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Comprendre, accepter, aimer

Fiction en quatre chapitres, en cours

 Anthony est un jeune homme tout à fait équilibré dans sa vie. Il cuisine, fait du sport, travaille dur et s'entend parfaitement avec son frère aîné. Pourtant, un jour la mélancolie le rattrape. Cela commença lorsqu'il l'aperçut pour la première fois. Son coeur chavira, mais impossible pour lui d'avouer ses sentiments…

 

Romance Boy's Love

Rating : +18ans 

 

L'univers et les personnages m'appartiennent.

 



 

 

J’ai écrit cette fiction pour le calendrier de l’avent du site « le village d’Otsu ». 

http://otsu.forumactif.com/h7-calendrier-de-l-avent

Vous devriez aller y faire un saut, il y a des trucs vraiment très sympa… et surtout n’hésitez pas à laisser un com pour les auteurs via la chatBox en bas de la page :)

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Comprendre, accepter, aimer.

par Shiroitora-lili

 

Chapitre 1

 

    Son regard se portait à l’horizon à travers la vitre froide. Le temps était maussade. Les gouttelettes de pluie glissaient sur la surface plane transparente, dont il ressentait à présent la fraicheur. Ses mains enfoncées dans les poches de son pantalon, il soupirait sur un rythme régulier. Il avait l’impression que son coeur se déchirait. 

 

    Comment en était-il arrivé là ? A vrai dire, il l’ignorait. Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’il était ainsi. Effacé. Discret. Pensif. Mélancolique. Sa silhouette longiligne mais musculeuse, son fin visage, ses cheveux châtains - aux reflets blonds - tombants en cascade et ses iris émeraude plaisaient à toutes les femmes qui le croisaient. Mais lui, étrangement, il s’en fichait. Dans son esprit, il n’y avait de place que pour une seule personne. 

 

    Il ne comprenait pas. Pourquoi ses pensées n’étaient-elles orientées que sur cet être ? Comment gérer cette attirance peu commune ? Devait-il garder cela au fond de lui ou le lui avouer ? Sa raison se perdait dans une myriade de sentiments, alors que son coeur se serrait, saignait. Son âme pleurait comme le ciel qui déchargeait sa tristesse sur la Terre mais devant les autres, il ne montrait rien. Absolument rien. Personne ne devait savoir. Une part de lui avait un peu honte de ces sentiments étranges qui l’assaillaient, alors que de l’autre il savait qu’il n’avait pas à en rougir. Pourtant son frère savait qu’il n’allait pas très bien, il s’en était aperçu… Une fois encore il lâcha un soupir lourd de sens en enfonçant un peu plus ses poings dans le fond de ses poches. 

 

    La sonnette de son appartement retentit le sortant de sa réflexion. Il ne voulait voir personne mais il savait que son frère ne renoncerait pas facilement. 

 

    — Je t’avais dit de pas venir, fit le l’occupant des lieux. 

    — Et je t’ai dit que j’allais, de toute façon, venir. 

 

    Dimitri était de deux ans son aîné et s’inquiétait toujours pour lui, et plus encore depuis qu’il sombrait dans la mélancolie. Il avait un peu près la même taille et la même musculature que son cadet mais il avait les cheveux courts et brun. En revanche, leurs yeux étaient identiques : en amende et couleur émeraude. Ils les tenaient de leur père. 

 

    — Antho ! Tu peux pas rester ainsi. Il faut que tu sortes un peu sinon tu vas finir par vraiment tomber dans la dépression.

    — J’ai pas envie de sortir et encore moins rencontrer des filles, fit-il en anticipant la réplique suivante.

    — Tu as tort. Ca te ferait du bien et puis tu n’es pas obligé de te marier, sourit l’aîné. Amuses-toi !

    — Laisse tomber ! 

    — Sers-moi une bière au lieu de raconter des conneries. 

 

    Le cadet soupira mais alla chercher deux bières dans le frigo. Quand il revint dans le salon, il s’installa avec son frère dans les fauteuils qui se faisaient face. Ils trinquèrent et burent chacun une gorgée. Ils ne prononcèrent aucun un mot durant plusieurs minutes. 

 

    — Et si tu me disais ce qui te tracasse ? lui demanda enfin Dimitri.

    — J’en sais rien.

    — Arrête de mentir ! Je te connais. Alors accouche ! grogna le brun.

 

    Dans ces cas là, Anthony savait que son frère ne rigolait plus. Mais pouvait-il lui dire la vérité ? Et dans ce cas, qu’allait penser Dimitri de lui ? Il posa la bouteille d’alcool sur la table basse devant lui et se cala au plus profond du fauteuil. Il soupira bruyamment. 

 

    — J’ai pas envie d’en parler. Pas encore, finit-il par dire.

    — C’est pas une réponse ça ! Alors ?

 

    Dimitri insistait mais Anthony avait peur d’être rejeté s’il dévoilait ses sentiments. Devant le mutisme de son cadet, l’aîné reposa sa question. 

 

    — Ecoutes Dim, je sais que tu es inquiet mais je te le redis : j’ai pas encore envie d’en parler ! 

    — Et qu’est-ce qui t’en empêche, hein ! 

 

    Dimitri ne comprenait plus son frère. Il n’y avait pas si longtemps de cela, Anthony se confiait à lui et cela ne faisait que renforcer son inquiétude. 

 

    — Que je t’en parle ou non ne changera rien ! Sauf peut-être ta façon de me regarder…, murmura le châtain.

    — Que veux-tu dire à la fin ? l’interrogea doucement le brun.

    — Rien…

 

    Dimitri soupira lourdement. Son frère se montrait tout autant borné que lui. Il se résolut à laisser tomber. Du moins pour le moment. Avec le peu d’expérience qu’il avait, l’aîné savait tout de même que rester muet et seul n’aiderait pas son frère. Bien que seulement deux ans les séparaient, Dimitri avait toujours mit un point d’honneur à être là pour son cadet. Ils étaient seuls depuis la mort de leurs parents et naturellement il s’était occupé de son jeune frère, même s’ils avaient l’âge de s’assumer seuls. 

 

    — Promets-moi au moins de me parler. Tu sais que tu peux tout me dire, sourit l’aîné. 

    — Je te le promets. Mais laisses-moi du temps, j’ai besoin de réfléchir à tout cela avant, répondit énigmatiquement Anthony. 

    — Très bien ! Mais on mange ensemble.

    — D’accord, fit le cadet peu enthousiaste. 

    — On va à l’endroit habituel, et c’est toi qui régal ! conclut Dimitri dans un éclat de rire. 

 

    Anthony, lui, n’avait pas vraiment envie d’aller dans ce restaurant. Et puis pourquoi devait-il payer ? Et pourquoi son frère voulait-il aller là-bas, n’y avait-il pas d’autres établissements ?

 

    — Pourrait-on aller ailleurs ? 

    — Nop. J’ai repéré une petite serveuse et j’aimerais faire un pas vers elle, si tu vois ce que je veux dire ! répondit le brun en se frottant les mains. Tu sais sa collègue n’est pas mal non plus, ajouta-t-il en lui faisant un clin d’oeil.

    — Non merci, pas intéressé. 

    — Elles sont pourtant canons !

    — Laisse tomber. C’est d’accord on y va. Mais laisses-moi en dehors de tes plans.

 

    Dimitri acquiesça et ensemble quittèrent l’appartement du cadet. Ils prirent la voiture de Dimitri pour se rendre à « l’Escale ». C’était un restaurant de taille moyenne. Moderne. Convivial. Agréable. Ils avaient déniché cet endroit plusieurs mois auparavant et y venaient souvent. Du moins au début, mais Anthony refusait d’y aller depuis quelques semaines, sans vraiment donner d’explications à son frère. C’est là qu’il l’avait vu pour la première fois et depuis son coeur battait la chamade rien qu’en y pensant. Il l’avait croisé également au supermarché du coin. Il se souvint s’être caché pour me pas être vu en train de scruter son corps. Il ne voulait plus non plus aller à la salle de sport, il l’y avait vu également. A croire qu’on lui courrait après alors que lui fondait sur ce visage d’ange et ce corps athlétique et qu’il était improbable que le contraire ne se produise. 

 

    Il ignorait tout de cette personne. Son prénom, son âge, son travail, ses passions… Néanmoins, il ne pensait qu’à elle quasiment jour et nuit. Et alors qu’Anthony se perdait dans les méandres de ses songes, son frère garait la voiture non loin de l’entrée du fameux restaurant. 

 

    — Oï frangin ! Tu roupilles ? On est arrivé, fit remarquer Dimitri. 

 

    Anthony releva la tête vers son aîné, sans envie. Non vraiment, il ne voulait pas être là. Il soupira avant de quitter la voiture. 

 

    Les frères furent installés à droite de l’entrée, vers le milieu de la salle, sur une table pour quatre personnes. La serveuse – brune aux cheveux long, toujours tressés pendant le service – débarrassait la table tout en leur demandant s’ils souhaitaient prendre un apéritif. 

 

    — Deux bières, s’il vous plait, commanda Dimitri. 

    — Très bien. Je vous apporte ça, fit la jeune femme. 

    — Alors comment tu la trouves ? 

    — Comment ça ? lui demanda Anthony.

    — C’est la nana dont je t’ai parlé. Mignonne non !

    — Pas mon style, répondit évasivement le cadet.

    — Et la rouquine, là-bas ?

    — Pareil ! Je te l’ai dit : laisses-moi en dehors de tes plans.

 

    Dimitri fut surpris car il pensait vraiment qu’Anthony serait intéressé par la serveuse qui s’activait dans une autre partie de l’établissement. Il observait son frère mais celui-ci ne regardait absolument pas la jeune femme. Anthony se focalisait  simplement la carte. 

 

    — Antho, qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta l’aîné qui n’avait pas l’habitude de le voir ainsi.

    — Rien.

    — Te fous pas de moi ! Raconte !

    — Je te dis qu’il n’y a rien ! répondit-il en haussant le ton.

    — Antho, je ne cherche pas t’énerver. Je commence sérieusement à m’inquiéter. Ca fait un moment que tu ne veux plus sortir et que tu te fermes comme une huître. Si tu as des problèmes, tu peux m’en parler tu sais.

 

    Le ton de l’aîné laissait paraître sa préoccupation pourtant Anthony resta muet. Dimitri soupira bruyamment. C’était la première fois, que Dimitri ne comprenait pas vraiment son cadet.

 

    La serveuse revint quelques minutes plus tard avec les deux boissons et en profita pour prendre la commande des plats. La dernière fois que Dimitri était venu déjeuner, il avait entendu son prénom : Vanessa. Ce soir, il était décidé à lui donner son numéro de téléphone. Il se refusait de demander le numéro des femmes qu’il souhaitait approcher. C’était un principe pour lui et surtout sa méthode pour draguer. Il avait prévu le pourboire : un billet sur lequel il avait laissé un morceau de papier discret avec son numéro de portable. 

 

    Anthony ne regardait pas autour de lui de peur de tomber sur la personne qu’il tentait d’éviter. Cette même personne qui hantait ses pensées et ses songes. Où pouvait-elle se trouver en ce moment ? Que faisait-elle ? Pensait-elle à lui, comme lui pensait à elle ? Anthony se perdait entre sa raison et son coeur qui le faisait de plus en plus souffrir.  Il se sentait désemparé face à ces sentiments peu commun. Peu commun ? Oui, c’était le cas pour lui. 

 

    Le cadet regardait son frère qui semblait ne jamais quitter des yeux la serveuse qui lui avait tapé dans l’oeil. Il jeta un oeil à l’autre serveuse mais il la trouva fade, pas son type. Il ne se passait rien en lui. Un bruit le tira de sa réflexion. Celui de la porte d’entrée du restaurant. Machinalement, il détourna sa tête afin de voir le visage des personnes qui entraient. Son coeur cessa de battre. L’oxygène lui manquait, il s’étouffait. Il sentit son corps lui échapper et pire… ses joues semblaient se colorer. Il baissa rapidement la tête mais pas assez vite pour que Dimitri ne se rende compte de quoique ce soit. 

 

    — Qu’est-ce qu’il y a, Antho ? l’interrogea-t-il déconcerté par l’attitude de son cadet.

    — Rien ! Il n’y a rien. Je vais prendre l’air cinq minutes, murmura Anthony.

    — Antho…

 

    Dimitri regarda son frère sortir de l’établissement, tout en se demandant qu’elle mouche avait bien pu le piquer. Le cadet reprenait pied peu à peu. L’air extérieur lui était bénéfique. Pourquoi  se trouvait-il dans cet état chaque fois qu’il l’apercevait ? Autour de lui, se trouvaient quelques fumeurs qui discutaient joyeusement. Parfois il sourit en les entendant, parfois il n’écoutait pas. En même temps, c’était malpoli d’écouter aux portes. Puis, ils rentrèrent tous, sauf lui. Il voulait profiter du calme et puis son corps le trahissait encore. Son coeur avait à peine ralenti et ses membres tremblaient encore un peu. Mais il lui faudra bien retourner à l’intérieur. Il soupirait lorsqu’il entendit la porte du restaurant s’ouvrir. Il n’avait vu personne approcher, il sut alors que des clients sortaient. Un voix l’interpella. 

 

    — Il fait meilleur ici que dedans.

    — Oui, je confirme, répondit Anthony en levant la tête vers son interlocuteur. 

 

    Il déglutit péniblement. Sa respiration se saccada. Ses membres se remirent à trembler fortement. Son visage semblait rougir, s’il se fiait à la chaleur qui s’en dégageait. 

 

    — Que t’arrive-t-il d’un coup ? Tu es tout rouge …

 

    Mais les cordes vocales d’Anthony devinrent capricieuses et ne firent sortir aucun son de sa bouche. Il était figé, ses émeraudes accrochées aux perles azur qui le fixaient également. Il fallut plusieurs secondes à Anthony pour reprendre un semblant de contrôle. 

 

    — Je … je vais bien, réussit-il à dire enfin.

    — Je m’appelle Nathan, fit-il en tendant sa main droite vers celle d’Anthony.

 

    Nathan était plus grand qu’Anthony, pas de beaucoup mais assez pour que cela se voit. Ses yeux étaient bleus clairs, ils tranchaient avec ses cheveux noirs qu’il portait mi-long. Son corps, en y regardant de plus près, était bien sculpté. Le châtain devait se reprendre, mais c’était trop difficile pour lui. Il était bien trop proche de l’objet de ses fantasmes et en plus ils discutaient. C’était trop pour lui. 

 

    — Enchanté. Anthony, dit-il en bégayant. 

    — Enchanté, sourit Nathan. C’est pas la première fois que je te vois ici.

    — Je viens souvent oui. 

 

    Que dire de plus ? Les deux hommes ne dirent plus un seul mot. Dehors la fraîcheur commençait à se faire ressentir et Anthony ne pouvait plus rester là. Etre la présence de ce type lui broyait les entrailles.

 

    — On dirait que ton mec s’impatiente, fit remarquer d’un coup Nathan en souriant. 

    — Hein ! Mon mec ? Non mais ça va pas, c’est pas mon mec ! C’est mon frère ! s’énerva  presque Anthony.

 

    D’ailleurs pourquoi cela l’avait-il mis dans cet état ? Et puis dit comme cela, il affirmait qu’il pouvait être gay. Il donnait un mauvais message à Nathan qui l’était peut-être. Et pourquoi pensait-il à tout cela ? Pourquoi cela le touchait-il autant ? C’était vrai qu’il ne pensait qu’à lui depuis des semaines mais était-il attiré par lui pour autant ? 

 

    — Désolé, mais vu son comportement, j’ai cru que…

    — Il est inquiet pour moi, c’est tout. 

    — Tu devrais peut-être aller le rejoindre.

    — Oui, sans doute, murmura Anthony. 

    — Je dois partir, mais je serais ravi de te recroiser, fit Nathan. 

    — Bonne soirée, et de même, réussit à dire Anthony sans bégayer.

 

    Alors qu’Anthony ouvrait la porte du restaurant afin d’aller rejoindre son frère, Nathan, lui, traversa la route et enfourcha une moto de grosse cylindrée. Après avoir mis son casque, qu’il avait laissé sur le rétro de sa machine, Nathan démarra le moteur et se mit en route. Avant de disparaître dans le flot de la circulation, le motard se retourna vers Anthony et lui fit un signe de main. Anthony ne sentait plus son corps. Ses mains et ses jambes tremblaient. Son coeur s’emballa sans qu’il puisse y faire quoique ce soit. Timidement, il répondit néanmoins à Nathan, puis il rejoignit Dimitri qui semblait s’impatienter. 

 

    — J’ai pas l’impression que prendre l’air t’aies fait du bien, fit remarquer Dimitri. 

 

    Anthony se ré-installa à table, en face de son frère. Il semblait absent et sa respiration était saccadée. 

 

    — Antho ? Tout va bien ?

    — Hein ? Heu ! Oui ! Désolé. 

 

    Le cadet riva ses orbes dans son assiette, arrivée alors qu’il était dehors. Il se demandait où avait pu partir Nathan. Nathan. Ce prénom résonnait dans sa tête depuis qu’il l’avait appris. Jusqu’à aujourd’hui ce type qui hantait ses pensées n’était qu’un visage, qu’un corps, presque une ombre parfois, mais en fait,  il avait un prénom. Nathan. Perdu dans ses pensées, il n’entendait plus son frère l’appeler. Dimitri inquiet pour son cadet, posa l’une de ses mains sur son épaule. 

 

    — Vas-tu enfin me dire ce qu’il t’arrive ? 

    

    Anthony regarda enfin son frère. Dimitri était vraiment très inquiet. Le cadet soupira, la mine triste. 

 

    — Je suis désolé de t’inquiéter, Dim. Mais je ne veux pas en parler. Pas encore. Je veux comprendre d’abord.

    — Comprendre quoi ?

    — Ce que j’ai. Ce que je ressens…

    — T’es amoureux, c’est ça ? Mais je ne comprends pas pourquoi ça te mets dans cet état ! 

    — Je te promets de te parler, mais pas avant que je ne sois sûr. Tu comprends ?

 

    Dimitri se résigna. Jamais encore Anthony avait eu l’air si désespéré. 

 

    — Très bien, Anthony. Je n’insiste pas plus. Mais promets moi de te ressaisir, ça ne te ressemble pas d’être comme ça. 

    — Je te le promets, mais laisse-moi du temps. 

 

    Les deux frères se sourirent et dînèrent sans reparler de l’état d’esprit d’Anthony. Dimitri tentait d’apprivoiser Vanessa, la serveuse, mais elle semblait résister à ce qu’il appelait « son charme ». Le cadet le regardait faire, il le jalousait de pouvoir parler ainsi à cette fille qui lui plaisait tant. 

 

    Quelques heures plus tard, ils avaient terminés de dîner. Tandis qu’Anthony payait la note, Dimitri était dehors et parlait avec Vanessa qui riait. Visiblement, l’aîné avait réussi à apprivoiser la belle. Lorsque Anthony rejoignit son frère, la serveuse le salua et rentra dans le restaurant. 

 

    — Apparement ça se passe bien avec elle, sourit presque tristement Anthony. 

    — J’ai pu lui donner mon numéro de téléphone, se réjouit Dimitri. Attends une minute ! 

 

    Quelque chose s’insinua dans l’esprit de Dimitri. Non ! Ca ne se pouvait pas ? Si ?

 

    — Tu es amoureux de Vanessa aussi, c’est pour ça que tu n’es pas bien ? C’est ça ? demanda l’aîné, sans amertume.

 

    Anthony releva la tête vers son frère, surprit par ce qu’il venait d’entendre. 

 

    — Hein ? Mais non ! Absolument pas ! se défendit-il. 

    — Tu sais je ne t’en voudrais pas, affirma l’aîné. 

    — Elle est mignonne et sympa mais c’est pas mon style, reprit Anthony. 

    — T’es sûr ? 

    — Oui, je suis sûr, sourit le cadet.

    — Mais tu as eu l’air tellement triste en nous voyant que j’ai pensé que…

    — Je suis juste jaloux de voir que tu peux lui parler sereinement alors qu’elle te plait. Moi, je n’y arrive pas, soupira-t-il. 

    — Les mots viendront le moment venu, le rassura Dimitri. 

 

    Possible. Ou pas. Les sentiments qui l’assaillaient n’étaient pas vraiment simples à gérer. Anthony voulait rentrer chez lui et demanda à son frère de le ramener. 

 

—————

 

    Depuis le soir où Dimitri et lui avaient été dînés à « l’Escale », il n’avait pas revu Nathan. De temps à autre, Anthony se rendait à la salle de sport, juste pour pouvoir l’apercevoir mais depuis plusieurs jours il ne l’avait pas croisé. Bien sûr, il se cachait pour le regarder et il ne souhaitait pas que Nathan le voit. 

 

    Chaque jour, Anthony pensait à Nathan. A sa voix, rauque. Sa démarche, tel un prédateur. Son corps bien bâti, tel un athlète . Ses yeux, d’un bleu clair envoutant. Son visage, doux. Ses lèvres, sur les siennes. Embrasser un homme, quel goût cela avait ? Anthony n’arrivait plus à sortir Nathan de sa tête. Depuis leur mini discussion, c’était de pire en pire. Son coeur se broyait rien qu’en se souvenant de cet instant. Sa respiration se saccadait en une fraction de seconde. Il ne tenait plus. Pourtant, il ne faisait rien pour croiser Nathan de nouveau. La peur de voir son dégoût dans ses yeux, sans doute. Lui, se dégoûtait parfois. Souvent.

 

    Assis derrière son bureau à l’agence immobilière pour laquelle il travaillait, il se rabroua afin de se mettre enfin au travail. Il gérait particulièrement les professionnels. Entrepôts, commerces, bureaux… En ce moment, il travaillait pour un très gros client, qui souhaitant agrandir, avait besoin d’un très grand entrepôts afin d’y faire du stockage. Il devait être sécurisé, bien évidemment. Ce dossier lui prenait beaucoup de temps. Ce n’était guère facile de répondre à la demande de son client mais il était pro et dégotait toujours la perle rare. Il avait une bonne réputation dans le circuit et sa patronne en était très fière. 

 

     La porte de l’agence s’ouvrit. Il n’y prêta pas attention, la réceptionniste était là pour dispatcher les clients, récupérer les dossiers et autres documents. Son téléphone sonna, le sortant de ses pensées. 

 

    — Antho, j’ai un client pour toi. Tu es dispo, là où il vaut mieux qu’il prenne un rendez-vous ? lui demanda Marie, la réceptionniste. 

    — Et bien, je travaille sur un dossier complexe mais comme je ne trouve rien, tu peux faire entrer cette personne, ça me changera les idées. 

    — Très bien. Merci. Je te l’envoie. 

 

    L’agent immobilier rangea le dossier sur lequel il travaillait depuis le matin, et réorganisa son bureau afin de le rendre plus accueillant pour son futur client. 

 

    — Bonjour, entendit-il.

 

    Il leva la tête. Un vertige le prit. Il devint pâle puis rouge en à peine quelques secondes. 

 

    — Tout va bien ? Tu veux un verre d’eau ? 

 

    Mais Anthony n’arrivait pas à faire sortir le moindre son de sa bouche. Le visiteur retourna vite voir Marie et lui demanda un verra d’eau pour l’agent immobilier. Evidemment, elle et Sophie, leur patronne, s’inquiétèrent immédiatement. 

 

    — Pas de soucis, j’ai dû simplement le surprendre en arrivant sans bruit. Je suis confus, s’excusa le client. 

    — Anthony n’est pas très bien depuis un moment, mais il refuse de nous dire quoi que ce soit. Ce n’est en rien votre faute, fit Sophie. 

    — Dans ce cas, je repasserais un autre jour, dit le client. 

    — Non, c’est bon. Je suis désolé. J’ai été surpris, c’est tout. Je peux te recevoir.

    — Vous vous connaissez ? demanda la patronne de l’agence. 

    — Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises, sourit-il. 

    — Très bien. Tu es sûr que ça ira Antho ? demanda Sophie. 

    — Oui. Suis-moi, fit-il à son bourreau. 

