Comprendre, accepter, aimer
Fiction en quatre chapitres, en cours
Anthony est un jeune homme tout à fait équilibré dans sa vie. Il cuisine, fait du sport, travaille dur et s'entend parfaitement avec son frère aîné. Pourtant, un jour la mélancolie le rattrape. Cela commença lorsqu'il l'aperçut pour la première fois. Son coeur chavira, mais impossible pour lui d'avouer ses sentiments…
Romance Boy's Love
Rating : +18ans
L'univers et les personnages m'appartiennent.
J’ai écrit cette fiction pour le calendrier de l’avent du site « le village d’Otsu ».
http://otsu.forumactif.com/h7-calendrier-de-l-avent
Vous devriez aller y faire un saut, il y a des trucs vraiment très sympa… et surtout n’hésitez pas à laisser un com pour les auteurs via la chatBox en bas de la page :)
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Comprendre, accepter, aimer.
par Shiroitora-lili
Chapitre 1
Son regard se portait à l’horizon à travers la vitre froide. Le temps était maussade. Les gouttelettes de pluie glissaient sur la surface plane transparente, dont il ressentait à présent la fraicheur. Ses mains enfoncées dans les poches de son pantalon, il soupirait sur un rythme régulier. Il avait l’impression que son coeur se déchirait.
Comment en était-il arrivé là ? A vrai dire, il l’ignorait. Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’il était ainsi. Effacé. Discret. Pensif. Mélancolique. Sa silhouette longiligne mais musculeuse, son fin visage, ses cheveux châtains - aux reflets blonds - tombants en cascade et ses iris émeraude plaisaient à toutes les femmes qui le croisaient. Mais lui, étrangement, il s’en fichait. Dans son esprit, il n’y avait de place que pour une seule personne.
Il ne comprenait pas. Pourquoi ses pensées n’étaient-elles orientées que sur cet être ? Comment gérer cette attirance peu commune ? Devait-il garder cela au fond de lui ou le lui avouer ? Sa raison se perdait dans une myriade de sentiments, alors que son coeur se serrait, saignait. Son âme pleurait comme le ciel qui déchargeait sa tristesse sur la Terre mais devant les autres, il ne montrait rien. Absolument rien. Personne ne devait savoir. Une part de lui avait un peu honte de ces sentiments étranges qui l’assaillaient, alors que de l’autre il savait qu’il n’avait pas à en rougir. Pourtant son frère savait qu’il n’allait pas très bien, il s’en était aperçu… Une fois encore il lâcha un soupir lourd de sens en enfonçant un peu plus ses poings dans le fond de ses poches.
La sonnette de son appartement retentit le sortant de sa réflexion. Il ne voulait voir personne mais il savait que son frère ne renoncerait pas facilement.
— Je t’avais dit de pas venir, fit le l’occupant des lieux.
— Et je t’ai dit que j’allais, de toute façon, venir.
Dimitri était de deux ans son aîné et s’inquiétait toujours pour lui, et plus encore depuis qu’il sombrait dans la mélancolie. Il avait un peu près la même taille et la même musculature que son cadet mais il avait les cheveux courts et brun. En revanche, leurs yeux étaient identiques : en amende et couleur émeraude. Ils les tenaient de leur père.
— Antho ! Tu peux pas rester ainsi. Il faut que tu sortes un peu sinon tu vas finir par vraiment tomber dans la dépression.
— J’ai pas envie de sortir et encore moins rencontrer des filles, fit-il en anticipant la réplique suivante.
— Tu as tort. Ca te ferait du bien et puis tu n’es pas obligé de te marier, sourit l’aîné. Amuses-toi !
— Laisse tomber !
— Sers-moi une bière au lieu de raconter des conneries.
Le cadet soupira mais alla chercher deux bières dans le frigo. Quand il revint dans le salon, il s’installa avec son frère dans les fauteuils qui se faisaient face. Ils trinquèrent et burent chacun une gorgée. Ils ne prononcèrent aucun un mot durant plusieurs minutes.
— Et si tu me disais ce qui te tracasse ? lui demanda enfin Dimitri.
— J’en sais rien.
— Arrête de mentir ! Je te connais. Alors accouche ! grogna le brun.
Dans ces cas là, Anthony savait que son frère ne rigolait plus. Mais pouvait-il lui dire la vérité ? Et dans ce cas, qu’allait penser Dimitri de lui ? Il posa la bouteille d’alcool sur la table basse devant lui et se cala au plus profond du fauteuil. Il soupira bruyamment.
— J’ai pas envie d’en parler. Pas encore, finit-il par dire.
— C’est pas une réponse ça ! Alors ?
Dimitri insistait mais Anthony avait peur d’être rejeté s’il dévoilait ses sentiments. Devant le mutisme de son cadet, l’aîné reposa sa question.
— Ecoutes Dim, je sais que tu es inquiet mais je te le redis : j’ai pas encore envie d’en parler !
— Et qu’est-ce qui t’en empêche, hein !
Dimitri ne comprenait plus son frère. Il n’y avait pas si longtemps de cela, Anthony se confiait à lui et cela ne faisait que renforcer son inquiétude.
— Que je t’en parle ou non ne changera rien ! Sauf peut-être ta façon de me regarder…, murmura le châtain.
— Que veux-tu dire à la fin ? l’interrogea doucement le brun.
— Rien…
Dimitri soupira lourdement. Son frère se montrait tout autant borné que lui. Il se résolut à laisser tomber. Du moins pour le moment. Avec le peu d’expérience qu’il avait, l’aîné savait tout de même que rester muet et seul n’aiderait pas son frère. Bien que seulement deux ans les séparaient, Dimitri avait toujours mit un point d’honneur à être là pour son cadet. Ils étaient seuls depuis la mort de leurs parents et naturellement il s’était occupé de son jeune frère, même s’ils avaient l’âge de s’assumer seuls.
— Promets-moi au moins de me parler. Tu sais que tu peux tout me dire, sourit l’aîné.
