Boges.

    — Comment ça ? 

    — Si tu aimes quelqu'un, tu dois lui dire. Tu ne peux pas rester ainsi ça te bouffera de l'intérieur. 

    — C'est pas si simple…

   — En amour rien n'est simple, ce n'est qu'une succession de compromis de chacun des amoureux. Mais rien n'est plus beau. 

    — Ca je le sais, soupira Leconte. Mais …

 

    Le téléphone de Xavier se mit à sonner, lui coupant ainsi la parole.

 

    — Désolé, fit-il. 

    — Pas grave. Tu devrais répondre.

 

    Leconte s'éloigna et prit l'appel dont il ne connaissait pas le numéro.

    

    — Salut Xavier, c'est Noémie Tardieuve.

 

    Xavier se raidit instantanément lorsqu'il entendit le nom de Tardieuve. 

 

    — Je suis désolée de te déranger, mais j'ai quelque chose à te demander.

    — Bonjour, que veux-tu ? fit Xavier sur la réserve.

    — J'en ai parlé avec Vincent et je connais ta réponse mais je me dois de t'inviter pour le réveillon de Noël. 

    — Merci mais non merci. Je ne fête jamais Noël.

   — Vince avait raison. Bon écoute. Vincent sera là lui aussi, ainsi que mes parents. Nous serons chez mon frère. Je suis sûre que cela ferait plaisir à tout le monde que tu viennes surtout à Jérôme, insista-t-elle.

    — Vincent a dû te dire que je refuserais. En plus je ne fais pas partie de votre famille, je ne vois pas pourquoi je viendrais. Non vraiment, j'aime pas les fêtes de fin d'année. 

    — Pour Vincent tu fais partie de sa famille alors tu fais partie de la mienne, argumenta Noémie.

    — Pour autant, je ne vais jamais chez lui pour les fêtes.

    — Je ne sais pas ce qui s'est passé entre toi et mon frère mais il ne va pas bien depuis quelques jours. 

    — Désolé. Je dois aller travailler. Amusez-vous bien, dit-il avant de couper la communication.

 

    Cette conversation chamboula Xavier et son patron s'en aperçut mais il décida de ne pas intervenir. Leconte se remit au travail, l'air tracassé.

 

———

 

    Noémie se trouvait avec Vincent lorsqu'elle décida d'appeler Xavier. Elle était enjouée et pensait vraiment qu'il changerait d'avis. Elle s'était trompée, et était déçue.

 

    — Je te l'avais dit. Ne sois pas déçue, Xavier restera toujours Xavier, fit Vincent en enlaçant sa douce.

    — Quel borné ! Comment faire pour les aider à parler si lui refuse de faire un pas ? soupira-t-elle.

    — Ha ça ! Je ne te le fais pas dire. On devrait attendre le début d'année. Il sera de meilleure humeur…

    — C'est dommage…

 

———

 

    En temps normal, le travail permettait à Xavier de lui changer les idées. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui ses pensées le parasitaient. Son coeur le serrait et ses mains tremblaient. Il ne faisait pas vraiment attention à ce qu'il faisait. Parfois, il mélangeait le matériel, parfois c'étaient les outils qu'il ne rangeait pas au bon endroit. 

 

    — Xavier, qui que ce soit, tu devrais l'appeler. Tu ne peux pas rester comme ça. Depuis ce matin tu enchaînes les bourdes et je dois repasser derrière toi. Ce n'est pas dans tes habitudes, fit remarquer monsieur Boges.

    — Je suis désolé, monsi… Philippe. Je vais faire plus attention. 

    — Pas de problème. Tu sais ce qu'on va faire ?

 

    Leconte observa son patron, incrédule.

 

    — On finit ça, fit Boges. Et puis on ferme pour les fêtes.

   — Mais vous ne fermez jamais pendant cette période. Si vous voulez je peux très bien gérer la boite pendant votre absence. 

    — Merci, mais non. Tu as besoin de te reposer et de voir des amis. Alors profite des fêtes pour passer du temps avec eux.

    — Mais…

    — Non pas de mais, sourit le patron. Et tu as quelque chose à régler… 

    — Mais s'il y a une urgence ?

   — Je vais faire transférer les appels de l'atelier sur mon portable et en cas de besoin je t'appellerais. Parfois il faut savoir s'occuper de soi, fit Philippe. 

 

    Xavier voulut répliquer une fois de plus, mais Boges l'en empêcha en lui demandant de finir ce qu'il faisait pour qu'ils puissent fermer « boutique » comme on dit.

 

    Les deux électriciens terminèrent de ranger l'atelier vers seize heures quinze. Cela ne réjouissait pas Xavier d'avoir une semaine de congés pendant la période qu'il détestait le plus, mais il n'avait pas le choix. Si son patron voulait fermer et lui donner des vacances, il ne pouvait rien dire. C'est donc dépité qu'il rentra chez lui. 

 

———

 

    De retour dans son modeste appartement, Xavier se laisser aller sous une douche bien chaude. L'atelier était dans un sale état et la poussière était au rendez-vous. Il s'habilla d'un vieux jogging et d'un t-shirt tout aussi vieillot. 

 

    Cette semaine s'annonçait longue et déplaisante. Que faire pendant tout ce temps libre ? 

 

    Assis dans le canapé, il regardait la télé. Du moins, il essayait de trouver un programme intéressant. Cela faisait bien dix minutes qu'il zappait sans cesse. Dans l'ennui, il se remit à penser à Jérôme. Les mots que lui avait dit Vince le matin même s'emparèrent de lui une nouvelle fois. 