 

    Le « oui » d’Anthony sonnait faut. Sophie le connaissait depuis des années et s’en était rendu compte. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que le mal-être de son employé et ce type étaient liés. Mais dans quelles mesures ? 

 

    — Je suis désolé de t’avoir fait peur, fit Nathan penaud. 

    — Ce … ce n’est pas grave, c’est passé. 

 

    En fait, non ! Ce n’était pas passé. Pourquoi Nathan était-il là, devant lui ? Pourquoi son corps tremblait-il comme un ado devant son premier émoi ? Pourquoi ne réussissait-il pas à aligner deux mots sans suffoquer ? Pourquoi se comportait-il comme un amoureux devant sa bien-aimée ? Nathan était un homme ! Jamais il n’avait regarder les hommes avant, du moins pas qu’il se souvienne. D’ailleurs, il ne regardait que lui… Anthony se mit une claque mentale. L’objet de ses songes était en face de lui et avait très certainement une raison d’être ici. 

 

    — Je peux repasser plus tard, si tu veux, redit Nathan.

    — Non, non c’est bon, sourit timidement Anthony. Que puis-je faire pour toi ?

    

    Même si son corps lui jouait des tours, Anthony était heureux de voir celui qui hantait ses pensées depuis des semaines. Il tentait au mieux de reprendre le contrôle de son corps, et essayait de voir Nathan comme un client. Ce qu’il était, d’ailleurs…

 

    — Et bien, je recherche un nouveau local et un bout de terrain pas très loin du local. 

    — Très bien, fit l’agent immobilier en prenant des notes. As-tu une idée de la superficie du local et du terrain ? 

 

    Le côté pro d’Anthony se réveillait.

 

    — Et bien pour le local cinquante/soixante mètres carrés avec WC, lave main et éventuellement un petit coin cuisine. Mais s’il faut entreprendre des travaux, je suis ok. Et pour le terrain, il doit faire une dizaine de mètres de large et au moins cent cinquante mètres de long, mais deux cents mètres ce serait parfait. 

    — Drôle de dimensions, remarqua l’agent.

    — Ha oui ! Pardon ! Je suis moniteur auto-école et je viens de passer la mention deux-roues pour faire passer les permis moto, du coup j’ai besoin d’un endroit pour faire travailler mes futurs élèves. Les endroits collectifs ne me plaisent pas, et sont souvent inadaptés comme des parkings. J’ai envie d’autre chose pour mon activité et une piste privée serait un plus. 

    — Je comprends, oui. Tu veux louer ou acheter ?

    — Acheter, ce serait idéal. 

    — Ton budget ?

    — Environ quatre cents mille euros si travaux et un peu plus si pas de travaux. Mais ce n’est pas mon budget limite. 

    — Très bien. Ce ne sera pas facile, enfin pour le terrain mais je vais faire mon possible pour te trouver ça. 

    — Merci, Anthony, sourit Nathan.

    — De rien, c’est mon job. Tu as une contrainte de temps ?

    — Pas vraiment, mais j’ai envie de très vite commencer les leçons moto. 

    — Très bien, je me mets de suite au travaille. J’ai besoin d’informations pour créer ta fiche client, avant que tu ne partes. 

    — Tout ce que tu veux.

 

    Nathan était décontracté. Il souriait tout le temps et regardait son interlocuteur dans les yeux, ce qui gênait l’agent immobilier. Anthony rapprocha son ordinateur portable et pianota sur le clavier puis s’adressa de nouveau à son client.

 

    — J’ai besoin de ton nom de famille, ton adresse et ton numéro de téléphone.

 

    La voix d’Anthony tremblait, il espérait que son vis-à-vis ne s’en rende pas compte mais Nathan avait perçu l’hésitation de l’agent immobilier. Il ne dit rien afin de ne pas le déstabiliser davantage.

 

    — Nathan LIERRAT. 

 

    Antho prenait toutes les informations qu’il avait demandées. Arrivé au numéro de téléphone, se sont ses mains qui se mirent à trembler sur son clavier. Mais il réussit à le noter sans erreur.

 

    — C’est noté. Merci. Je t’appelle dans quelques jours pour te dire ce que j’ai trouvé. 

    — Merci, Anthony. A bientôt alors, sourit le moniteur. 

    

    Alors que son client s’apprêtait à quitter son bureau, il se souvint qu’il ne lui avait pas donné sa carte de visite. 

 

    — Nathan… Je ne t’ai pas donné ma carte, si jamais tu as besoin de me recontacter, dit-il en lui tendant sa carte. 

    — Merci…

 

    Et Nathan quitta non seulement son bureau mais également l’agence. Anthony se laissa tomber dans son fauteuil de bureau et enfouie son visage dans ses mains. Son corps le faisait souffrir et son coeur ne cessait de battre la chamade dans sa poitrine. Il ne réussissait pas à se reprendre. 

 

    — Antho, tout va bien, lui demanda Sophie en lui tendant un verre d’eau. 

    — Je suis désolé. Je ne me suis pas comporté comme un pro, s’excusa-t-il. 

    — Tu n’as pas à t’en faire et puis tu as réussi à reprendre ton « costume » d’agent immo, donc pour moi tu as fait ton boulot comme d’habitude. Je suis juste inquiète pour l’ami que tu es. Qui est ce type ? Tu t’es décomposé en le voyant ? Il ne te cherche pas d’ennuis au moins ?

    — Non ce n’est pas ça du tout. C’est juste que… que

 

    Les mots ne voulaient toujours pas sortir de sa bouche. Pourtant, ne dit-on pas que parler avec quelqu’un de neutre peut faire du bien ?

 

    — Si tu ne souhaites pas en parler, je comprends. Rappelle-toi juste que je suis là en cas de besoin, lui dit-elle.

    — Merci, répondit simplement Anthony.

 

—————

 

    Plusieurs jours après la visite à l’agence de Nathan, Anthony dénicha plusieurs biens qui pourraient intéresser son client. Mais encore fallait-il lui téléphoner. L’agent immobilier ne réussissait pas à prendre son portable pour passer l’appel. Pourtant, il le fallait et cela lui donnerait une excuse d’entendre sa voix et de le voir.

 

    Plus les jours passaient, plus il travaillait sur le dossier de Nathan et plus Anthony pensait à lui. Ce qu’il supposa alors lui fit peur. Comment affronter le regard des autres mais surtout le sien – celui de Nathan – et celui de son frère ? Il ne se souvenait pas avoir déjà eu des sentiments pour un autre homme, pourtant une part de lui trouvait cela naturel. 

 

    Antho se résigna enfin à passer l’appel tant redouté. A chaque sonnerie qui retentissait dans l’appareil, son corps frissonnait et son cœur semblait vouloir s’arrêter de battre, c’est ce qu’il fit lorsque qu’une voix résonna dans le téléphone.

 

    — Salut Anthony, dit sans attendre Nathan. 

    — Sa… salut, répondit timidement l’agent immobilier. 

    — Tout va bien ? s’inquiéta le moniteur. Ta voix est bizarre !

    — Oui, oui ça va. Désolé, j’ai la tête ailleurs.

    — Ok. Je suppose que tu as trouvé des trucs, c’est pour cela que tu appelles ? rebondit Nathan. 

    

    L’agent immobilier respira profondément et silencieusement, afin de reprendre contenance. Il ne voulait pas que Nathan s’aperçoive qu’il le troublait. 

 

    — Oui. J’ai déniché plusieurs biens. Il faudrait qu’on aille les visiter, mais avec ton boulot je suppose que cela ne sera pas facile de trouver un moment. 

    — Si ça peut attendre samedi midi, c’est ok pour moi. Je ne bosse pas les samedis après-midi.

    — Très bien. Le rendez-vous est noté et je vais de suite appeler les propriétaires. 

    — Super. On se retrouve où ? 

    — A l’agence, pour les treize heures trente ? 

    

    Il y eu un blanc. Nathan ne dit plus rien pendant plusieurs secondes. Que lui arrivait-il ? Anthony se posait mille questions, mais il rompit le silence. 

 

    — Si l’heure ne te convient pas, on peut décaler plus tard dans l’après-midi, proposa l’agent. 

    — Non, non. Treize heures trente, c’est bon. 

 

    Le ton de Nathan avait changé. Il était toujours enjoué, du moins chaque fois qu’Anthony l’avait croisé. Et il l’était au début de leur conversation téléphonique. Pourquoi avait-il changé aussi vite d’humeur ? L’agent se demandait ce qu’il avait bien pu dire pour que son client change à ce point. 

 

    — Tu es sûr ? Je n’ai pas d’autres rendez-vous de prévu, je peux donc facilement décaler, expliqua l’agent. 

    — Merci, mais treize heures trente, ça ira. Désolé mais je dois te laisser. Le boulot. Merci pour ton appel et à samedi. 

    — Très bien. Pas de problème je comprends. A samedi. 

 

    Anthony avait perçu un nouveau changement d’humeur chez son interlocuteur. Il semblait être redevenu un peu plus joyeux. Mais il devait sans doute se tromper. Il tenta de se remettre au travail mais il ne réussissait pas à rester concentré. Sophie vit que quelque chose tracassait son employé et ami. Aussi, elle passa dans la cuisine et prépara deux tasses de café et alla rejoindre Anthony dans son bureau. 

 

    — Tiens, fit-elle. 

    — Merci Sophie, mais pourquoi ?

    — Tu as une sale mine, et j’ai pensé qu’une pause te ferait du bien, lui sourit-elle. 

    — Tu as sans doute raison, murmura-t-il. 

    

    Plusieurs secondes s’écoulèrent. Pas un mot ne se fit entendre. Et puis Sophie en eu assez. 

 

    — Bon puisque tu ne veux pas parler, tu vas au moins m’écouter. 

    

    Anthony releva la tête et observa sa patronne, l’air surpris.

 

    — Ne fait pas cette tête. Je sais que tu ne vas pas bien. 

    — Merci de t’inquiéter mais il n’y a rien que tu puisses faire.

    — Peut-être mais tu vas quand même m’écouter ! 

 

    Le ton de Sophie était ferme mais rempli de tendresse. C’était une femme simple et gentille. Brune aux cheveux courts. De taille moyenne et élancée. Elégante en toute circonstance. Elle n’avait pas oublié qu’elle avait aussi eu un patron un jour et que cela n’avait pas toujours été facile. Aussi, elle insistait pour que tout le monde se tutoie au bureau, elle y compris, et préférait le dialogue ouvert plutôt que d’imposer ses choix. Elle était patronne oui, mais elle ne mettait que rarement ce fait en avant. L’ambiance à l’agence était donc détendue et bonne enfant, et le travail y était bien plus rigoureux. Tout le monde y gagnait. 

 

    — Cela fait plusieurs mois que tu déprimes tout seul dans ton coin. Ici, tout le monde s’inquiète et se pose des questions. Ton frère m’a appelé, il y a quelques jours, pour savoir si tu m’avais dit quelque chose. 

 

    Lorsque Sophie avait fait allusion à Dimitri, Antho grimaça. 

 

    — Ne lui en veux pas, Antho. Dimitri ne sait plus quoi faire ni comment te parler. Il est inquiet, c’est normal. Il t’aime, dit tendrement Sophie. 

    — Je le sais, oui. Mais ne peut-il pas aussi me faire confiance. Je lui ai dit que je parlerais quand je saurai vraiment ce que j’ai. 

    — Mais tu sais très bien ce qu’il y a, je me trompe ?

 

    L’agent immobilier écarquilla très grand ses iris. 

 

    — Très bien. Je suppose que cela à voir avec le client de l’autre jour. Quand tu l’as vu tu es passé par toutes les couleurs. J’ai d’abord supposé qu’il te cherchait des ennuis mais lorsqu’il est parti ton visage s’est teinté de rouge. Et là encore, au téléphone. Tu étais bien avec lui ? 

 

    Le mutisme de son ami fit comprendre à Sophie qu’elle était sur la voie. 

 

    — Je vois. J’ai raison, n’est-ce-pas ?

 

    Anthony ravala péniblement sa salive. Elle ne pouvait avoir compris ? Si ? Son coeur se mit à battre de plus en plus fort, mais impossible pour lui de dire quoi que ce soit. 

 

    — Tu sais Antho, ce n’est pas la première fois que je te vois ainsi. C’est arrivé une ou deux fois. Je n’y ai pas vraiment fait attention, jusqu’à ce client, que tu sembles connaître.

    — Que…veux-tu dire ? demanda enfin Anthony.

    — Ce que je veux te dire c’est que tu devrais essayer de te détendre et lui parler.

    — Lui parler de quoi, reprit-il innocemment.

    

    Sophie respira profondément avant de se lever pour aller fermer la porte du bureau, puis elle revint s’asseoir. 

 

    — Dis-lui ce que tu ressens pour lui. 

    — Hein !!! 

    — Tu es attiré par ce type, peut-être même en es-tu amoureux. Parles-lui. 

    — Non mais t’es dingue ! Je ne suis amoureux de personne et encore moins de lui ! s’énerva le jeune homme. 

    — Reste calme, Antho. Nous discutons là. Je ne suis pas aveugle, tu sais. Tu as regardé bien plus de mecs que de nanas depuis que tu bosses ici. Perso, je n’ai rien contre l’homosexualité et c’est pour ça que je me permets de te parler ainsi. 

    — C’est n’importe quoi ! 

    — Antho, regarde-moi, demanda la patronne. 

 

    Il releva ses yeux vers Sophie qui continuait de lui sourire. Il n’y avait rien de mauvais dans le regard de cette femme. Il soupira. 

 

    — C’est peut-être arrivé une fois ou deux, oui mais je ne dirais pas pour autant que je suis gay, murmura-t-il presque honteux. 

    — Tu ne devrais pas avoir honte de tes sentiments. Rien n’est plus beau que l’amour, lui expliqua-t-elle. Je sens que pour lui c’est différent. Tu es bien plus troublé que les autres fois et si je ne fais toujours pas d’erreurs, c’est à cause de lui que tu es dans cet état depuis un moment…

 

    Elle le regardait amicalement, Anthony était surpris que Sophie lui parle aussi ouvertement, mais en même temps cela lui ressemblait bien. Elle était perspicace et avait compris de suite.

 

    — Très bien, tu as gagné, se résigna-t-il. Je l’ai croisé dans un resto où Dim et moi allons très souvent. Je l’ai revu dans la salle de sport où je vais, et puis au supermarché. J’évite d’y retourner de peur de le croiser à nouveau. Il m’obsède depuis le premier jour. Je ne sais pas quoi faire pour le chasser de ma tête. Il me hante jour et nuit. L’autre jour, mon frère a insisté pour qu’on aille manger ensemble et il a insisté pour aller dans ce resto où je l’avais croisé, j’ai refusé mais il n’a rien voulu entendre. Il drague l’une des serveuses. 

 

    Anthony s’arrêta un moment et bu enfin une gorgé du café, maintenant tiède, que lui avait apporté sa patronne. 

 

    — Ce soir là, il est arrivé. J’ai cru que mon coeur s’arrêtait. Je suis sorti prendre l’air, histoire de me remettre, et puis il est ressorti. Il m’a parlé de banalités. Je n’arrivais même pas à aligner deux mots… Tu … tu as raison. Il m’attire comme jamais personne ne m’a attiré jusqu’à maintenant mais j’ignore si je suis amoureux de lui. De toute façon cela ne changerait rien de le savoir. Lui se fiche sans doute de moi, dit-il avec peine. 

    — Antho, ne pense pas pour les autres. Tu ignores tout de lui, et tu ne seras fixé que si tu lui parles. 

    — Facile à dire. Je vais prendre le râteau de ma vie surtout que rien ne laisse à penser qu’il pourrait être gay.

    — Penses-tu qu’il soit venu dans cette agence par hasard ?

    — Evidemment ! 

    — Moi j’en doute, sourit-elle. 

    — Hein !

    — Je l’ai vu la veille de sa venue. J’ai eu un doute, mais aujourd’hui je sais qu’il te suivait. Il a regardé la vitrine mais il semblait chercher quelqu’un. Lorsqu’il t’a aperçu, il a souri et il partit. Et le lendemain, le revoilà…

    — Impossible… Tu te trompes. Il a dû passer par là par hasard ce jour là et il est revenu le lendemain, voilà tout, tenta d’expliquer Anthony. 

    — Ok… Tu avais l’air étrange après votre coup de téléphone, il t’a dit quelque chose ?

    — Lorsque je lui ai proposé d’aller visiter les biens que j’ai trouvé, il était enthousiaste mais quand je lui ai demandé de me retrouver ici samedi à treize heures trente…, je ne sais pas je me trompe certainement, mais il a semblé lointain.

    — Lointain ? 

    

    Anthony expliqua alors à Sophie que c’était une sensation mais pendant quelques instants, Nathan avait presque l’air embêté. L’agent immobilier ne réussissait pas exprimer ce qu’il avait ressenti alors. 

 

    — Je vois. Tu lui a proposé de vous rencontrer plus tard, je suppose ?

    — Oui, mais il a dit que ça lui allait.

    — Alors peut-être voulait-il que votre rendez-vous s’avance, pensa-t-elle à haute voix.

    — Comment ça ? répondit-il surpris.

    — A partir de quelle heure est-il dispo samedi ?

    — Il m’a dit qu’il finissait à midi. Pourquoi ?

 

    Sophie pensait avoir compris mais rien était sûr évidemment. 

 

    — Alors peut-être avait-il espéré que vous déjeuneriez ensemble avant d’aller faire les visites. 

 

    Impossible que cela soit cela. Anthony n’y croyait absolument pas. 

 

    — Je ne pense pas non, répondit Antho. 

    — Comme tu veux. Aller, je retourne bosser, dit Sophie en lui faisant un clin d’oeil.

    — Merci et désolé, reprit-il. 

    — Pas de problème. Mais va lui parler, ok !

    

    La patronne quitta le bureau de son ami et regagna le sien. Cette conversation avait remué les tripes d’Anthony. Sophie lui avait fait comprendre qu’il ne pouvait pas savoir ce que pensait Nathan et que le meilleur moyen de savoir c’était de lui parler ouvertement. Encore fallait-il en avoir le courage…

 

—————

 

    Anthony s’était décidé à parler à son frère. Sa conversation avec Sophie lui avait fait beaucoup de bien néanmoins il devait aussi une explication à Dimitri. Seulement, il ignorait comment son frère allait prendre cette nouvelle, lui avait déjà un mal fou à admettre qu’il était attiré par un autre homme…

 

    Le cadet cuisinait encore lorsque Dimitri arriva. Dans le petit appartement, une bonne odeur s’échappait de la cuisine et depuis le palier, on pouvait la sentir. Dimitri sonna et entra directement, il se savait attendu et ne prit pas le soin d’attendre que son frère lui hurle d’entrer. 

 

    — Salut Antho, dit Dimitri en pénétrant dans la cuisine. 

    — Salut, répondit le cadet. 

    — Ca sent bon, comme d’habitude, félicita l’aîné. Tu as l’air de meilleure humeur, je suis content. 

    — Merci Dim. Oui je vais mieux, même si c’est pas encore le top, avoua-t-il. 

 

    Anthony prit deux bières dans le frigo et avec son frère alla dans le salon. Ils s’installèrent dans le canapé et discutèrent de banalité. Dimitri avait abandonné l’idée de faire parler son frère, il préférait attendre qu’il vienne de lui-même. Il pensa d’ailleurs que c’était pour cela que son cadet l’avait invité ce soir. 

 

    La soirée avançait tranquillement. Cela faisait un moment que les deux frères n’avaient pas passé une soirée aussi apaisante. Anthony semblait être sorti de sa déprime et cela ravissait Dimitri. 

 

    Le repas préparé par Anthony se révéla être délicieux, comme chaque fois. Il y avait plusieurs année, il avait pris quelques cours de cuisine, car il avait marre de manger des plats tout prêt et sans goût. Depuis, il préparait quasiment tout lui même. Il n’avait pas eu le temps de faire un dessert, celui qu’il servait venait de la boulangerie en bas de la rue. Tout y était bon, il ne se privait jamais de se faire plaisir en achetant des pâtisseries de temps en temps.

 

    — Je suis content. Tu sembles aller mieux, mais il y a quelque chose qui cloche, affirma Dimitri. 

 

    Antho soupira et posa la tasse de café qu’il venait de prendre. Il détourna son regard de son frère. Presque honteux. Ses mains se mirent à trembler, mais Dimitri s’en aperçut. 

 

    — Antho, dit-il tendrement, dit-moi…

 

    Le cadet releva lentement ses orbes vers son frère. Toujours honteux, comme lorsqu’il était gamin quand il faisait des bêtises et qu’il se faisait prendre la main dans le sac. Mais Dim était inquiet et il lui devait une explication. 

 

    — Je… je ne sais pas comment tu vas le prendre, Dim. Et ce n’est pas facile à dire…

    

    Au début, Dimitri voulait tenter la plaisanterie en lui demandant s’il s’était marié en cachette, ou s’il était devenu papa mais le regard que lui montrait Antho, le fit se raviser. Il ne l’avait encore jamais vu ainsi. 

 

    — Dit-le comme ça te vient et prends le temps, ok. Et puis, je te rappelle que je suis ton frère et que la famille c’est nous deux. Jamais je ne te laisserais tomber, sourit-il. 

    — Je sais. Merci, Dim…

 

    Anthony prit une profonde inspiration, et se jeta à l’eau, comme on dit.

 

    — Je … je suis amoureux…

 

    En écoutant son frère, Dimitri se demanda pourquoi il était si difficile pour Antho de lui dire qu’il aimait quelqu’un… A moins que Vanessa lui plaise aussi !

 

    — Il s’appelle… Nathan…

 

    Voilà c’était dit, pourtant il ne se sentait pas plus soulagé. Il attendait la sentence de son frère. 

 

    — Tu sais que tu m’as fichu la trouille, Antho ! 

    — Hein ! ?

    — J’ai cru un moment que tu allais me dire que Vanessa te plaisait et que tu m’avais menti l’autre jour pour ne pas me faire du mal.     

    

    Anthony regarda son frère, surpris. Avait-il compris les mots qui lui avait dit ou ne pensait-il vraiment qu’à cette fille ? Puis, Dimitri riva ses orbes à ceux de son cadet, et sourit. 

 

    — Tu pensais que j’aillais te renier par ce que tu es amoureux d’un mec ? T’es dingue, je ne pourrais jamais faire ça. Tu es mon petit frère et je t’aime tel que tu es. Et si tu trouves le bonheur dans les bras d’un homme, alors je serais heureux. Ton bonheur est ce qu’il y a de plus important pour moi, conclut-il avec un clin d’oeil.

    

    Antho ne disait toujours rien. Il ne pensait pas que son frère réagirait ainsi, et il en fut soulagé. 

 

    — Tu sais je m’en doutais depuis longtemps. 

    — Comment… ça ?

    — Quand tu étais petit, tu voulais te marier avec l’un de tes copains, mais tu ne dois pas t’en souvenir, tu étais petit. Et puis, je t’ai souvent vu mater des mecs au lycée et à la fac. Mais tu n’en as jamais fait allusion. 

    — Je ne me souviens pas.

    — Alors, qui est ce Nathan ? lui demanda-t-il.

 

    Anthony, qui se sentait mieux, se lança dans la description de Nathan et expliqua à son frère où et comment il l’avait vu la première fois – Dimitri comprit pourquoi il ne voulait plus aller à « l’Escale » – et comment il l’avait retrouvé à l’agence immobilière où il travaillait. Tout au long de sa narration, Antho tremblait rien qu’en évoquant Nathan et ses joues se teintèrent de rouge à de nombreuses reprises. 

 

    — Pourquoi ne pas lui avoir parlé de tes sentiments ? lui demanda Dim.

    — Tu crois que c’est simple ? Il s’agit d’un mec ! Tu as déjà du mal à approcher une fille, comment tu peux penser que c’est plus facile pour moi ?

    — Je vois. Pardon, Antho. 

 

    Le ton de Dimitri était sincère et son cadet ne lui en voulait pas. 

 

    — Que comptes-tu faire ?

    — Rien, sans doute, répondit tristement Anthony.

    — Te laisse pas aller, d’accord ! Tu le vois demain, c’est ça ?

 

    Antho acquiesça.