— Je te le promets. Mais laisses-moi du temps, j’ai besoin de réfléchir à tout cela avant, répondit énigmatiquement Anthony.
— Très bien ! Mais on mange ensemble.
— D’accord, fit le cadet peu enthousiaste.
— On va à l’endroit habituel, et c’est toi qui régal ! conclut Dimitri dans un éclat de rire.
Anthony, lui, n’avait pas vraiment envie d’aller dans ce restaurant. Et puis pourquoi devait-il payer ? Et pourquoi son frère voulait-il aller là-bas, n’y avait-il pas d’autres établissements ?
— Pourrait-on aller ailleurs ?
— Nop. J’ai repéré une petite serveuse et j’aimerais faire un pas vers elle, si tu vois ce que je veux dire ! répondit le brun en se frottant les mains. Tu sais sa collègue n’est pas mal non plus, ajouta-t-il en lui faisant un clin d’oeil.
— Non merci, pas intéressé.
— Elles sont pourtant canons !
— Laisse tomber. C’est d’accord on y va. Mais laisses-moi en dehors de tes plans.
Dimitri acquiesça et ensemble quittèrent l’appartement du cadet. Ils prirent la voiture de Dimitri pour se rendre à « l’Escale ». C’était un restaurant de taille moyenne. Moderne. Convivial. Agréable. Ils avaient déniché cet endroit plusieurs mois auparavant et y venaient souvent. Du moins au début, mais Anthony refusait d’y aller depuis quelques semaines, sans vraiment donner d’explications à son frère. C’est là qu’il l’avait vu pour la première fois et depuis son coeur battait la chamade rien qu’en y pensant. Il l’avait croisé également au supermarché du coin. Il se souvint s’être caché pour me pas être vu en train de scruter son corps. Il ne voulait plus non plus aller à la salle de sport, il l’y avait vu également. A croire qu’on lui courrait après alors que lui fondait sur ce visage d’ange et ce corps athlétique et qu’il était improbable que le contraire ne se produise.
Il ignorait tout de cette personne. Son prénom, son âge, son travail, ses passions… Néanmoins, il ne pensait qu’à elle quasiment jour et nuit. Et alors qu’Anthony se perdait dans les méandres de ses songes, son frère garait la voiture non loin de l’entrée du fameux restaurant.
— Oï frangin ! Tu roupilles ? On est arrivé, fit remarquer Dimitri.
Anthony releva la tête vers son aîné, sans envie. Non vraiment, il ne voulait pas être là. Il soupira avant de quitter la voiture.
Les frères furent installés à droite de l’entrée, vers le milieu de la salle, sur une table pour quatre personnes. La serveuse – brune aux cheveux long, toujours tressés pendant le service – débarrassait la table tout en leur demandant s’ils souhaitaient prendre un apéritif.
— Deux bières, s’il vous plait, commanda Dimitri.
— Très bien. Je vous apporte ça, fit la jeune femme.
— Alors comment tu la trouves ?
— Comment ça ? lui demanda Anthony.
— C’est la nana dont je t’ai parlé. Mignonne non !
— Pas mon style, répondit évasivement le cadet.
— Et la rouquine, là-bas ?
— Pareil ! Je te l’ai dit : laisses-moi en dehors de tes plans.
Dimitri fut surpris car il pensait vraiment qu’Anthony serait intéressé par la serveuse qui s’activait dans une autre partie de l’établissement. Il observait son frère mais celui-ci ne regardait absolument pas la jeune femme. Anthony se focalisait simplement la carte.
— Antho, qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta l’aîné qui n’avait pas l’habitude de le voir ainsi.
— Rien.
— Te fous pas de moi ! Raconte !
— Je te dis qu’il n’y a rien ! répondit-il en haussant le ton.
— Antho, je ne cherche pas t’énerver. Je commence sérieusement à m’inquiéter. Ca fait un moment que tu ne veux plus sortir et que tu te fermes comme une huître. Si tu as des problèmes, tu peux m’en parler tu sais.
Le ton de l’aîné laissait paraître sa préoccupation pourtant Anthony resta muet. Dimitri soupira bruyamment. C’était la première fois, que Dimitri ne comprenait pas vraiment son cadet.
La serveuse revint quelques minutes plus tard avec les deux boissons et en profita pour prendre la commande des plats. La dernière fois que Dimitri était venu déjeuner, il avait entendu son prénom : Vanessa. Ce soir, il était décidé à lui donner son numéro de téléphone. Il se refusait de demander le numéro des femmes qu’il souhaitait approcher. C’était un principe pour lui et surtout sa méthode pour draguer. Il avait prévu le pourboire : un billet sur lequel il avait laissé un morceau de papier discret avec son numéro de portable.
Anthony ne regardait pas autour de lui de peur de tomber sur la personne qu’il tentait d’éviter. Cette même personne qui hantait ses pensées et ses songes. Où pouvait-elle se trouver en ce moment ? Que faisait-elle ? Pensait-elle à lui, comme lui pensait à elle ? Anthony se perdait entre sa raison et son coeur qui le faisait de plus en plus souffrir. Il se sentait désemparé face à ces sentiments peu commun. Peu commun ? Oui, c’était le cas pour lui.
Le cadet regardait son frère qui semblait ne jamais quitter des yeux la serveuse qui lui avait tapé dans l’oeil. Il jeta un oeil à l’autre serveuse mais il la trouva fade, pas son type. Il ne se passait rien en lui. Un bruit le tira de sa réflexion. Celui de la porte d’entrée du restaurant. Machinalement, il détourna sa tête afin de voir le visage des personnes qui entraient. Son coeur cessa de battre. L’oxygène lui manquait, il s’étouffait. Il sentit son corps lui échapper et pire… ses joues semblaient se colorer. Il baissa rapidement la tête mais pas assez vite pour que Dimitri ne se rende compte de quoique ce soit.
— Qu’est-ce qu’il y a, Antho ? l’interrogea-t-il déconcerté par l’attitude de son cadet.