 

    — « Et s'il t'aimait vraiment ? »

 

    Et si Vincent avait raison ? Si Jérôme l'aimait comme il le lui avait avoué ? Et puis, son patron qui lui avait dit de régler ce qui le tracassait, et d'aller parler à la personne qu'il aimait. Comment avait-il deviné ? L'appel de Noémie le perturbait également. Elle lui avait dit que Jérôme n'allait pas bien. Que penser de tout cela. Il se savait obstiné, pas pour tout, mais il devait admettre que c'était idiot. Mais il était fier aussi, il n'avait pas voulu rappeler Tardieuve ni accepter l'invitation de Noémie et il ne changerait pas d'avis. 

 

    Plus tard dans la soirée, alors qu'il essayait tant bien que mal de penser à autre chose qu'à l'homme qui avait ravi son coeur, il reçut un texto. 

 

    « Bonsoir Xavier. Au risque que tu m'en veuilles, je me dois d'insister. Nos parents nous ont toujours appris à partager, surtout en période de fin d'année et te savoir seul me rend triste. Tu n'es pas obligé de me répondre, mais sache que tu seras le bienvenu demain. Nous serons tous chez mon frère vers dix-neuf  heures trente. Même si tu te décides tard, viens. Noémie »

 

    Il reposa son mobile sur la table du salon, sans même répondre. Que dire de plus que le matin ? Ce nouveau SMS le refit penser à l'écrivain. Il avait beau faire tout ce qu'il pouvait, rien ne lui faisait oublier qu'il était épris de lui. Chaque fois que son esprit lui rappelait les moments passés ensemble tout son être réagissait. Ses muscles se tendirent, sa respiration se coupa, sa poitrine le serra. Il pesta contre lui-même.

 

—————

 

    Le jour tant redouté pour Xavier était enfin arrivé. Comme souvent depuis un moment, il avait dormi peu. D'habitude, il travaillait mais pas aujourd'hui et il ne savait pas encore comment s'occuper en cette journée morne. 

 

    La matinée était bien avancée. Il s'était occupé à faire le ménage et du rangement chez lui. Au moins pendant ce temps, son esprit ne divagua pas. Il déjeuna sans pour autant avoir d'appétit. En regardant dehors, il vit que le soleil trônait dans le ciel hivernal. Un idée lui vint. Un tour de moto lui ferait le plus grand bien. Il alla s'habiller. Un jeans, un t-shirt et un pull pas trop épais. Puis, il mit ses bottes, son blouson et prit ses gants et son casque. Certes, il faisait sans doute froid mais en général cela l'aidait à se détendre et à réfléchir. 

 

    Il poussa sa moto hors de son box et mit le moteur en route. Il termina de s'équiper, puis monta sur le deux-roues. Rien que d'entendre le moteur tourner lui fit du bien. Il prit la route, pas trop vite car le bitume était froid. Il ne voulait pas rouler vite, il souhaitait juste se changer les idées. 

 

    Il roulait, roulait et roulait. Son esprit s'apaisait. Son corps se détendait. Cela faisait bien une heure trente qu'il roulait mais il ne ressentait pas l'envie de rentrer. Il faisait froid, comme il l'avait supposé, mais le soleil réchauffait un peu le fond de l'air. 

 

    Il roula jusqu'à ce que la nuit commence à tomber. Il supposa donc qu'il devait être environ dix-sept heures. Le froid se fit plus piquant. Il était parti si loin qu'il était à près de deux heures de route de chez lui. Pour se réchauffer, il fit une halte dans un bar. Il n'y avait que deux personnes. Le barman et un client. Il commanda d'abord un grand chocolat chaud, puis ensuite un café. 

 

    Il reprit la route une bonne demi heure après être rentré dans le café. Le froid l'avait saisi plus qu'il ne l'aurait cru. Ses mains s'engourdirent rapidement. Il commençait à regretter de ne pas être rentré plus tôt. Durant toute sa balade il n'avait pensé qu'à son attitude par rapport au baiser que Jérôme lui avait donné et aux bons moments passés avec lui. Il se demanda de quoi il avait si peur, d'autant que ses sentiments étaient réciproques. Parfois, pendant ses réflexions il se décidait à se rendre chez l'écrivain afin de passer la soirée avec lui et sa famille. Parfois, il rejetait complètement l'idée. 

 

    Etrangement pour rentrer chez lui, il avait emprunté la route qui passait près de chez Tardieuve. Faire une halte chez lui, pour réchauffer ses membres engourdis lui aurait fait un bien fou, mais une fois encore il décida que non. 

 

    Une chose attira son attention. Quelque chose de blanc se posa sur la visière de son casque. 

 

    — Hein ! Je rêve ! Il ne peut pas neiger, pas avant que je ne sois rentré ! s'insurgea-t-il.

 

    Il constata avec stupeur que c'était bien de la neige qui s'était posée sur son casque. Il lui restait une trentaine de kilomètres à parcourir mais rouler sur de la neige en moto était dangereux et il ne souhaitait pas prendre ce risque. Il n'était pas fou… Que faire ? En fait, il n'y avait qu'un seul choix qui s'offrait à lui…

 

———

 

 

    Depuis le début d'après-midi, Noémie, Jérôme et Vincent s'activaient à décorer la maison et à préparer les plats pour le réveillon du soir. 

 

    Ils avaient fait un sapin artificiel, moins joli et moins odorant qu'un vrai mais Jérôme se refusait d'acheter un vrai arbre pour qu'il meure après. Ils avaient opté pour une décoration argentée et bleue. La table avait était dressée dans les mêmes tons et à la demande de Noémie un couvert de plus avait été mis. En cuisine, une myriade d'odeurs appétissantes envahissait les lieux. Vincent s'avérait être une très bonne aide pour la fratrie. 