 

    — Ok. S’il te demande d’aller boire un verre, ne refuse pas. 

    — Pourquoi ferait-il ça ?

    — Pour te remercier de ton travail, par exemple. Et s’il le fait, reste le plus possible avec lui. Essayes d’en savoir plus sur lui. Fais connaissance. 

    — Je ne réussis pas à aligner deux mots lorsqu’il est là, comment je pourrais tenir une conversation ? 

    — Laisse-toi porter par le moment, l’encouragea-t-il.

    

    Plus facile à dire qu’à faire…

 

A suivre…

 

Comprendre, accepter, aimer.

Par Shiroitora-lili

 

Chapitre 2

 

    Derrière son bureau, Anthony rêvassait. Depuis la veille au soir, après que Dimitri soit parti, il ne pensait qu’à leur conversation, et à Nathan. Il avait peu dormi et cela se voyait. Il avait été d’abord surpris par son frère. Il avait accepté le fait qu’il soit sans doute gay, plus facilement que lui-même. Son soutien était important également. Il ne l’avait pas laissé tomber comme cela arrive encore trop souvent au sein des familles où l’un des membres fait son coming-out. Cependant, une part de lui savait que Dimitri ne le laisserait jamais seul, et surtout pas dans un moment comme celui-ci. 

 

    Aujourd’hui était le jour où il rencontrerait Nathan pour les visites des biens qu’il avait dénichés. C’était la première fois également où il pouvait se préparer à cette rencontre. Mais plus l’heure approchait et plus il paniquait, pourtant personne ne lui demandait rien de plus que de faire son travail et ça il savait faire, mais avec celui qui le hantait c’était différent…

 

    N’ayant pas d’appétit, trop perturbé pour cela, Anthony se plongea enfin dans le travail. Il prépara ses visites. Il y avait trois locaux et un terrain. Il prit quatre pochettes pour y glisser les documents sur lesquels se trouvaient les plans avec les métrés, la superficie totale, diverses informations et les clés.  Sur chacune des pochettes, il inscrivit l’adresse du bien. Il ne lui fallut pas très longtemps pour faire cela, puisqu’il était toujours organisé mais cela lui avait changé les idées. Un peu. 

 

    Nerveux, alors que l’heure fatidique de son rendez-vous se rapprochait de plus en plus, l’agent immobilier alla dans la cuisine de l’agence pour se faire un café. A la première gorgée, il se détendit, légèrement. Pas longtemps. Il était seul à l’agence et depuis la cuisine il n’avait pas entendu le bruit de la porte d’entrée, ce léger tintement de clochette lorsque quelqu’un l’ouvrait.

 

    — Il y a quelqu’un ? s’écria une voix qu’Anthony n’eut aucun mal à reconnaître. 

    

    Il prit une profonde inspiration avant de se manifester. 

 

    — Oui, je suis là, dit-il en allant à la rencontre de son client, tasse à la main. 

    

    Nathan lui offrit le plus beau des sourires, ce qui ne manqua pas de déstabiliser l’agent immobilier. 

 

    — Salut Anthony, je suis content de te revoir, dit le moniteur. 

    — Bonjour Na… Nathan, répondit timidement l’agent. 

    — Je te dérange, tu veux que je revienne dans dix minutes, demanda Nathan. 

    — Hein ! Non… Non, tu ne me déranges pas. Pourquoi…

    

    Mais il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, que Nathan reprit.

    

    — Tu es en train de boire ton café, et je suis en avance, je peux te laisser le temps de finir de déjeuner. 

    — Ha oui ! Mince, j’avais oublié que j’avais ma tasse. Désolé, cela ne se fait pas devant les clients. 

    — Pas de soucis, cela ne me dérange pas, sourit Nathan.

    — Je reviens.

 

    Anthony était en train de dire adieu à son café quand les paroles de son frère lui revinrent en mémoire : «  Laisse-toi porter par le moment ». Il fit demi-tour et revint vers son client. 

 

    — Ca te dit un café avant d’y aller ? demanda-t-il la voix tremblante. 

 

    Le visage de Nathan changea. Il devint presque rayonnant. Il accepta l’invitation, un large sourire au bord des lèvres.

 

    — Merci, oui. Je suis un grand buveur de café, avoua le moniteur. 

 

    Ah ! Tient, Anthony aussi buvait des litres de café. Cela leur faisait au moins un point commun. L’agent invita son client à le suivre dans la cuisine et lui versa le breuvage noir dans une tasse en carton. 

 

    — Humm, il est très bon. 

    — Merci, apparemment c’est la raison pour laquelle mes collègues préfèrent que ce soit moi qui le fasse. Du coup c’est toujours moi qui m’y colle, dit en souriant enfin Anthony.

    — Tes collègues ont raison. Ton café est très bon, le complimenta-t-il.

 

    Anthony se sentit rougir. Et de la manière où Nathan le regardait à présent lui fit prendre une teinte plus prononcée. Nathan avait parfois le regard envoutant, presque transperçant. Antho n’arrivait pas à décrocher son regard de celui de son vis-à-vis et il sentait sa poitrine se comprimer comme jamais. Il avait du mal à reprendre contenance. 

 

    — Tu rougis, c’est mignon, murmura Nathan. 

 

    Mais à l’instant même où ces mots sortirent de la bouche du moniteur, il rebondit sur les biens pour lesquels ils devaient se voir. Anthony ne savait plus où se mettre, ni même s’il avait bien entendu les mots prononcés par son client. 

 

    — Du coup, combien de visites pour aujourd’hui ? 

 

    Le ton de Nathan avait changé. Moins enjoué. Plus fermé. Il ne souriait plus de la même manière. Que lui arrivait-il ? Antho se recentra.

 

    — Quatre. Un terrain et trois locaux.

    — Merci d’avoir fait si vite. 

    — Tu me remercieras quand tu auras signé les compromis de vente. 

    

    Les deux hommes se mirent en route. D’un commun accord, il fut décider qu’ils prendraient la voiture d’Anthony. Naturellement, il se mit derrière le volant. Nathan ne parlait plus, il semblait même absent. Les rares fois où ils s’étaient vus et parlés, il paraissait pourtant plus loquace. Il fallut presque dix minutes à l’agent immobilier pour réaliser qu’à ses côtés se trouvait un moniteur.

 

    — Tu ne serais pas en train de m’observer conduire ? réussit à demander Anthony.

 

    Il n’était pas sûr de l’effet que ferait sa question, mais il espérait faire de nouveau sourire celui qui se trouvait près de lui. Cela n’avait pas été simple pour lui de lui poser cette question. Chaque fois qu’il était en sa présence, il perdait tous ses moyens. Mais les conseils de son aîné lui trottaient encore dans la tête et il devait admettre que Dimitri avait raison. 

 

    Nathan se tourna vers le conducteur, l’air stupéfait au début et puis doucement, il sourit avant de répondre. 

 

    — Je suis en week-end, tu sais. J’en fais assez la semaine, sourit-il. 

    — Même pas du coin de l’oeil ? tenta de plaisanter l’agent immobilier.

 

    En vérité, il prenait beaucoup sur lui mais cela en valait la peine. 

 

    — Absolument pas. Mais si tu le demandes, je veux analyser ta conduite, le taquina-t-il. 

    — En fait, non ça ira…

 

    L’ambiance s’allégea entre eux et cela leur plaisait. Bientôt ils arrivèrent à l’endroit où Anthony avait déniché le terrain. 

 

    — Voilà, nous y sommes. Comme tu peux le voir, c’est en friche. Il y a tout à faire. 

    — Je vois, mais ce n’est pas vraiment un soucis. Je te l’ai dit j’ai de la marge.

    — Je ne pensais pas qu’un moniteur gagnait aussi bien sa vie, dit Antho sans vraiment réfléchir. 

    

    Nathan se tourna vers lui. Jusqu’à lors, il se préoccupait plus du terrain que de l’agent immobilier. 

 

    — Désolé. Pardon. Je n’aurai pas dû. Cela ne me regarde pas, s’excusa-t-il honteux. 

    — Pas de problème. Vraiment. Tu as raison, ce n’est pas avec mon salaire de mono que je peux m’offrir ça. Ma grand-mère paternelle est décédé il y a plusieurs mois. Elle nous a légué la maison familiale avec un grand parc. Tout revenait à mon père mais il a divisé l’héritage en trois. Une part pour ma soeur. Un part pour lui et ma mère et une pour moi. Et puis, j’ai quand même réussi à mettre un peu d’argent de côté puisque j’habite, encore pour le moment, chez mes parents. 

    — Je suis désolé pour ta grand-mère. Tu pourrais aussi voir avec les banques, non ?

    — Moins j’emprunte et mieux je me porte. Et puis, au moins j’investis l’argent de ma grand-mère, sourit Nathan.

    — Tu as raison. Du coup, tu en penses quoi ?

    — C’est pas mal. Il n’y a personne autour, ce qui est bien car le bruit des motos pourrait déranger. On peut en reparler après avoir vu les locaux ?

    — Oui, bien sûr. Allons-y…

 

    Anthony n’arrivait pas à cerner son client. Il ne réussissait pas à voir si ce qu’il venait de lui montrer lui plaisait ou pas. D’un côté plus émotionnel, il ne percevait absolument rien. Il n’avait pas l’habitude, certes, des sentiments qui l’envahissaient mais il avait déjà dragué des nanas et été dragué par elles. Mais là, rien. Enfin, si… Il y avait eu ces mots, plutôt : « Tu rougis, c’est mignon ». Mais les avait-il seulement prononcé ? Anthony n’espérait rien de toute façon. Les sentiments qu’il ressentait pour Nathan n’étaient pas commun et pas facile à avouer. Jamais, il ne fera le premier pas. Pas question de se rendre ridicule devant lui…

 

    Alors qu’il se perdait au fond de ses réflexions, Nathan l’interpella. 

 

    — Tout vas bien ? s’inquiéta-t-il.

    — Hein ?

    — Tu es de nouveau tout rouge et tu es perdu dans tes pensées. 

    — T’inquiète pas. Ca va, ça va. Merci. Allons-y…

 

    La voiture de l’agent immobilier se remit en route. Une trentaine de minute plus tard il arrivèrent devant le premier local. 

 

    — Voici le premier local.

 

    Les deux hommes descendirent de la voiture et pénétrèrent dans le local commercial. Il y avait tout ce que Nathan avait demandé, mais le terrain était bien trop loin. 

 

    — Je sais mais dans le coin, je n’ai encore rien trouvé. 

    — Je comprends, t’affoles pas. Ce local n’est pas mal du tout. 

    — Mais tu ne veux rien dire avant d’avoir vu les autres, c’est ça ?

    — Tout à fait, répondit Nathan avec un large sourire. 

 

    Les autres locaux se trouvaient quasiment dans le même coin. Ils arrivèrent sur place assez rapidement. Les visites avaient été aussi rapides que pour le premier local. Nathan réussissait à se projeter dans les différents biens que lui avait proposé Anthony mais le problème restait le fameux terrain. Celui que l’agent immobilier avait dégoté se trouvait bien trop loin des locaux. 

 

    Afin de débriefer tranquillement, Nathan proposa à Anthony d’aller boire un café non loin de là. L’agent immobilier accepta, ne perdant pas de vu les conseils avisés de son frère. 

 

———

 

    Installés à l’intérieur, ils étaient plus au calme pour discuter. Ils avaient commandé leur café et Anthony avait sorti tous ses papiers pour faire le point. Nathan lui expliqua que tout ce qu’il avait vu était ce qu’il cherchait mais le terrain et les locaux étaient bien trop éloignés. 

 

    — Je comprends. Du coup, je garde tout et dès que j’ai quelque chose plus près du terrain ou des locaux je t’appelle, dit professionnellement l’agent immobilier.

    — Tu es très sérieux d’un coup. Mais ok on fait comme ça, alors. 

    — Je suis toujours sérieux quand je travail, affirma l’agent immobilier.

    — C’est ce que j’ai vu, oui. Tu reprends un autre café ?

    — Merci, mais non. Je dois retourner à l’agence, dit-il simplement. 

 

    Une fois encore, Nathan changea d’expression de visage. Une fois encore, Anthony ne savait plus quoi dire. L’air jovial de son client avait disparu. Pourquoi ? Et si soudainement en plus.

 

    — Très bien. On y va alors, confirma Nathan. 

 

    Les deux hommes se dirigèrent vers le comptoir afin de régler leur note, mais avant qu’il n’ait pu payer, Anthony se vit devancer par son client. 

 

    — C’est pour moi, intervint le moniteur en souriant. 

    — Mais…

    — Pas de mais ! Je te dois bien ça. Tu as fait du bon boulot avec ses biens que tu m’as présenté. 

    — Bon très bien, se résigna l’agent immobilier devant l’insistance de son client. 

 

———

 

    La voiture était garée non loin de l’agence immobilière. Les deux hommes marchaient côte à côte. Le silence pesait. Anthony avait appréhendé cet après-midi et tout compte fait cela c’était très bien passé. Nathan était sympathique, et avait le sourire facile même si parfois il le quittait aussi vite qu’il était apparu. 

 

    — Merci pour les visites, dit Nathan. 

    — Merci pour le café, répondit l’agent immobilier. Je te tiens au courant pour d’autres visites rapidement. 

    — Très bien. A bientôt alors.

 

    Les deux hommes se serrèrent la main puis alors qu’Anthony allait ouvrir la porte de l’agence, Nathan l’interpella.

 

    — Anthony ! 

    — Oui ?

 

    Le moniteur sembla réfléchir.

 

    — Non rien, désolé. A bientôt. 

 

    Puis, il rejoignit son véhicule, le mit en marche et s’éloigna de l’agence immobilière. Anthony était resté coi sur le perron de l’agence. Que voulait Nathan ?

 

—————

 

    Ce samedi, Vanessa – la serveuse de « l’Escale » – était de repos et elle en avait profité pour appeler Dimitri, qui lui avait tapé dans l’oeil mais elle se garda bien de lui avouer. Dimitri avait réussi à lui donner son numéro la dernière fois qu’il avait été dans l’établissement où travaille la jeune femme. Elle lui avait promis de réfléchir à l’appeler et elle l’avait finalement fait. Dimitri était comme un dingue, il jubilait à tout va et avait un large sourire sur le visage depuis le coup de téléphone de sa belle. Ils avaient parlé un long moment au téléphone avant que Dimitri ne suggère une sortie pour le soir même.

 

    — Ca te dirait de sortir ce soir ? lui demanda Dimitri.

    — Oui, pourquoi pas, répondit-elle. 

 

    Dimitri était heureux, et ne manqua pas de le dire à la jeune femme. 

 

    — On mange un bout et ensuite c’est toi qui décide. Ciné. Boite. Bowling… 

    — Ok, alors bowling, je connais un super endroit.

    — Super ! Je te récupère où ? demanda le jeune homme.

    — Chez moi si tu veux.

 

    Vanessa lui transmit son adresse. Tous les deux avaient hâte de se voir. Avant de couper la communication, ils bavardèrent encore un moment, parlant de tout et de rien. 

 

    A peine Vanessa avait-elle raccroché que la sonnette de son petit appartement retentit. Cela devait être son frère, il lui avait dit qu’il passerait sans doute. Elle alla ouvrir et en effet, c’était Nathan.

 

    — Nathan ! Qu’est-ce que tu as ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette, demanda la jeune femme inquiète.

 

    En effet, son frère avait une triste mine. D’habitude, il était enjoué et souriant mais pas ce soir. 

 

    — Rien, ça va. T’en fait pas.

    — Comment ça, ne pas m’en faire ? T’es dingue ! Tu as vu ta tête ? 

    — Vaness, je vais bien, tenta-t-il de la rassurer. 

    — Ok, j’annule mon rencard et on va discuter, dit-elle en attrapant son téléphone. 

 

    Pour elle, son frère était plus important, alors s’il lui fallait annuler son rendez-vous avec Dimitri alors elle le ferait. Et puis si Dimitri était un mec bien alors il comprendrait. Vanessa allait appuyer sur la touche d’appel lorsque Nathan l’en empêcha. 

 

    — Je ne veux pas que tu renonces à sortir, juste parce que j’ai une sale tête. 

    — Mais…

    — Pas de mais ! Raconte… qui c’est ?

    

    La jeune femme dut se résoudre. Son frère et elle étaient très proche et en général ils se disaient tout, sauf que pour son frère cela intervenait toujours plusieurs jours après. Il lui fallait le temps, il réfléchissait souvent un peu trop. Elle décida donc de répondre à sa question. 

 

    — C’est un type qui vient régulièrement au resto des parents. Ca fait un moment qu’il me tourne autour et il y a quelques jours, il m’a donné son numéro et m’a demandé de l’appeler un de ces quatre et je l’ai fait tout à l’heure parce qu’il me plait.

    — Il a l’air correct, il ne t’a pas demandé ton tel. Et du coup vous sortez ce soir ? 

    — Oui, on mange ensemble et ensuite il m’a laissé choisir. On ira faire un bowling. 

    — Amuse-toi bien alors et essaye de ne pas trop le ridiculiser au bowling, lui sourit-il.

    — Promis, je ferais attention à perdre, parfois. 

 

    Ils se mirent à rire. Vanessa était douée pour ce sport mais elle avait toujours refusé de faire partie d’une équipe. Pourtant, dans la salle où elle allait, venait également l’équipe de la ville. L’entraineur lui avait demandé plusieurs fois de rejoindre l’équipe mais elle avait refusé chaque fois. Pour elle, ce n’était qu’un passe temps et elle ne souhaitait pas en faire son métier. 

 

    — Je vais te laisser alors, dit Nathan. 

    — Dis moi ce qu’il y a, sinon je ne penserais qu’à ça, tu me connais.

    

    Nathan prit une profonde inspiration et accepta, pour une fois, de parler de suite. 

 

    — Je suis amoureux, avoua-t-il. 

    — Si c’est le cas pourquoi fais-tu cette tête ? 

    — Je ne lui ai encore rien dit. 

    — Hein ! Toi ! Tu ne lui as encore rien dit ! Bizarre… raconte comment il est, comment il s’appelle ?

    — Je l’ai vu au resto des parents aussi, il y va avec son frère, au début j’ai cru que c’était son mec mais un jour j’ai pu lui parler vite fait et j’ai appris que c’était son frère. Je l’ai croisé aussi à la salle de sport, au supermarché, dans le quartier où on habite. Je l’ai suivi jusqu’à son travail et j’ai vu qu’il était agent immobilier. C’est à lui que je me suis adressé pour mon nouveau local et ma piste moto. J’ai fait comme si c’était une coïncidence mais c’en était pas une. Je ne pense plus qu’à lui. 

    — Pourquoi tu ne l’invites pas à dîner ?

    — Chaque fois que j’ai envie de lui demander, j’ai comme une boule dans le ventre. 

    — Comment ça ?

    — J’ai peur qu’il refuse et qu’il se rende compte que je suis gay et qu’il me plait. 

    — Mais enfin, cela ne te ressemble pas. D’habitude tu ne prends pas autant de gants.

    — Je sais oui. Mais il est différent. Je ne veux pas aller trop vite et lui faire peur, surtout s’il est hétéro comme je le pense. 

    — Et si c’est vraiment le cas ?

    — Alors je serais contraint de me résigner à soit rester ami avec Anthony, soit …

    — Attends une seconde… Il s’appelle Anthony ? Et il va souvent au resto ?

    — Qu’est-ce qu’il y a ? 

    — Dimitri vient souvent avec son frère au resto, et je crois qu’il s’appelle Anthony…

 

    Nathan écarquilla les yeux et les riva dans ceux de sa soeur. 

 

    — Je pourrais demander à Dimitri des infos sur son frère, annonça la jeune femme. 

    — Non. Il pourrait penser que tu t’intéresses à son frère. Et puis, ça ne se fait pas.

    — Ou alors on se fait une sortie à quatre…

    — Non plus…

    — Mais enfin Nathan ! 

    — Penses à toi d’abord, ok. Moi je vais me débrouiller. S’il s’avère qu’ils sont bien frères, on verra à faire une sortie tous ensemble plus tard. Là ça ressemblerait plus à un plan galère pour Dimitri. 

    — Tu as raison… Désolée. 

    — Ne t’excuse pas. Je sais que tu veux m’aider, mais là ce n’est pas le bon moment. Alors je veux que tu me promettes que ce soir tu ne chercheras pas à prendre des infos sur Anthony ni même d’essayer de savoir si mon Anthony est bien le frère de Dimitri. 

    — D’accord, je te le promets. Mais si c’est Dimitri qui en parle ?

    — Vaness !

    — Ok, ok je te promets de ne pas me mêler de ça, sourit-elle. Il te plait tant que ça ?

    — T’as pas idée…

 

    La jeune femme était heureuse pour son frère. Elle l’avait déjà vu amoureux, évidemment, mais là elle voyait une lueur dans le regard de Nathan qu’elle n’avait jamais vu auparavant. Et bien qu’elle lui avait promis de ne pas s’en mêler, elle se jura d’au moins savoir si les deux Anthony étaient bien en réalité qu’une seule et même personne, et si son frère avait des chances de le séduire. 

 

—————

 

    Nathan ne souhaitait pas rester seul chez lui, il décida alors de se rendre à la salle de sport. Se fatiguer le corps lui ferait sans doute du bien. Du moins l’espérait-il… 

 

    Arrivé au club sportif, Nathan se rua presque sur la première machine de libre. Un rameur. Après avoir échauffé ses muscles afin de ne pas se blesser, il s’installa sur la machine et commença l’exercice. Il tirait sur le cordage. Lentement au début, puis de plus en plus fort, et de plus en plus vite. Il tentait de faire sortir Anthony de sa tête. Le plus difficile pour lui était de ne pas connaître l’orientation sexuel de celui dont il était tombé amoureux. Il n’osait pas le draguer ouvertement à cause de cela et cela le minait. 

 

    Chaque fois que Nathan se trouvait en la présence d’Anthony, il perdait ses moyens. Son coeur ne cessait de battre dans sa poitrine. Ses mains tremblaient. Et même s’il faisait très attention à ne rien montrer, il doutait de pouvoir toujours lui cacher ses véritables sentiments. Ce moment où il sera découvert, il le redoutait. La peur s’emparait de lui, dès qu’il y pensait. Il s’entendait bien avec Anthony et s’il ne pouvait l’aimer, il espérait au moins pouvoir être ami avec lui. Même s’il devait en souffrir.

 

    Il tira sur la corde du rameur pendant une bonne demi-heure. La transpiration s’était emparée de son corps. La sueur ruisselait sur sa peau. Son t-shirt se collait à lui. Il ne pensait presque plus à rien. Presque… Après une pose d’une dizaine de minute, Nathan s’installa sur un vélo d’appartement qui venait de se libérer. Et se remit à faire de l’exercice.

 

———

 

    Dimitri et Vanessa passaient un bon moment au restaurant. Ils apprenaient à se connaître autrement que client et serveuse. Ils avaient plusieurs points en commun et de nombreux à l’opposés, mais ils semblaient s’en accommoder. La jeune femme riait parfois aux éclats, et Dimitri en était ravi. 

 

    Cependant, chacun de leur côté, ils ne pouvaient s’empêcher de penser à leurs frères respectifs. Ils étaient inquiets mais ne souhaitaient pas gâcher cette soirée en parlant de ce qui les préoccupait. D’autant à un premier rendez-vous… 

 

———

 

    Après l’après-midi passé avec Nathan, Anthony se sentait seul. Il était dans son appartement et ruminait. Pourquoi ne pas lui avoir proposé de dîner ensemble ? Pourquoi ne pas avoir fait traîner un peu plus les visites pour rester plus longtemps avec lui ? En fait, il savait pourquoi. Il avait peur. Peur de se dévoiler. Peur de l’effrayer. Peur que Nathan le prenne pour un pervers. Peur de perdre le début d’amitié qui les unissait. Peur, tout simplement.

 

    Anthony était de nature timide avec les personnes qu’il ne connaissait pas. Il lui était donc difficile de faire le premier pas vers Nathan, d’autant plus qu’il s’agissait d’un homme. Anthony ne savait pas quoi faire. Devait-il se jeter à l’eau au risque d’être rejeté ou devait-il passer à autre chose ? Pourquoi avait-il fallut qu’il tombe amoureux d’un homme ? Il soupira lourdement. 