— Rien ! Il n’y a rien. Je vais prendre l’air cinq minutes, murmura Anthony.
— Antho…
Dimitri regarda son frère sortir de l’établissement, tout en se demandant qu’elle mouche avait bien pu le piquer. Le cadet reprenait pied peu à peu. L’air extérieur lui était bénéfique. Pourquoi se trouvait-il dans cet état chaque fois qu’il l’apercevait ? Autour de lui, se trouvaient quelques fumeurs qui discutaient joyeusement. Parfois il sourit en les entendant, parfois il n’écoutait pas. En même temps, c’était malpoli d’écouter aux portes. Puis, ils rentrèrent tous, sauf lui. Il voulait profiter du calme et puis son corps le trahissait encore. Son coeur avait à peine ralenti et ses membres tremblaient encore un peu. Mais il lui faudra bien retourner à l’intérieur. Il soupirait lorsqu’il entendit la porte du restaurant s’ouvrir. Il n’avait vu personne approcher, il sut alors que des clients sortaient. Un voix l’interpella.
— Il fait meilleur ici que dedans.
— Oui, je confirme, répondit Anthony en levant la tête vers son interlocuteur.
Il déglutit péniblement. Sa respiration se saccada. Ses membres se remirent à trembler fortement. Son visage semblait rougir, s’il se fiait à la chaleur qui s’en dégageait.
— Que t’arrive-t-il d’un coup ? Tu es tout rouge …
Mais les cordes vocales d’Anthony devinrent capricieuses et ne firent sortir aucun son de sa bouche. Il était figé, ses émeraudes accrochées aux perles azur qui le fixaient également. Il fallut plusieurs secondes à Anthony pour reprendre un semblant de contrôle.
— Je … je vais bien, réussit-il à dire enfin.
— Je m’appelle Nathan, fit-il en tendant sa main droite vers celle d’Anthony.
Nathan était plus grand qu’Anthony, pas de beaucoup mais assez pour que cela se voit. Ses yeux étaient bleus clairs, ils tranchaient avec ses cheveux noirs qu’il portait mi-long. Son corps, en y regardant de plus près, était bien sculpté. Le châtain devait se reprendre, mais c’était trop difficile pour lui. Il était bien trop proche de l’objet de ses fantasmes et en plus ils discutaient. C’était trop pour lui.
— Enchanté. Anthony, dit-il en bégayant.
— Enchanté, sourit Nathan. C’est pas la première fois que je te vois ici.
— Je viens souvent oui.
Que dire de plus ? Les deux hommes ne dirent plus un seul mot. Dehors la fraîcheur commençait à se faire ressentir et Anthony ne pouvait plus rester là. Etre la présence de ce type lui broyait les entrailles.
— On dirait que ton mec s’impatiente, fit remarquer d’un coup Nathan en souriant.
— Hein ! Mon mec ? Non mais ça va pas, c’est pas mon mec ! C’est mon frère ! s’énerva presque Anthony.
D’ailleurs pourquoi cela l’avait-il mis dans cet état ? Et puis dit comme cela, il affirmait qu’il pouvait être gay. Il donnait un mauvais message à Nathan qui l’était peut-être. Et pourquoi pensait-il à tout cela ? Pourquoi cela le touchait-il autant ? C’était vrai qu’il ne pensait qu’à lui depuis des semaines mais était-il attiré par lui pour autant ?
— Désolé, mais vu son comportement, j’ai cru que…
— Il est inquiet pour moi, c’est tout.
— Tu devrais peut-être aller le rejoindre.
— Oui, sans doute, murmura Anthony.
— Je dois partir, mais je serais ravi de te recroiser, fit Nathan.
— Bonne soirée, et de même, réussit à dire Anthony sans bégayer.
Alors qu’Anthony ouvrait la porte du restaurant afin d’aller rejoindre son frère, Nathan, lui, traversa la route et enfourcha une moto de grosse cylindrée. Après avoir mis son casque, qu’il avait laissé sur le rétro de sa machine, Nathan démarra le moteur et se mit en route. Avant de disparaître dans le flot de la circulation, le motard se retourna vers Anthony et lui fit un signe de main. Anthony ne sentait plus son corps. Ses mains et ses jambes tremblaient. Son coeur s’emballa sans qu’il puisse y faire quoique ce soit. Timidement, il répondit néanmoins à Nathan, puis il rejoignit Dimitri qui semblait s’impatienter.
— J’ai pas l’impression que prendre l’air t’aies fait du bien, fit remarquer Dimitri.
Anthony se ré-installa à table, en face de son frère. Il semblait absent et sa respiration était saccadée.
— Antho ? Tout va bien ?
— Hein ? Heu ! Oui ! Désolé.
Le cadet riva ses orbes dans son assiette, arrivée alors qu’il était dehors. Il se demandait où avait pu partir Nathan. Nathan. Ce prénom résonnait dans sa tête depuis qu’il l’avait appris. Jusqu’à aujourd’hui ce type qui hantait ses pensées n’était qu’un visage, qu’un corps, presque une ombre parfois, mais en fait, il avait un prénom. Nathan. Perdu dans ses pensées, il n’entendait plus son frère l’appeler. Dimitri inquiet pour son cadet, posa l’une de ses mains sur son épaule.
— Vas-tu enfin me dire ce qu’il t’arrive ?
Anthony regarda enfin son frère. Dimitri était vraiment très inquiet. Le cadet soupira, la mine triste.
— Je suis désolé de t’inquiéter, Dim. Mais je ne veux pas en parler. Pas encore. Je veux comprendre d’abord.
— Comprendre quoi ?
— Ce que j’ai. Ce que je ressens…
— T’es amoureux, c’est ça ? Mais je ne comprends pas pourquoi ça te mets dans cet état !
— Je te promets de te parler, mais pas avant que je ne sois sûr. Tu comprends ?
Dimitri se résigna. Jamais encore Anthony avait eu l’air si désespéré.
— Très bien, Anthony. Je n’insiste pas plus. Mais promets moi de te ressaisir, ça ne te ressemble pas d’être comme ça.