 

    En fin d'après midi tout était prêt. Chacun leur tour, ils prirent une douche et s'habillèrent simplement. Il n'y avait pas de chichi dans la famille Tardieuve. Il ne leur restait plus qu'à attendre leurs parents. Ils discutaient tous les trois autour d'un bon chocolat chaud. Une ambiance légère s'était installée et Jérôme paraissait plus détendu même si parfois il semblait se perdre dans ses pensées. 

 

    En regardant par la fenêtre, Jérôme vit qu'il neigeait. Il se leva et alla vers la fenêtre. Une drôle d'impression le prit. Il n'arrivait pas à analyser ce qu'il ressentait en cet instant. 

 

    — Mais il neige, fit Noémie en rejoignant son frère.

    — Oui, pourtant ce n'était pas prévu.

    — Un Noël sous la neige, c'est cool, intervint Vincent.

    — Oui, cela fait longtemps que ce n'est pas arrivé, reprit la jeune femme. 

 

    Jérôme était songeur et Noémie s'en aperçut.

 

    — Tout va bien, lui demanda-t-elle.

    — Je ne sais pas. J'ai un drôle de pressentiment, répondit-il. 

    — Tu devrais t'asseoir, je vais aller te chercher un verre d'eau, fit Vincent.

    — Merci, mais je vais y aller moi-même, fit Jérôme en se dirigeant vers la cuisine.

 

    Cette sensation ne le quittait pas, elle l'oppressait même. Il but d'une traite le verre d'eau fraîche qu'il s'était servi puis rejoignit les autres. Machinalement, il alla de nouveau se poster devant la fenêtre. Il semblait attendre quelqu'un. Et puis un bruit attira son attention. Une voiture se gara devant la maison. C'étaient ses parents qui arrivaient. 

 

    Les salutations d'usage faites, tous prirent l'apéritif. Jérôme semblait aller mieux, du moins c'est ce que pensa Vincent et Noémie. Puis subitement il se leva de nouveau, inquiétant ses invités. 

 

    — Jérôme ! Qu'est-ce qu'il y a ? demanda sa mère.

    — Je… j'ai entendu une moto, fit-il.

   — Hein ! Tu as dû te tromper. Regarde le temps qu'il fait, aucun motard ne serait assez fou pour sortir par un temps pareil, intervint Vincent. 

    — Je ne suis pas fou. Je suis sûr de moi, affirma Jérôme en allant voir dehors. 

 

    Tous suivirent Jérôme à la porte d'entrée et tous restèrent cois. Il y avait bien une moto garée devant la maison. 

 

A suivre…

 

Réveillon, obstination et amour…

par Shiroitora-lili

 

Chapitre 6

 

    Le motard mit un peu de temps avant de pouvoir descendre de sa machine tant il avait froid. Il n'avait pas encore remarqué que Jérôme et les autres se trouvaient devant la porte de la maison. 

 

    — Xav ! Mais t'es con ma parole. Qu'est-ce que tu fous en moto par un temps pareil ?

 

    Leconte releva la tête et vit l'attroupement mais ne répondit rien.

 

    — Il doit surtout avoir froid, fit remarquer monsieur Tardieuve.

    

    Mais alors qu'il entendait des bruits de voix incompréhensibles, Xavier riva son regard à celui du maître de maison. Le revoir avec ce visage triste et inquiet le choqua. 

 

    Noémie était heureuse. Elle prit la main de son petit ami qu'elle serra fortement pour lui montrer sa joie. Vincent était stupéfait. Son ami était là, il ne l'aurati jamais cru. Pirelle posa sa main libre sur l'épaule de Jérôme, qui n'avait toujours pas bougé, pour lui montrer son soutien. Ensuite, tous rentrèrent. Enfin, non ! Pas tout le monde. Jérôme et Xavier s'observaient toujours. Un courant électrique s'était emparé d'eux. Après plusieurs jours de silence de la part de Xavier, ils se revoyaient enfin. Aucun d'eux ne put analyser les émotions qui les assaillaient. Plusieurs minutes passèrent ainsi, sans que l'un ou l'autre ne puisse dire quoique ce soit.

 

    — Je … Je suis désolé de venir à l'improviste mais avec ce temps…, dit Leconte en baissant la tête. Je ne connais personne d'autre qui habite dans le coin.

    — Ne sois pas ridicule. Tu as bien fait de venir. 

 

    Xavier releva son visage, son regard triste se posa une fois encore sur l'écrivain qui, à présent, souriait. Sa mine s'égaya d'un coup. 

 

    — On va mettre ta moto dans le garage, et toi tu vas venir te réchauffer, fit Tardieuve.

    — Je ne … je ne vais rester. Je vais appeler un taxi et je récupérerais ma moto plus tard.

   — Un taxi ? Ce soir c'est le réveillon, ils tournent au ralenti. Tu vas attendre des heures avant de pouvoir en avoir un. Pourquoi ne veux-tu pas rester ?

    — J'attendrai…

    — Es-ce à cause de ce que j'ai fait et dit l'autre soir ? 

 

    Xavier écarquilla ses orbes. Non, cela n'avait rien à voir. Enfin, si un tout petit peu. 

 

    — Je te rappelle que je ne fête pas Noël et tu en connais la raison. 

    — Ca je le sais. Mais tu me fuis aussi, murmura Jérôme. Quoiqu'il en soit, ne reste pas là. Viens ! Rentrons !