 

    Après plusieurs heures de réflexion, son estomac le rappela à l’ordre. Il n’avait ni envie d’aller manger au resto, ni même de se faire à manger. 

 

    — Alors, pizza ou chinois ? se demanda-t-il à voix haute.

 

    Il regardait avec attention le menu de chacun des établissements. Il connaissait parfaitement bien la pizzeria mais pas du tout le chinois. Il scrutait les plats et il devait admettre qu’il n’avait pas mangé chinois depuis des lustres. Il aimait pourtant ça. Il s’attarda un peu plus sur le morceau de papier, et il vit que le restaurant n’effectuait pas les livraisons. Il n’avait pas envie de sortir. Gros dilemme. 

 

    — Tant pis ! se dit-il en prenant le téléphone. J’irais chercher ma commande.

 

    Il appela le restaurant et passa sa commande. Tout lui faisait tellement envie qu’il en prit pour au trois ou quatre personnes, se disant qu’il en aurait pour le lendemain. Presque quarante minutes plus tard, Anthony quitta son appartement afin d’aller récupérer son dîner. En voiture, il ne lui faudrait qu’une dizaine de minutes pour rejoindre le restaurant. L’établissement se trouvait non loin de la salle de sport, où il n’allait plus depuis plusieurs jours. Passer devant le bâtiment, lui fit prendre conscience que c’était dommage de ne plus y aller. De plus, maintenant il connaissait Nathan, cela lui donnait presque une excuse pour retourner s’entraîner.

 

    Il  gara sa voiture en face de l’établissement, traversa la route et pénétra dans le restaurant. Une bonne odeur vint lui chatouiller les narines. Même s’il avait dû faire le déplacement, il ne le regrettait pas. Sa commande était prête. Il ne lui restait plus qu’à régler la note, à rentrer cher lui et se mettre à table. En quittant le restaurant, il regretta presque d’être seul pour dîner, d’autant qu’il y en avait pour un régiment. S’il en avait le courage…

 

    Il attendait sur le trottoir. Il voulait traverser afin de rejoindre sa voiture mais la circulation était un peu plus dense qu’à son arrivée. Il dut patienter jusqu’au moment où le dernier véhicule passe devant lui. Au moment pile où il allait s’engager sur le passage pour piétons, il entendit une voix l’interpeller. 

 

    — Anthony !

 

    Le-dit Anthony se retourna. 

 

    — Que fais-tu dans le coin ? lui demanda la voix. 

    — Je … je suis venu chercher à manger. 

    — Tu attends du monde, je ne vais pas te retenir plus longtemps alors. 

 

    Nathan, car il s’agissait de lui, ne le montra pas mais un sentiment étrange le prit. Il était jaloux. Jaloux de quelqu’un qu’il ne connaissait pas mais qui allait passer toute la soirée, au moins, avec celui qu’il aimait. Il ne pouvait que lui souhaiter une bonne soirée. 

 

    — Hein ! Non ! fit Anthony. Je me suis emporter sur la commande, tenta de sourire l’agent immobilier. 

    

    Nathan n’en croyait pas ses oreilles. Il se sentit léger d’un coup. Sa bonne humeur revint également. 

 

    — Tu en as pris pour un régiment, là ! ria le moniteur. 

    — On peut dire ça, oui. 

    

    Anthony avait ressentit comme malaise lorsque Nathan lui avait demandé s’il avait du monde pour le dîner, et lorsqu’il lui avait répondu par la négative, il s’aperçut que sa bonne humeur     était de retour. Pourquoi ? 

 

    — Tu as déjà commandé dans ce resto ? lui demanda Nathan. 

    — Non, c’est la première fois. 

    — Tu verras, c’est super bon, lui dit le moniteur. 

    — Tu as l’air de connaître. 

    — Oui, j’adore manger chinois et comme ce resto est près de la salle de sport où je vais, je m’y arrête souvent. 

    

    Anthony sentit sa poitrine se serrer. Nathan et lui avait quelques points communs, y compris celui de la nourriture chinoise. Plus il apprenait de chose sur lui, et plus il lui plaisait. 

 

    — Je ne vais pas te retenir plus, sinon tu vas manger froid. Et comme tu m’as donné envie, je vais faire comme toi, sourit Nathan. Bonne soirée. 

    — Merci. Bonne soirée. 

 

    Anthony ne voulait pas laisser Nathan mais il n’avait pas le courage de le retenir. De son côté, le moniteur pensait la même chose néanmoins, le courage lui manquait car s’il l’avait eu dans l’après midi, il l’aurait invité à dîner et ils ne se retrouveraient pas seul chacun de leur côté. Maintenant c’était trop tard…

 

    Anthony trouvait à peine le courage de partir, pourtant il traversa la route afin de rejoindre sa voiture. De l’autre côté de la route, Nathan semblait attristé. Cette vision broya le coeur d’Anthony, pourtant il mit le moteur de son véhicule en route et enclencha la première vitesse. Alors que sa voiture se mouvait, il la stoppa et ouvrit la fenêtre. 

 

    — Nathan ? l’appela-t-il. 

    — Oui ! répondit l’interpellé en se retournant.     

    

    L’agent immobilier avait du mal à trouver ses mots. Sa timidité l’emportait souvent, mais là il ne souhaitait pas laisser une chance de se rapprocher de Nathan lui échapper.

 

    — Veux-tu … te … joindre… à moi ? Pour dîner ? Il y a largement pour deux…, bégaya-t-il.

 

    De l’autre côté de la rue, Nathan crut défaillir. Celui qu’il aimait venait de faire un pas vers lui en l’invitant. Il avait parfaitement sentit l’hésitation dans la voix d’Anthony. Il commençait à espérer pouvoir passer le cap de l’amitié. Pas de suite, mais prochainement. Il ne pouvait pas refuser cette invitation.

 

    — Oui, pourquoi pas ! 

 

    Il traversa la route à son tour.

 

    — J’habite pas très loin. Je récupère ma voiture et je te retrouve… 

    — Je peux t’emmener jusqu’à chez toi et après tu me suis.

 

    Anthony ne se reconnaissait pas. Il osait. Il l’avait invité et en plus il l’allait l’accompagner jusqu’à chez lui. Ses mains tremblaient sur le volant, qu’il serrait comme jamais. 

 

    Le moniteur monta à bord et après inspirer fortement mais silencieusement, Anthony mit enfin en route sa voiture. A deux rues de là, Nathan lui indiqua qu’il pouvait s’arrêter. Et à peine une minute plus tard, les deux véhicules se suivirent. 

 

———

 

    — Entre, fit Anthony. 

    — Merci. 

 

    Les deux hommes étaient heureux mais angoissés. Tendus mais bien. Gênés mais heureux. Pour Nathan cette situation était nouvelle. En général, il était du genre à foncer dans le tas. Il n’avait jamais appréhendé le fait d’inviter ou d’être inviter mais avec Anthony tout était différent. Il lui plaisait tellement, qu’il avait peur de le faire fuir et de le perdre s’il allait trop vite, surtout qu’il ignorait encore si son vis-à-vis était gay ou pas… 

 

    L’hôte ne sentait plus ni ses jambes ni son corps. Une drôle de sensation s’était emparé de lui. Il se demandait encore comment il avait eu la force d’inviter Nathan à dîner avec lui. Mais maintenant qu’il était là, il se dit qu’il devrait essayer d’en profiter. Dans la cuisine, il prit ce qu’il leur fallait – assiettes, couverts, verres – et revint dans la pièce à vivre. La pièce était spacieuse et pouvait accueillir un coin salon et un coin salle à manger. Alors qu’il allait mettre le couvert sur la table de salle à manger, Nathan l’arrêta.

 

    — Ne préfères-tu pas qu’on se mette dans le salon ? A moins que tu n’aimes pas…

    — Ca ne me dérange pas. Mais ce n’est pas très pratique.

    — Certes mais c’est plus cool, sourit Nathan.

 

    Le sourire du moniteur faisait fondre Anthony. Il ne pouvait pas résister. Comment le pourrait-il ?

 

    — Si c’est ce que tu veux, allons-y. 

    — Super… 

 

    Nathan était heureux. Manger sur une table était sympa oui, mais c’est plus stricte, et cela faisait plus « repas en amoureux » alors que dans le salon cela faisait plus « bouffe entre potes », et pour le moment c’était ce qu’il voulait. Il souhaitait prendre son temps pour se rapprocher d’Anthony. 

 

    Les deux hommes se mirent donc à « table ». Les plats étaient encore chaud. Anthony avait vraiment eu la main lourde : nems, beignets de crevette, beignets de légume, poulet à la citronnelle, beauf aux oignons, canard laqué, riz cantonnais et le tout pour au moins trois à quatre personnes. 

 

    — Tu avais l’intention de manger tout ça ? le taquina Nathan. 

    — Je me suis légèrement emporté, répondit timidement l’hôte. 

    — Merci de m’avoir invité, reprit très sérieusement l’invité. 

 

    Leurs regards se croisèrent. Cette promiscuité gênait Anthony. Cela faisait des semaines qu’il tentait d’éviter Nathan, résultat ils avaient fini par passer l’après midi et la soirée ensemble. Il avait un mal fou à garder la tête froide. Ses mains, non, son corps tout entier tremblait. Il faisait son possible pour ne rien montrer à Nathan car s’il apprenait qu’il l’attirait que penserait-il ?

 

    Nathan, lui, essayait de profiter au mieux de ce moment. Lorsque Anthony lui avait proposer de dîner avec lui, il fut heureux et bien plus. Il se trouvait sur un nuage, se jurant de ne plus en redescendre. Pour cela, il devait séduire en douceur celui qui hantait ses jours et ses nuits depuis leur première rencontre. Pour commencer, il fallait faire plus ample connaissance. 

 

    — Désolé si je parais indiscret, et t’es pas obligé de répondre. Tu es seul un samedi soir, ta petite amie est sortie ? se lança-t-il à l’eau.

 

    Anthony écarquilla les yeux. Pourquoi lui demandait-il ça d’un coup ?

 

    — Je … suis célibataire, réussit-il à dire. Ce n’est pas être indiscret, pas de soucis. 

    — Bienvenue au club, sourit Nathan. Et tu as des vues sur quelqu’un ? le questionna-t-il.

    — Oui, répondit l’hôte machinalement. Enfin, je veux dire non, se reprit-il rapidement. 

 

    Que devait penser Nathan de cela ? 

 

    — Tu as l’air plutôt indécis.

    — C’est compliqué, c’est tout. 

    — Je sais qu’on ne se connait pas beaucoup mais si tu veux en parler, j’écouterais.

 

    Anthony sentit son coeur cesser de battre. Nathan était quelqu’un de vraiment gentil, mais comment lui dire qu’il était attiré par un homme et qui plus est, lui ?

 

    — Merci, mais je n’ai pas trop envie d’en parler. Pour le moment…

    — Je comprends… C’est vraiment délicieux, n’est-ce-pas ?

    — Oui. Je ne regrette pas d’avoir essayé ce restaurant. 

    — Et moi je suis ravi qu’on se soit rencontré et que tu m’aies invité. Merci.

    — De rien, ça me fait plaisir aussi. 

 

    Anthony souhaitait poser une question à son invité, mais n’osait pas. Il avait un peu peur de la réponse à vrai dire. Il se jeta à l’eau, quand même. 

 

    — Et toi ? Tu… tu as des vues …

 

    Nathan ne le laissa pas finir sa phrase. Il avait senti tant d’hésitation dans la voix de son amour qu’il voulut répondre, un peu trop vite peut-être.

 

    — Oui. Je suis tombé amoureux, il y a quelques mois.

 

    La mine déconfite d’Anthony fit prendre conscience à Nathan qu’il avait répondu trop franchement. 

 

    — Mais, je ne me suis pas encore déclaré. Comme pour toi, c’est compliqué. 

    — Tu as l’air sûr de toi. J’étais presque certain que tu étais plus fonceur, avoua tristement Anthony. 

    — C’est ce que je suis en temps normal. Mais là je ne veux pas le faire fuir, je tiens beaucoup trop à lui. 

 

    Le moniteur jouait cartes sur table en lui avouant son homosexualité. Ca passe ou casse, s’était-il dit. 

 

    L’agent immobilier eut un temps de réaction record. Il n’avait entendu que les mots « le » et « lui ». Nathan était gay, dommage qu’il ne l’apprenne que maintenant. La surprise se lisait sur son visage et Nathan l’interpréta mal. 

 

    — Je suis désolé si cela te choque. Je peux le comprendre, souffla-t-il. Je vais te laisser.

 

    Sa déception se voyait comme un nez au milieu d’un visage mais il ne voulait pas gêner davantage son hôte. Il se leva et s’apprêtait à rejoindre la porte d’entrée.

 

    — Pardon, dit Anthony. J’ai été surpris parce que je ne m’en étais pas douté. Ca ne change rien pour moi. Tu es quelqu’un de gentil et …

 

    Nathan ravala difficilement sa salive, qu’allait lui dire son amour ? 

 

    — Tu … n’es pas obligé de partir, réussit à dire Anthony. 

 

    Le moniteur riva sont regard à celui de son vis-à-vis. 

 

    — C’est jamais facile d’avouer ce genre de choses. En général, les gens ont du mal à comprendre, du coup quand j’ai vu ta tête après que tu aies compris, j’ai cru que tu ne voulais plus me voir. 

    — Je comprends. Mais sache que je n’ai aucun préjugé. 

    — Merci, Antho. Je peux t’appeler comme ça ?

    — De rien et oui bien sûr, sourit-il pour la première fois. 

 

    L’ambiance s’allégeait entre les deux nouveaux amis et ce n’était pas pour leur déplaire.

 

    — Tu es un chic type, lui dit Nathan. 

    — Merci, tu l’es aussi. 

 

    Anthony semblait se décrisper pour la première depuis des semaines. 

 

    — Je suis amoureux d’un mec aussi. 

 

    Anthony avait parlé sans vraiment réfléchir, mais en même temps lui dire cela, c’était un peu comme lui rendre sa confiance. Il se sentit mieux aussi. Nathan le fixa plus que ne l’observa. Etonné. 

 

    — Tu es… gay ? 

    — C’est bizarre en fait. Je suis sorti avec des filles, mais ça ne durait jamais. L’autre jour, mon frère m’a rappelé qu’au lycée je regardais davantage les garçons que les filles. J’avais oublié, mais après coup je ne suis souvenu. Je trouvais ça étrange d’être attiré par un mec, je me suis alors forcé à regarder plus les filles et l’auto-persuasion à fonctionner. Du moins jusqu’il y a peu. 

    — Ca te dérange d’être tombé amoureux d’un homme, aujourd’hui ?

    — Non. C’est juste que je ne sais pas vraiment comment m’y prendre. Et que je ne sais pas ce qu’il pense de moi…

    — Tu ne devrais pas t’en faire, ça viendra tout seul. 

 

    Cela coûtait à Nathan de lui parler ainsi. Il avait l’impression de le pousser dans les bras de ce type. Cependant, il avait encore toutes ses chances pour séduire Antho. 

 

    — Merci, tu es gentil.

 

    Les deux amis se dévoilèrent encore un peu. Leur conversation déviait dans de nombreuses directions et bien souvent, ils avaient les mêmes idées, les mêmes opinions, les mêmes envies… Ils avaient de nombreux points en commun et chacun de leur côté en était ravi. Cette première soirée passée ensemble les rapprocha plus qu’ils ne l’auraient espéré. La prochaine qu’ils se verront se sera sans doute pour faire un après-midi visite, et Nathan se le promit, ce jour-là, il l’invitera à dîner et s’il le peut, il se déclarera et tant pis pour celui qui tentait de le lui prendre. Plus il passait de temps ensemble et plus Anthony lui plaisait…

 

    Quant à Anthony, il s’était surpris lui-même en invitant ainsi Nathan, néanmoins, il ne le regrettait absolument pas. Cette soirée avait été merveilleuse, même s’il avait appris que son coeur était déjà pris. Il se surprit à espérer encore…

 

A suivre…

    

 

Comprendre, accepter, aimer.

par Shiroitora-lili

 

 

Chapitre 3

 

    Laisser Anthony, la veille au soir, fut pour Nathan un véritable crève-coeur. Tous deux s’étaient livrés, un peu du moins, et rapprochés. Une forte amitié naissait entre eux, même s’ils espéraient plus chacun de leur côté. 

 

    Nathan avait hésité durant de longues minutes avant de quitter l’appartement d’Antho. Il cherchait une excuse pour rester encore et encore, mais il n’en trouva aucune. Sur la route qui le ramenait dans la maison de ses parents, où il vivait, il ne cessait de repenser à ces moments emplis d’émotions. Comme le moment où il lui avait avoué de manière détourné qu’il aimait les hommes, ou encore celui où son amour révéla son penchant pour les hommes. Rien n’était encore perdu. Et même si Anthony avait déjà quelqu’un dans son coeur, il était possible que Nathan y trouve sa place malgré cela. 

 

    Anthony, lui, fut soulagé de voir partir Nathan. Enfin, presque. Etre en sa présence, le rendait nerveux même s’il montrait le contraire. Cette soirée, il l’avait vécu comme une tentation. Celle de se jeter au coup de Nathan pour ne plus jamais le laisser partir. Mais, il ne fit rien pour l’empêcher de partir. Comment aurait-il pu le faire alors que son coeur appartenait déjà à un autre ? Cette pensée lui brisa le coeur.

 

—————

 

    Dimitri et Vanessa avaient passé une très bonne soirée ensemble. Ils s’étaient quittés tôt le matin du dimanche. Vanessa avait résisté tant bien que mal à son envie de demander des informations sur Anthony. Elle l’avait promis à son frère et elle avait tenu parole. Et puis, à vrai dire, Dimitri était si gentil et intentionné qu’elle n’avait pas beaucoup pensé à son frère. Juste un peu en début de soirée, mais pas plus. 

 

    Dimitri l’avait raccompagné jusqu’à chez elle et n’avait pas tenté de vouloir entrer dans son appartement. Il ne le voulait pas. Pas maintenant. La jeune femme lui plaisait tellement qu’il ne souhaitait pas brûler des étapes, ni même qu’elle puisse penser qu’il ne s’agissait pour lui que d’un coup d’un soir. 

 

    — Tu es sûr de ne pas vouloir monter ? lui redemanda Vanessa. 

    — Oui, tout à fait sûr, lui sourit-il. Ce ne serait pas une bonne idée. Une prochaine fois, peut-être. 

    

    La jeune serveuse se dit qu’elle avait de la chance. En temps normal, c’est elle qui devait dissuader les hommes à monter chez elle. Elle appréciait que Dimitri refuse. C’était rare de tomber sur des hommes biens. 

 

    — Je serais ravie de ressortir avec toi, dit-elle. Appelle-moi. 

    — Puis-je t’appeler dans quelques heures ? 

    — Quand tu veux… Bonne nuit, dit la jeune fille avant d’ouvrir la porte de l’immeuble. 

 

    Dimitri la retint doucement par le bras. Elle se retourna, surprise. 

 

    — Puis-je au moins t’embrasser avant que tu ne rentres ? lui demanda-t-il. 

 

    Sa voix suave donna des frissons à Vanessa. Elle en mourait d’envie, comment une telle soirée aurait-elle pu se terminer autrement ? Aucun son ne sortit pourtant de sa bouche. Elle hocha la tête en guise d’invitation. 

 

    Dimitri s’approcha lentement de sa bien-aimée et délicatement posa ses lèvres sur celles de la jeune femme. Leurs coeurs cessèrent de battre. Une sensation de chaud puis de froid prit possession de leur corps, et cela s’accentua lorsque Dimitri approfondit ce baiser. Une danse sensuelle débuta. Le couple se laissa emporter. Ils n’entendaient plus rien autour d’eux. Leurs corps se rapprochèrent. Leur respiration se saccada. Le baiser sensuel et langoureux laissa place à une éteinte câline. Ils étaient à bout de souffle. Dimitri venait d’atteindre sa limite. Il devait partir avant de faire exactement le contraire de ce qu’il voulait. 

 

    — Bonne nuit, murmura-t-il dans le creux de l’oreille de Vanessa. 

 

    La jeune femme frissonna. Pourquoi devait-il partir ? En fait, elle comprenait et en était ravie. Dimitri la respectait, et cela était très important pour elle. L’étau qui la maintenait contre le corps de Dimitri se relâcha. Une sensation de froid prit son corps en otage. 

 

    — Rentre vite, tu vas attraper froid, lui dit-il. 

    — Oui, tu as raison. Merci pour cette soirée. Bonne nuit…

 

    Dimitri ne fit demi-tour que lorsqu’il vit la porte sécurisée de l’immeuble fermée et verrouillée. Il monta à bord de sa voiture, et rentra chez lui. Il ne regrettait pas de ne pas être resté avec Vanessa pour la nuit. Elle méritait mieux qu’un coup d’un soir et cette fois, il en était sûr, il en était vraiment tombé amoureux et ne voulait pas gâcher leur relation naissante. 

 

———

 

    Dans l’après-midi, Dimitri appela, comme promis, la belle Vanessa. Ils restèrent près de deux heures à discuter au téléphone. Un second rendez-vous fut pris pour le week-end suivant. 

 

    — Ca va être long d’attendre jusqu’à samedi soir, pour te voir, avoua Dimitri. 

    — Je ressens pareil, mais je bosse toute la semaine et avec mes horaires et ton taf pas facile de se voir en semaine. Mais on peut toujours s’appeler, lui dit-elle. 

    — C’est vrai. Alors je ne vais pas m’en priver, susurra-t-il. 

 

—————

 

    Anthony travaillait comme un acharné depuis le début de semaine pour trouver des biens susceptible de plaire à Nathan. Il avait lui-même visité plusieurs locaux commerciaux mais un seul pourrait vraiment convenir. Il désespérait, c’était nouveau pour lui. Dans son travail, il était l’un des meilleurs, et dans le milieu cela se savait. Sophie s’inquiétait de le voir ainsi.

 

    — Tu n’as pas l’air en forme, Antho, lui dit-elle.

    — Si ça va… c’est juste que je ne trouve rien de bien pour mon client. 

    — Qui ? Le gars sur qui tu as craqué ?

    — Oui, souffla-t-il.

    — Raconte. Qu’est-ce qu’il recherche ?

 

    Anthony tendit le dossier de Nathan à sa patronne qui le parcourra rapidement.

 

    — Je suppose que tu as cherché deux biens séparés ?

    — Oui pourquoi ?

    — As-tu essayé de chercher un terrain et un local au même endroit ?

    — Non ! J’avoue que non…

    — Ce type te hante tellement, que tu en oublies de penser comme un agent immo, le taquina Sophie.

 

    Elle avait raison. Il n’avait même pas pensé à cela, et ce serait pratique pour lui d’avoir tout au même endroit. 

 

    — Désolé, Sophie. Et merci…

    — Ne t’excuse pas, ce n’est rien. 

 

    Sophie se leva et quitta le bureau de son ami, mais elle se retourna.

 

    — Tu lui as parlé ?

    — Non, … pas encore…

    — Fait-le !

 

    Le ton de la patronne de l’agence n’était pas rude, mais Antho devait reconnaitre qu’elle n’avait pas tort : il devait lui parler, mais comment faire ?

 

———

 

    La fin de semaine approchait. Et Anthony n’avait rien trouvé de concluant pour Nathan. Ce qui le désespérait plus, c’était qu’il n’avait eu aucune nouvelle de son ami. Pas un coup de fil. Pas un texto. Ils avaient pourtant dîné ensemble le samedi précédent. Pourquoi attendait-il que Nathan fasse un pas vers lui ? Ne pouvait-il pas l’appeler, lui ? 

    

    — Je ne peux pas l’appeler. Je n’ai rien à lui proposer à visiter, murmura-t-il pour lui.

 

    Il souffla. Il pesta contre lui-même. Lui, l’un des meilleurs dans sa profession ne réussissait pas à dégoter un bien pour un ami, en plus ! Si au moins il avait quelque chose à lui montrer, il pourrait lui téléphoner et entendre sa voix. Rien que cela, lui ferait du bien. Et pourquoi devait-il attendre d’avoir un bien à lui proposer pour l’appeler ? Et pourquoi Nathan ne l’avait-il pas appeler ? 