— Je te le promets, mais laisse-moi du temps.
Les deux frères se sourirent et dînèrent sans reparler de l’état d’esprit d’Anthony. Dimitri tentait d’apprivoiser Vanessa, la serveuse, mais elle semblait résister à ce qu’il appelait « son charme ». Le cadet le regardait faire, il le jalousait de pouvoir parler ainsi à cette fille qui lui plaisait tant.
Quelques heures plus tard, ils avaient terminés de dîner. Tandis qu’Anthony payait la note, Dimitri était dehors et parlait avec Vanessa qui riait. Visiblement, l’aîné avait réussi à apprivoiser la belle. Lorsque Anthony rejoignit son frère, la serveuse le salua et rentra dans le restaurant.
— Apparement ça se passe bien avec elle, sourit presque tristement Anthony.
— J’ai pu lui donner mon numéro de téléphone, se réjouit Dimitri. Attends une minute !
Quelque chose s’insinua dans l’esprit de Dimitri. Non ! Ca ne se pouvait pas ? Si ?
— Tu es amoureux de Vanessa aussi, c’est pour ça que tu n’es pas bien ? C’est ça ? demanda l’aîné, sans amertume.
Anthony releva la tête vers son frère, surprit par ce qu’il venait d’entendre.
— Hein ? Mais non ! Absolument pas ! se défendit-il.
— Tu sais je ne t’en voudrais pas, affirma l’aîné.
— Elle est mignonne et sympa mais c’est pas mon style, reprit Anthony.
— T’es sûr ?
— Oui, je suis sûr, sourit le cadet.
— Mais tu as eu l’air tellement triste en nous voyant que j’ai pensé que…
— Je suis juste jaloux de voir que tu peux lui parler sereinement alors qu’elle te plait. Moi, je n’y arrive pas, soupira-t-il.
— Les mots viendront le moment venu, le rassura Dimitri.
Possible. Ou pas. Les sentiments qui l’assaillaient n’étaient pas vraiment simples à gérer. Anthony voulait rentrer chez lui et demanda à son frère de le ramener.
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Depuis le soir où Dimitri et lui avaient été dînés à « l’Escale », il n’avait pas revu Nathan. De temps à autre, Anthony se rendait à la salle de sport, juste pour pouvoir l’apercevoir mais depuis plusieurs jours il ne l’avait pas croisé. Bien sûr, il se cachait pour le regarder et il ne souhaitait pas que Nathan le voit.
Chaque jour, Anthony pensait à Nathan. A sa voix, rauque. Sa démarche, tel un prédateur. Son corps bien bâti, tel un athlète . Ses yeux, d’un bleu clair envoutant. Son visage, doux. Ses lèvres, sur les siennes. Embrasser un homme, quel goût cela avait ? Anthony n’arrivait plus à sortir Nathan de sa tête. Depuis leur mini discussion, c’était de pire en pire. Son coeur se broyait rien qu’en se souvenant de cet instant. Sa respiration se saccadait en une fraction de seconde. Il ne tenait plus. Pourtant, il ne faisait rien pour croiser Nathan de nouveau. La peur de voir son dégoût dans ses yeux, sans doute. Lui, se dégoûtait parfois. Souvent.
Assis derrière son bureau à l’agence immobilière pour laquelle il travaillait, il se rabroua afin de se mettre enfin au travail. Il gérait particulièrement les professionnels. Entrepôts, commerces, bureaux… En ce moment, il travaillait pour un très gros client, qui souhaitant agrandir, avait besoin d’un très grand entrepôts afin d’y faire du stockage. Il devait être sécurisé, bien évidemment. Ce dossier lui prenait beaucoup de temps. Ce n’était guère facile de répondre à la demande de son client mais il était pro et dégotait toujours la perle rare. Il avait une bonne réputation dans le circuit et sa patronne en était très fière.
La porte de l’agence s’ouvrit. Il n’y prêta pas attention, la réceptionniste était là pour dispatcher les clients, récupérer les dossiers et autres documents. Son téléphone sonna, le sortant de ses pensées.
— Antho, j’ai un client pour toi. Tu es dispo, là où il vaut mieux qu’il prenne un rendez-vous ? lui demanda Marie, la réceptionniste.
— Et bien, je travaille sur un dossier complexe mais comme je ne trouve rien, tu peux faire entrer cette personne, ça me changera les idées.
— Très bien. Merci. Je te l’envoie.
L’agent immobilier rangea le dossier sur lequel il travaillait depuis le matin, et réorganisa son bureau afin de le rendre plus accueillant pour son futur client.
— Bonjour, entendit-il.
Il leva la tête. Un vertige le prit. Il devint pâle puis rouge en à peine quelques secondes.
— Tout va bien ? Tu veux un verre d’eau ?
Mais Anthony n’arrivait pas à faire sortir le moindre son de sa bouche. Le visiteur retourna vite voir Marie et lui demanda un verra d’eau pour l’agent immobilier. Evidemment, elle et Sophie, leur patronne, s’inquiétèrent immédiatement.
— Pas de soucis, j’ai dû simplement le surprendre en arrivant sans bruit. Je suis confus, s’excusa le client.
— Anthony n’est pas très bien depuis un moment, mais il refuse de nous dire quoi que ce soit. Ce n’est en rien votre faute, fit Sophie.
— Dans ce cas, je repasserais un autre jour, dit le client.
— Non, c’est bon. Je suis désolé. J’ai été surpris, c’est tout. Je peux te recevoir.
— Vous vous connaissez ? demanda la patronne de l’agence.
— Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises, sourit-il.
— Très bien. Tu es sûr que ça ira Antho ? demanda Sophie.
— Oui. Suis-moi, fit-il à son bourreau.
Le « oui » d’Anthony sonnait faut. Sophie le connaissait depuis des années et s’en était rendu compte. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que le mal-être de son employé et ce type étaient liés. Mais dans quelles mesures ?
— Je suis désolé de t’avoir fait peur, fit Nathan penaud.