 

    C'était tendu entre les deux hommes. Monsieur et madame Tardieuve, leur fille et Vincent le ressentirent. Jérôme apporta un chocolat chaud à l'invité surprise qui prit la tasse en y plaquant ses mains gelées pour les réchauffer. 

 

    — Jérôme, cela ne suffira pas. Tous ses vêtements sont froids et mouillés. C'est d'une bonne douche dont il a besoin et de vêtements secs, intervint sa mère.

    — C'est vrai, tu as raison. 

 

    Jérôme se retourna vers Xavier.

 

    — Après tu iras prendre une douche bien chaude. Je vais te prêter des affaires.

    — Merci, mais tu n'es pas obligé. Pas après…

    

    Leconte ne termina pas sa phrase. Il savait que Jérôme avait compris. 

 

    Après avoir terminé son breuvage chaud, Xavier suivit son hôte vers la salle de bain. En fait, il connaissait la maison, pour y avoir fait des travaux mais jamais Jérôme ne l'avait accompagné. 

 

    — J'ai mis des vêtements ici et là tu as une serviette. Dans la douche, tu trouveras tout ce qu'il faut. 

 

    Xavier fit un signe de tête pour acquiescer. Mais avant que Tardieuve ne quitte la pièce, il l'interpella. 

 

    — Jérôme ! 

 

    L'intéressé se retourna.

 

    — Je suis désolé, murmura le motard.

    — Ne t'inquiète pas. Je te l'ai dit. Tu as bien fait de t'arrêter ici. 

    — Je ne parlais pas … de ça. Pour l'autre jour…

 

    Tardieuve croyait rêver. Xavier s'excusait de s'être enfui. L'écrivain s'approcha de lui. 

 

    — Tu veux dire lorsque tu t'es enfui et qu'ensuite tu ne répondais plus à mes messages ?

    — Oui, répondit timidement Xavier. J'ai cru que tu avais pitié de moi.

    — Mais pourquoi as-tu pensé une chose pareille ?

   — Tu es un écrivain reconnu et je ne suis qu'un petit ouvrier. J'ai cru que tu voulais juste t'amuser, avoua Xavier. 

 

    Jérôme s'approcha un peu plus. Ils n'étaient plus qu'à une longueur de bras l'un de l'autre. 

 

    — Je ne suis pas ce genre de personne. J'ai pensé que tu ne partageais pas mes sentiments. C'est pourquoi, j'ai voulu me déclarer par SMS, ce n'est pas très glorieux j'avoue, mais c'est le seul moyen qui me restait. En faisant cela, j'espérais une réponse favorable mais tu as fait le mort. Je peux le comprendre d'ailleurs. Je n'ai pas été assez patient, et je le regrette. 

 

    — C'est que personne ne m'avait encore dit qu'il m'aimait. Comment pensais-tu que j'allais réagir ? 

    — Tu as raison. Je te dois des excuses aussi. Je suis désolé, Xavier. 

 

    Il était temps pour Tardieuve de quitter la salle de bain. Mais au moment où il posa sa main sur la poignée de la porte, il se sentit entravé dans ses mouvements. Xavier se tenait dernière lui, ses mains serraient ses bras juste au dessus des coudes, et sa tête reposait contre son dos. L'écrivain cessa de respirer. 

 

    — Tu trembles…

    — J'ai froid.

    — Tu devrais prendre cette douche, dit Jérôme doucement. 

    

    Xavier desserra son emprise et laissa partir son hôte puis se glissa sous un torrent d'eau chaude. Il frissonnait encore alors que l'eau s'écoulait sur lui. Il se demandait pourquoi il avait entravé Jérôme de la sorte, et surtout pourquoi l'écrivain paraissait si froid. 

 

    Dans le salon, Vincent pestait contre son meilleur ami. Il s'était mis en danger en voulant faire un tour de moto en cette saison. Cependant, il savait pourquoi. La moto était pour Xavier un moyen de se détendre et lui permettait de réfléchir. A coup sûr, il avait pris ce risque par rapport à Jérôme. Qu'est-ce qu'il pouvait être têtu et compliqué parfois !

 

    — Comment va-t-il ? demanda madame Tardieuve en voyant son fils.

    — Je pense qu'il a simplement froid, il est sous la douche.

    — Bien ! Mais alors qu'y a-t-il, Jérôme ? demanda le père.

    — Il ne veut pas rester, soupira-t-il.

    — Mais il est complètement cinglé. Il ne peux pas rentrer, il neige ! râla Vincent.

    — T'inquiète pas Vincent. Il ne veut pas rentrer en moto mais en taxi.

 

    Les convives restèrent cois. Comment ça, il voulait rentrer et en taxi ! 

 

    — As-tu essayé de le raisonner ? demanda Noémie.

    — Oui. Mais pas sûr que j'ai réussi à le faire changer d'avis.

 

    Pourquoi fallait-il que Xavier campe ainsi sur ses positions ? Même Pirelle l'ignorait. Les discussions autour de Xavier poursuivaient leur cours, alors que le principal intéressé s'était enfin réchauffé et était en train de s'habiller avec les vêtements laissés par son ami. Ce fut en mettant le t-shirt de Jérôme que Xavier se rendit compte qu'il y avait son odeur sur les habits. Des frissons le prirent. Il passa ses mains sous le vêtement et le remonta jusqu'à ses narines et le renifla à plusieurs reprises. Il aimait cette odeur. Certes, il s'agissait de la senteur de la poudre à laver mais c'était celle qui lui représentait le plus son amour. 

 

    — Comment vous sentez-vous ? demanda madame Tardieuve en voyant revenir Leconte.

    — Mieux merci. Désolé de vous avoir dérangés, dit-il doucement.