 

    Il se remit au travail. Dans ses mails, il vit qu’il y en avait un de l’un de ses collègues d’une autre agence. Il s’empressa de l’ouvrir. Un large sourire se dessina sur ses lèvres. Il l’appela rapidement afin de prendre un rendez-vous pour aller voir le bien qu’il lui proposait avant de le montrer à Nathan. Le rendez-vous fut pris pour la fin d’après-midi. 

 

    En fin de journée, il rangea son bureau et prévint Sophie qu’il allait faire une visite et qu’il ne repasserait pas par l’agence. 

 

———

 

    Dès son arrivée à l’agence, Anthony remit en ordre les papiers que son collègue lui avait donné la veille concernant le bien. Il recalcula également le montant du bien en fonction de la superficie. Tout lui sembla en ordre. Ne restait plus qu’à appeler son client. Nathan. 

 

    Il prit en main son téléphone portable, chercha le numéro de son ami mais il hésita à lancer l’appel. Nathan devait certainement être en leçon. Devait-il plutôt l’appeler entre douze et quatorze heure, ou pouvait-il le faire de suite ? Et puis, un son le tira de ses réflexions. Son téléphone sonnait. Il décrocha. 

 

    — Salut Antho, je ne te dérange pas ? lui demanda son interlocuteur.

    — Non, non. J’allais t’appeler, répondit-il. Mais j’hésitais car je ne savais pas si je pouvais te déranger ou pas. 

    — Je devrais être en leçon, mais l’élève que je devais avoir n’est pas encore arrivé. Alors j’ai un peu de temps devant moi. J’avais envie de te parler.

    — Ca arrive souvent ?

    — Ca dépend des moments, en ce moment c’est plutôt rare. 

    — Ok. Tu voulais me parler de quoi ?

    — De rien de spécial. En fait, j’avais envie d’entendre ta voix, se hasarda à dire Nathan. 

 

    Le moniteur avait décidé de faire évoluer leur relation. La soirée qu’ils avaient passée ensemble avait fini de le persuader de le séduire. 

 

    — Comment…ça…  ?

    — Je voulais t’appeler plus tôt mais j’ai pas eu une minute à moi de toute la semaine. Et j’ai fini très tard tous les soirs. 

    — Je ne…je ne comprends pas…

    — On est ami, non ? Et les amis s’appellent.

 

    Nathan se rendit compte qu’il avait été un peu trop vite. Parler d’amitié, le faisait revenir en arrière mais il retenterait sa chance bientôt.

 

    — Tu es toujours là, Antho ?

    — Hein, heu ! Oui, oui…

    

    L’agent immobilier semblait perturbé. Nathan sourit. S’il réussissait à le troubler, il avait peut-être encore une chance de le séduire…

 

    — Je suis content d’avoir passé du temps avec toi samedi dernier. Merci encore pour l’invitation. 

    — De… de rien. 

 

    Anthony ne savait plus quoi penser. Nathan voyait-il en lui un ami, ou autre chose ? Parfois, il se posait des questions sur son attitude, comme maintenant. Il devait reprendre pied, et vite. 

 

    — Si tu as un peu de temps, je pourrais te parler d’un bien que j’ai trouvé. 

    — C’est pour cela que tu voulais m’appeler ? 

 

    Le ton de Nathan venait une fois encore de changer. Pourtant, c’était bien lui qui avait sollicité l’aide d’une agence pour lui trouver un local et un terrain.

 

    — Tu n’as pas l’air en forme, d’un coup. Tout va bien ? Préfères-tu que je te rappelle plus tard ? s’inquiéta Anthony.

    — J’ai pensé que tu voulais juste m’appeler comme ça. Discuter. Entendre ma voix comme j’avais envie d’entendre la tienne, souffla le moniteur.

 

    Le silence s’initia dans la conversation. Anthony n’entendait que les battements frénétiques de son coeur. Tout son corps tremblait. Le stylo qu’il tenait dans la main droite depuis le début de l’appel, lui échappa et termina sa course sur le sol. Plus un seul son ne sortit de sa gorge. 

 

    A l’autre bout du fil, Nathan ne sut quoi penser de la réaction de son amour. Il venait pourtant de se promettre de retenter sa chance bientôt mais cela faisait déjà tellement longtemps qu’il attendait se moment qu’il ne put se résoudre à attendre encore. Ce silence n’était pas de bonne augure. Il craignait un rejet total d’Antho, et c’était entièrement sa faute. 

 

    — Je ne pensais pas que tu pouvais être aussi taquin, intervint enfin Anthony. 

 

     Sa voix était mal assurée, et Nathan le remarqua. Le moniteur respira enfin, tout n’était pas perdu, pas encore. 

    

    — Ca dépend des moments, mais oui je peux l’être. Surtout avec les personnes que j’affectionne particulièrement. Tu voulais me parler d’un bien, alors ? rebondit-il afin de ne pas gâcher toutes ses chances.

    — Heu ! Oui. Je pense avoir trouvé ce qu’il te fallait. Quand peux-tu venir visiter ?

    — Si possible plutôt samedi, là j’ai un planning chargé. Tu penses que ce ne sera pas trop tard ?

    — Et bien, on est vendredi donc non ça ira. De toute façon, j’ai négocié cinq jours de réflexion. Du coup, tu es large. 

    — Tu es génial. Merci Antho. 

    — C’est mon boulot, c’est tout. 

    — Peut-être, mais tu le fais bien. Merci. 

    — Tu me diras merci quand tu signeras, sourit Anthony.

    — Non ! Ce jour là, je t’inviterais à dîner…

    — Tu n’es pas obligé de faire ça.

    — J’en ai envie depuis la première fois qu’on s’est vu. 

    

    Silence. Encore. Décidément, Nathan était étrange. Anthony avait un mal fou à le cerner.

 

    — Donc samedi, ok. A quelle heure et où ? demanda très sérieusement le moniteur.

 

    Le son de la voix de Nathan fit sortir Anthony de ses réflexions. 

 

    — Et bien, en début d’après-midi, où plus tôt en fonction de ton boulot. 

    — Alors je passe te prendre vers midi quinze à l’agence. On mange ensemble et on part faire cette visite. Ca te va ?

    — Tu ne préfères pas te poser un peu avant d’aller visiter ? lui demanda-t-il timidement.

    — La semaine dernière c’est toi qui as convenu de l’heure. J’avais déjà envie de déjeuner avec toi, alors non, je ne veux pas me poser avant, sourit-il. 

 

    D’un coup, Antho repensa à l’une de ses conversations avec Sophie. Elle lui avait dit que peut-être pour les premières visites, Nathan voulait déjeuner avec lui avant de faire les visites. Elle avait raison. Le comportement de Nathan l’interpellait. Il était étrange. Anthony n’avait jamais dragué d’homme mais il lui était arrivé de draguer des femmes, et ce que faisait le moniteur n’était pas vraiment loin de la drague. Non ! Impossible ! Anthony se permit de le croire, même si une part de lui restait dans la réalité. 

 

    — A moins que tu sois déjà pris pour le déjeuner avec le mec dont tu m’as parler…

    

    Nathan paraissait moins enjoué, d’un coup. Serait-il jaloux ?

 

    — Non. Je suis dispo. Très bien disons midi quinze à l’agence, alors.

    — Ca n’a pas l’air de te faire plaisir. Je ne veux pas te forcer, tu sais. J’ai juste envie de passer du temps avec toi. 

    — C’est ça que je ne comprends pas. Pourquoi souhaites-tu passer du temps avec moi ? Pourquoi tu m’as appeler sans raison particulière ?

 

    Anthony resta calme pourtant tout son corps était en ébullition. Il voulait savoir. 

 

    — Désolé, je dois te laisser. L’élève que j’ai maintenant vient d’arriver. A samedi…

    — Attends. Tu ne m’as pas répondu !

    — Je te répondrais samedi. En attendant, pense à moi, susurra Nathan à travers le combiné avant de raccrocher. 

 

    Anthony regardait presque bêtement son mobile. Qu’est-ce que cela voulait dire ? « Pense à moi » ? Il ne pensait déjà qu’à lui ! Et avec ces trois petits mots, cela n’allait pas s’arranger… 

 

———

 

    Nathan tentait de ne pas penser à Anthony. Il n’avait pas répondu à ses interrogations volontairement. En fait, aucun élève n’était devant le bureau. Il avait menti, juste pour pimenter leur déjeuner de samedi. Une part de lui s’en voulait d’avoir abrégé ainsi leur conversation, tandis que l’autre se délectait de l’effet produit sur Anthony. Du moins, l’espérait-il. Le moniteur plaçait ses cartes, bien qu’il ne sache pas si Antho pouvait laisser celui qu’il aimait pour lui. Il avait la trouille au ventre, comme on dit. Cela ne lui ressemblait pas, même Vanessa ne le reconnaissait pas. Jamais, il n’avait pris autant de gants pour séduire quelqu’un, ni même autant de temps. Mais Anthony était différent. Avec lui, il voulait passer le restant de sa vie…

 

    A plusieurs reprises dans la journée, il se retint de lui envoyer un texto, ou même de l’appeler. Il souhaitait que son amour se pose mille et une questions. Et sans le savoir, c’était ce qu’il se passait…

 

—————

 

    Dimitri et Vanessa passaient presque tout leur temps libre au téléphone ou à s’envoyer des messages textes. Ils avaient toujours un mal fou à couper leur communication. Ils s’entendaient bien et s’appréciaient de plus en plus. 

 

    Chacun d’eux avait parlé de cette relation naissante à leurs frères respectifs, qui furent heureux pour eux. 

 

    Ils prévirent un autre rendez-vous pour ce samedi, bien que Vanessa travaille ce soir là. Ils décidèrent de se voir après son service. 

 

—————

 

    Onze-trente s’affichait à l’horloge de l’agence immobilière. La respiration saccadée d’Anthony trahissait son angoisse. Sophie l’observait. Elle souriait. La veille au soir, Antho lui avait parlé de son coup de fil avec Nathan du matin. Elle lui avait redit que ce type était amoureux de lui, mais Anthony n’y croyait pas, du moins pas totalement. Il préférait mettre un peu de distance avec cela juste dans le cas où sa patronne se tromperait. 

 

    Sophie le laissa seul. De toute façon, dans l’état où il se trouvait aucun des mots qu’elle pourrait lui dire ne l’atteindraient. 

 

    Midi sonna. Antho alla reprendre contenance dans la cuisine de l’agence. Aujourd’hui, il n’y avait que lui et Sophie au bureau. Et pour le moment, elle était occupée à faire les comptes du mois. Elle ne viendrait pas de suite dans cette pièce. Il n’arrivait plus à respirer. Son corps le trahissait. Il en vint même à se demander comment il avait eu le courage la semaine d’avant pour l’inviter à dîner, chez lui en plus. Etait-ce à cause de ses mots de la veille ? Il s’assit, posa ses coudes sur la table et enfouit son visage rougissant dans ses mains. 

 

    La porte de l’agence s’ouvrit. Sophie releva la tête de ses papiers et vit le client d’Anthony. 

 

    — Bonjour monsieur. 

    — Bonjour madame, j’ai rendez-vous avec Anthony pour une visite, dit-il courtoisement.     

    — Je sais, oui. Il s’est enfermé dans la cuisine il y a quinze minutes, sourit-elle. 

    — Comment ça ?

    — Cela lui arrive parfois, quand il stresse. Je vais aller le chercher. 

 

    La patronne se dirigea vers la cuisine mais se retourna. 

 

    — Ne le ramener pas trop tard, je dois partir tôt aujourd’hui et Antho doit prendre le relais jusqu’à la fermeture, lui sourit-elle. 

    

    La surprise se lisait sur le visage de Nathan, aussi Sophie continua.

    

    — Antho est aussi un ami, je sais que vous déjeuner ensemble avant d’aller voir le bien. Mais ramenez-le à temps pour que je puisse moi-même aller à mon rendez-vous. 

 

    Comme toujours la voix de Sophie était douce et sans reproches. 

 

    — Très bien. Je ne le garderais pas trop longtemps, alors, dit-il tristement. 

    — Rien ne vous empêche de rester avec lui. Tant qu’il n’y a pas de client, je ne suis pas contre, l’encouragea-t-elle.

    

    Un large sourire égaya le visage du client de  l’agence. 

 

    — Merci. 

    — Vous l’aimez, n’est-ce pas ?

    — Comme un dingue, lui avoua-t-il. 

    — Je m’en doutais. Prenez soin de lui.

    

    Nathan acquiesça. Sophie alla enfin chercher Anthony. 

 

    — Antho, il est là, lui dit-elle.

    — Pourquoi je tremble ainsi, ce n’est pourtant pas la première qu’on va se retrouver ensemble ?

    — Allons ! Respire un bon coup. Et lance-toi…

 

    Plus facile à dire qu’à faire… Mais Anthony sortit enfin de la cuisine. Lorsqu’il vit la silhouette de son amour, étrangement il se détendit. Il se souvint de la soirée passée avec lui, où parfois lui parler avait été si simple et si difficile à la fois. 

 

    — Salut Nathan, dit-il péniblement. 

    — Salut Antho, je suis content de te voir. 

    — Moi aussi. Je prends mon dossier et on peut y aller. Par contre, je dois être de retour vers quinze heures. 

    — Pas de soucis, je te ramènerais à l’heure. 

 

    En les regardant partir, Sophie sentit son ami heureux. Il avait l’air de se détendre, enfin… Elle se réjouit pour lui. 

 

———

 

    — J’ai préféré réserver car il y a souvent du monde. C’est une super brasserie, on y mange bien. J’espère que ça te plaira, dit Nathan en garant sa voiture.

    — Il n’y a pas de raison, répondit Antho. 

 

    L’agent immobilier se sentait heureux d’être avec Nathan, mais il était toujours un peu tendu en sa présence, même si quelques minutes plus tôt, son angoisse s’était calmée en le voyant. 

 

    Ensemble, ils entrèrent dans la brasserie. Il y avait peu de monde, chose rare dans cet établissement. La patronne leur indiqua leur table, les installa et leur donna la carte. 

 

    — Nath, on est un peu pressé. C’est possible d’avoir fini dans une heure ? demanda Nathan à la patronne. 

 

    Nathalie était un bout de femme très dynamique. Elle s’arrêtait toujours à toutes les tables pour discuter un peu avec les clients. Son sourire égayait son visage et créait une ambiance chaleureuse dans son établissement. 

 

    — Oui pas de problème Nathan. Regardez la carte je reviens. Vous voulez boire quelque chose en attendant ? 

    — Je prendrais un coca®, merci, fit le moniteur. 

    — Et vous ? demanda Nath.

    — Pareil, merci.

    — Ok je reviens, leur sourit-elle. 

    — Tu as l’air de très bien connaître, affirma l’agent immobilier.

    — Oui, mon auto-école n’est pas très loin alors je viens souvent. C’est pratique. Et puis l’accueil est top et les plats délicieux. 

 

    Anthony ne trouva rien à dire pour rebondir et continuer la conversation. Il baissa la tête.

 

    — Tu n’as pas l’air bien d’un coup ! 

    — Si désolé. 

    — Tu penses à lui ? demanda difficilement Nathan.

 

    Sa voix tremblait légèrement. Il avait à la fois envie de le savoir et à la fois non. Mais comment le conquérir s’il ne pensait qu’à l’autre 

 

    Anthony releva son visage et riva son regard à celui de son vis-à-vis. Bien sûr qu’il pensait à lui ! Comment le nier ? Il se trouvait devant lui ! Sauf qu’il ne réussirait jamais à le lui dire… Il se mit à rougir, sans pouvoir y faire quoique ce soit.

 

    — Tu n’as pas à rougir, dit doucement Nathan. 

    — Et toi… tu penses à …

    — A chaque minute, souffla-t-il en souriant. 

 

    Le regard de Nathan sembla transpercer celui d’Anthony qui ne savait plus où se mettre. Ses pommettes rougirent un peu plus. Son coeur s’emballa dans sa poitrine. Pour un peu, il aurait pu penser que Nathan venait de lui dire qu’il l’aimait aussi… Mais cela ne pouvait pas être possible puisque son coeur appartenait déjà à un autre. Il devait se reprendre, mais cela lui fut impossible.

 

    — Voici vos boissons, fit une voix enjouée. 

    — Merci Nath. 

    — Vous avez choisi ?

    — A vrai dire, non pas encore.

    — Pas de soucis, je repasse dans cinq minutes.

 

    L’arrivée de Nathalie avait allégé l’atmosphère entre les deux hommes qui ouvrirent enfin le menu.

 

    — Je ne te l’ai pas dit, mais c’est moi qui invite, dit Nathan.

    — Tu n’as pas…

    — Ne dit rien ! C’est en retour de l’autre soir, sourit le moniteur.

    — Mer…merci.

    — Tu as choisi ? 

    — Je ne sais pas quoi prendre, en fait. 

    — Si tu aimes la viande, je te conseille l’entrecôte, elle est fameuse et sa sauce extra. 

    — C’est ce que tu vas prendre ?

    — Oui…

 

    La patronne de la petite brasserie revint comme prévu. Elle nota la commande de Nathan mais Anthony semblait encore hésitant. Au bout de quelques minutes, ne sachant toujours pas quoi prendre, il opta pour le même plat que son hôte. 

 

    — Tu l’as revu ?

 

    Nathan ne pouvait s’empêcher de poser cette question. Il voulait savoir si l’autre gars avait tenté de se déclarer ou s’il l’avait fait. 

 

    Anthony, lui, ne savait que répondre. Il se doutait que Nathan ne savait pas qu’il s’agissait de lui. Du coup, quoi dire ? Le mutisme de l’agent immobilier en dit long. Nathan arrivait trop tard. 

 

    — Tu lui a avoué tes sentiments ? l’interrogea-t-il la mort dans l’âme. 

    

    Ce fut les yeux écarquillés qu’Anthony fixa son vis-à-vis. Mais aucun son ne put sortir de sa bouche. Il répondit la négative simplement avec la tête. Le moniteur n’en fut pas soulagé pour autant. Un jour, il perdra Anthony s’il ne se décide pas à faire un pas vers lui. 

 

    — Ca me soulage, murmura-t-il. 

 

    Antho ne sut quoi répondre, une fois de plus. Que voulait dire Nathan ? 

 

    Nathalie choisit, ou pas, ce moment pour venir leur apporter leur plat. Sauvé par le gong, comme on dit…

 

    — Bon appétit, sourit-elle. 

    — Merci, dirent ensemble les deux amis. 

 

    Ils dégustèrent leur assiettes, presqu’en silence. Anthony ne comprenait pas toujours ce que voulait dire Nathan. Parfois, il disait des trucs incompréhensibles, comme il y avait maintenant quelques minutes. 

 

    — Comment tu trouves ? lui demanda le moniteur. 

    — Très bon. Je ne connaissais pas cet endroit, mais je reviendrais avec plaisir. 

    — J’en suis ravi. 

 

    De nouveau l’ambiance s’allégeait… jusqu’au moment où l’un d’eux commettra un impair…

 

    Après le plat, ils commandèrent un dessert. Une mousse au chocolat pour Nathan, et un tiramisu pour Anthony. Ils prirent le temps de boire un café, mais il fallait maintenant aller faire la visite. 

 

    — Merci Nathan, fit Antho en montant dans la voiture. 

    — De rien. Je suis content que ça t’ait plu. 

 

    Le moniteur sourit tout en mettant en route le moteur de sa voiture. 

 

    — Très bien… Où allons-nous ? demanda le conducteur. 

    

    Anthony guida le chauffeur jusqu’au lieu de la visite. Ils arrivèrent sur place une quinzaine de minutes plus tard. Le visage d’Anthony changea de teinte. Il rougissait. Il ne savait plus où se mettre. 

 

    — Un problème ? lui demanda Nathan.

    

    L’agent immobilier venait de se souvenir d’une chose. Nathan ne lui avait-il pas dit qu’il répondrait à l’une de ses questions aujourd’hui ?

 

    — Tu ne te sens pas bien ? s’inquiéta le moniteur.

    — Je… Tu… devais me dire…

 

    Un large sourire égaya le visage de Nathan. Antho n’était pas malade, il était juste gêné. Il était vrai qu’il avait coupé court à leur conversation téléphonique en laissant son ami dans le doute. Il décida de répondre. 

 

    — Je devais te dire pourquoi je voulais passer du temps avec toi, c’est ça ?

 

    Anthony releva la tête et riva son regard à celui de son vis-à-vis. 

 

    — C’est simple…

 

    Nathan prit une profonde inspiration avant de poursuivre. 

 

    — Je…

 

    Mais avant même qu’il ne puisse dire quoique ce soit, le collègue d’Anthony les interpella. Il venait de reconnaitre son confrère qui se trouvait encore dans la voiture du moniteur. L’ambiance ainsi brisée laissa à Anthony tous ses doutes, et frustra au possible Nathan, qui soupira. Les deux hommes descendirent de la voiture et rejoignirent l’autre agent immobilier. Jérémy DESCAPES. 

 

    — Bonjour, Anthony. Tu vas bien ?

    — Oui merci, Jérémy. Voici monsieur Lierrat Nathan, fit Antho. Et je te présente Jérémy Descapes, un confrère. C’est grâce à lui que je peux te proposer ce bien aujourd’hui. 

    — Enchanté, fit Nathan. 

 

    Le moniteur ne le montra pas, mais il était déçu de ne pas être seul avec son amour pour cette visite. 

 

    — On y va ? proposa Jérémy. 

 

    Les trois hommes se mirent en route vers le local en question. De l’extérieur, Nathan vit pas mal de potentiel. Une large façade. Un ravalement propre et clair. De large baies vitrées. Jérémy ouvrit la porte. L’intérieur était lumineux, les peintures blanches semblaient récentes car elles étaient propres. Le sol gris plastifié imitait du carrelage. Les portes et les fenêtres étaient en bois vernis. La superficie de soixante-dix mètres carrés, et les deux grandes pièces correspondaient parfaitement avec ce que recherchait Nathan. Au cours de la visite, le moniteur ne cessait d’être surpris. Il y avait également, un coin salle d’eau avec WC et lavabo, mais également un coin cuisine, et équipé de surcroît : petit réfrigérateur, deux plaques électrique, et plan de travail. Il y avait même le place de mettre un table et des chaises. 

 

    — Ce local me plait. Il est grand, lumineux et il y a tous mes critères. De plus, nous ne sommes pas très loin du local que j’occupe actuellement, du coup je pourrais garder mes élèves.  Merci Anthony, sourit-il. 

    — De rien, mais la visite n’est pas terminé, répondit l’agent immobilier.

    — Tu ne te demandes pas ce qu’il y a derrière cette porte ? le questionna Antho en lui montrant la porte en question.

    — J’ai supposé que c’était un accès vers l’arrière du bâtiment. 

    — Allez-y ! fit Jérémy. 

 

    Nathan ouvrit donc la fameuse porte. Il écarquilla ses orbes. Devant lui se dressait un escalier et non un accès vers l’extérieur comme il l’avait supposé. 

 

    — Vous pouvez monter, l’invita le confrère d’Anthony.

 

    Le moniteur s’exécuta. Ce que vit Nathan à l’étage le laissa coi. Un appartement. C’était un appartement entièrement refait à neuf. 

 

    — Un apparte ? fit-il surpris.

    — Oui. Même superficie que le local du bas, et entièrement neuf. Il y a deux chambres, ici nous sommes dans la pièce principale. Mais allez-y, entrez, fit Jérémy.

 

    Le moniteur n’en espérait pas autant. Le local lui plaisait déjà énormément mais cet appartement c’était la cerise sur le gâteau. Avec son budget, il avait longtemps hésité entre s’acheter un appartement ou un local pour son activité. Mais avec ce bien, c’était Noël avant l’heure. Il alla visiter toutes les pièces, seul. 

 

    — Tu penses que ça lui plait, demanda Jérémy à Anthony.

    — Je ne sais pas, répondit-il évasivement. 

    — Pourtant vous semblez être amis.

    — On ne se connait pas depuis longtemps du coup je ne sais pas.