— Ce … ce n’est pas grave, c’est passé.
En fait, non ! Ce n’était pas passé. Pourquoi Nathan était-il là, devant lui ? Pourquoi son corps tremblait-il comme un ado devant son premier émoi ? Pourquoi ne réussissait-il pas à aligner deux mots sans suffoquer ? Pourquoi se comportait-il comme un amoureux devant sa bien-aimée ? Nathan était un homme ! Jamais il n’avait regarder les hommes avant, du moins pas qu’il se souvienne. D’ailleurs, il ne regardait que lui… Anthony se mit une claque mentale. L’objet de ses songes était en face de lui et avait très certainement une raison d’être ici.
— Je peux repasser plus tard, si tu veux, redit Nathan.
— Non, non c’est bon, sourit timidement Anthony. Que puis-je faire pour toi ?
Même si son corps lui jouait des tours, Anthony était heureux de voir celui qui hantait ses pensées depuis des semaines. Il tentait au mieux de reprendre le contrôle de son corps, et essayait de voir Nathan comme un client. Ce qu’il était, d’ailleurs…
— Et bien, je recherche un nouveau local et un bout de terrain pas très loin du local.
— Très bien, fit l’agent immobilier en prenant des notes. As-tu une idée de la superficie du local et du terrain ?
Le côté pro d’Anthony se réveillait.
— Et bien pour le local cinquante/soixante mètres carrés avec WC, lave main et éventuellement un petit coin cuisine. Mais s’il faut entreprendre des travaux, je suis ok. Et pour le terrain, il doit faire une dizaine de mètres de large et au moins cent cinquante mètres de long, mais deux cents mètres ce serait parfait.
— Drôle de dimensions, remarqua l’agent.
— Ha oui ! Pardon ! Je suis moniteur auto-école et je viens de passer la mention deux-roues pour faire passer les permis moto, du coup j’ai besoin d’un endroit pour faire travailler mes futurs élèves. Les endroits collectifs ne me plaisent pas, et sont souvent inadaptés comme des parkings. J’ai envie d’autre chose pour mon activité et une piste privée serait un plus.
— Je comprends, oui. Tu veux louer ou acheter ?
— Acheter, ce serait idéal.
— Ton budget ?
— Environ quatre cents mille euros si travaux et un peu plus si pas de travaux. Mais ce n’est pas mon budget limite.
— Très bien. Ce ne sera pas facile, enfin pour le terrain mais je vais faire mon possible pour te trouver ça.
— Merci, Anthony, sourit Nathan.
— De rien, c’est mon job. Tu as une contrainte de temps ?
— Pas vraiment, mais j’ai envie de très vite commencer les leçons moto.
— Très bien, je me mets de suite au travaille. J’ai besoin d’informations pour créer ta fiche client, avant que tu ne partes.
— Tout ce que tu veux.
Nathan était décontracté. Il souriait tout le temps et regardait son interlocuteur dans les yeux, ce qui gênait l’agent immobilier. Anthony rapprocha son ordinateur portable et pianota sur le clavier puis s’adressa de nouveau à son client.
— J’ai besoin de ton nom de famille, ton adresse et ton numéro de téléphone.
La voix d’Anthony tremblait, il espérait que son vis-à-vis ne s’en rende pas compte mais Nathan avait perçu l’hésitation de l’agent immobilier. Il ne dit rien afin de ne pas le déstabiliser davantage.
— Nathan LIERRAT.
Antho prenait toutes les informations qu’il avait demandées. Arrivé au numéro de téléphone, se sont ses mains qui se mirent à trembler sur son clavier. Mais il réussit à le noter sans erreur.
— C’est noté. Merci. Je t’appelle dans quelques jours pour te dire ce que j’ai trouvé.
— Merci, Anthony. A bientôt alors, sourit le moniteur.
Alors que son client s’apprêtait à quitter son bureau, il se souvint qu’il ne lui avait pas donné sa carte de visite.
— Nathan… Je ne t’ai pas donné ma carte, si jamais tu as besoin de me recontacter, dit-il en lui tendant sa carte.
— Merci…
Et Nathan quitta non seulement son bureau mais également l’agence. Anthony se laissa tomber dans son fauteuil de bureau et enfouie son visage dans ses mains. Son corps le faisait souffrir et son coeur ne cessait de battre la chamade dans sa poitrine. Il ne réussissait pas à se reprendre.
— Antho, tout va bien, lui demanda Sophie en lui tendant un verre d’eau.
— Je suis désolé. Je ne me suis pas comporté comme un pro, s’excusa-t-il.
— Tu n’as pas à t’en faire et puis tu as réussi à reprendre ton « costume » d’agent immo, donc pour moi tu as fait ton boulot comme d’habitude. Je suis juste inquiète pour l’ami que tu es. Qui est ce type ? Tu t’es décomposé en le voyant ? Il ne te cherche pas d’ennuis au moins ?
— Non ce n’est pas ça du tout. C’est juste que… que
Les mots ne voulaient toujours pas sortir de sa bouche. Pourtant, ne dit-on pas que parler avec quelqu’un de neutre peut faire du bien ?
— Si tu ne souhaites pas en parler, je comprends. Rappelle-toi juste que je suis là en cas de besoin, lui dit-elle.
— Merci, répondit simplement Anthony.
—————
Plusieurs jours après la visite à l’agence de Nathan, Anthony dénicha plusieurs biens qui pourraient intéresser son client. Mais encore fallait-il lui téléphoner. L’agent immobilier ne réussissait pas à prendre son portable pour passer l’appel. Pourtant, il le fallait et cela lui donnerait une excuse d’entendre sa voix et de le voir.
Plus les jours passaient, plus il travaillait sur le dossier de Nathan et plus Anthony pensait à lui. Ce qu’il supposa alors lui fit peur. Comment affronter le regard des autres mais surtout le sien – celui de Nathan – et celui de son frère ? Il ne se souvenait pas avoir déjà eu des sentiments pour un autre homme, pourtant une part de lui trouvait cela naturel.