    — Allons ! Vous ne dérangez personne. Nous serions même ravis de vous voir rester à moins que vous ne soyez déjà engagé pour ce soir, fit le père de Jérôme.

    — Merci mais non merci. Je vais rentrer chez moi. 

   — Vous ne devriez pas rester seul, s'inquiéta madame Tardieuve. C'est si triste d'être seul pour le réveillon de Noël, soupira-t-elle. 

   — Nous ne pouvons pas l'obliger à rester. Il n'aime pas les fêtes, et il a ses raisons, dit tristement Jérôme tout en regardant son amour. Je te raccompagne dès que tu le souhaites. 

 

    L'écrivain ne voulait pas que Xavier parte mais que pouvait-il y faire ? L'attacher ? Impossible ! Alors, pour rester encore un peu avec lui, il allait le raccompagner. 

 

    — Si ce n'était pas Noël… murmura Leconte. Je…je suis prêt. Merci pour tout, dit-il à tous. 

 

    Vincent se tordait de rage. Son ami était bien plus obstiné qu'il ne le pensait. Il devait agir. 

 

    — Quand vas-tu arrêter d'être aussi con ! C'est tes parents qui t'ont rejeté, pas la Terre entière ! Pas tes amis ! Pas nous ! termina-t-il en montrant toute l'assemblée. Ne vois-tu donc pas que nous sommes inquiets pour toi ? Ne vois-tu pas que Jérôme souffre ? Ne t'a-t-il pas dit qu'il t'aimait ? Alors qu'il ne sait toujours pas ce que tu ressens pour lui ! Xavier, tu agis comme un enfant capricieux ! Je suis déçu…

 

    Vincent quitta la pièce et s'exila dans la cuisine suivi de près par Noémie qui ne souhaitait pas le laisser seul. Dans le salon, un silence mortuaire avait pris place. Xavier regardait ses chaussures, alors que les parents de Tardieuve fixaient tendrement leur fils. Que faire dans cette situation ? Ils voyaient bien que quelque chose rongeait Xavier mais que faire ? 

 

    — Vince ? fit Noémie. 

    — Désolé, mais quand il est comme ça il m'énerve à un point…

    — Je vois, oui ! sourit la jeune femme. Mais c'est aussi ton ami, ne l'abandonne pas.

   — Jamais je ne ferais ça. Je suis en colère. Quand je vois ton frère et lui dans cet état, j'ai juste envie de les enfermer dans une cave jusqu'à ce que l'autre tête de lard lui dise qu'il l'aime.

 

    Noémie rit de bon coeur.

 

    —Pourquoi ris-tu ? lui demanda-t-il surpris.

    — C'est toi qui me fait rire. « L'autre tête de lard »  ? Tu y vas fort.

    — Sans doute, mais…

    — Jérôme le raccompagne, peut-être trouvera-t-il les mots pour le ramener avec lui. 

 

    Vincent acquiesça sans vraiment y croire et après avoir volé un baiser à sa petite-amie, tous deux rejoignirent le salon. Jérôme et Xavier venaient de partir.

 

———

 

    Durant les premiers kilomètres, aucun des deux hommes ne prit la parole. Seul le bruit du moteur et des essuie-glaces se faisait entendre. La neige tombait maintenant à gros flocon. L'atmosphère était lourde, et lourde de sens. Et puis, Jérôme brisa ce silence. 

 

    — Si tu as froid, dis-le moi, dit-il pour lancer la discussion.

    — C'est bon, merci. 

    — Tu sais, Vincent s'inquiète pour toi c'est pour cela qu'il t'a parlé de cette manière.

    — Je sais. Je ne lui en veux pas. C'est à moi que j'en veux, murmura-t-il. 

 

    L'écrivain arrêta la voiture sur l'accotement et riva son regard à celui de son vis-à-vis qui ne comprit pas pourquoi il s'arrêtait ainsi.

 

    — Tu t'en veux ? l'interrogea Jérôme, surpris.

    — Je n'aurais jamais dû parler à mes parents, souffla-t-il.

 

    Jérôme l'observa. Visiblement son bel adonis vivait dans le passé. Il n'avait pas encore tourné la page. 

 

    — Tu devrais essayer de vivre pour toi. Pas pour eux. Tu sais, on ne choisit pas sa famille, et malheureusement tu n'as pas eu la meilleure. 

    — Je n'avais pas à me plaindre, avant ce jour-là.

    — Sans doute parce que tu faisais ce qu'ils voulaient que tu fasses.

 

    Leconte eut comme un temps d'arrêt. Des bribes de souvenirs vinrent le hanter. Des dizaines de moments lui passèrent devant les yeux. Vacances, devoirs, moments en famille… Ce qu'il se souvenait c'est que depuis toujours, il avait fait comme ses parents lui demandaient, ou ce qu'ils voulaient. C'est ainsi que plus jeune, il s'était retrouvé dans une équipe de football alors qu'il détestait ça. Et ce jour où il leur avait dit qu'il passait son permis moto, que ne leur avait-il pas dit ! Ses parents s'étaient énervés contre lui comme s'il était un adolescent tumultueux, lui interdisant de le faire. Cette fois, il ne les avait pas écoutés et durant plusieurs semaines il n'avait pas eu de nouvelles d'eux.

    

    — Sans doute…, fit tout bas Xavier.

 

    L'écrivain voyait le visage de son vis-à-vis passer par une multitude d'émotions. Comme souvent, le charme de Xavier se dévoilait. Jérôme n'avait qu'une envie en cet instant. Le prendre dans ses bras et l'embrasser. Mais il ne fit rien. Il ne voulait pas aller trop vite une fois encore. Cependant, il caressa doucement la joue rougie de Leconte qui sursauta. 