    — Je dois passer un appel. On se retrouve en bas ? dit le second agent immobilier. 

    — Très bien. 

 

    Alors que Jérémy descendait, Anthony rejoignit son ami. 

 

    — Alors ? Tes impressions ? se hasarda à demander l’agent immobilier. 

    — C’est génial. Tu es fantastique, lui répondit gaiement Nathan. 

    — Tu es gentil. 

 

    Nathan s’approcha dangereusement d’Anthony qui ne comprenait pas les intentions de son ami. Le moniteur s’était rendu compte que Descapes n’était plus là. 

 

    — Je ne dis pas ça pour être gentil, Antho. C’est la vérité. Tu as fait un travail fantastique. TU es fantastique. 

 

    Anthony rougit instantanément. Nathan s’approchait toujours. Son regard changea. Et alors qu’il ne se trouvait plus qu’à quelques centimètre de son but – les lèvres si tentantes d’Antho – le téléphone de son agent immobilier retentit dans la pièce vide. Anthony ne savait plus où il se trouvait, ni même quel était ce son qui venait de le ramener à la réalité. Alors qu’il répondait, Nathan pestait contre lui, le portable d’Antho, le destin… Il était si près …

 

    Le moniteur laissa son amour et descendit dans le local. Il y retrouva Jérémy qui venait de terminer un appel, lui sembla-t-il. 

 

    — Alors ? Qu’en pensez-vous ? 

    — C’est plus que parfait. Antho est au téléphone, il n’a pas eu le temps de me donner le prix. 

    — C’est une affaire, si je puis dire. Il s’agit d’une cessation d’activité pour raison de santé. Le propriétaire venait de tout refaire. 

    — Je vois…

    — Le prix est de deux cent cinquante milles euros. [1]

    — C’est une affaire effectivement. 

    — Désolé, c’était important, fit Anthony en rejoignant les deux hommes.

    — Antho m’a dit que j’avais un peu de temps pour réfléchir. 

    — Oui, ce démon a négocié une exclu sur cinq jours, donc vous avez le temps, sourit l’agent immobilier.

    — Très bien, je le tiens au courant rapidement, reprit Nathan.

 

    Après les salutations d’usages, le moniteur et l’agent immobilier quittèrent le local. Une fois en voiture Anthony voulut prendre la « température ».

 

    — Qu’en penses-tu ?

    — C’est génial, sourit Nathan. 

    — Pourquoi ne pas avoir fait d’offre alors ?    

    — Pour avoir une excuse pour te rappeler lundi, pardi. 

    

    Une fois encore, Antho ne savait plus où se mettre. A croire que Nathan prenait un malin plaisir à le mettre dans ces situations inconfortables. Le moniteur reprit. 

 

    — Je n’aime pas dire oui dans la précipitation. Ce bien est tout à fait ce que je recherche et l’apparte est un gros plus pour moi qui vit chez mes parents. Mais il y a un inconvénient. Je ne sais pas si habiter juste au dessus de l’auto-école est judicieux. 

    — Je vois ce que tu veux dire. Tu as peur que tes élèves viennent te déranger quand tu ne bosses pas.

    — Oui. Bon après faut cadrer les gens, faut voir.

    — Ne t’inquiètes pas, si tu ne fais pas d’offre pour ce bien, je t’en trouverais un autre, rebondit Anthony. 

    — Si je signe pour ce bien, viendras-tu me voir de temps en temps ?

    — Je…je …tu as dit qu’on était amis, alors je suppose que oui, répondit-il timidement.

        

    Nathan riva son regard à celui de son amour, il souriait. Enfin, Anthony commençait à le considérer comme un ami. Il y avait du progrès.

 

    — J’en suis ravi…

    — Est-ce que tu as encore un peu de temps ? lui demanda soudainement Antho.

    — Moi, oui mais tu ne dois pas traîner, toi !

    — Je sais, j’ai appelé Sophie, elle mettra un mot sur la porte avant de partir si je ne suis pas revenu à temps. Le coup de téléphone que j’ai reçu, c’était pour un terrain. On peut y aller maintenant si tu veux. Comme je ne l’ai pas vu avant, je ne sais pas s’il correspond à ta demande. 

    — Pas de soucis, on y va et on verra, sourit le moniteur.

 

    Ne s’étant pas rendu sur place avant, Anthony ne savait pas où se trouvait exactement le terrain en question. Dans son portable était installé un GPS, qu’il mit en route. Une fois toutes les informations entrées dans l’appareil, le conducteur mit le moteur de sa voiture en marche et suivit les instructions. 

 

     Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent au bout d’une zone industrielle. Le terrain n’était pas loin du dernier local que Nathan venait de visiter et c’était un point très positif. Les deux hommes descendirent de la voiture et s’approchèrent du terrain. Nathan fut le premier surpris en voyant le bien. 

 

    — Wouahhh ! T’es génial, Antho, dit-il. 

    — Je suis surpris, mon collègue ne m’avait rien dit, répondit l’agent immobilier. 

 

    En effet, le terrain était goudronné. Presque prêt à l’emploi. 

 

    — C’est vraiment parfait, le goudron est fait. Il ne me reste plus qu’à faire les marquages pour faire les parcours. Tu as le prix ? Et les dimensions ?

    — Attends, je rappelle mon collègue. 

 

    Pendant qu’Anthony téléphonait à son collègue, Nathan scrutait la parcelle de terrain. Elle était idéalement placée. Pas trop loin du local qui lui avait tapé dans l’oeil, à l’écart des habitations, au fond d’une zone d’activité commerciale. Idéal. Il était heureux d’avoir trouvé son bonheur  aussi vite, pourtant à cette pensée, son regard se ternit. S’il acceptait ce bien, il n’aurait plus d’excuses pour voir Anthony, du moins pour passer autant de temps avec lui. Ce terrain était pourtant ce qu’il cherchait depuis un moment. 

 

    — Tout va bien ? lui demanda Anthony qui venait de raccrocher. 

    — Hein ! Heu ! Oui. 

 

    Nathan semblait totalement absent. Anthony s’inquiéta, mais ne sut comment l’exprimer. Il préféra lui donner les grandes lignes de sa conversation téléphonique.

 

    — Mon collègue va m’envoyer un mail avec toutes les infos. Mais en gros, tout correspond à ta demande, expliqua-t-il.

    — Ok ! 

    

    Nathan se perdait dans ses pensées. Il devait passer à la vitesse supérieure. D’un coup, la peur de le perdre, de ne plus le voir s’empara de lui. Pourtant, leur amitié naissante lui permettait de pouvoir le voir presque autant qu’il en avait envie. Que pensait Anthony de tout ça ? Pouvait-il aller plus loin avec lui ? Comment Anthony le prendrait-il ? Il soupira lourdement. 

 

    — Nathan ? Qui a-t-il ? se lança l’agent immobilier. 

    

    Nathan tourna son regard vers son ami. Dans ses yeux, aucune expression. Le vide. Cela inquiéta davantage Anthony qui ne savait pas quoi faire. Le moniteur s’avança vers son amour, les yeux rivés dans son regard. Il ne pensait plus à rien. Enfin si, juste à une chose. Il s’approchait toujours un peu plus. Anthony sentait ses jambes se dérober. Son organe de vie accélérait de plus en plus. Il déglutit. Alors qu’il ne restait plus qu’un pas à faire à Nathan pour obtenir ce qu’il désirait depuis des mois, une étrange sonnerie retentit, ramenant à la réalité les deux hommes. Le mail qu’Anthony attendait venait d’arriver.

 

    Une fois de plus le destin s’acharnait sur Nathan. Il pestait contre la Terre entière. Etait-ce trop demandé que de pouvoir juste goûter aux lèvres de son amour ? Le serrer dans ses bras ? S’enivrer de son eau de toilette ? 

 

    Anthony s’apprêtait à ouvrir l’e-mail quand il sentit quelque chose l’empoigner, fermement mais doucement. Il releva la tête et à seulement quelques centimètres de son visage, il y avait celui de Nathan. Son regard intense le transperça. Tous les muscles de son corps se tendirent. Que se passait-il ? Qu’allait faire Nathan ?

 

    — Qu…qu…qu’est-que… tu…

    — J’ai envie de t’embrasser depuis la première fois où je t’ai vu. Je sais que tu es amoureux d’un autre mais penses-tu pouvoir me faire une place dans ton coeur ?

 

    Tout en parlant, Nathan se penchait toujours un peu plus vers Anthony. Tétanisé par la situation, l’agent immobilier ne pouvait dire aucun mot, ne pouvait plus bouger… Au moment même où Nathan effleura les lèvres si tentante de son amour, son téléphone sonna. C’était la sonnerie qu’il avait mis pour ses parents. Il se sentit obligé de répondre, pensant qu’il y avait peut-être un soucis. Intérieurement, il ragea.

 

     De son côté, Antho n’avait pas vraiment compris ce qu’il se passait. Nathan voulait l’embrasser, depuis le début ? Etait-ce de lui qu’il était amoureux ? Depuis tout ce temps, ils s’aimaient sans oser se l’avouer ? Impossible ! Pourtant, là, maintenant, Nathan voulait l’embrasser comme on embrasse l’être que l’on aime. Pas comme un ami. Non ! Comme un amant…

 

    Anthony s’écarta de son amour. Troublé, il chercha à s’occuper l’esprit alors il ouvrit le mail reçut plus tôt. Ses mains tremblaient, son coeur ne s’arrêtait plus battre la chamade, ses joues s’empourprèrent. Il se rassura en se disant que cet appel était bien tombé, mais une petite part de lui le regrettait. Il se remit dans le travail et lut le fameux courriel. Le prix et les dimensions du terrain correspondaient à ce que cherchait son ami, et cela le satisfaisait. 

 

    Nathan raccrocha et chercha les yeux de son amour, mais Anthony gardait la tête baissée face à son écran de téléphone. 

 

    — Antho, je me suis laissé emporter. Excuse-moi. 

 

    L’agent immobilier releva son visage vers son interlocuteur et vit une étrange lueur dans les yeux de Nathan. De la peine. De l’amour. De l’envie. Des regrets. Un peu de tout ça à la fois peut-être. 

 

    — Ce … ce n’est rien, bafouilla Anthony.

    — Je suis désolé. Je m’étais juré d’y aller doucement avec toi mais ça fait tellement longtemps que j’ai envie de te serrer dans mes bras, de t’embrasser, de …, mais je n’ai pas pris en compte tes propres sentiments. Je suis amoureux de toi depuis le premier jour, et depuis que tu m’as dit que tu aimais quelqu’un, je ne vis plus. J’ai peur de te perdre.

 

    Nathan vidait son sac, ouvrait son coeur à celui qu’il aimait mais en retour, Anthony, toujours tétanisé par la situation et plus encore depuis l’aveu de son amour, n’arrivait pas à faire sortir un seul son de sa gorge. Le moniteur prit son silence pour un refus. Son visage se ternit, et il devint distant. Nathan prit une profonde inspiration. 

 

    — Je comprends que tu ne veuilles pas répondre à mes sentiments. Tu aimes déjà quelqu’un d’autre, souffla-t-il. Peux-tu m’envoyer les informations de ce terrain par mail ? J’ai un contre-temps, mes parents ont besoin de moi. On y va ?

 

    Nathan avait beaucoup de mal à contenir sa déception, d’ailleurs il ne le souhaitait pas plus que cela. Voir son amour ainsi, blessa Anthony, seulement les mots restaient toujours bloqués. Que faire ? 

 

    La voiture du moniteur se remit en route. Nathan laissa Antho, toujours muet, devant l’agence en lui disant qu’il l’appellerait lundi pour lui donner ses réponses définitives concernant les biens vus ce jour. L’ambiance était lourde, très lourde même entre les deux amis. 

 

    — Nathan, je … réussit à dire enfin Antho.

 

    Mais le moniteur lui coupa parole, sans amertume.

 

    — T’en fais pas, sourit-il tristement. Je comprends. Ton coeur lui appartient.

 

    La voiture école reprit la route. Anthony resta sur le perron de l’agence. Son coeur lui broyait les entrailles, et il supposa à juste titre qu’il en était de même pour Nathan, juste parce qu’idiot qu’il était, il n’avait pas réussi à aligner deux mots depuis le moment où Nathan avait faillit l’embrasser…

 

A suivre…

 

 

[1] : Je ne suis pas agent immobilier, je n’y connais rien en prix du marché :)

Comprendre, accepter, aimer. 

par Shiroitora-lili

 

Chapitre 4

 

    Durant tout le week end, Anthony attendit un signe de Nathan. Un mail. Un texto. Un appel. Une visite à l’improviste. Mais rien. Absolument rien. Anthony s’en voulait de n’avoir pas pu dire ni même faire quoique ce soit pour montrer à Nathan combien il l’aimait également. Lui et pas un autre. Juste lui… De tout le week end, son esprit ne pensa qu’à Nathan. Dimitri avait tenté de lui tirer les vers du nez, mais sans résultat. Une sorte de honte l’envahissait chaque fois que Nathan s’insinuait dans son esprit. Son coeur le faisait atrocement souffrir. Son corps tendu semblait parfois ne plus lui obéir. 

 

    Plus il attendait pour lui ouvrir son coeur, et plus c’était difficile de faire un pas vers lui. Pourtant, il connaissait maintenant les sentiments de Nathan, alors pourquoi ne réussissait-il pas à prendre ce fichu téléphone pour l’appeler ? Samedi, en rentrant à l’agence, il lui avait envoyé le mail qu’il lui avait demandé, mais il ne reçut rien en retour. Anthony savait ce qu’il devait faire, néanmoins il lui sembla que c’était au delà de ses forces. La timidité qu’il ressentait en pensant à Nathan, le paralysait totalement. 

 

    Sa mélancolie refit surface. Il regardait dehors. Tout et rien à la fois. Parfois, il espérait voir celui qui hantait ses pensées. Parfois, il n’espérait rien. Il ne pleuvait pas mais le temps était morose, comme son coeur. Il soupirait régulièrement, sans même sans rendre compte. Le sommeil le fuyait bien qu’il soit déjà très tard. Il tenait son téléphone bien serré dans sa main, attendant sans doute que Nathan se décide à l’appeler même si ce n’était que pour le travail. Mais vu l’heure qu’il était, il y avait peu de chance que cela arrive. Il se sentait bête, con même…

 

———

 

    Depuis qu’il avait laissé Anthony devant l’agence immobilière, Nathan n’éprouvait que des remords. Sa soeur, ses parents lui firent comprendre que peut-être Anthony avait été surpris par ses aveux et qu’il n’avait pas réagi par timidité. Seulement pour le moniteur, rien à faire. Antho refusait ses sentiments. Il s’en voulait d’avoir agit à l’inverse de ce qu’il souhaitait. Il ne faisait que ruminer depuis le moment où il l’avait laissé. 

 

    Ses parents avaient eu besoin de lui samedi pour remplacer Karine, la serveuse du restaurant de ses parents. Elle ne s’était pas senti bien pendant le service du midi et voyant qu’elle n’en pouvait plus, Catherine – la mère de Nathan – l’avait renvoyé chez elle pour qu’elle puisse se soigner. Seulement, il fallait la remplacer pour le soir et comme souvent la patronne téléphona à son fils qui s’était rendu sur place rapidement afin d’aider pour la fin du service du midi et préparer avec sa soeur celui du soir. 

 

    De tout l’après-midi, Nathan n’avait pensé qu’à Anthony et à sa déclaration qui l’avait fait « fuir ». Voyant leur fils au plus mal, Catherine et son époux, Robert, l’avaient forcé à parler et Nathan vida son sac. Bien que c’est parents soient toujours de bons conseils, cette fois, il restait bloqué sur son opinion sans voir le reste. Tout ce que ses parents lui dirent, il ne l’écoutait pas vraiment. Il ne souhaitait même plus voir Antho de peur de ne pouvoir se retenir de le prendre dans ses bras et de l’embrasser. Il ne le souhaitait pas car son coeur appartenait déjà à un autre. La tristesse qu’il éprouvait, il se voulait pas qu’un autre la ressente. Antho était épris d’un autre, il fallait qu’il s’efface et qu’il passe à autre chose même si cela n’était pas facile. 

 

    Durant le service du soir, il avait accumulé les bourdes jusqu’au moment où Vanessa lui était « tombé dessus » en lui rappelant qu’au resto et pendant le service, seuls les clients comptaient. Qu’il fallait laisser ses problèmes dehors. Et au passage, elle lui conseilla d’aller voir celui qui le hantait. Après cela, Nathan s’était repris, seulement dès qu’il avait un peu de répit, il ne pouvait s’empêcher de penser à Anthony. 

 

    La journée du dimanche, il la passa seule. Sa soeur était dans les bras de son petit ami et lui avait interdit de passer le voir. Il souhaitait qu’elle profite de Dimitri. Il ne le connaissait pas, mais il lui semblait être un type sympa et respectueux. Viendrait le temps où il ferait sa connaissance, pour l’heure, il ne voulait que le bonheur de sa soeur et elle semblait heureuse. De plus, Dimitri était le frère d’Anthony et il ne savait pas trop comment gérer cette situation. 

 

    Dans l’après-midi, il s’installa derrière son ordinateur et ouvrit sa boîte mail. Il avait demander, la veille, à Antho de lui envoyer par courriel les informations concernant les deux derniers biens visités. En bon professionnel, l’agent immobilier le lui avait envoyé dès son retour à l’agence. Il avait également joint toute la documentation des autres biens visités, sans doute pour qu’il puisse mieux faire son choix. Le moniteur soupira. En fait, il avait espéré faire ce choix avec l’aide d’Antho, mais il devait se résoudre à le faire seul. Comment le solliciter maintenant qu’il savait que ses sentiments ne pouvaient pas être partager ?

 

    Durant quelques heures, il détailla les propositions, faisant des listes de pour et contre, effectuant des calculs pour les éventuels travaux en se basant sur des tarifs dénichés sur le net, notant les endroits où il s’était senti bien. Bien que le dernier local montrait l’inconvénient d’avoir un appartenant au dessus, c’était également un très gros avantage. Il pourrait enfin quitter la maison familiale et commencer à faire sa vie seul. De plus, le local et l’appartement venaient d’être refait à neuf, il n’y avait plus qu’à emménager. Idem pour le terrain vu la veille, il était bien plus grand qu’il ne l’aurait souhaité, tant en longueur qu’en largeur, et déjà goudronné. L’avantage, c’est qu’il pouvait y tracer deux pistes pour les entrainements moto. Après avoir murement réfléchis, il se décida donc pour ces deux biens. Le pincement au coeur qu’il ressentit, lui fit prendre conscience que c’était grâce à Antho qu’il avait pu trouver aussi vite et avec tous ses critères mais que jamais il ne pourra en profiter avec lui. 

 

    Lui, qui n’avait pas pour habitude de se laisser aller, découvrait pour la première la mélancolie, l’amertume, la déception en amour. Jamais encore il n’avait éprouvé autant de sentiment envers quelqu’un. Rien que de penser à Anthony son organe de vie le faisait souffrir, ses mains tremblaient, comme si son corps en entier réclamait celui de son amour…

 

———

 

    Ne pouvant se résoudre à appeler Anthony, Nathan opta pour un mail. Entendre sa voix était impossible, sans avoir envie de le voir, de le serrer dans ses bras ou encore de l’embrasser. Il devait mettre un peu de distance. Bien qu’il aurait souhaité rester ami avec lui, il s’était rendu compte que cela lui serait insoutenable. Rien que l’imaginer dans les bras d’un autre, le rendait fou alors le voir avec un autre, ce serait insupportable pour lui. Alors tant pis, il devait l’effacer de sa tête et rien de mieux que de ne plus du tout le revoir. 

 

    Dans l’e-mail, il nota : 

 

    « Bonjour Anthony, 

Merci pour toute l’aide que tu m’as apporté pour ma recherche. J’ai murement réfléchi et je vais faire une offre pour le terrain et le local/appartement que nous avons vu samedi. En pièces jointes, tu trouveras les scans des deux offres. 

Ayant pas mal de travail à partir de cette semaine, je ne serais pas vraiment joignable, utilise plutôt le mail, je te répondrais dès que je le pourrais. 

J’espère que mes offres seront acceptées…

Bonne journée

Au revoir…

Nathan. »

 

    Après avoir scanner et joint les deux fichiers, il cliqua sur « envoyer ». En fait, il n’avait pas plus de boulot que les autres jours, et pouvait toujours plus ou moins répondre au téléphone. Mais il ne le voulait pas… La mort dans l’âme, il se rendit à son bureau actuel afin de faire de la paperasse, enfin fallait-il encore qu’il puisse se concentrer dessus.

 

———

 

    Anthony ne travaillait pas les lundis, néanmoins aujourd’hui il attendait le coup de fil de son ami, Nathan. De tout le week-end, il n’avait pas eu de nouvelles, il était inquiet. Sa timidité l’avait paralysé lorsque Nathan lui avait ouvert son coeur. Il fut si surpris d’entendre que ses sentiments étaient partagés qu’il n’avait pas su trouver les mots pour se déclarer à son tour. Nathan semblait l’avoir très mal pris, du moins il avait été déçu et avec du recul Anthony s’était dit que son comportement l’avait sans doue induit en erreur. Il savait comment rattraper le coup, mais sa pudeur était bien plus forte. 

 

    Très régulièrement il regardait si son ami ne l’avait pas appelé. Rien. Toujours rien. Encore rien. Pourtant, il lui avait bien dit qu’il l’appellerait lundi. Peut-être était-il en leçon ? Non, il ne travaillait pas les lundis, il se souvenait en avoir discuté ensemble car ils avaient le même week-end en décalé. Alors, avait-il eu un contre-temps ? Il regarda l’heure sur son téléphone, qu’il refusait de lâcher, pour se rendre compte qu’il n’était que neuf heure du matin. 

 

    — J’ai envie d’entendre le son de ta voix. J’ai envie de te dire que c’est à toi qu’appartient mon coeur. Il n’y a personne d’autre que toi, murmura-t-il. 

 

    Si ce qu’il ressentait en cet instant était ce que ressentait son amour alors il se doutait qu’il était mal, tout comme lui l’était. 

 

    Un petit son l’interpella. Il venait de recevoir un mail. 

 

    — Un mail ? Il m’envoie un mail ? Pourquoi pas un appel ou un texto ? Un mail c’est trop impersonnel…

 

    Il l’ouvrit et le lut. Il blêmit. 

 

    — Au revoir ? dit-il à haute voix. Comment ça « au revoir » ? Pourquoi pas « bye » ou « à bientôt » ? 

 

    Anthony sentit son corps se dérober. De tout l’e-mail, il n’avait retenu que ces deux mots qui sonnaient plus comme un adieu que comme autre chose. Son rythme cardiaque s’accéléra. Il s’assit afin de tenter de se reprendre, mais l’émotion était bien trop forte. Que faire ? 

 

    — Je vais l’appeler. Je ne veux pas qu’il pense que j’aime quelqu’un d’autre. Il n’y a que lui !

 

    Avant de l’appeler, il relut le courriel, mais sauta sur les deux mots qui le faisait encore frissonner. Nathan faisait des offres d’achats, c’était une bonne nouvelle. Il se promit de faire tout ce qui était possible pour lui avoir ses biens à son prix. Il disait qu’il n’avait pas trop de temps pour les appels, alors l’agent immobilier respecta sa demande et lui répondit par mail. 

 

    « Bonjour Nathan, 

Je suis heureux d’apprendre que les deux derniers biens t’aient plu. Je prends note de tes offres et je vais faire le nécessaire dès maintenant. Je te tiens au courant dès que j’ai un retour de mes confrères. 

J’aurais aimé t’avoir au téléphone, mais je comprends …

A bientôt

Antho »

 

    Le mail envoyé, il téléphona à ses confrères afin de leur donner la bonne nouvelle et d’appuyer les offres de son client. Il fut convenu que les autres agents immobilier le rappel dans la journée. Il fallait maintenant attendre. 

 

    Alors qu’il s’affairait à faire le ménage, plus pour s’occuper l’esprit que pour vraiment nettoyer, Anthony entendit son téléphone sonner. Il se rua dessus. C’était sans doute Nathan qui venait aux nouvelles. Il se sentit soulager. Du moins jusqu’au moment où il prit son portable en main.