Antho se résigna enfin à passer l’appel tant redouté. A chaque sonnerie qui retentissait dans l’appareil, son corps frissonnait et son cœur semblait vouloir s’arrêter de battre, c’est ce qu’il fit lorsque qu’une voix résonna dans le téléphone.
— Salut Anthony, dit sans attendre Nathan.
— Sa… salut, répondit timidement l’agent immobilier.
— Tout va bien ? s’inquiéta le moniteur. Ta voix est bizarre !
— Oui, oui ça va. Désolé, j’ai la tête ailleurs.
— Ok. Je suppose que tu as trouvé des trucs, c’est pour cela que tu appelles ? rebondit Nathan.
L’agent immobilier respira profondément et silencieusement, afin de reprendre contenance. Il ne voulait pas que Nathan s’aperçoive qu’il le troublait.
— Oui. J’ai déniché plusieurs biens. Il faudrait qu’on aille les visiter, mais avec ton boulot je suppose que cela ne sera pas facile de trouver un moment.
— Si ça peut attendre samedi midi, c’est ok pour moi. Je ne bosse pas les samedis après-midi.
— Très bien. Le rendez-vous est noté et je vais de suite appeler les propriétaires.
— Super. On se retrouve où ?
— A l’agence, pour les treize heures trente ?
Il y eu un blanc. Nathan ne dit plus rien pendant plusieurs secondes. Que lui arrivait-il ? Anthony se posait mille questions, mais il rompit le silence.
— Si l’heure ne te convient pas, on peut décaler plus tard dans l’après-midi, proposa l’agent.
— Non, non. Treize heures trente, c’est bon.
Le ton de Nathan avait changé. Il était toujours enjoué, du moins chaque fois qu’Anthony l’avait croisé. Et il l’était au début de leur conversation téléphonique. Pourquoi avait-il changé aussi vite d’humeur ? L’agent se demandait ce qu’il avait bien pu dire pour que son client change à ce point.
— Tu es sûr ? Je n’ai pas d’autres rendez-vous de prévu, je peux donc facilement décaler, expliqua l’agent.
— Merci, mais treize heures trente, ça ira. Désolé mais je dois te laisser. Le boulot. Merci pour ton appel et à samedi.
— Très bien. Pas de problème je comprends. A samedi.
Anthony avait perçu un nouveau changement d’humeur chez son interlocuteur. Il semblait être redevenu un peu plus joyeux. Mais il devait sans doute se tromper. Il tenta de se remettre au travail mais il ne réussissait pas à rester concentré. Sophie vit que quelque chose tracassait son employé et ami. Aussi, elle passa dans la cuisine et prépara deux tasses de café et alla rejoindre Anthony dans son bureau.
— Tiens, fit-elle.
— Merci Sophie, mais pourquoi ?
— Tu as une sale mine, et j’ai pensé qu’une pause te ferait du bien, lui sourit-elle.
— Tu as sans doute raison, murmura-t-il.
Plusieurs secondes s’écoulèrent. Pas un mot ne se fit entendre. Et puis Sophie en eu assez.
— Bon puisque tu ne veux pas parler, tu vas au moins m’écouter.
Anthony releva la tête et observa sa patronne, l’air surpris.
— Ne fait pas cette tête. Je sais que tu ne vas pas bien.
— Merci de t’inquiéter mais il n’y a rien que tu puisses faire.
— Peut-être mais tu vas quand même m’écouter !
Le ton de Sophie était ferme mais rempli de tendresse. C’était une femme simple et gentille. Brune aux cheveux courts. De taille moyenne et élancée. Elégante en toute circonstance. Elle n’avait pas oublié qu’elle avait aussi eu un patron un jour et que cela n’avait pas toujours été facile. Aussi, elle insistait pour que tout le monde se tutoie au bureau, elle y compris, et préférait le dialogue ouvert plutôt que d’imposer ses choix. Elle était patronne oui, mais elle ne mettait que rarement ce fait en avant. L’ambiance à l’agence était donc détendue et bonne enfant, et le travail y était bien plus rigoureux. Tout le monde y gagnait.
— Cela fait plusieurs mois que tu déprimes tout seul dans ton coin. Ici, tout le monde s’inquiète et se pose des questions. Ton frère m’a appelé, il y a quelques jours, pour savoir si tu m’avais dit quelque chose.
Lorsque Sophie avait fait allusion à Dimitri, Antho grimaça.
— Ne lui en veux pas, Antho. Dimitri ne sait plus quoi faire ni comment te parler. Il est inquiet, c’est normal. Il t’aime, dit tendrement Sophie.
— Je le sais, oui. Mais ne peut-il pas aussi me faire confiance. Je lui ai dit que je parlerais quand je saurai vraiment ce que j’ai.
— Mais tu sais très bien ce qu’il y a, je me trompe ?
L’agent immobilier écarquilla très grand ses iris.
— Très bien. Je suppose que cela à voir avec le client de l’autre jour. Quand tu l’as vu tu es passé par toutes les couleurs. J’ai d’abord supposé qu’il te cherchait des ennuis mais lorsqu’il est parti ton visage s’est teinté de rouge. Et là encore, au téléphone. Tu étais bien avec lui ?
Le mutisme de son ami fit comprendre à Sophie qu’elle était sur la voie.
— Je vois. J’ai raison, n’est-ce-pas ?
Anthony ravala péniblement sa salive. Elle ne pouvait avoir compris ? Si ? Son coeur se mit à battre de plus en plus fort, mais impossible pour lui de dire quoi que ce soit.
— Tu sais Antho, ce n’est pas la première fois que je te vois ainsi. C’est arrivé une ou deux fois. Je n’y ai pas vraiment fait attention, jusqu’à ce client, que tu sembles connaître.
— Que…veux-tu dire ? demanda enfin Anthony.
— Ce que je veux te dire c’est que tu devrais essayer de te détendre et lui parler.
— Lui parler de quoi, reprit-il innocemment.