 

    — Désolé. Je ne voulais pas te faire peur. 

    — C'est rien, bafouilla-t-il.

    — J'aurais tant aimé que tu restes avec moi ce soir, souffla Tardieuve tout en faisant glisser sa main vers la nuque de Xavier.

 

    Sentir ainsi la main de Jérôme sur sa peau fit frissonner Xavier qui se raidit. Les mots de l'écrivain résonnaient dans sa tête. Il voulait qu'il reste. Mais lui, que voulait-il ? Rester avec Jérôme bien sûr, mais maintenant il ne savait plus comment lui dire. Il se sentait idiot. Et comment les autres réagiraient-ils en le voyant revenir avec Jérôme ?

 

    — A quoi penses-tu ? lui demanda Jérôme.

    — A … rien, mentit-il.

    — Alors, retournons chez moi.

 

    Il s'était promis de ne pas aller trop vite, d'attendre que Xavier lui dise ce qu'il ressentait pour lui mais il ne put se retenir. Il ponctua sa phrase en l'embrassant langoureusement. Xavier sentit son corps lui échapper. Il se sentait mou, sans volonté. Cette fois, il ne serrait pas les dents pour le plus grand bonheur de Jérôme. Mais Xavier ne contrôlait plus son être, et cela le fit peur. Il réussit à ouvrir la portière et doucement repoussa Jérôme avant de quitter la voiture. Il s'enfuyait. Encore…

 

    Jérôme se sentait heureux, Xavier répondait à son baiser. Son organe de vie s'emballait, et il sentait tout son corps réagir. Le temps s'était arrêté. Puis, alors qu'il pensait qu'il avait réussi à réchauffer le coeur de son amour, il sentit Xavier le repousser avant de le voir sortir de la voiture. Il quitta à son tour du véhicule et courut derrière Leconte. 

 

    — Xavier ! l'interpella-t-il.

 

    L'électricien s'arrêta. 

 

    — Xavier, quand vas-tu cesser de t'enfuir ? lui demanda Jérôme en le retenant par le bras.

 

    Mais l'intéressé ne répondit pas. 

 

    — Je t'aime vraiment, tu sais. Je ne joue pas avec toi. Je ne me moque pas de toi non plus. Mais toi ? Que ressens-tu pour moi  ? l'interrogea tendrement Jérôme. 

    — Je… je… sais. 

 

    Jérôme attendait patiemment que Xavier réponde. 

 

    — C'est que je ne sais pas m'y prendre. Je ne sais pas ce que c'est d'être aimé ou aimer. 

    — Tu as peur ?

    — En quelque sorte…

    — Laisse-moi t'aimer, dit l'écrivain en enlaçant son amour. 

 

    Xavier tremblait dans les bras de Jérôme. Comme chaque fois, il sentait son corps se dérober. Sa respiration se saccadait. Des papillons lui chatouillaient le bas ventre. Il ne bougeait pas, il ne le voulait pas. Mécaniquement, il mit ses bras en mouvement et avec hésitation et brusquerie enlaça à son tour son amour. Tardieuve n'en espérait pas autant. Pas maintenant. Mais il comprit que Xavier l'aimait.

 

    — Et si on retournait chez moi ?

    — Je ne… fête pas Noël.

    — Tu es têtu, tu sais, sourit l'écrivain. 

    — Que vont penser les autres si je …

    — Ils penseront que tu as changé d'avis, et ils en seront tous ravis. 

    — Très… très bien, bafouilla-t-il. 

 

    Jérôme s'écarta un peu de son amour et lui releva le visage. Il souriait. Il était heureux. Il ne put résister à l'envie qui le prit de l'embrasser à nouveau. De sa langue, il retraça les contours des lèvres de Xavier qui frissonna de désir. L'électricien se laissa aller et laissa faire son amour. Ce baiser les remplit d'émotions. 

 

    — Allons-y avant que tu ne changes d'avis et surtout avant qu'on attrape froid. 

    — Désolé. 

    — Ne t'excuse pas. Allez, viens !

 

    Le nouveau couple regagna la voiture et Jérôme entreprit de faire demi-tour. La neige continuait de tomber et un manteau blanc recouvrait tout, les routes comprises. Prudemment, la voiture se dirigeait vers la maison de Jérôme, où un repas de famille les attendait.

 

———

 

    Vincent avait estimé qu'il faudrait plus d'une heure à Jérôme pour faire l'aller-retour jusqu'à chez Xavier, en prenant en compte la neige. Tous ensemble, ils sirotaient tranquillement l'apéritif. Ils attendaient le retour de leur hôte, discutant principalement de Xavier. Les parents de Jérôme et de Noémie écoutaient Vincent leur expliquer ce qu'il s'était passé cinq ans auparavant avec ses parents. Madame Tardieuve ne comprenait pas comment des parents pouvaient se comporter de la sorte. Elle eut beaucoup de peine pour l'ami de son fils. 

 

    Un peu plus de trente minutes plus tard, ils entendirent une voiture s'arrêter devant la maison. Vincent l'entendit avant les autres. 

 

    — Vince, qu'y a-t-il ? lui demanda Noémie.

    — Une voiture vient d'arriver.

    — Hein ! Jérôme ne devrait pas être encore là, fit la jeune femme.

    

    Ils se levèrent tous et allèrent à la porte d'entrée. Dans la voiture, Xavier hésitait à sortir de la voiture. Jérôme lui avait ouvert la portière et tout en souriant lui tendit la main. 

 

    — Viens !