 

    — Ouais ! dit-il déçu en décrochant.

    — Je te dérange ? le questionna Dimitri. 

    — Non. Je ne m’attendais pas ton appel c’est tout. 

    — Je ne savais pas qu’il fallait que je te prévienne quand je voulais t’appeler. 

    — Désolé, Dim. Je suis pas très bien c’est tout. Tu voulais quelque chose ?

    — Oui, manger avec toi ce midi. Enfin, si ça te branche ? 

    — C’est pas dans tes habitudes de vouloir manger un lundi midi avec moi ! répondit Anthony.

    — J’ai juste envie de te voir et pour une fois j’ai du temps ce midi. Alors ?

    — D’accord. Où veux-tu qu’on se retrouve ?

    — Chez toi, et j’apporte chinois, répondit joyeusement Dimitri. 

    

    D’abord surpris, Anthony accepta. Pour une fois que son frère payait la note…

 

———

 

    Alors qu’il arrivait à son bureau, Nathan entendit la notification de son téléphone lui stipulant qu’il venait de recevoir un courriel. Sa poitrine se serra. Il se doutait que c’était la réponse du sien. En train de rouler, il ne regarda pas son mobile. Près de l’auto-école, il trouva un stationnement et s’y gara. Il prit son téléphone et sortit de sa voiture. Il ne voulait pas regarder le mail dans la rue. 

 

    La première chose qu’il faisait en arrivant au bureau c’était d’allumer l’ordinateur. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il se fit couler un café avec la machine à capsules. Il récupéra sa tasse et s’assit derrière son bureau. Il but une gorgée de son breuvage noir – cela lui procurait un semblant de bien-être – et enfin il tapota sur l’écran tactile de son mobile pour ouvrir sa boîte mail et, comme il le pensait, le courriel venait d’Anthony. 

 

    — Il aurait aimé m’avoir au téléphone ? Pourquoi ? Pour me parler des offres ou pour entendre ma voix ? Pourquoi voulais-tu m’entendre, Antho ? 

 

    Plus Nathan parlait, plus sa voix s’amenuisait. Il aurait tant, lui aussi, voulu entendre sa voix. Juste l’entendre dire son prénom. Juste lui dire bonjour. Simplement lui dire qu’il lui tardait de le voir. Cela faisait deux jours pourtant, mais Anthony lui manquait. Il soupira. Ce n’était pas dans ses habitudes de le laisser aller ainsi, mais cette fois c’était plus fort que lui. 

 

    Nathan posa son téléphone près de lui sur le bureau. Antho lui avait signifié qu’il le contacterait dès qu’il aurait des nouvelles concernant ses offres d’achats. Prenant sur lui, il se mit au travail tant bien que mal, d’ailleurs. 

 

—————

 

    Ce fut vers midi trente que Dimitri arriva chez son frère. Il voulait le voir pour savoir comment il allait. Dans le week-end, il avait eut une conversation avec Vanessa qui lui avait parlé de son frère, Nathan, et de sa mélancolie. C’est là qu’ils avaient compris tous les deux que leurs frères étaient amoureux l’un de l’autre. La jeune femme s’inquiétant pour Nathan, ne put s’empêcher de s’ouvrir à son amant. Elle lui expliqua tout ce qu’elle savait et, plus elle parlait moins Dimitri comprenait. Antho lui avait dit qu’il aimait ce type alors pourquoi avait-il rejeté ses sentiments ? Pour en avoir le coeur net, et après en avoir discuté avec sa petite amie, Dimitri avait décidé de faire parler son cadet. 

 

    — Salut Antho, fit l’aîné en ouvrant la porte palière. 

    — Salut Dim. La table est prête.

 

    Les frangins se firent la bise et Dimitri donna le sac rempli de plats chinois à Antho qui déposa le tout sur la table de salle à manger. Il ne put faire autrement que de voir la mine triste de son cadet. Que s’était-il passé entre lui et Nathan ? Mystère… du moins pour le moment.

 

    — Tu en as pris trop, Dim.

    — Pas grave, tu en auras pour ce soir. Tu adore ça, lui sourit-il. 

    — C’est vrai. Merci.

 

    Puis, ils commencèrent à déjeuner. Seulement, Dimitri était inquiet. Son frère ne semblait pas aller bien. Il avait l’impression de revenir plusieurs semaines en arrière, alors que depuis qu’il s’était rapproché de Nathan – même si c’était grâce au boulot – il semblait aller mieux. Il soupira. 

 

    — Tout va bien ? demanda enfin l’aîné.

    — Pourquoi ça n’ira pas ? 

    — Tu n’as pas l’air dans ton assiette. Tu sembles triste de nouveau. Je suis inquiet, je n’ai pas le droit ? argumenta Dimitri. 

 

    En effet, il avait le droit de s’inquiéter, reconnut pour lui Anthony, mais que répondre ?

 

    — Antho, on a eu une conversation similaire, il y a quelques semaines, mais je vais te le redire. Tu peux me parler, tu sais. Jamais je ne te jugerais. Alors dis-moi ce qui s’est passé avec Nathan. 

 

    Anthony posa ses baguettes – Il aimait les utiliser lorsque mangeait chinois – et prit une profonde inspiration, tout en regardant son frère préoccupé. 

 

    — Je me disais bien que c’était étrange de te voir un midi en semaine, affirma-t-il. 

    — Désolé Antho, mais je suis inquiet. De plus Vanessa l’est tout autant pour Nathan.     

    — Hein ? 

    — Ils sont frère et soeur, dit-il simplement. 

 

    Surpris, Anthony ne releva pas immédiatement l’information.  

 

    — Ils… Ils sont frère et soeur… ? répéta-t-il machinalement.

    — Oui. On s’en est rendu compte ce week-end. M’en veux pas, frérot. On est vraiment inquiets, tu sais. 

    — Je t’en veux pas. Je suis juste surpris, c’est tout. 

    

    Dimitri était soulagé car il ne savait pas vraiment comment allait réagir Anthony face à cette nouvelle. 

    

    — Je suis content que ça se passe bien avec elle. Elle a l’air sympa. 

    — Elle est géniale et merci. Mais raconte, qu’est-ce-qui c’est passé avec Nathan ?

    

    Antho réfléchit pendant une seconde et se jeta à l’eau. 

 

    — Il croit que je suis amoureux de quelqu’un d’autre, avoua-t-il. 

    — Pourquoi pense-t-il ça ?

    — Il… il a essayé de m’embrasser et m’a déclaré son amour pour moi.

    — Mais c’est génial…, s’exclama Dimitri heureux pour son frère. Mais pourquoi êtes-vous si abattus, alors ?

    — J’étais tellement paralysé par tout ça que je n’ai rien pu dire. J’ai essayé de lui parler mais aucun son ne voulait sortir de ma bouche. Du coup, il pense que je ne peux pas répondre à ses sentiments, expliqua Anthony attristé. 

 

    L’aîné comprenait mieux à présent. La timidité de son frère était encore très présente et lui avait joué un bien vilain tour. 

 

    — Je suis désolé, Antho. 

    — Je sais que je devrais l’appeler, lui parler mais dès que j’entends sa voix je perds mes moyens. 

    — Te décourages pas. Il est amoureux de toi et tu l’aimes aussi, alors je suis certain que tu vas trouver la force de faire un pas vers lui, l’encouragea-t-il en posant l’une de ses mains sur son épaule. 

    — Facile à dire. Il devait m’appeler aujourd’hui et au lieu de ça il m’a envoyé un e-mail. C’est tellement impersonnel. Et puis …

    — Et puis ?

    — Tiens regarde ce qu’il a écrit, dit-il en montrant le fameux courriel à son frère. 

 

    Dimitri lut le mail. Effectivement, il ne pouvait nier le fait qu’il était froid et impersonnel. Mais était-il trop tard malgré cela ? 

 

    — Je vois. Mais s’il pense que tu en aimes un autre, alors il doit penser que s’éloigner de toi te permettrais d’être heureux. 

    — Tu crois ?

    — Oui, tout à fait. Alors bouges-toi. Ne laisse pas passer une chance d’être heureux. D’accord !

    — Je t’envie, affirma Anthony. 

    — Pourquoi ?

    — Tu as pu inviter et parler facilement avec Vanessa, alors que moi…

    — Arrêtes ! Tu peux le faire alors cesses de t’apitoyer sur ton sort et pour une fois, fonce ! 

 

    Dimitri souriait. Anthony se sentait soutenu et cela lui faisait du bien. 

 

    — D’accord. Au lieu de lui renvoyer un mail pour lui dire ce qu’il en est de ses offres, je l’appellerai. 

    — Non ! Tu iras le voir, lui ordonna presque Dimitri. 

 

    Anthony écarquilla ses orbes. 

 

    — Mais…

    — Oh non ! Pas de mais ! Tu iras ! 

 

    Lorsque Dimitri employait ce ton ferme, Antho savait qu’il était impossible de discuter. Il dut se résoudre à lui dire qu’il irait voir Nathan. Rien qu’à cette idée, l’organe de vie d’Anthony s’emballa dans sa poitrine. Durant tout le repas et à tour de rôle, les frères parlaient de la personne qu’ils aimaient. 

 

    — Ce serait top de faire un repas tous ensemble. Qu’en dis-tu ? proposa Dimitri.

    — Ce serait parfait, mais encore faut-il que je réussisse à aller vers Nathan, soupira le cadet. 

    — Ca se passera bien, tu verras. Oh mince ! J’ai pas fait gaffe à l’heure. Il faut que j’y aille, dit Dimitri en avalant rapidement sa dernière gorgée de café. Tiens moi au courant, ça marche ?

    — D’accord ! Merci, fit le cadet. 

    — Tu n’as pas à me remercier, sourit l’aîné avant de prendre sa veste et de partir. 

 

    Anthony ne se sentait pas forcément mieux mais son frère avait su trouver les mots. Il était bien décidé à prendre le taureau par les cornes. Il ira donc chez Nathan…

 

———

 

    Evidemment, Vanessa ne pouvait rester sans rien faire, alors elle appela son frère pour savoir comment il allait. Bien qu’elle le sache déjà. Nathan était distant avec elle, et lui rappela qu’elle avait promis de pas ce mêler de cela. 

 

    — Pourquoi es-tu en colère contre moi ? l’interrogea-t-elle.

    — C’est pas contre toi, c’est contre moi. J’ai du travail, je dois te laisser, répondit Nathan. 

    — Ok ! Tu sais où me trouver si tu as besoin…

    — Merci, Vaness.

 

    Rien à faire ! Nathan pouvait être borné et là il en jouait facilement. Vanessa n’avait rien pu faire. Son frère se renfermait. Il était rarement dans cet état, et cela allait sans doute durer un moment…

 

—————

 

    Les négociations étaient longues. Cela faisait maintenant deux jours que Nathan attendait des nouvelles pour le terrain et le local qu’Anthony lui avait trouvé. Deux longues journées. Depuis le samedi précédent, il n’avait pas vu son ami, ni même entendu le son de sa voix. Anthony lui manquait, chaque jour un peu plus. Cependant, il ne souhaitait pas s’interposer dans sa vie amoureuse. Anthony semblait très épris de cet inconnu, et tout ce que lui voulait c’était son bonheur, même s’il aurait préféré être celui qui le rendrait heureux… 

 

    Il lui avait menti quand il lui avait dit avoir beaucoup de travail. En fait, c’était plutôt calme. Parfois, il n’avait cours que le matin. Parfois que l’après-midi. Parfois un peu des deux mais avec des heures libres. Enfin, bref calme. Lorsqu’il était occupé, il réussissait à ne pas penser à son amour, mais dès qu’il se retrouvait à l’auto-école, assit derrière son bureau, sa concentration s’évaporait. Ses pensées ne s’orientaient que vers Anthony et quoiqu’il fasse, il revenait le hanter.

 

    La journée se termina tôt pour lui. Dix-sept heures au lieu de dix-neuf heures habituellement. Dans son bureau, il tournait en rond. Tout ce qu’il entreprenait lui prenait un temps fou, alors qu’habituellement, cela ne lui prenait que quelques minutes à peine. Il décida de tout fermer pour aller décompresser à la salle de sport. Il savait qu’Anthony n’y allait plus depuis plusieurs semaine, et espéra qu’il n’y soit pas en ce moment. 

 

    Pendant près d’une heure, Nathan se mit à fond dans le sport. Il passait d’appareil de musculation en appareil de musculation sans prendre la peine de souffler. Il voulait se fatiguer le plus possible pour ne plus penser à rien, surtout à Anthony. Enfin, tenter de ne plus penser à lui ! Puis, enfin il s’octroya une pose d’une dizaine de minutes. Il s’assit sur le sol dans un coin de la salle. Il s’hydrata et s’épongea le visage sur lequel la transpiration ruisselait. Il haletait, mais peu à peu son souffle revenait à la normale. 

 

    — Tu n’as pas l’air en forme. Je ne t’ai jamais vu te donner à fond comme ce soir. 

 

    L’homme qui venait d’arriver était très grand et bien bâti. Il portait un short et un t-shirt au couleur de l’enseigne. C’était l’un des coachs de la salle. Thomas s’installa près de lui. 

 

    — J’ai besoin de me vider la tête, répondit Nathan. 

    — Ca fonctionne ?

 

    Le moniteur expira profondément avant de répondre. 

 

    — Non. 

    — On dirait que tu viens de te faire larguer !

    — C’est presque ça. 

    — Presque ?

    — Oui… presque…, murmura Nathan. 

    — Si tu veux en parler, n’hésite pas, ok ! 

 

    Nathan remercia Thomas, qui au fil du temps était devenu un ami. Seulement, il ne lui avait pas encore dit qu’il était gay, n’ayant jamais abordé l’homosexualité. Alors lui parler d’Anthony n’était pas envisageable… pas encore en tout cas. 

 

    — Merci, t’es sympa. Mais là j’ai pas vraiment envie d’en parler. 

    — Je comprends, pas de souci. Mais tu sais où me trouver, lui sourit le coach. 

 

    Thomas se releva mais se retourna vers Nathan. 

 

    — Si cette personne se montrait là maintenant, que ferais-tu ?

    — Que veux-tu dire ? l’interrogea le moniteur. 

    — Que lui dirais-tu si elle se trouverait devant toi ?

    — Je me suis déjà déclaré si c’est ça que tu veux savoir ?

    — Et tes sentiments ne sont pas partagés, puisque tu ne vas pas très bien. Mais que ferais-tu si cette personne venait te voir pour parler ?

    — Aucune chance… il est…

 

    Nathan se tut. Ses mots avaient dépassés sa pensée, et il ne savait pas comment allait réagir Thomas.

 

    — Tu penses qu’il est déjà amoureux ? reprit Thomas. 

 

    Le coach sportif ne sembla pas surpris. Il resta complètement naturel. Ce qui encouragea Nathan a lui répondre. 

 

    — J’en suis sûr. Il me l’a dit, souffla-t-il.

    — Alors pourquoi se cache-t-il derrière la vitrine pour te regarder depuis un bon moment ? sourit Thomas. 

 

    Hein ! Quoi ? Comment ? Qui ? Où ? Nathan se redressa et regarda vers la vitrine de la salle de sport. Il entre-aperçut une silhouette s’éloigner. Il interrogea Thomas du regard. 

 

    —  Comment j’ai su ? Une intuition, et puis il y a des signes qui ne trompes pas.

    — Je suis surpris par ta réaction positive. Ca arrive rarement. Et puis, je pensais avoir été discret…

    — Tu l’as été et lui aussi, mais j’ai vu des signes. Je suppose qu’il veut te parler, c’est pour ça que je te demandais ce que tu ferais s’il se montrait, dit-il. 

    — En fait, je ne sais pas. D’ailleurs, il n’y a rien à dire.

    — S’il vient te voir quand tu sors, écoute-le. Je te laisse, j’ai un coaching à faire avec un nouveau client.  A plus. 

 

    Thomas laissa Nathan. Le moniteur se perdait dans ses pensées tout en laissant son regard trainer vers la vitrine de la salle. 

 

    — Thomas se trompe. Antho devait juste regarder si j’étais là ou pas pour savoir s’il pouvait venir. Il est parti en me voyant, c’est sûr, murmura-t-il pour lui.

 

    A la limite de la colère et de la déception, Nathan se leva et rejoignit les vestiaires afin de reprendre ses affaires. Il ne prenait jamais sa douche ici, il préférait être tranquille chez lui. Il quitta la salle de sport et prit le chemin pour rentrer chez lui, à pieds comme à son habitude. Evidemment, en sortant il ne vit pas Anthony. 

 

    Quelques minutes plus tard, il arriva devant la maison de ses parents, où il vivait encore. Au dessus de la porte, l’ampoule permettait de voir la serrure. L’intérieur de la maison n’était pas éclairé, preuve que personne ne s’y trouvait. Ses parents étaient partis dans la matinée. Ils étaient partis en vacances. Il sera seul, avec ses remords pendant une quinzaine de jours… Mais alors qu’il enfonçait la clé dans la serrure, une voix le fit sortir de ses pensées.

 

    — Bonsoir Nathan. 

 

    Le moniteur se retourna, interdit, sans voix. 

 

    — Je sais que tu voulais que je te contacte par mail, mais …

    — Ce n’est pas grave. Je suppose que tu as eu les réponses à mes offres, dit Nathan presque froidement.

    

    Anthony inspira profondément avant de répondre. Oui, il était là pour ça mais pas que…

    

    — Oui, répondit-il attristé. 

 

    Il pensait que Nathan serait plus heureux que ça de le voir, mais visiblement ce n’était pas la cas. Il devait trouver le courage de lui dire la vérité pour dissiper ce malentendu. Mais chaque chose en son temps. 

 

    — On ne va pas discuter dehors, viens ! lui dit Nathan en l’invitant à entrer. 

    — Merci.

 

    Les deux hommes pénétrèrent dans la maison. Après avoir proposé quelque chose à boire à son invité surprise, Nathan le laissa un moment. Le temps pour lui de prendre une douche. Une super excuse également pour s’exiler et rester seul un moment. 

 

    Chacun de leur côté, ils cogitaient et angoissaient. Ce face à face n’allait sans doute pas être simple, mais il était nécessaire. 

 

    Nathan tentait de se délasser sous le jet d’eau chaude. Néanmoins, ses muscles restaient tendus. Anthony se trouvait dans une pièce non loin de la salle de bain et s’était bien trop près pour lui. D’autant qu’il voulait tourner la page. Après plusieurs minutes, il sortit enfin de la salle de bain. Plus frais qu’à son entrée, mais pas forcément plus serein. 

 

    Assis dans un fauteuil dans le salon, Anthony sentait sa poitrine le serrer. Comment lui dire ce qu’il avait sur le coeur ? Depuis l’endroit où il se trouvait, et tout en sirotant un café servit plus tôt par son hôte, il entendait l’eau de la douche. Nathan était dessous. Anthony laissait divaguer son esprit, s’imaginant l’eau ruisseler sur le corps dénudé de Nathan. A cette pensée, il sentit ses joues s’empourprer. Il se rabroua vite. Jamais encore, il n’avait imaginé Nathan de cette façon. Il pensait à lui tout le temps, mais il n’avait pas vraiment pensé à son corps, à ses mains sur lui ni même au goût de ses lèvres. Il se souvint alors que Nathan l’avait presque embrassé quelques jours plus tôt. Il avait à peine senti ses lèvres sur les siennes mais la sensation qu’il avait ressenti l’avait paralysée.

 

    Nathan revint dans la salon. Ses cheveux étaient mouillés et les goutes d’eau venaient s’échouer sur son t-shirt. Difficilement, l’invité surprise ravala sa salive. 

 

    — Désolé pour l’attente, mais après l’entrainement je n’aime pas rester avec des fringues trempés, s’excusa-t-il.

    — Pas de soucis, je comprends. Je suis pareil. 

    — Tu as donc eu des nouvelles ? demanda Nathan pour lancer la conversation. 

 

    Une atmosphère lourde s’installa dans la pièce avec eux. 

 

    — Les négociations ont pris du temps car les propriétaires ont souhaité un temps de réflexion. Désolé pour l’attente. 

    — Pas grave. J’ai eu pas mal de boulot, j’ai pas eu le temps de penser à tout ça. 

 

    En fait, c’était tout le contraire. Il n’avait cessé de penser et de repenser à tout ça. « Tout » faisant, pour lui, référence non seulement à ses futurs achats, mais aussi et surtout à Anthony.

 

    — Et bien, j’ai le plaisir de t’annoncer que tes propositions d’achats ont été acceptées. Félicitations à toi, dit-il enfin. 

 

    Anthony était heureux d’annoncer cette nouvelle à son ami mais celui-ci ne semblait pas si content que ça. 

 

    — Tu n’as pas l’air content. Aurais-tu changé d’avis ? Si c’est le cas ne t’inquiète pas, je reprends les recherches dès demain, affirma Anthony déçu. 

    — Non, t’inquiète pas. Je n’ai pas changé d’avis et je suis ravi, au contraire. Mais, que fais-tu là ? demanda enfin Nathan. 

    

    Devant l’air interrogateur de son invité surprise, le moniteur reformula sa question, et lui demanda pourquoi il n’avait pas appelé, ou même envoyé un mail. Pourquoi était-il là, assis dans le salon alors qu’il pouvait le prévenir sans se déplacer ?

 

    — Un jour tu m’as dit que les amis s’appelaient et passaient du temps ensemble. Depuis samedi, tu fais le mort et tu as communiqué avec moi par mail. Quels genres d’amis se parlent par mail ? 

    — Je te l’ai dit, j’ai pas mal de travail en ce moment, lâcha une fois encore Nathan. 

    

    S’il en avait le courage, Anthony lui dirait qu’il ment. Que son comportement est lié avec sa déclaration et rien d’autre. Mais voilà, sa timidité était la plus forte… Pourtant, il savait que s’il ne rétablissait pas la vérité, tout serait perdu. 

 

    — Je t’envoie dès demain par mail toutes les modalités pour tes achats. Merci pour le café.

 

    Anthony ne se reconnaissait pas. Il avait parlé froidement et calmement. C’était tout le contraire de ce qu’il ressentait au plus profond de son être. S’il était capable de ça, peut-être…

 

    Nathan ne comprenait plus rien. Antho s’était déplacé à cette heure là, juste pour le féliciter et repartir ? Jouait-il avec ses nerfs ? Il rattrapa son ami avant qu’il ne sorte de la maison.

 

    — A quoi tu joues ? Pourquoi crois-tu que je t’ai demandé des trucs par mail ? 

 

    Anthony ne répondit rien. Il sentait que cela ne servirait à rien. Nathan était en colère, et il comprenait. C’était de sa faute.

 

    — Après t’avoir avoué mes sentiments, tu n’as eu aucune réaction. Tu es resté de marbre. Tu crois que c’est facile pour moi de te voir ? Ou même d’entendre ta voix ? Je suis amoureux de toi, Antho et tu en aimes un autre ! Je tente de m’effacer pour ton bonheur mais c’est dur pour moi. Voilà pourquoi je t’ai envoyé un mail ! Je ne comptais pas te revoir. A chacune de nos rencontres, j’ai lutté pour ne pas te serrer dans mes bras et t’embrasser. Et je lutte encore…

 

    Une fois de plus, Nathan ouvrait son coeur. Et bien plus. Il ne pleurait pas, pas son genre mais Anthony ressentit toute l’émotion qu’éprouvait son ami dans ses mots. 

 

    — Je suis désolé. 

 

    Les mots de l’agent immobilier résonnaient dans le silence qui s’était invité après la tirade du moniteur. Nathan ne dit rien. Ses sentiments le faisaient souffrir, ce fut cela que retint Anthony. Il comprit également que ses excuses ne suffiraient pas. D’ailleurs, Nathan pourrait une fois de plus comprendre le contraire de ce qu’il voulait dire, et vu sa tête, c’était exactement ce qui était en train de se produire. Décidément, il n’était pas doué pour s’exprimer. 