Sophie respira profondément avant de se lever pour aller fermer la porte du bureau, puis elle revint s’asseoir.
— Dis-lui ce que tu ressens pour lui.
— Hein !!!
— Tu es attiré par ce type, peut-être même en es-tu amoureux. Parles-lui.
— Non mais t’es dingue ! Je ne suis amoureux de personne et encore moins de lui ! s’énerva le jeune homme.
— Reste calme, Antho. Nous discutons là. Je ne suis pas aveugle, tu sais. Tu as regardé bien plus de mecs que de nanas depuis que tu bosses ici. Perso, je n’ai rien contre l’homosexualité et c’est pour ça que je me permets de te parler ainsi.
— C’est n’importe quoi !
— Antho, regarde-moi, demanda la patronne.
Il releva ses yeux vers Sophie qui continuait de lui sourire. Il n’y avait rien de mauvais dans le regard de cette femme. Il soupira.
— C’est peut-être arrivé une fois ou deux, oui mais je ne dirais pas pour autant que je suis gay, murmura-t-il presque honteux.
— Tu ne devrais pas avoir honte de tes sentiments. Rien n’est plus beau que l’amour, lui expliqua-t-elle. Je sens que pour lui c’est différent. Tu es bien plus troublé que les autres fois et si je ne fais toujours pas d’erreurs, c’est à cause de lui que tu es dans cet état depuis un moment…
Elle le regardait amicalement, Anthony était surpris que Sophie lui parle aussi ouvertement, mais en même temps cela lui ressemblait bien. Elle était perspicace et avait compris de suite.
— Très bien, tu as gagné, se résigna-t-il. Je l’ai croisé dans un resto où Dim et moi allons très souvent. Je l’ai revu dans la salle de sport où je vais, et puis au supermarché. J’évite d’y retourner de peur de le croiser à nouveau. Il m’obsède depuis le premier jour. Je ne sais pas quoi faire pour le chasser de ma tête. Il me hante jour et nuit. L’autre jour, mon frère a insisté pour qu’on aille manger ensemble et il a insisté pour aller dans ce resto où je l’avais croisé, j’ai refusé mais il n’a rien voulu entendre. Il drague l’une des serveuses.
Anthony s’arrêta un moment et bu enfin une gorgé du café, maintenant tiède, que lui avait apporté sa patronne.
— Ce soir là, il est arrivé. J’ai cru que mon coeur s’arrêtait. Je suis sorti prendre l’air, histoire de me remettre, et puis il est ressorti. Il m’a parlé de banalités. Je n’arrivais même pas à aligner deux mots… Tu … tu as raison. Il m’attire comme jamais personne ne m’a attiré jusqu’à maintenant mais j’ignore si je suis amoureux de lui. De toute façon cela ne changerait rien de le savoir. Lui se fiche sans doute de moi, dit-il avec peine.
— Antho, ne pense pas pour les autres. Tu ignores tout de lui, et tu ne seras fixé que si tu lui parles.
— Facile à dire. Je vais prendre le râteau de ma vie surtout que rien ne laisse à penser qu’il pourrait être gay.
— Penses-tu qu’il soit venu dans cette agence par hasard ?
— Evidemment !
— Moi j’en doute, sourit-elle.
— Hein !
— Je l’ai vu la veille de sa venue. J’ai eu un doute, mais aujourd’hui je sais qu’il te suivait. Il a regardé la vitrine mais il semblait chercher quelqu’un. Lorsqu’il t’a aperçu, il a souri et il partit. Et le lendemain, le revoilà…
— Impossible… Tu te trompes. Il a dû passer par là par hasard ce jour là et il est revenu le lendemain, voilà tout, tenta d’expliquer Anthony.
— Ok… Tu avais l’air étrange après votre coup de téléphone, il t’a dit quelque chose ?
— Lorsque je lui ai proposé d’aller visiter les biens que j’ai trouvé, il était enthousiaste mais quand je lui ai demandé de me retrouver ici samedi à treize heures trente…, je ne sais pas je me trompe certainement, mais il a semblé lointain.
— Lointain ?
Anthony expliqua alors à Sophie que c’était une sensation mais pendant quelques instants, Nathan avait presque l’air embêté. L’agent immobilier ne réussissait pas exprimer ce qu’il avait ressenti alors.
— Je vois. Tu lui a proposé de vous rencontrer plus tard, je suppose ?
— Oui, mais il a dit que ça lui allait.
— Alors peut-être voulait-il que votre rendez-vous s’avance, pensa-t-elle à haute voix.
— Comment ça ? répondit-il surpris.
— A partir de quelle heure est-il dispo samedi ?
— Il m’a dit qu’il finissait à midi. Pourquoi ?
Sophie pensait avoir compris mais rien était sûr évidemment.
— Alors peut-être avait-il espéré que vous déjeuneriez ensemble avant d’aller faire les visites.
Impossible que cela soit cela. Anthony n’y croyait absolument pas.
— Je ne pense pas non, répondit Antho.
— Comme tu veux. Aller, je retourne bosser, dit Sophie en lui faisant un clin d’oeil.
— Merci et désolé, reprit-il.
— Pas de problème. Mais va lui parler, ok !
La patronne quitta le bureau de son ami et regagna le sien. Cette conversation avait remué les tripes d’Anthony. Sophie lui avait fait comprendre qu’il ne pouvait pas savoir ce que pensait Nathan et que le meilleur moyen de savoir c’était de lui parler ouvertement. Encore fallait-il en avoir le courage…
—————
Anthony s’était décidé à parler à son frère. Sa conversation avec Sophie lui avait fait beaucoup de bien néanmoins il devait aussi une explication à Dimitri. Seulement, il ignorait comment son frère allait prendre cette nouvelle, lui avait déjà un mal fou à admettre qu’il était attiré par un autre homme…
Le cadet cuisinait encore lorsque Dimitri arriva. Dans le petit appartement, une bonne odeur s’échappait de la cuisine et depuis le palier, on pouvait la sentir. Dimitri sonna et entra directement, il se savait attendu et ne prit pas le soin d’attendre que son frère lui hurle d’entrer.