 

    Xavier prit une profonde inspiration et glissa timidement sa main dans celle de son petit-ami. Il rougit. 

 

    — Arrête de rougir comme ça. Ca me donne envie de t'embrasser, susurra Jérôme à l'oreille de Leconte. 

 

    Evidemment, les joues de Xavier s'empourprèrent un peu plus. Tardieuve rit de bon coeur. 

 

    — Te moque pas ! J'ai pas l'habitude, fit remarquer l'électricien.

    — Je ne me moque pas. Je suis simplement heureux. 

 

    La porte de la maison s'ouvrit sur les invités de Jérôme. 

 

    — Xavier ? fit Vincent surpris.

    

    Il n'y avait pas que lui qui fut surpris de voir son ami de retour. 

 

    — Auriez-vous eu un problème ? s'empressa de demander monsieur Tardieuve.

    — Non aucun, répondit Jérôme. Xavier a finalement accepté de rester avec nous ce soir, annonça-t-il. 

 

    De larges sourires égayèrent les visages alors que Leconte, lui, se sentait juste un peu idiot. 

 

    — Vous devriez rentrer avant d'attraper froid, dit madame Tardieuve. 

 

    Durant tout ce temps, Jérôme avait serré la main de son bel adonis et la tenait encore. C'est donc main dans la main qu'ils entrèrent dans la maison. 

    

    Monsieur Tardieuve servit l'apéritif à son fils et Xavier. Leconte ne savait pas s'il se sentait heureux d'être là ou s'il se sentirait mieux chez lui. Pour l'heure, il se faisait petit, ne participant à la conversation que lorsqu'on lui parlait. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu de repas de famille qu'il n'osait pas parler. 

 

    Doucement, Leconte se détendit au fur et à mesure que la soirée avançait pour le plus grand bonheur des convives. Xavier réussissait à mettre son passé de côté, du moins pour cette soirée. Parfois, il observait l'assemblée et souvent il se sentait comme chez lui. Il pouvait voir que les parents de Jérôme étaient aimants, et qu'ils ne faisaient aucune différence entre leurs enfants. Personne ne le mettait à part, cela lui plaisait mais cela lui faisait peur. 

 

    La soirée se déroula paisiblement. Le repas préparé par Jérôme, Noémie et Vincent était délicieux. Souvent des rires inondaient la pièce lorsque les parents de Noémie racontaient des anecdotes sur leurs enfants même si parfois cela ne faisait pas rire les principaux intéressés. 

 

    Jérôme se sentait bien et cela ne lui était pas arrivé depuis un moment. Autour de lui se trouvaient les personnes les plus importantes pour lui. Il lui arrivait fréquemment de river son regard à celui de Xavier, n'ayant qu'une envie : celle de l'embrasser. Néanmoins, afin de ne pas gêner son amour, il ne fit rien. Juste le regarder. 

 

    Xavier et Jérôme débarrassèrent la table avant que le dessert soit servi. Ils se trouvaient, seuls, dans la cuisine. Leconte s'occupait de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle, tandis que Tardieuve lavait les gros plats. 

 

    — Comment te sens-tu ? demanda l'écrivain.

    — En fait, très bien.

    — Je suis content, dit Jérôme en enlaçant son amour.

    — Et si quelqu'un venait ? bégaya Xavier.

    — Tout le monde ici, le sait. Et puis, je me retiens depuis des heures. 

    — Je… je…

 

    Jérôme ne laissa pas Leconte terminer sa phrase. Il s'empara de ses lèvres fines et légèrement entrouverte et lui vola un baiser passionné. Au début, un peu crispé Xavier se détendit et répondit timidement à cette étreinte. 

 

    — Accepterais-tu de rester ce soir ? demanda Tardieuve au creux de l'oreille de Leconte. 

    

    L'électricien tressaillit et peina à avaler sa salive. Jérôme avait visiblement une idée derrière la tête. 

 

    — Je ne sais pas. 

    — Réfléchis, et on en reparle tout à l'heure, fit Jérôme en donnant un baiser aérien à son amour. 

 

———

 

    Il était minuit passé. Monsieur et madame Tardieuve étaient sur le point de partir. Ils disaient au revoir à tout le monde. 

 

    — Merci d'avoir rendu le sourire à mon fils, dit madame Tardieuve à Xavier. 

 

    Leconte fut surpris des mots de la mère de son hôte. Il n'osait y croire. Pourtant, il se rendit à l'évidence lorsque le père de Jérôme acquiesça. 

 

    — Ne sois pas si surpris. Ce n'est que la vérité, fit remarquer la mère.

    — Mes parents ont raison. Tu me rends heureux, lui sourit l'écrivain.  

 

    A peine les Tardieuve étaient-ils montés en voiture que Noémie et Vincent prirent congé à leur tour. Ils avaient prévu de finir la soirée chez Vincent. Jérôme et Xavier se retrouvaient seuls. La gêne de Leconte monta d'un cran. Il entreprit de finir de débarrasser la table. Depuis le dessert et le café, la table n'avait pas été la priorité. 

 

    — On peut faire ça plus tard, tu sais, fit Jérôme. 

    — On peut aussi le faire maintenant. 

    — Certes. Très bien. Alors, je t'aide, annonça l'écrivain.

    

    Il ne leur avait pas fallu longtemps pour ranger la table et la cuisine. Une fois tout terminé, Jérôme proposa à son amour de regarder un film.

 

    — Je suis un peu fatigué, avoua Xavier.

    

    Jérôme se sentit déçu même si Xavier avait finalement passé la soirée de ce réveillon avec lui et sa famille. 