 

    Nathan oscillait entre la colère, l’amour et la peine. Toutes ces émotions se lisaient facilement sur son visage, même pour Anthony qui ne le connaissait pas depuis longtemps. Anthony savait qu’il devait lui dire que c’était lui. Lui, qu’il aimait depuis des mois. Lui, qui faisait battre son coeur à tout rompre dès qu’ils étaient proches. Lui, qui hantait ses pensées jour et nuit. Lui, et lui seul… 

 

    — Tu devrais partir, Antho. Tu ne devrais pas être ici, murmura Nathan attristé. 

 

    Anthony écarquilla ses orbes. Il lui demandait de partir mais lui, finalement, n’en avait plus envie. Il se doutait qu’il en était de même pour Nathan. Non ! Il ne partirait pas sans avoir rétabli la vérité sur ses sentiments. C’était décidé…

 

    Son corps en entier se mit à trembler. Sa respiration s’affola. L’appréhension qu’il ressentait lui broyait les entrailles. Mais il devait agir et maintenant. Il aimait Nathan et le voir aussi désemparé et triste était au delà de ses forces. Alors lentement, très lentement, pendant que son coeur tapait dans sa poitrine comme jamais, il avança vers Nathan qui le regarda fixement sans comprendre. Mais le souhaitait-il ? Anthony ravala difficilement sa salive. Il s’efforça de ne penser à rien, de peur de trop hésiter et d’accentuer un peu plus le quiproquo. Il avançait sans le regarder dans les yeux afin de ne pas se retrouver une fois encore paralyser devant lui. Plus il se rapprochait, moins il était sûr de lui, mais il ne pouvait pas faire marche arrière. Il ne se trouvait plus qu’à quelques centimètres de son amour. Il releva enfin ses yeux pour accrocher le regard de Nathan qui ne bougeait plus. 

 

    Le moniteur voyait son invité marcher vers lui. Que lui prenait-il ? Il déglutit péniblement. S’il avançait encore, jamais il ne pourra résister à l’envie de le serrer contre lui. Jamais il ne pourra le laisser partir s’il continuait d’avancer. Il ne pouvait river son regard dans celui d’Anthony car il gardait ses yeux baissés. Il s’approchait encore. Qu’allait faire Anthony ? Et puis pourquoi son coeur battait-il si fort ? Il tremblait. Enfin, Anthony s’arrêta et releva les yeux vers lui. 

 

    Le temps sembla arrêter sa course. Le silence pesant s’était dissipé laissant place à une atmosphère nouvelle pour les deux hommes. L’ambiance n’était ni lourde ni légère mais aucun d’eux ne se sentait mal à l’aise. Anthony fit le dernier pas qui le séparait encore de son amour. L’angoisse s’emparait de son esprit, mais il résista à l’envie de partir en courant. 

 

    Trou noir…

 

    Lentement, Nathan reprit pieds. Il sentait une douce pression sur ses lèvres. Il écarquilla ses orbes lorsqu’il vit ce qu’il se passait. Anthony l’embrassait. Du moins, il avait plaqué ses lèvres sur les siennes. Une sensation étrange le prit. Un mélange de soulagement et de crainte. Et si c’était un façon pour Anthony de lui dire « au revoir » ? Pour l’agent immobilier ce baiser aérien lui avait pris pas mal d’énergie. Il n’avait pas l’habitude de gérer ce genre d’émotions. 

 

    Nathan enroula ses bras autour de la taille de son ami et, sans réfléchir plus à tout ça, accentua le baiser. Antho se laissa porter par le moment et desserra légèrement ses lèvres afin de laisser son amour l’embrasser langoureusement. Une myriade de sensations et d’émotions prit possession de leurs corps. Ils se sentirent transporter à milles lieux de là. Plus aucun son ne venait perturber leurs ouïes. Plus aucune effluve ne venait chatouiller leurs odorats. Plus aucune image ne venait brouiller leur yeux, à présent clos.

 

    Puis, lentement, doucement cette étreinte prit fin. Le couple, à bout de souffle, resta pantois. Nathan se refusait de lâcher sa prise, au contraire même, il serra l’étau de ses bras afin qu’Anthony ne s’échappe pas. Malgré le formidable baiser qu’ils venaient d’échanger, le moniteur ne semblait pas rassurer sur les sentiments de son vis-à-vis. 

 

    — Antho… 

    — Ne dis rien ! Je te dois des excuses, Nathan. 

    — Mais non, enfin. Pourquoi…

 

    Nathan ne put terminer sa phrase. Anthony venait de placer son index sur ses lèvres. Délicatement. Par ce geste, il lui demandait de l’écouter.

 

    — Quand tu t’es déclaré, samedi, j’ai senti mon coeur s’arrêter de battre. Mes jambes tremblaient si fortement que j’avais du mal à rester debout. Mon cerveau m’a déconnecté de la réalité. Pour moi, il ne pouvait s’agir que d’un rêve. Jamais, je n’aurais imaginé qu’un jour je puisse… t’intéresser. Je veux dire…

 

    Antho avait laissé son doigt sur les lippes de son amour, pour s’assurer que celui-ci ne l’interrompe pas. Mais Nathan n’avait pas dit son dernier mot. Tendrement, il prit la main de son invité et amoureusement, y laissa quelques petits baisers, faisant frissonner Anthony qui se tut. 

 

    — Je t’aime depuis le premier jour où je t’ai vu. J’ai eu le coup de foudre, comme on dit. Ton silence m’a fait souffrir comme jamais cela ne m’était arrivé. Mais je peux comprendre tes sentiments pour celui que tu aimes. 

    — Tu n’as pas compris ! Celui dont tu ne cesses de parler, c’est … 

 

    Anthony prit une profonde inspiration avant de continuer. Il se donna du courage pour ne pas le blesser une fois encore.

 

    — C’est toi…

 

    Nathan écarquilla ses orbes. Que venait-il de dire ? Lui ? LUI ? 

 

    — M… moi ? bégaya presque le moniteur.

    

    L’agent immobilier fit un signe de tête pour répondre. Ses jouent s’empourprèrent, lorsque Nathan compris enfin. 

 

    — Je… j’ai pensé que tu me rejetais. C’est pour cela que je ne voulais plus te voir.

    — Je sais. Et puis c’est de ma faute. Je suis resté tétanisé. Plus aucun son ne voulait sortir de ma bouche. Pardon, Nathan. 

    — Je te dois des excuses aussi. J’aurais dû comprendre ton embarras. Pardon, chuchota Nathan en se rapprochant de son amour. 

    — Je… t’aime, murmura Anthony. 

 

    Nathan avait parfaitement entendu les mots de son amour, et cela lui rendit son sourire. Celui qui faisait fondre celui qu’il tenait fermement dans ses bras. Alors que leurs lèvres se scellèrent une nouvelle fois, Nathan ne put se retenir de mettre enfin ses mains en mouvement. L’une caressait le dos d’Anthony, remontant lentement vers sa nuque. L’autre tentait de se frayer un passage sous sa chemise. Les mains chaudes de Nathan découvrirent enfin la texture de la peau douce de son futur amant. L’invité surprise, qui ne l’était plus, sursauta lorsqu’il sentit l’intrusion sous sa chemise. D’abord crispé, lentement il se détendit. Passionnellement, ils s’embrassaient à en perdre haleine. Leurs langues s’enroulaient, dansaient, se séparaient, pour mieux se retrouver. De temps à autres, des soupirs de bien-être s’échappaient de leur bouche. Preuve que l’amour les unissait. 

 

    — Reste, quémanda Nathan entre deux baisers langoureux. 

    — Je … je ne sais pas, bafouilla-t-il. 

    

    Nathan rapprocha un peu plus le bassin de son petit ami vers le sien. Les futurs amants sentirent parfaitement le désir de l’autre. L’organe de vie d’Anthony battait si fort dans sa poitrine que cela en devenait douloureux. Pourtant, pour rien au monde, il ne souhaitait se défaire de cette étreinte. Et puis, mécaniquement, ses propres mains se mirent en mouvement. Lui aussi voulait sentir sous ses doigts la peau de Nathan. Il en avait rêvé tant de fois. Le moniteur était heureux de sentir les caresses timides de son futur amant. Son corps réagissait de plus en plus. A ce rythme là, il ne pourra plus s’arrêter…

 

    L’air se réchauffait en même temps que la température corporelle du couple. Non pas qu’ils aient froid, mais se rapprochement affolait leurs sens. Plus rien ne comptait, à part eux. 

 

    Nathan délaissa les lèvres gonflées d’Anthony pour mordiller sensuellement le lobe d’une oreille offerte. L'agent immobilier sursauta, laissant échapper un gémissement. Pas habitué, il se crispa de honte. Le moniteur recommença. Entendre gémir son amant accentua son désir qui ne cessait de monter. Il était heureux comme jamais. Tenir, sentir, toucher ainsi celui qu’il aimait depuis des mois, lui procurait des sensations qu’il n’avait plus éprouvées depuis des années. Il avait déjà été amoureux, follement amoureux qui plus est, alors ces émotions il les connaissaient déjà. Pourtant avec Anthony, il y avait une différence. Laquelle ? Il ne saurait le dire. C’était différent, c’est tout ! 

 

    Anthony se laissait totalement aller dans les bras de son amour. Tout était nouveau pour lui. Les baisers, les caresses, l’odeur d’un autre homme étaient loin d’être désagréable pour lui. Et puis, c’était Nathan… Alors que ses joues rougissaient à chaque nouvelle sensation, son corps frissonnait. Il n’avait pas froid. Nathan mettait simplement tous ses sens en éveil. 

 

    — Reste, redemanda sensuellement Nathan. 

    — Je…

 

    Anthony était tiraillé par son envie de partir et celle de rester. S’il restait, il se doutait bien de comment allait se terminer cette soirée et il se demandait s’il était prêt à cela. Et puis, d’un coup il posa ses main sur le torse de son petit-ami et éloigna doucement. 

 

    — Qu’est-ce qu’il y a, mon amour ? Je vais trop vite, c’est ça ? s’inquiéta Nathan. 

    — C’est pas ça…peut-être oui… je sais pas… tes parents… réussit-il à dire en reprenant son souffle. 

 

    En effet, les deux hommes se trouvaient dans la salon de la maison familiale de Nathan. Anthony venait de se rappeler de ce … détail. 

 

    — Mes parents ? 

    — On est bien chez eux, non ? 

    — Oui ! 

 

    Mais le moniteur ne voyait pas le souci. 

 

    — Et s’ils rentraient là maintenant ? 

    

    Le regard de Nathan s’illumina, enfin…

 

    — T’inquiètes pas, ils ne sont pas là. Ils ont fermé le restaurant pour deux semaines et ils sont partis en vacances, sourit-il. Tu peux te détendre. 

 

    — Je l’ignorais, dit Antho, toujours crispé. 

    — On peut aller chez toi, si tu veux. Ou alors, on monte dans ma chambre, reprit le moniteur en enlaçant de nouveau son futur amant, on refroidira moins si on reste ici. 

 

    Nathan souriait tendrement. Il prit la main de son amour et l’entraina à sa suite vers sa chambre. Une fois la porte fermée et verrouillée, juste pour rassurer son amant, Nathan ôta son t-shirt. Les deux hommes déglutirent presque en même temps. 

 

    — Je ne peux pas te promettre de m’arrêter même si tu me le demandes, susurra le maître des lieux à l’oreille de son amant. 

 

    Anthony ne dit rien. A vrai dire, l’idée d’en rester là ne lui avait pas traversé l’esprit. Bien qu’il n’avait jamais fait l’amour avec un autre homme, dans les bras de Nathan il se sentait en confiance. Il lui faisait confiance. Lentement, Nathan enlaça son amant. Doucement, il fit glisser ses mains le long de sa colonne verticale. Sensuellement, il prit possession de ses lèvres encore légèrement gonflées par les nombreux baisers qu’il lui avait donnés. Délicatement, du bout des doigts, il déboutonna la chemise d’Anthony qui l’entravait dans ses caresses. Elle rejoignit son t-shirt, tombé négligemment sur le sol de la chambre. 

 

    Les émotions que ressentait Anthony étaient nouvelles. Son corps bouillait, pourtant il tremblait. A chacune des caresses de son futur amant, il se crispait pour ne pas gémir. Cela le mettait mal à l’aise. Parfois, il se pinçait la lèvre inférieure d’une façon très érotique. Cela rendait fou Nathan qui ne cessait d’accentuer ses caresses. Délicatement, le moniteur allongea son aimé sur le lit tout en ce plaçant au dessus de lui. Il voulait vivre cet instant depuis si longtemps, que son corps en tremblait d’anticipation. 

 

    Leurs désirs ne cessaient d’accroître au point que cela devenait douloureux. Occupé à mordiller une perle de chair, Nathan ne vit pas la supplication dans le regard de son amour. Pourtant, de sa main libre, il vint frôler l’entre-jambe d’Anthony qui sursauta tout en laissant sa voix résonner dans la pièce. 

    

    — Laisse-toi aller,  mon amour. J’aime quand tu gémis, murmura le bourreau. Cela prouve que je découvre tes points sensibles. 

    — Je… ça … 

    — Tu n’as pas à rougir de ça. 

    — Je sais…

 

    Tout en l’embrassant, Nathan laissa vagabonder une fois de plus une de ses mains vers sa convoitise. Cette fois, Antho ne tressaillit pas et gémit pour le plus grand bonheur de son amant. A travers le tissus de son pantalon, Anthony sentait la caresse de Nathan. Il se cambra, rapprochant ainsi son bassin vers son jumeau. Doucement, le moniteur déboutonna le pantalon devenu de trop, puis fit lentement glisser la braguette. Le bourreau délaissa les lippes de son aimé pour effleurer de sa langue avide sa peau humide. Sensuellement, il redessina les contours de la musculature d’Anthony qui se mordit la main pour s’empêcher de crier. Lentement, Nathan se rapprochait de la masculinité de son amant.

 

    Le coeur d’Anthony battait de plus en plus vite, rendant sa respiration de plus en plus saccadée. Il serrait les draps dans sa main alors que Nathan captura délicatement, de la sienne, la virilité tant convoitée. Un cri rauque sortit de la gorge d’Antho mais il n’y prêta aucunement attention tant son esprit se focalisait sur la caresse lascive que lui prodiguait son aimé. D’abord du bout des doigts, puis à pleine main. Anthony ne savait plus où il était. Dans les bras Nathan, oui, mais où ? Depuis combien de temps ? Ses émotions se bousculaient. LE bousculaient. Cela faisait un moment qu’il avait perdu pied, mais là il s’en rendit vraiment compte. Plus encore lorsqu’il sentit la langue coquine de son amant lui octroyer une cajolerie sensuelle. Il chavira complètement. Il empoigna, comme il pouvait, les épaules de Nathan comme pour lui intimer d’aller plus vite ou d’arrêter tant il ne tenait plus. 

 

    Le moniteur prenait son temps pour découvrir le corps de son amant. Quelles caresses ? Où ? Comment ? Il regrettait, un peu, qu’Anthony ne soit pas plus actif, mais il comprenait aussi que c’était une première pour lui. Il était heureux de voir que ses effleurements lui faisaient de l’effet. Sentir le corps d’Antho onduler sous sa douce torture, mettait sa libido à rude épreuve, mais il se sentait bien. Très bien, même. Tout ce qu’il espérait c’était son son amant ressente autant d’émotions que lui. 

 

    Il n’y avait aucun bruit dans la maison, hormis les gémissements sortant de la gorge de chacun d’eux. La lumière, à peine tamisée, faisait jouer les ombres sur les corps moites, laissant la sensualité des amants ressortir. Leurs peaux luisaient. Leurs corps se réchauffaient, en même temps que la température de la pièce. Anthony se détendait de plus en plus, tandis que Nathan convoitait une autre partie du corps alangui de son amant.  

 

    Délaissant la masculinité d’Anthony, Nathan fit glisser l’une de ses mains vers son intimité. L’agent immobilier se crispa et cessa tout mouvement. Lentement, le moniteur titilla cet endroit sensible, tout en s’emparant des lèvres humides d’Anthony. Un long baiser doux, sucré et sensuel réunit les deux hommes. Durant toute cette étreinte, Nathan ne cessait de jouer avec l’antre étroit de son aimé. 

 

    Anthony ne savait plus où donner de la tête. Toutes ses émotions, qu’il ressentait pour la première fois, se bousculaient en lui. Un mélange d’excitation, d’appréhension, de peur, de délice et bien d’autres. Il laissait agir son amant. Cela le frustrait de savoir que lui ressentait tout cela alors que lui touchait à peine Nathan. Il se promit de se rattraper la prochaine fois, là il était impossible pour lui de faire quoi que se soit. 

 

    Et puis, d’un coup il sentit une intrusion, s’en suivit une douleur presque indescriptible. Anthony chercha à s’agripper aux épaules de son amant mais ses mains glissèrent. Il cria plus qu’il ne gémit. Il chercha même à se défaire de cette étreinte. Alerté par le comportement de son aimé, Nathan cessa tous mouvements. 

 

    — Pardon si je t’ai fait mal. Je suis trop impatient, murmura le bourreau. 

 

    Tout en parlant, Nathan laissait glisser sa langue curieuse sur les courbes généreuses de son petit-ami, pensant ainsi atténuer la douleur. 

 

    — Désolé, bégaya-t-il. J’ai… j’ai pas l’habitude…

    — Je sais, pardon… Souhaites-tu en rester là pour aujourd’hui ? proposa Nathan à contre-coeur.

 

    Une part d’Anthony ne voulait plus ressentir cette douleur, mais l’autre ne souhaitait que ce moment cesse pour rien au monde. Tiraillé entres ses émotions, il ne disait plus rien. Nathan prit cela pour un « oui ». Il retira son doigt lentement de l’antre chaud et étroit d’Anthony. 

 

    — Non ! Non, t’arrêtes pas, souffla-t-il enfin.

 

    L’agent immobilier ne voulait plus que Nathan pense le contraire de ce qu’il désirait, alors il décida que non, il ne voulait pas que ce moment s’arrête. Nathan devait le désirer autant que lui…

 

    Le regard du moniteur s’illumina. Son amant voulait continuer malgré la douleur cuisante qu’il ressentait. Son organe de vie se remit à battre comme jamais et son corps frissonnait déjà d’anticipation. Tout en reprenant, là où il s’était arrêté, Nathan fit bien attention à faire son possible pour bien préparer sa venue. Il ne voulait pas que leur première fois soit un mauvais souvenir pour son amour. Au fur et à mesure, Antho se détendait. Tout son être réagissait à aux caresses que lui prodiguaient son aimé. Il était en confiance. 

 

    Nathan s’empara des lèvres gonflées d’Anthony pour un long et langoureux baiser. Le regard quémandeur, Nathan observa son amant. Il voulait le faire sien. Ne faire qu’un avec lui. Lui appartenir, autant qu’Antho lui appartiendrait. Les yeux mi-clos, l’agent immobilier acquiesça. Il le voulait aussi. 

 

    Le moniteur bascula vers sa table de chevet et ouvrit le tiroir du haut. Il en sortit un petit emballage. C’était un préservatif. Toutes les émotions qui l’assaillaient, lui avaient tant fait perdre pied qu’Anthony n’avait même pas pensé une seconde à cette protection pourtant importante.

 

    — Je sais que c’est moins bien avec ça, fit le bourreau en montrant le petit emballage, mais c’est important pour nous sécuriser, sourit-il. 

    — Merci d’y avoir pensé… 

 

    Nathan plaça le préservatif sur sa virilité durci par le désir, et tout en cajolant la masculinité de son amant, se présenta devant son antre étroit. Le lubrifiant présent sur la protection, l’aida à s’introduire. Anthony était serré, car il s’était contracté. Nathan lui parla sensuellement afin de le rassurer. Cela fonctionna. Lentement, il entrait. Il prenait son temps. 

 

    Anthony ressentait une fois encore des émotions nouvelles. Oui cela faisait mal, mais il était persuadé que s’il réussissait à se laisser aller, comme lui demandait son amant, la douleur passerait. Il sentait que Nathan y allait doucement, prenant le temps de le laisser s’habituer à cette présence en lui. Au bord de la jouissance, Antho se concentrait pour ne pas que cela arrive. Pas maintenant. Pas seul. Il voulait que le moment de la délivrance arrive pour eux deux en même temps. Il repoussa doucement la main de Nathan qui caressait sa virilité. Le bourreau riva ses iris aux siens. 

 

    — Je ne… tiens plus… si tu … si tu continues je vais …

 

    Comprenant ce que souhaitait lui dire son amour, Nathan relâcha l’objet de ses fantasmes. Il ne lui restait plus qu’un léger coup de rein à mettre pour qu’enfin, Antho lui appartienne. Il le fit. Un peu brusquement. Antho cria, se crispa puis doucement, ses cris se transformèrent en gémissement et il se laissa aller. Nathan se mit en mouvement. Très lentement. Trop lentement. Ce va-et-vient lascif mettait de nouveau leurs désirs au bord de la rupture. 

 

    Il ne fallut pas longtemps de cette douce torture pour mettre au supplice les amants. Sentant le moment de sa propre délivrance arriver, Nathan se saisit de nouveau de la masculinité d’Antho et le cajola sur le même rythme de ses coups de reins. Quelques secondes à peine furent nécessaire pour les mener à la délivrance, et tous les deux en même temps. 

 

    Nathan se lassa tomber sur son amant qui le réceptionna dans ses bras. Ils haletaient. La pièce était aux proies de leurs odeurs corporelles qui se mêlaient, n’en formant plus qu’une. Puis,  doucement, Nathan se retira. Une plainte lascive accompagna son mouvement. S’il s’écoutait, il recommencerai sur le champ, mais Anthony ne le souhaitait sans doute pas.

 

    — Tu vas bien, Antho, lui murmura-t-il à l’oreille. 

    — J’avoue avoir eu mal, mais maintenant ça va mieux. 

 

    Le bourreau retira le préservatif, et le jeta dans une corbeille non loin du lit. Il cala son aimé contre lui, et doucement ensemble reprirent une respiration normale. Ils étaient heureux. Enfin.

 

    Le couple ne parlait pas. Mais l’étreinte qui les rapprochait en disait long.  Nathan effleurait le corps de son amant, de délectant encore de leur première fois. Anthony soupirait de bien être, et se collait toujours un peu plus à son aimé. Puis, le téléphone de d’Anthony retentit dans le silence léger. Il s’excusa auprès de Nathan, se leva et regarda qui l’appelait. 

 

    — C’est mon frère. Si je ne réponds pas il va s’inquiéter. 

    — Tu n’as pas à t’excuser pour ça. C’est normal que tu répondes, c’est ton frère. 

    — Merci. Allo ! fit-il.

    — Mais bordel, t’es où ? Tout va bien ? lui demanda vivement Dimitri. 

    — Oui oui, t’inquiète pas. Comment ça où je suis ? Je suis grand, je te rappelle. 

    — Je suis devant chez toi avec Vaness, parce que je m’inquiétais. Tu n’allais pas bien depuis samedi. 

    — Vous êtes devant chez moi ? Je ne suis pas à la maison, dit-il timidement en rivant son regard à celui de son amant. 

    — T’es où alors ? s’énerva presque l’aîné. 

    — Je… je suis chez Nathan. 

    — Très bien, on arrive !

    — Hein… Non pas question !

    — Et pourquoi, on dérange ?

    — Je te dis que je suis chez Nathan.

    — Et alors, je sors avec sa soeur, elle a le droit de venir voir son frère ! 

    — Dim ! Tu veux un dessin ou quoi  ! 

    — Anthony, c’est Vanessa. T’inquiète pas. On ne va pas venir. Promis. Je retiens ton frère.

    — Merci Vanessa. 

    — De rien. A plus.

    — A plus…

 

    Dimitri avait eu un mal fou à comprendre. Heureusement que sa douce petite-amie était plus perspicace. 

 

    — Mon frère me cherchait, et il voulait venir ici. 

    — Mais ma soeur a tout compris et elle va l’en empêcher, c’est ça ?

    

    Antho acquiesça, Nathan l’invita à le rejoindre dans le lit, au chaud sous les couvertures. Il l’avait vu frissonner. Les amants se calèrent l’un contre l’autre, visiblement pas rassasier…

 

FIN

 

 

    

    

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