— Salut Antho, dit Dimitri en pénétrant dans la cuisine.
— Salut, répondit le cadet.
— Ca sent bon, comme d’habitude, félicita l’aîné. Tu as l’air de meilleure humeur, je suis content.
— Merci Dim. Oui je vais mieux, même si c’est pas encore le top, avoua-t-il.
Anthony prit deux bières dans le frigo et avec son frère alla dans le salon. Ils s’installèrent dans le canapé et discutèrent de banalité. Dimitri avait abandonné l’idée de faire parler son frère, il préférait attendre qu’il vienne de lui-même. Il pensa d’ailleurs que c’était pour cela que son cadet l’avait invité ce soir.
La soirée avançait tranquillement. Cela faisait un moment que les deux frères n’avaient pas passé une soirée aussi apaisante. Anthony semblait être sorti de sa déprime et cela ravissait Dimitri.
Le repas préparé par Anthony se révéla être délicieux, comme chaque fois. Il y avait plusieurs année, il avait pris quelques cours de cuisine, car il avait marre de manger des plats tout prêt et sans goût. Depuis, il préparait quasiment tout lui même. Il n’avait pas eu le temps de faire un dessert, celui qu’il servait venait de la boulangerie en bas de la rue. Tout y était bon, il ne se privait jamais de se faire plaisir en achetant des pâtisseries de temps en temps.
— Je suis content. Tu sembles aller mieux, mais il y a quelque chose qui cloche, affirma Dimitri.
Antho soupira et posa la tasse de café qu’il venait de prendre. Il détourna son regard de son frère. Presque honteux. Ses mains se mirent à trembler, mais Dimitri s’en aperçut.
— Antho, dit-il tendrement, dit-moi…
Le cadet releva lentement ses orbes vers son frère. Toujours honteux, comme lorsqu’il était gamin quand il faisait des bêtises et qu’il se faisait prendre la main dans le sac. Mais Dim était inquiet et il lui devait une explication.
— Je… je ne sais pas comment tu vas le prendre, Dim. Et ce n’est pas facile à dire…
Au début, Dimitri voulait tenter la plaisanterie en lui demandant s’il s’était marié en cachette, ou s’il était devenu papa mais le regard que lui montrait Antho, le fit se raviser. Il ne l’avait encore jamais vu ainsi.
— Dit-le comme ça te vient et prends le temps, ok. Et puis, je te rappelle que je suis ton frère et que la famille c’est nous deux. Jamais je ne te laisserais tomber, sourit-il.
— Je sais. Merci, Dim…
Anthony prit une profonde inspiration, et se jeta à l’eau, comme on dit.
— Je … je suis amoureux…
En écoutant son frère, Dimitri se demanda pourquoi il était si difficile pour Antho de lui dire qu’il aimait quelqu’un… A moins que Vanessa lui plaise aussi !
— Il s’appelle… Nathan…
Voilà c’était dit, pourtant il ne se sentait pas plus soulagé. Il attendait la sentence de son frère.
— Tu sais que tu m’as fichu la trouille, Antho !
— Hein ! ?
— J’ai cru un moment que tu allais me dire que Vanessa te plaisait et que tu m’avais menti l’autre jour pour ne pas me faire du mal.
Anthony regarda son frère, surpris. Avait-il compris les mots qui lui avait dit ou ne pensait-il vraiment qu’à cette fille ? Puis, Dimitri riva ses orbes à ceux de son cadet, et sourit.
— Tu pensais que j’aillais te renier par ce que tu es amoureux d’un mec ? T’es dingue, je ne pourrais jamais faire ça. Tu es mon petit frère et je t’aime tel que tu es. Et si tu trouves le bonheur dans les bras d’un homme, alors je serais heureux. Ton bonheur est ce qu’il y a de plus important pour moi, conclut-il avec un clin d’oeil.
Antho ne disait toujours rien. Il ne pensait pas que son frère réagirait ainsi, et il en fut soulagé.
— Tu sais je m’en doutais depuis longtemps.
— Comment… ça ?
— Quand tu étais petit, tu voulais te marier avec l’un de tes copains, mais tu ne dois pas t’en souvenir, tu étais petit. Et puis, je t’ai souvent vu mater des mecs au lycée et à la fac. Mais tu n’en as jamais fait allusion.
— Je ne me souviens pas.
— Alors, qui est ce Nathan ? lui demanda-t-il.
Anthony, qui se sentait mieux, se lança dans la description de Nathan et expliqua à son frère où et comment il l’avait vu la première fois – Dimitri comprit pourquoi il ne voulait plus aller à « l’Escale » – et comment il l’avait retrouvé à l’agence immobilière où il travaillait. Tout au long de sa narration, Antho tremblait rien qu’en évoquant Nathan et ses joues se teintèrent de rouge à de nombreuses reprises.
— Pourquoi ne pas lui avoir parlé de tes sentiments ? lui demanda Dim.
— Tu crois que c’est simple ? Il s’agit d’un mec ! Tu as déjà du mal à approcher une fille, comment tu peux penser que c’est plus facile pour moi ?
— Je vois. Pardon, Antho.
Le ton de Dimitri était sincère et son cadet ne lui en voulait pas.
— Que comptes-tu faire ?
— Rien, sans doute, répondit tristement Anthony.
— Te laisse pas aller, d’accord ! Tu le vois demain, c’est ça ?
Antho acquiesça.
— Ok. S’il te demande d’aller boire un verre, ne refuse pas.
— Pourquoi ferait-il ça ?
— Pour te remercier de ton travail, par exemple. Et s’il le fait, reste le plus possible avec lui. Essayes d’en savoir plus sur lui. Fais connaissance.
— Je ne réussis pas à aligner deux mots lorsqu’il est là, comment je pourrais tenir une conversation ?
— Laisse-toi porter par le moment, l’encouragea-t-il.
Plus facile à dire qu’à faire…
A suivre…
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