 

    — Veux-tu que je te ramène ? l'interrogea Tardieuve.

 

    Sans attendre la réponse de son petit-ami, Tardieuve se dirigea vers l'entrée mais cette fois ce fut Xavier qui le retint. Jérôme stoppa, se retourna et interrogea son amour du regard. L'organe de vie de Leconte battait si fort dans sa poitrine qu'il crut que Jérôme pouvait l'entendre. Il avait attrapé Tardieuve par le bras sans vraiment réfléchir. Les mots se turent dans sa gorge.

 

    — Qu'y a-t-il ? demanda Jérôme. 

    — Un… un film, ça me plairait, baragouina l'électricien.

 

    L'écrivain écarquilla ses orbes. Pour une surprise, c'était une surprise ! Il ne sut quoi répondre, du moins durant les premières secondes, et il ne put analyser les émotions qui l'assaillirent. Son corps tremblait.

 

    — Un film ? Très bien. Viens ! 

 

    Jérôme prit la main de son petit-ami et le traîna jusqu'au salon. Xavier s'installa dans le canapé, alors que Jérôme choisissait un film dans sa vidéothèque. Pas facile. Il ne connaissait pas les goûts de son invité. 

 

    — Qu'aimes-tu comme genre ?

    — Un peu tout. 

    — Alors je te propose un film catastrophe, ça te va ? s'inquiéta Jérôme. 

    — Ca me va. 

 

    Tardieuve plaça le DVD dans le lecteur et vint s'assoir près de son amour. Le film commença. Avec le système de son que possédait le maître des lieux, Xavier pensait se trouver dans une salle de cinéma. A peine quelques minutes plus tard, Jérôme prit Xavier dans ses bras et le cala doucement contre lui. D'abord crispé, Xavier se détendit au bout d'un moment. 

 

    — Merci d'être resté, murmura Tardieuve tout en caressant le bras frissonnant de Xavier.

 

    Leconte ne répondit rien. Aucun son ne pouvait de toute façon sortir de sa gorge. Mais il reconnut une chose. Dans les bras de Jérôme, il se sentait à sa place et pour la première fois depuis longtemps, il se sentait heureux. Doucement, il se redressa et maladroitement posa ses lèvres timides sur celles de son petit-ami qui s'empressa de répondre à ce baiser. Cette étreinte les laissa pantois. Les yeux dans les yeux, leurs coeurs battaient à tout rompre. 

    

    — Joyeux… Noël, murmura Xavier rougissant. 

    — Si tu continues comme ça, je ne répondrais plus de mes actes, susurra Jérôme tout en parsemant la nuque de Xavier de baisers. 

 

    Leconte se crispa, mais en même temps il commençait à aimer les étreintes de son petit-ami.

 

FIN

 

    

Commentaires

  • shiryudm
    • 1. shiryudm Le 05/02/2017
    Coucou!

    j'ai lu ton histoire d"une traite ,donc cela veut dire que j'ai aimé^^.

    Xavier a énormément souffert du rejet de sa famille. En tout cas heureusement Jérôme est un être patient parce que je me demandais s'il allait réussir à convaincre le têtu Xavier! Quoi que on peut comprendre sa façon d'agir. Vive la neige! Car c'est un peu grâce à elle qu'il se sont retrouvés et qu'ils ont pu enfin s'expliquer.

    Bisous
    • shiroitora-lili
      • shiroitora-liliLe 05/02/2017
      Coucou shir', Grand merci à toi d'être passée par ici pour lire cette FO. Oui Xavier est très tétu et à souffert du rejet de ses parents à la con. Mais je pense que dans la vrai vie cela doit arriver malheureusement très souvent :(. Jérôme est patient et heureusement oui car sinon à la saint glin-glin on y était encore ^^… Tu as lu les 6 chap à la suite, et bien ! cela a dû te plaire et j'en suis ravie :3 Plein de bisous et encore merci pour la lecture et le comm Shiro
  • myriam
    • 2. myriam Le 26/01/2017
    Je suis là et j'ai tout lu !
    Fin du récit d'une rencontre et début d'une histoire d'amour qui commence...
    Je ne sais pas si j'en attendais davantage, ça n'aurait pas fait "réaliste". Mais c'est sûr, Xavier est remarquablement obstiné et Jérôme, patient ...

    Merci.
    • shiroitora-lili
      • shiroitora-liliLe 27/01/2017
      Bonjour Myriam, Merci de m'avoir suivi sur cette fiction et d'être venue de perdre ici dans mon petit monde :) Effectivement, c'est le début d'une histoire d'amour entre un être très obstiné et un autre heureusement patient et avec Xavier il en faut une bonne dose… de patience. Merci également d'avoir laissé une trace de ton passage. A plaisir de te croiser à nouveau. Bye Shiro
  • myriam
    • 3. myriam Le 20/01/2017
    Voilà quelques semaines que je suis Xavier et Jérôme (et Vincent et Noémie), mieux je guette les suites et j'attends le dernier avec impatience...
    J'ai rarement vu un personnage aussi obstiné ;-), même la neige doit s'y mettre...:-)

    Merci
    • shiroitora-lili
      • shiroitora-liliLe 26/01/2017
      Bonjour Myriam, Tout d'abord, je tiens à m'excuser de ne répondre que maintenant, mais je viens juste de voir que j'avais un message :(. Je te remercie de suivre cette fiction et de passer souvent pour voir si la suite est publiée. Je suis ravie que cela te plaise :) Je ne pensais pas voir quelqu'un par ici à vrai dire alors je suis d'autant plus contente. Merci pour ce petit commentaire et j'espère à bientôt. Bye Shiroitora-lili

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